Séance du
vendredi 20 mars 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
6e
session -
12e
séance
R 362
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il y a 60 ans, le 17 juillet 1936, éclatait la guerre d'Espagne. Une partie de l'armée stationnée au Maroc se soulève contre le gouvernement légal de la République installé à Madrid. Franco et d'autres généraux sont à la tête du soulèvement.
Lorsqu'en août 1936, fut prise la décision de créer les "; Brigades Internationales ", ce sont plus de 40'000 volontaires venant de différents pays, qui au travers de bien des difficultés, se joignirent aux forces armées espagnoles restées fidèles à la République et aux volontaires espagnols pour défendre la démocratie, la liberté et pour combattre les forces fascistes qui ne menaçaient pas seulement l'Espagne, comme ce fut malheureusement prouvé 3 ans plus tard.
De Suisse plus de 700 volontaires s'engagèrent dans les Brigades internationales.
Dans la population suisse un grand et large mouvement de solidarité active se développa. Dans tout le pays des comités d'aide à l'Espagne républicaine se constituèrent et auxquelles participèrent des représentants de tous les milieux progressistes.
Cette solidarité se manifesta par un soutien politique permanent et par une aide humanitaire d'une grande ampleur.
La solidarité se manifesta aussi par l'aide apportée à de nombreux volontaires des pays voisins qui voulaient traverser la Suisse pour se rendre en Espagne.
Les Brigadistes suisses qui rentrèrent au pays, après avoir combattu pour la démocratie, la liberté et contre le fascisme, qui s'apprêtait à déclencher la guerre mondiale, auraient mérité d'être accueillis avec reconnaissance, non seulement par la majorité de notre peuple mais également par ses autorités.
En ce qui concerne ces dernières il n'en fut rien, au contraire les Brigadistes furent traduits devant des tribunaux militaires pour "; atteinte à la puissance défensive du pays ". 239 d'entre eux furent condamnés à des peines de prison allant de un à trois mois, d'autres écopèrent neuf à dix mois de prison, ainsi qu'à la suppression des droits civiques, pour des périodes allant de deux à cinq ans.
Dès le début de ce procès, de multiples interventions et manifestations eurent lieu pour réclamer l'acquittement, et plus tard en faveur d'une amnistie générale, et enfin pour obtenir la réhabilitation des Brigadistes suisses.
Jusqu'à ce jour et malgré les nombreuses interventions parlementaires, les dernières toutes récentes, cette réhabilitation n'a pas encore été obtenue.
C'est pourquoi nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de voter cette résolution.
ANNEXE
"; NOUS NOUS SENTONS DES CONFÉDÉRÉS "
Les volontaires suisses qui attendaient en Espagne leur retour au pays, ont envoyé la lettre suivante au Comité d'Amnistie :
"; A nos compatriotes : "
Au camp de démobilisation des Brigades Internationales, dans une assemblée de Suisses, nous avons lu l'appel du Comité d'Amnistie. Nous attendons avec impatience le résultat de vos efforts et nous voyons avec satisfaction et avec une grande joie que les cercles les plus larges du peuple suisse sont à nos côtés dans la lutte active que nous avons engagée dan la guerre d'indépendance espagnole et qu'ils demandent que nous soyons amnistiés. Pourquoi somme-nous partis en Espagne ? Pourquoi des centaines de Suisses de toutes les conditions sociales et de tous les cantons, de toutes les couches populaires et de diverses opinions politiques ont-ils quitté leur patrie, leur famille, leur travail, leurs affaires, leurs études, pour risquer leur vie et leur santé en Espagne ? Sont-ils partis pour la guerre mus par la soif d'aventures ? Non, nous étions tous persuadés qu'il s'agissait de défendre la liberté et la démocratie d'un peuple ami contre deux ennemis puissants qui avaient attaqué son pays. Pendant deux ans nous avons aidé nos frères Espagnols, à défendre leur liberté et leur démocratie, à organiser leur armée et leur industrie de guerre. Nous Suisses, qui avons été forgés au feu de la lutte d'indépendance espagnole, nous ne demandons ni compassion, ni pardon. Non, nous sommes fiers de ce que nous avons fait. Nous n'avons fait que notre devoir et défendu l'héritage le plus sacré de nos pères : LA LIBERTÉ !
