Séance du vendredi 24 avril 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 7e session - 15e séance

R 356
23. Proposition de résolution de Mme et MM. Anne Briol, Alain Etienne, Roger Beer, Gilles Godinat, Hubert Dethurens et Alain-Dominique Mauris concernant le classement d'une zone humide transfrontalière d'importance internationale au titre de la Convention de Ramsar. ( )R356

ExposÉ des motifs

Ramsar est une ville iranienne sur les bords de la mer Caspienne, où en 1971, plusieurs Etats ont conclu une convention relative aux zones humides d'importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d'eau. La Convention de Ramsar a été le premier traité intergouvernemental signé sur la protection de l'environnement. La Suisse l'a ratifié en 1976.

Basée à Gland dans le bâtiment de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), elle représente un atout important pour la Genève internationale.

106 Etats ont déjà ratifié cette convention. Ils ont mis sous sa protection 896 zones humides représentant au total plus de 67 millions d'hectares. Parmi les plus connues, on trouve par exemple les Everglades en Floride, le Pantanal au Brésil, le lac Nakuru au Kenya, la Camargue en Europe, etc.

D'une surface totale de 1032 hectares, le secteur de la rade de Genève et du Rhône jusqu'à son confluent avec l'Allondon constitue l'un des huit « Sites Ramsar » déclarés à ce jour d'importance internationale par la Suisse. Il est protégé au titre de l'Ordonnance fédérale sur les oiseaux d'eau et les migrateurs (OROEM 1991) et figure dans l'IFP (Inventaire Fédéral des sites et Paysages d'importance nationale) ainsi que dans l'inventaire des Zones européennes Importantes pour la Conservation des Oiseaux (ZICO/IBA) établi par Birdlife International.

Les zones humides sont importantes de par leur fonctions écologiques (stockage d'eau, renouvellement de la nappe phréatique, stabilisation des conditions climatiques locales, etc.) ainsi que par leur diversité biologique (oiseaux, mammifères, reptiles, poissons, etc.). Les pays membres de la Convention s'engagent à maintenir les caractéristiques écologiques de ces sites et à en faire une utilisation rationnelle.

Pour bénéficier d'un classement d'importance internationale, chaque site doit être « spécifique », c'est-à-dire rare ou inhabituel, vital pour le maintien de la diversité biologique d'une région ou entretenir au moins 20 000 oiseaux d'eau.

Lors de la dernière conférence des Etats Parties à la Convention qui s'est tenue en Australie, en mars 1996, une des priorités de celle-ci a été d'obtenir l'inscription d'un plus grand nombre de sites transfrontaliers.

Dans cet esprit, nous saisissons l'occasion de la journée mondiale des zones humides pour proposer, dans le cadre d'une approche régionale et d'une perspective internationale, l'extension du « Site Ramsar » du Rhône vers l'aval jusqu'aux marais de l'Etournel (pont Carnot) en France voisine et donner ainsi corps à un ensemble transfrontalier d'importance internationale. Les marais sont actuellement proposés par la France à l'Union européenne comme zone d'intervention prioritaire en faveur de la protection de l'environnement (Natura 2000).

L'extension proposée matérialisera au niveau international l'objectif de la loi cantonale sur la protection générale des rives du Rhône (M 8 4) et coïncidera du côté suisse, de l'embouchure de l'Allondon à la frontière, avec le périmètre de l'IFP. Du côté français, il comprendra au moins le lit majeur du fleuve, dans lequel s'inscrit notamment le périmètre d'un arrêté préfectoral de biotope de 1994 (cf. annexe) qui a pour but de « garantir l'équilibre biologique des milieux et la conservation des biotopes nécessaires à l'alimentation, la reproduction, au repos et à la survie des espèces ».

Qu'est-ce que cela implique pour notre canton?

D'abord de se concerter avec nos amis français sur ce sujet, par le truchement de nos autorités fédérales habilitées à proposer de nouveaux « Sites Ramsar ».

