Séance du
jeudi 19 février 1998 à
17h
54e
législature -
1re
année -
5e
session -
5e
séance
PL 7813
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Article unique
La loi d'application sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 16 juin 1988, est modifiée comme suit :
Art. 4A
1 Il est institué une commission humanitaire en matière de séjour et d'établissement des étrangers chargée de se prononcer, lorsqu'elle estime que des principes humanitaires sont en jeu, sur des dossiers administratifs relatifs à l'octroi ou au refus de divers types d'autorisations de séjour ou à d'autres décisions relevant du droit d'asile ou des étrangers.
2 La commission est formée d'un membre par parti représenté au Grand Conseil, dont un président, nommés par le Conseil d'Etat pour une période de 4 ans et choisis parmi des personnalités reconnues pour leur engagement humain et civique. Elle siège en présence d'au minimum trois de ses membres.
3 La commission est saisie par les oeuvres d'entraide, les services de l'administration, la commission cantonale de recours de police des étrangers ou par le Conseil d'Etat.
4 Lorsque la commission est saisie d'un cas, les éventuelles mesures d'exécution d'une décision de renvoi sont suspendues ainsi que les procédures devant la commission de recours.
5 Après examen du dossier et enquêtes, la commission se prononce dans les 30 jours sous la forme d'une recommandation écrite adressée au Conseil d'Etat, qui décide de la suite à donner. Dans les cas où la commission peut justifier d'un retard dans l'obtention de renseignements nécessaires à sa décision, elle peut solliciter un nouveau délai de 30 jours au maximum
6 Le Conseil d'Etat est fondé à lui attribuer d'autres tâches.
ExposÉ des motifs
Commission dite "; des Sages "
Il y a quelques années, le Conseil d'Etat avait institué une commission de préavis en matière de requérants d'asile, appelée commission "; des Sages ". Elle était chargée de préaviser les recours contre des décisions fédérales de renvoi ainsi que sur l'opportunité de solliciter des permis humanitaires pour des requérants d'asile ayant séjourné depuis plusieurs années dans notre pays. Le rôle important de cette commission a toujours été reconnu tant par les autorités que par les milieux de défense des requérants d'asile.
Cependant cette commission a progressivement cessé ses activités, l'accélération de la procédure et l'évolution des critères d'octroi ayant réduit considérablement le nombre de cas. Il subsiste cependant un certain nombre de dossiers litigieux ; en particulier toute une série de situations problématiques apparaissent en dehors même de la procédure d'asile, pour des étrangers dont le séjour dépend exclusivement du canton. Or les oeuvres d'entraide constatent aujourd'hui que dans un certain nombre de décisions prises par l'Office cantonal de la population, (ci-après OCP) des principes humanitaires importants ne sont pas pris en compte. Il convient de préciser que dans le domaine du droit des étrangers la législation fédérale confère un large pouvoir d'appréciation aux autorités cantonales, pouvoir qui n'est pas toujours suffisamment utilisé, notamment en référence à certains grands principes comme le respect de la vie familiale et la protection de l'enfance. Dans un certain nombre de cas l'OCP semble s'arrêter sur l'aspect juridique et légal au détriment de l'aspect humanitaire, ce qui occulte les conséquences dramatiques et inéquitables de décisions, il est vrai, bien fondées en droit.
Une marge de manoeuvre existait encore lorsque le Conseil d'Etat, autorité politique, était chargé de statuer sur les recours déposés contre les décisions prises par l'OCP. Il appliquait la loi, bien évidemment, mais disposait d'un pouvoir d'appréciation important en sa qualité de gouvernement cantonal, pour faire prévaloir, en cas de nécessité, des impératifs humanitaires. Cette marge de manoeuvre "; politique " a aujourd'hui disparu, avec la création d'une commission de recours exclusivement "; juridique " présidée par un magistrat du pouvoir judiciaire. Rappelons ici que les oeuvres d'entraide en avaient été écartées. (Loi votée par le Grand Conseil le 12 décembre 1996. mémorial 51, pages 7596 ss)
Création d'une commission humanitaire en matière de séjour des étrangers.
La création d'une telle commission permettrait de reprendre l'idée de la Commission des Sages : intégrer des principes humanitaires dans un certain nombre de décisions en élargissant son domaine de compétence.
Il est évident que la mise sur pied d'une telle commission n'a pas pour but d'autoriser les séjours de nombreuses personnes, en contradiction avec les objectifs légaux de limitation de la population étrangère. Les oeuvres d'entraide n'ont pas l'intention de soumettre à la commission le cas de toutes les personnes qui souhaiteraient rester en Suisse, mais uniquement les situations qui posent un problème réel et sérieux au regard des principes humanitaires auxquels notre pays et sa population sont attachés.
L'existence d'une telle commission présenterait même des avantages certains, ses interventions permettant de décharger :
- la commission de recours en matière de droit des étrangers, saisie parfois de dossiers à caractère essentiellement humanitaire sur lesquels elle ne peut trancher ;
- les différents services de l'Etat (directeurs d'établissements scolaires, enseignants, services de la protection de la jeunesse, assistants sociaux), souvent interpellés sur des situations parvenues au terme de leur procédure juridique, mais restant dramatiques sur le plan humain.
Au surplus nombre de débats publics et de polémiques dans la presse pourront ainsi être évités.
C'est pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, que nous vous invitons à faire bon accueil à ce projet de loi et à le renvoyer en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire sans débat de préconsultation.