Séance du
vendredi 20 février 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
5e
session -
7e
séance
PL 7815
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi d'application de la loi fédérale sur les routes nationales, du 3 mars 1977, est modifiée comme suit :
Art. 11, al. 1 Construction et installations annexes (nouvelle teneur)
1 Les droits de construire et d'exploiter des constructions ou installations annexes situées dans le périmètre autoroutier, dont le relais autoroutier qui devra être réalisé sur le secteur de l'autoroute situé entre la route de Meyrin et la voie de chemin de fer Genève - La Plaine, sont accordés selon les modalités prévues par la loi sur les constructions et installations diverses du 14 avril 1988 et la loi sur le domaine public du 24 juin 1961.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Lors de l'approbation du tracé de l'autoroute de contournement par le Grand Conseil, le 18 janvier 1980, celui-ci avait clairement manifesté sa volonté que cet important ouvrage constitue la dernière grande atteinte à la zone agricole et qu'il ne provoque pas de déclassements supplémentaires.
C'est pour ce motif que le Grand Conseil décida ultérieurement de modifier le tracé de la section 6 de l'autoroute de contournement en retenant, pour l'évitement de Plan-les-Ouates, la variante du Vallon des Vaulx, au détriment du tracé par le sud d'Arare qui avait été adopté en 1980, ce qui permit d'économiser une importante surface de bonnes terres agricoles et de préserver un site de grande qualité.
C'est également pour ce même motif, et à la suite de l'opposition de la commune de Bardonnex, que l'emprise de la plate-forme douanière de Bardonnex fut réduite au strict minimum et qu'une partie importante du parking projeté ne fut pas construite en dépit des interventions insistantes de la direction des douanes.
Enfin, pour respecter la volonté du Grand Conseil, le Conseil d'Etat, qui souhaitait favoriser la réalisation d'un relais autoroutier, décida, en 1984, d'affecter à cet effet le site de Blandonnet, situé en zone à bâtir sur le secteur de l'autoroute situé entre la route de Meyrin et la voie de chemin de fer Genève-La Plaine, ceci afin de ne pas porter atteinte à la zone agricole.
Un projet fut conçu comportant un hôtel prévu dans le périmètre du plan localisé de quartier de Blandonnet, qui avait le grand mérite d'avoir un double accès, à la fois depuis l'autoroute et la route de Pré-Bois, ce qui était de nature à favoriser la rentabilité de cet hôtel, qui devait être de catégorie deux étoiles pour répondre à la fois aux besoins du trafic de transit ordinaire et à la pénurie des hôtels de cette catégorie à Genève, et plus particulièrement dans le secteur de l'aéroport et de Palexpo. Il est important de savoir que l'Office fédéral des routes a admis à titre exceptionnel ce double accès, ainsi que les raccords routiers avec l'autoroute de contournement. De plus, l'Etat a financé, en prévision de la réalisation de cet hôtel, un passage sous voies permettant aux voitures sortant de l'autoroute de rejoindre l'hôtel en passant sous les voies de chemin à l'arrière desquelles l'hôtel devait être construit.
Sur intervention des milieux hôteliers qui craignaient la concurrence de ce nouvel hôtel, le Conseil d'Etat décida toutefois de geler sa construction. Une autorisation de construire fut par contre délivrée pour un projet de station-service, qui devait être réalisé par Coop-Genève, en première étape sur le côté Nord de l'autoroute, accompagné des autorisations de construire des raccordements routiers et des giratoires sur la route de Meyrin permettant de garantir à terme la réalisation éventuelle d'un échangeur complet avec l'autoroute au niveau de la route de Meyrin.
Malheureusement, ce projet de relais autoroutier, conçu en respect de la volonté du Grand Conseil et selon la décision de principe prise en son temps par le Conseil d'Etat, fut abandonné et le contrat de superficie qui avait été signé avec Coop-Genève fut résilié.
Après avoir recherché d'autres sites, M. Joye opta pour celui de Bardonnex et organisa un concours limité à quelques participants seulement. Le projet retenu est, d'après le WWF, le pire sur le plan écologique, notamment en raison des importants mouvements de terre qu'il va engendrer. Sans même évoquer la personnalité de la compagnie pétrolière retenue pour le projet, qui défraie la chronique depuis un certain temps pour des affaires de pots-de-vin, nous estimons que ce projet, contesté par de nombreux milieux soucieux de la protection de l'environnement et qui viole les engagements pris lors de l'adoption du tracé de l'autoroute de contournement, devrait être abandonné pour celui de Blandonnet qui aurait pu être réalisé depuis longtemps.
Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que le présent projet de loi recevra un bon accueil de votre part.
Préconsultation
M. Christian Ferrazino (AdG). En 1980, ce Grand Conseil avait voté le tracé de l'autoroute de contournement en essayant d'avoir à l'esprit deux objectifs :
Le premier était de préserver au maximum le paysage en intégrant ce complexe autoroutier.
Le deuxième, de préserver la zone agricole. D'ailleurs - M. Dupraz est très attentif - c'est à la demande, sauf erreur, des agriculteurs que la bretelle autoroutière de contournement de Plan-les-Ouates a été déplacée. (Brouhaha.) A votre demande, Monsieur Dupraz, car, à l'époque, vous présidiez la Chambre d'agriculture. (Commentaires.) Le déplacement, mais oui, Monsieur Dupraz,...
Une voix. Tu es venu me voir dans mon bureau, tu ne t'en souviens plus ! (Le président sonne la cloche.)
M. Christian Ferrazino. Sans vouloir personnaliser les débats, Monsieur le président... (Brouhaha.)
Le président. Poursuivez, Monsieur l'orateur !
M. Christian Ferrazino. ...afin de préserver les objectifs que ce Conseil s'était fixés et de maintenir la zone agricole, on avait été, à l'époque, jusqu'à déplacer la bretelle autoroutière de quelques kilomètres.
Aujourd'hui, il apparaît pour le moins contradictoire de sacrifier six hectares de terrain agricole à Bardonnex pour la réalisation d'un relais autoroutier. En effet, on a dépensé des millions pour déplacer cette bretelle d'évitement autoroutier à Plan-les-Ouates, afin de préserver six hectares de terre agricole et, quelques années plus tard, on veut agrandir les surfaces d'autoroutes à deux kilomètres à vol d'oiseau et sacrifier les terrains agricoles que l'on désirait préserver.
Or le site initial retenu en 1983-84 par l'exécutif - celui de Blandonnet - se trouvait dans une zone à bâtir. Son emplacement n'impliquait donc aucun déclassement de la zone agricole, sans parler du fait qu'il était beaucoup mieux placé - géographiquement parlant - que celui qui est actuellement retenu.
Par le dépôt de ce projet de loi, nous proposons de modifier la loi d'application de la loi fédérale sur les routes nationales, afin que ce Grand Conseil puisse se prononcer sur cette question.
M. Joye avait voulu éluder le débat au sein de ce parlement en agissant - il en avait l'habitude, on le sait - par voie dérogatoire. Par ce projet, nous avons enfin l'occasion de nous prononcer pour éviter un nouveau déclassement de terrain agricole et empêcher que ce bâtiment ne soit construit dans un endroit décrit par les associations de protection de l'environnement comme étant le pire sur le plan écologique.
M. Hervé Dessimoz (R). L'exposé des motifs de ce projet de loi est un peu court pour que la complète réalité y soit reflétée et qu'elle apparaisse au cours du débat de ce soir. Il appartient au Conseil d'Etat d'expliquer les raisons du choix du site de Bardonnex et de l'abandon de celui de Blandonnet. Le Conseil d'Etat peut-il s'exprimer, ce soir, sur ce sujet, car il importe que les députés bénéficient des justes informations ?
Pour avoir participé au jury du concours de Bardonnex, je considère que le projet lauréat - portant la signature de M. Santiago Calatrava, ingénieur et architecte de renommée internationale - est d'une qualité remarquable, susceptible de renforcer l'image de Genève sur le parcours autoroutier de Hambourg à Séville. Il n'a ni plus ni moins d'impact sur le site que les autres projets, car, on le sait, un relais autoroutier a une importante emprise qui répond à des critères précis.
Rappelons que le projet est entièrement financé par le groupe Elf qui versera des redevances à l'Etat. Il est porteur de plusieurs dizaines de postes de travail. Le groupe Elf, fortement implanté à Genève, offre des postes de travail et constitue un contribuable appréciable. Il est certes mis en cause dans une procédure qui n'est pas aboutie et je pense que ce motif n'est pas approprié dans ce débat.
Le groupe radical maintient son appui au projet de Bardonnex. En effet, il ne souhaite pas retarder, voire rayer, un projet dont l'élaboration a duré près de quatre ans et qui est profitable à Genève. Il ne s'opposera pas au renvoi en commission de ce projet, afin que chacun puisse s'en imprégner et que les nouveaux députés puissent bénéficier de toutes les informations utiles sur le sujet.