Mais également de préparer le classement et la gestion de ce site à travers un dialogue entre les autorités régionales concernées, en concertation avec les organismes de protection de la nature, les communes et les propriétaires concernés.

Le comité régional franco-genevois a élaboré un projet de politique transfrontalière notamment en matière d'espaces ruraux et de milieux naturels. Le « plan bleu-vert sans frontière » atteste de la volonté commune de conserver et reconstituer des milieux naturels privilégiés du point de vue de la diversité biologique et du paysage (axe également prioritaire pour le Conseil de l'Europe).

L'extension proposée du « Site Ramsar » genevois est un acte gratuit qui relève d'un accord de principe de reconnaissance. Elle constitue un geste symbolique, mais néanmoins très fort, apte à promouvoir les objectifs prioritaires de la Convention, à renforcer l'image internationale de Genève et à réaffirmer sa volonté d'agir concrètement en faveur de la préservation de nos ressources et écosystèmes aquatiques.

Pour toutes ces excellentes raisons, nous vous prions donc de bien vouloir accepter cette résolution et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Annexes :

Convention de Ramsar en bref

Extrait de cartes détaillées de la zone concernée.

Arrêté préfectoral de 1994

Débat

Mme Anne Briol (Ve). La convention signée en 1971, à Ramsar, est le seul traité international sur l'environnement consacré aux zones humides.

Cette convention a pour objectif la conservation des zones humides et de leur diversité biologique. Les pays membres s'engagent à déclarer les sites Ramsar d'importance internationale sur leur territoire.

La Suisse a ratifié cette convention en 1976. Actuellement, huit sites ont été déclarés d'importance internationale dans notre pays. A Genève, le secteur de la rade à l'Allondon constitue un site Ramsar.

Lors de la dernière conférence de la convention, une des priorités retenues a été d'obtenir l'inscription d'un plus grand nombre de sites transfrontaliers. Actuellement, il n'en existe qu'un, situé entre la Hongrie et l'Autriche.

A l'occasion de la Journée mondiale des zones humides, célébrée le 2 février 1998, nous avons proposé au Conseil d'Etat, par le biais d'une résolution, d'intervenir auprès du Conseil fédéral pour obtenir l'extension en aval du site genevois actuel.

Au début de cette année, de nouveaux sites Ramsar ont été désignés : dix-sept mille hectares par la France, trois par la Grande-Bretagne, cinq par la République slovaque et deux par la Corée. Dans le même élan, la France et l'Allemagne ont constitué un groupe de travail franco-allemand dans le but de désigner un site transfrontalier entre Bâle et Carlsruhe.

L'extension transfrontalière du site Ramsar genevois constituerait un geste symbolique très fort qui permettrait de promouvoir les objectifs prioritaires de la convention, de renforcer l'image internationale de Genève et de confirmer notre volonté d'agir en faveur de la préservation de nos ressources et de nos écosystèmes aquatiques.

L'objectif serait de pouvoir présenter ce nouveau site transfrontalier lors de la prochaine conférence de la convention, en mai 1999.

Pour ces diverses raisons, nous vous demandons de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat.

Le président. Mesdames et Messieurs, je décrète le brouhaha général durant quinze secondes ! Vous parlez tous en même temps ! A propos du brouhaha, je citerai le texte suivant: «L'une des choses qui fait que l'on trouve si peu de gens qui paraissent agréables et raisonnables dans la conversation, c'est qu'il n'y a presque personne qui ne pense plutôt à ce qu'il veut dire qu'à répondre précisément à ce qu'on lui dit. Le plus habile et le plus complaisant se contentent de montrer une mine attentive en même temps qu'on voit dans leurs yeux et dans leur esprit un égarement pour ce qu'on leur dit et une précipitation pour retourner à ce qu'ils veulent dire.» La Rochefoucauld. (Applaudissements.) Je vous serais reconnaissant d'écouter en silence votre collègue Godinat.