Nous nous sentons des Confédérés et nous reviendrons au pays, que nous soyons amnistiés ou non. Nous avons appris ici, en Espagne, qu'un petit peuple peut aussi défendre sa liberté contre des adversaires puissants et brutaux, quand il a la volonté de sauvegarder son indépendance. Et la grande majorité du peuple suisse sait déjà qui menace son indépendance. C'est pourquoi, au moment du danger, nous reviendrons, dans notre patrie aussi, pour remplir notre devoir, unis et résolus.
Serment des volontaires des Brigades Internationales
"; JE SUIS ICI PARCE QUE JE SUIS VOLONTAIRE, ET JE DONNERAI, SI NÉCESSAIRE JUSQU'A LA DERNIÈRE GOUTTE DE MON SANG POUR SAUVER LA LIBERTÉ DE L'ESPAGNE, LA LIBERTÉ DU MONDE TOUT ENTIER.
PÉTITION
pour la réhabilitation
des Brigadistes et anciens Résistants
Il y a maintenant plus de 60 ans, en juillet 1936, des généraux espagnols déclenchaient une rébellion de l'armée dans le but de renverser le Parlement et le Gouvernement espagnols démocratiquement élus. Leur but était de détruire la République et d'instituer un régime dictatorial, qui aura sévi près de 40 ans.
Cette atteinte particulièrement grave à la démocratie suscita une très forte émotion dans les pays démocratiques déjà inquiets par la montée du fascisme et du nazisme. Des démocrates d'origines les plus diverses décidèrent de témoigner concrètement leur solidarité avec la démocratie espagnole en péril. Ils s'engagèrent dans les Brigades internationales qui combattirent courageusement à côté des troupes loyalistes contre les généraux félons.
Environ 700 de nos compatriotes se joignirent aux quelques 40 000 Brigadistes qui ont personnifié, dans l'honneur, le respect des valeurs démocratiques qui constituent le fondement de notre société moderne.
Nombre d'entre eux y ont laissé leur vie. Les autres, de retour en Suisse, ont été condamnés injustement par les tribunaux militaires à de lourdes peines d'emprisonnement.
Depuis 1978, une série d'interventions parlementaires ont demandé au Conseil fédéral de prononcer la réhabilitation des combattants suisses en Espagne. Le 17 décembre 1992, le Conseil national a même accepté un postulat du Conseiller national Massimo Pini demandant au Conseil fédéral d'accorder, en vertu de l'article 85, chiffre 7, de la Constitution fédérale, une amnistie générale en faveur des combattants suisses en Espagne, afin de "; redonner officiellement une dignité morale et civique à ces concitoyens, dont certains vivent encore ".
Le 22 mars 1996, le Conseiller national Christian Grobet, intervint auprès du Conseil fédéral sous forme d'une question écrite, pour rappeler la prise de position du Conseil national sur le postulat Pini et sa déclaration faite le 7 mai 1995 à l'occasion de la commémoration du 50e anniversaire de la fin de la 2e Guerre Mondiale et de la libération de l'Europe. Il lui demandait comment il entendait concrétiser ce postulat et s'il pensait faire une déclaration officielle réhabilitant les Brigadistes suisses.
Dans sa réponse du 22 mai 1996, le Conseil fédéral rendit hommage à ces derniers en déclarant que s'il avait refusé l'amnistie, il avait néanmoins "; reconnu que les Suisses ayant combattu en Espagne avaient agi en cédant à un mobile honorable, qu'ils avaient depuis lors rempli leur devoir de citoyen et qu'ils jouissaient pleinement de leurs droits civiques ". Le Conseil fédéral cita encore l'allocution officielle de Madame la conseillère fédérale Ruth Dreifuss faite à l'occasion de la réunion de la communauté des combattants suisses en Espagne qui s'est tenue le 23 avril 1994 à Zurich, au cours de laquelle elle a qualifié "; a lutte des combattants suisses en Espagne contre la dictature fasciste de courageuse et de nécessaire au maintien de la démocratie dans la République espagnole, l'histoire l'a prouvé " en concluant que "; les combattants suisses étaient pleinement réhabilités d'un point de vue politique et moral ".
Le Conseil fédéral, dans sa réponse à la question précitée, a encore précisé qu'il "; saisit cette occasion pour faire savoir qu'il partage cette opinion " et a rappelé que, dans sa réponse à l'interpellation du Conseiller national Nils de Dardel du 4 octobre 1995 concernant la réhabilitation des Suisses ayant participé à la résistance française, "; le Conseil fédéral a exprimé sa gratitude et témoigné sa reconnaissance à toutes les personnes qui se sont opposées au nazisme et ses terribles conséquences pendant la seconde Guerre mondiale ", ajoutant que "; ces remerciements s'adressent également aux Suisses qui ont combattu en Espagne contre les forces fascistes ".