Par ailleurs, il est stipulé dans l'exposé des motifs que le concours a été limité à quelques participants seulement. Cependant, aucun concours n'a eu lieu pour le site de Blandonnet. Il a été décidé, sans autre, de l'attribuer à Coop-Genève. A l'époque, d'autres concurrents ont été désagréablement surpris et sont intervenus auprès du Conseil d'Etat.
Pour l'affaire de Bardonnex, le Conseil d'Etat a décidé de lancer un appel d'offres groupé. Les groupes devaient présenter des architectes, des ingénieurs, mais aussi des pétroliers et des exploitants pour les restaurants. Ces derniers devaient fournir, d'une part, les garanties financières de la construction et, d'autre part, celles de rémunération et des redevances à l'Etat.
Tous les pétroliers étaient présents. Toutefois, lorsqu'un pétrolier s'est retiré pour des questions financières, la possibilité a été donnée à l'un des concurrents pétrolier de choisir un deuxième groupe et de présenter deux projets.
Je propose donc que ce projet de loi soit renvoyé à la commission d'aménagement.
M. Luc Barthassat (PDC). Concernant l'exposé des motifs, la commune de Bardonnex ne s'est jamais formellement opposée à l'implantation de la plate-forme douanière. Elle avait demandé une implantation normale, sans exagération, avec les recommandations particulières en ce qui concerne les nuisances dues au bruit et la protection du voisinage.
Les autorités de la commune de Bardonnex, soutenues par celles de leur voisine Perly, ont fait les mêmes recommandations pour le projet du restoroute et, comme elles sont favorables à l'implantation de ce dernier, ainsi que la grande majorité du Conseil municipal, elles se déclarent prêtes à reconsidérer la superficie de la zone industrielle de leur commune - site : Tuileries et briqueterie de Bardonnex - afin de rendre à l'agriculture ou à un site naturel la carrière creusée pour l'extraction de terre glaise et graviers divers; carrière déjà remblayée en partie lors des travaux de l'autoroute.
Il convient de noter que le site de Bardonnex a été rétréci d'environ 8 hectares de terre agricole remis à la France. Ces rectifications de frontières sont la responsabilité de la Confédération et sans consultation de la commune. Cette perte d'hectares peut-elle être ressentie comme une compensation ?
C'est un fait, le restoroute doit être attractif pour Genève et offrir aux usagers de l'autoroute la possibilité de s'arrêter sur un site reposant et beau, plutôt qu'au milieu des réserves de carburant de Blandonnet. Le projet choisi lors du concours est beau et intéressant. C'est un joyau architectural, Monsieur Ferrazino. Il apporte à la plate-forme douanière ce qui lui manque, soit une zone de repos pour les camionneurs qui actuellement attendent dans leur camion, des guichets de banque pour le change, en particulier, des sanitaires et des moyens de se restaurer, etc.
Les prétextes évoqués dans ce projet de loi me paraissent fallacieux et rejoignent un peu trop les voeux d'un ancien magistrat ! Quant à la question de l'argent, dont il faut bien parler dans une Genève qui en manque singulièrement, le projet de Bardonnex sera beaucoup plus rentable, Madame et Messieurs les auteurs de ce projet de loi, vous qui avez trop souvent tendance à l'oublier ! Je vous prie donc de méditer sur le genre d'accueil que Genève désire offrir à ses visiteurs.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. C'est une valse hésitation «Blandonnet-Bardonnex; Bardonnex-Blandonnet». Il serait possible d'agir par voie dérogatoire en ce qui concerne Bardonnex ou, par simple voie d'autorisation, en ce qui concerne Blandonnet.
Quant à moi, j'estime que l'importance de cet ouvrage justifie que votre Grand Conseil se prononce. A ce jour, le seul projet prêt est celui de Bardonnex. Celui de Blandonnet existe, mais sous forme d'archives, puisqu'il a été abandonné il y a quatre ans, et que, s'il doit revoir le jour, il conviendra de le réadapter.
Voici quelque temps, vous avez longuement discuté de la vente d'une parcelle de 217 m2. Aujourd'hui, il conviendrait que je décide seul sur un enjeu aussi important qu'un terrain de six hectares en zone agricole. Une telle procédure n'est pas envisageable. Par conséquent, le Conseil d'Etat déposera prochainement un projet de loi de déclassement s'agissant de l'aire autoroutière à Bardonnex. Cela vous permettra de vous faire une idée claire du projet, de savoir s'il est acceptable, s'il doit être modifié, rejeté ou déplacé, et, par la même occasion, cela vous permettra de traiter du présent projet de loi qui se pose comme une alternative indirecte à la situation de Bardonnex.
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.
La séance est levée à 19 h 30.