M. Gilles Godinat (AdG). Mme Briol a brillamment argumenté cette proposition de résolution.

Pour l'essentiel, il faut retenir que le thème de l'eau sera le thème essentiel du XXIe siècle. L'exposition universelle de Lisbonne l'a retenu, de même que la Suisse qui y participe. Idem pour l'exposition nationale de 2001.

La réflexion sur les zones humides et la Convention de Ramsar s'inscrit dans cette réflexion générale sur l'eau et tout ce qui lui est lié.

Je voudrais attirer votre attention sur le barrage prévu au marais de l'Etournel. Il faudra renoncer à ce projet si on veut protéger la zone. Nous devrons mener une réflexion sur cette question.

M. Roger Beer (R). Cette résolution devrait plaire au Conseil d'Etat dans la mesure où il ne s'agit pas de gesticulations, mais de poignées de main par-dessus la frontière pour s'engager à protéger la nature, la faune, la sauvagine et bien sûr les zones humides.

Le point de presse nous a appris que le Conseil d'Etat avait adopté une nouvelle façon de travailler et qu'il se réjouissait d'accepter cette résolution. Nous, de notre côté, nous nous réjouissons que tout cela aille très vite, merci !

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Effectivement, des gesticulations sont préférables à d'autres, par exemple celles qui consistent à se serrer la main par-dessus la frontière !

Cela dit, nous vous remercions de cette proposition de résolution que nous nous engageons à soutenir.

Parmi les institutions qui pourraient être chargées de son suivi, nous pourrions penser au Comité régional franco-genevois. Le Conseil du Léman pourrait aussi nous apporter son appui.

Quoi qu'il en soit, c'est bien volontiers que nous acceptons cette proposition qui tend à valoriser davantage un site auquel nous attachons beaucoup d'importance. Ce d'autant plus que le site Ramsar que vous entendez proposer coïncide avec celui, d'importance nationale, de l'Allondon et avec les importants travaux de renaturation que nous souhaitons y effectuer, travaux dont le projet est actuellement pendant devant la commission des travaux.

Je vous remercie d'appuyer notre volonté de renaturer cette partie des rives du Rhône.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.

Elle est ainsi conçue :

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

considérant :

- la célébration le 2 février 1998 de la journée mondiale des zones humides, qui marque le 27e anniversaire de la « Convention relative aux zones humides d'importance internationale comme habitats des oiseaux d'eau », dite Convention de Ramsar (ratifiée par la Suisse en 1976) ;

- l'opportunité de cette célébration pour réaffirmer le rôle phare que doit jouer Genève en matière de protection de l'environnement aux niveaux régional et international ;

- l'importance croissante des objectifs de la Convention de Ramsar à l'échelle de la planète et le privilège que constitue la présence de son Secrétariat dans notre région (Gland) ;

- l'existence dans le canton de Genève d'une zone humide déclarée d'importance internationale par la Confédération (1990) qui s'étend de la rade, en amont, au Rhône jusqu'à l'embouchure de l'Allondon, en aval ;

- la priorité donnée par la Conférence des Parties à la création de nouveaux sites d'importance internationale à caractère transfrontalier ;

- la priorité qu'accorde Genève à la protection et à l'amélioration qualitatives et quantitatives de ses ressources et biotopes aquatiques et, plus généralement, à la préservation de la diversité biologique

invite le Conseil d'Etat

- à intervenir auprès du Conseil fédéral afin que, dans le cadre de la convention de Ramsar, il interpelle les autorités françaises pour la création d'une zone humide transfrontalière d'importance internationale en étendant le site genevois existant vers l'aval jusqu'au marais de l'Etournel, ceci en concertation avec les communes et les propriétaires concernés ;

- à suivre l'évolution du dossier par le biais du Comité régional franco-genevois et à fournir un rapport sur son état d'avancement, d'ici à la prochaine journée mondiale des zones humides.

 

La séance est levée à 19 h 20.