Le Conseil fédéral a donc reconnu officiellement le juste combat des Brigadistes suisses durant la Guerre d'Espagne. Il leur a témoigné sa gratitude et a considéré qu'ils étaient pleinement réhabilités d'un point de vue politique et moral. Il n'en demeure pas moins qu'il n'a pas pleinement tiré les conséquences de cette prise de position : il n'a pas décrété la réhabilitation de ces défenseurs de la démocratie et des libertés sur le plan juridique dans le cadre d'une déclaration s'adressant directement à ces derniers et leurs familles.
Au même titre que Paul Grüninger, ancien chef de la police de Saint-Gall, qui a été à juste titre réhabilité par une récente décision d'un Tribunal saint-gallois, il appartient aux autorités de la Confédération, compétentes en matière de condamnations par les tribunaux militaires, de prononcer officiellement la réhabilitation tant attendue par les anciens combattants suisses en Espagne et leurs familles. Cette réhabilitation se justifie d'autant plus que le Parlement espagnol a décidé au moment de la commémoration du 60e anniversaire de la résistance espagnole au soulèvement militaire de 1936 de décerner la citoyenneté espagnole à tous les volontaires étrangers qui avaient combattu les forces fascistes durant la Guerre d'Espagne.
A la suite de cet acte officiel du Gouvernement espagnol reconnaissant l'honneur des combattants en Espagne, les autorités suisses se doivent à leur tour de réhabiliter ceux qui ont courageusement défendu, au péril de leur vie, les valeurs de notre démocratie.
En outre, les Autorités suisses doivent également réhabiliter les citoyens suisses qui ont participé à la Résistance française.
Tel est donc le but de la présente pétition, adressée à l'Assemblée fédérale et appuyée par les soussigné(e)s faisant usage de leur droit de pétition garanti par la Constitution fédérale : obtenir la réhabilitation officielle, y compris à titre posthume, des Suisses qui ont combattu, en Espagne et en France, contre les forces fascistes et nazies.
Débat
Mme Dolores Loly Bolay (AdG). A l'heure où la Suisse est amenée à reconsidérer avec un sens critique l'attitude de ses dirigeants au cours de la Seconde Guerre mondiale, à l'heure où la commémoration des cent cinquante ans de l'Etat fédéral devrait surtout être l'occasion d'un regard non complaisant sur le passé, il paraît plus que justifié de se souvenir de la manière peu glorieuse avec laquelle ont été traités et criminalisés, au moment de leur retour au pays, les volontaires suisses de la guerre d'Espagne.
Plus de sept cents volontaires suisses s'engagèrent dans les brigades internationales à côté des quarante mille autres volontaires venant du monde entier; nombreux y ont laissé leur vie. De retour au pays après avoir combattu pour la démocratie, la liberté et contre le fascisme qui s'apprêtait à déclencher la guerre mondiale, les Brigadistes suisses auraient mérité d'être accueillis avec reconnaissance. Il n'en fut rien. Les Brigadistes suisses et les anciens résistants furent traduits devant les militaires suisses pour atteinte à la puissance défensive du pays. La Suisse officielle de l'époque s'est montrée impitoyable avec ces hommes et ces femmes qui ont personnifié, dans l'honneur, le respect des valeurs démocratiques qui constituent le fondement de notre société moderne.
Cinq cent cinquante procès, quatre cent vingt jugements définitifs, des peines de prison allant de un à huit mois, la suppression des droits civiques pour des périodes allant de deux à cinq ans. Aucun Etat démocratique ne s'est montré aussi dur. Dès le début de ces procès, de multiples interventions et manifestations eurent lieu pour réclamer l'acquittement et, plus tard, en faveur d'une amnistie et, enfin, pour demander la réhabilitation. Jusqu'à ce jour et malgré les nombreuses interventions parlementaires, les dernières toutes récentes, cette réhabilitation n'a pas encore été obtenue. Il est pourtant nécessaire de reconnaître qu'en s'engageant ainsi contre le fascisme et la barbarie, au début des heures les plus noires que l'Europe ait connues au cours de ce siècle, ils ont accompli un geste qui mérite de la reconnaissance et non pas du mépris. La guerre d'Espagne a été une triste répétition générale pour les forces du fascisme; le geste de ceux qui sont allés se battre pour l'Espagne républicaine appartient donc pleinement à la lutte contre la déferlante brune en Europe.
