Séance du jeudi 19 février 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 5e session - 5e séance

IU 435
Interpellation urgente de Mme Fabienne Bugnon : Prise de position du président du Conseil d'Etat, Gérard Ramseyer, en faveur de la peine de mort. ( )IU435

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Ma deuxième interpellation urgente s'adresse à l'ensemble du Conseil d'Etat.

Ma question est simple. Mesdames et Messieurs, votre position de femmes et d'hommes d'Etat élus pour gouverner notre canton ne vous impose-t-elle pas un devoir de réserve lors de vos déclarations publiques en tant que magistrats ? Ce devoir de réserve ne doit-il pas être respecté par chacun de vous, notamment par votre président connu pour son franc-parler légendaire, parfois sympathique, mais qui, en l'occurrence, a dépassé les bornes ?

Je fais référence à l'interview de l'avocat Jacques Barillon, publiée dans un journal distribué gratuitement à l'ensemble de la population genevoise. Il ne s'agit pas du ";GHI". A la question ";Etes-vous pour ou contre la peine de mort ?", M. le président du Conseil d'Etat répond, je cite : ";Je suis pour la peine de mort. J'ajouterais que je suis contre ceux qui sont contre la peine de mort. Je considère que la peine de mort est un garde-fou. Si on ne pratique pas la peine de mort, il faut que l'on puisse répondre aux questions suivantes : que fait-on des sadiques, des gens extraordinairement dangereux, des multirécidivistes, une fois qu'ils ont purgé leur peine et qu'ils ont été libérés ?"

Que M. Ramseyer soit favorable à la peine de mort et qu'il condamne ceux qui s'y opposent, c'est son affaire. Chacun est libre de ses convictions. Mais qu'il le déclare en tant que conseiller d'Etat, en charge de la justice, me choque profondément.

Dans le protocole numéro 6, relatif à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales concernant l'abolition de la peine de mort, approuvé par l'Assemblée fédérale le 20 mars 1987 et entré en vigueur le 1er novembre de la même année, il est stipulé ce qui suit :

";Article 1 : la peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine et être exécuté."

";Article 2 : un Etat peut prévoir dans sa législation la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre. Une telle peine ne sera appliquée que dans les cas prévus par cette législation et conformément à ses dispositions. Cet Etat communiquera au secrétaire général du Conseil de l'Europe les dispositions afférentes de la législation en cause."

";Article 3 : Aucune dérogation n'est autorisée aux dispositions du présent protocole au titre de l'article 15 de la Convention."

Dans son projet de révision de la Constitution, le Conseil national et le Conseil des Etats prévoient, à l'article 9, que ";tout homme a droit à la vie" et que ";la peine de mort est interdite".

Lorsque vous avez prêté serment à Saint-Pierre, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, vous avez exposé vos priorités pour faire entrer Genève dans le XXIe siècle et avez déclaré : ";Le gouvernement s'engage dans cette tâche avec la volonté de voir loin en discernant un avenir forcément différent de ce que nous avons connu, marqué entre autres par la révolution de l'information. Mais il veut puiser dans le passé historique ou récent les expériences qui lui sont un viatique précieux parce que riche d'autant d'éléments qui fondent les racines de notre République et canton. Et c'est à l'homme qu'il voue l'essentiel de ses efforts."

Permettez-moi de dire qu'avec sa déclaration votre président donne plutôt l'impression de vouloir retourner au Moyen Age.

Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, le message transmis par votre président à l'ensemble de notre population est contraire à la Constitution suisse. Je vous demande d'avoir le courage de le rectifier. (Applaudissements.)