De ce point de vue, le fait que la Suisse ne les ait toujours pas pleinement réhabilités est absolument incompréhensible et totalement inacceptable. Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de voter cette résolution et de l'envoyer à l'Assemblée fédérale.
M. Albert Rodrik (S). Je pense qu'il est difficile d'imaginer aujourd'hui l'élan de solidarité et de mobilisation qui s'est manifesté dans toute l'Europe et même en Amérique du Nord au moment où se nouait le drame de la guerre d'Espagne. Entre 1936 et 1939, des hommes et des femmes, certains avant même la constitution des brigades internationales, sont partis, prémonitoires et pionniers, pour défendre ce qu'ils percevaient être la grande tragédie de la liberté et de la démocratie.
Le drame qui se déroulait là, où plus d'un million de morts devait être le bilan, n'était encore qu'un lever de rideau et un lever de rideau déjà particulièrement instructif. Cette leçon, malheureusement, les démocraties occidentales ne l'ont pas comprise ou l'ont comprise quand il était trop tard, quand cette peste brune était déjà non seulement à leur porte mais dans leurs foyers. De ces hommes et de ces femmes qui sont partis là-bas, de Suisse comme de tous les autres pays d'Europe et d'Amérique du Nord, un certain nombre en sont revenus et d'autres ne sont pas revenus. Certains sont restés, ont pris les chemins de l'exil et sont allés combattre pour la même cause en France. A l'égard de ces combattants, la Suisse, à l'instar d'autres pays dits démocratiques et plus que les autres pays, a fait preuve de zèle dans la criminalisation et la transformation en délinquants de gens qui étaient l'honneur de ce pays parce que peut-être, avant l'heure et avant leurs compatriotes, ils avaient su que l'honneur était d'aller, à ce moment, arrêter ce qui se préparait, là où cela se faisait.
Mesdames et Messieurs, en 1938, en 1939, on se posait la question en disant : «Va-t-on mourir pour l'Autriche de l'Anschluss ? Va-t-on mourir pour Dantzig ? Va-t-on mourir pour les Sudètes ?» et on a signé Munich. C'est cette imprégnation des esprits, cette manière de s'incliner devant la loi du plus fort qui a permis cela, et c'est cela que nous voulons aujourd'hui effacer. Nous avons peut-être enfin compris les leçons de l'Histoire et nous avons un certain nombre de choses à faire pour que réparation soit faite. La première est que tout soit entrepris pour que jamais à tout jamais, dans la mémoire de chaque Suisse et dans la mémoire collective des Suisses, ne soient oubliés et perdus ce drame qui s'est noué là-bas, ni les gens qui sont morts pour que la démocratie et la liberté soient préservées dans le reste du monde.
La deuxième, nous l'avons demandée il y a plus d'une année au Conseil municipal de la Ville de Genève - et nous espérons qu'elle se concrétisera - c'est un monument pour célébrer le sacrifice des combattants suisses et genevois des brigades internationales.
Le troisième volet est cette amnistie : il n'est pas tolérable que restent dans les registres des marques qui font de gens qui sont allés payer de leur vie la lutte pour la liberté, des délinquants.
Cela doit être effacé et, enfin, le quatrième volet : le problème de la double nationalité, le cadeau généreux de l'Espagne, qui a provoqué sans le vouloir un imbroglio juridique.
Ces quatre volets : ne pas oublier, ne pas effacer des mémoires, ériger un monument à la mémoire des Suisses et des Genevois qui ont combattu, obtenir l'amnistie totale et régler le problème de cette double nationalité, voilà le devoir de dignité que nous avons face à l'Histoire et c'est pourquoi nous vous demandons d'adresser cette résolution aux Chambres fédérales pour que cet épisode trouve enfin un épilogue heureux.
M. Bernard Lescaze (R). Je ne comptais pas parler ce soir d'un sujet qui est délicat, mais les propos qui viennent d'être tenus, si nobles soient-ils, comportent malgré tout une part de ce que je ne veux pas qualifier de pharisaïsme mais, malgré tout, de bonne conscience un peu facile. Tout à l'heure l'un des préopinants a dit: «Il faut effacer ceci.» Malheureusement on ne peut pas effacer le passé; on peut avoir une volonté d'oubli, on peut avoir une volonté même de regret mais on ne peut pas effacer ce qui s'est passé. Et l'honneur des Brigadistes d'Espagne, c'est peut-être d'avoir su choisir, avec davantage de lucidité que beaucoup de gens dans d'autres pays, leur camp. Cela, c'est leur véritable honneur.
Aujourd'hui nous céderions à la facilité simplement en reconnaissant qu'ils ont choisi le bon camp ou qu'ils ont choisi ce que leur dictait leur conscience. Nous le faisons d'autant plus volontiers que, soixante ans après, il est particulièrement aisé de savoir quel était le bon camp. J'ai cru lire dans un journal de la bouche d'un des Brigadistes que celui-ci en tout cas, peut-être pas les autres, ne réclamait rien et son raisonnement était, à mon sens, parfaitement exact, parfaitement juste.
Nous pouvons faire ce que nous désirons, nous pouvons manifester un regret. Mais en réalité, Mesdames et Messieurs les députés, le véritable hommage que nous devrions, chacun d'entre nous, si nous ne nous payons pas de mots, rendre à un combattant de la guerre d'Espagne, ce serait aujourd'hui, hic et nunc, dans nos sphères, de continuer un combat semblable pour les valeurs auxquelles nous croyons, pour les valeurs : liberté, démocratie, par exemple, que nous partageons. Mais évidemment le choix, aujourd'hui, n'est pas du tout aussi évident et, bien entendu, cela nécessite des engagements personnels beaucoup plus percutants et qui parfois, peut-être, s'inscriront dans la chair, dans le sang, dans l'existence des gens. Alors personnellement, bien que j'admire une partie en tout cas du passé, bien qu'il soit certain que la guerre d'Espagne soit un des grands événements historiques de ce siècle, magnifié d'ailleurs dans la littérature internationale, que ce soit «Pour qui sonne le glas ?» d'Hemingway ou «L'Espoir» de Malraux, je m'abstiendrai sur cette résolution parce que je pense que le seul hommage que nous puissions rendre au combat que les Brigadistes ont mené, c'est de persévérer dans ce qu'ils ont fait, mais aujourd'hui et demain, et non pas de regarder vers le passé.
Finalement s'il y avait une leçon que pour ma part et à titre tout à fait personnel je retiens de la guerre d'Espagne, c'est ce mot de la Passionaria : «Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux.» Eh bien, ceci est effectivement une leçon qui durera et c'est une leçon que je souhaiterais que chacun d'entre nous intègre en lui-même, mais il n'y a pas besoin de résolution pour cela, puisqu'il s'agit de quelque chose de purement personnel.
M. Alberto Velasco (S). M. Lescaze prétend qu'il est aisé soixante ans plus tard de savoir quel était le camp le plus acceptable. M. Lescaze oublie qu'en Espagne il y avait une république qui avait été démocratiquement élue et dépossédée justement par une insurrection militaire qui, elle, n'avait rien de démocratique.
Or, pour les démocrates de toute l'Europe, il était évident que leur camp était de défendre la République démocratiquement élue et institutionnellement installée. Je regrette, Monsieur Lescaze, que vous ayez fait un tel lapsus historique.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil fédéral. (Applaudissements.)
Le président. Je me permets de saluer encore une fois à la tribune deux anciens Brigadistes de la guerre d'Espagne qui ont eu l'amabilité de participer à cette séance.
La résolution est ainsi conçue :
Résolution(362)
pour la réhabilitation des Brigadistes suisses et des anciens résistants qui ont combattu en Espagne et en France, contreles forces fascistes et nazies
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant que :
- les Brigadistes suisses et les anciens résistants qui se sont battus durant la guerre d'Espagne et en France furent traduits devant des tribunaux militaires suisses pour "; atteinte à la puissance défensive du pays ";
- malgré plusieurs interpellations, adressées au Conseil fédéral dans ce sens encore récemment, demandant une réhabilitation pleine et entière, les Brigadistes suisses n'ont toujours pas obtenu leur réhabilitation;
demande au Conseil fédéral
- d'amnistier les Brigadistes suisses et les anciens résistants qui ont personnifié, dans l'honneur, le respect des valeurs démocratiques qui constituent le fondement de notre société moderne.