Séance du
vendredi 19 décembre 1997 à
17h
54e
législature -
1re
année -
3e
session -
64e
séance
IU 410
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Monsieur Vanek, je réponds à votre deuxième interpellation urgente.
Le président. Il s'agit de la troisième interpellation urgente qui porte sur la prestation de serment du Conseil d'Etat et laïcité de l'Etat !
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Je voulais dire, Monsieur le président, qu'il s'agit de la seconde interpellation, celle qui concerne le discours de Saint-Pierre et qui me concerne personnellement !
Le président. Ah, d'accord !
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. J'y réponds donc dans la foulée de la précédente !
Monsieur le député, je ne chercherai pas à vous convaincre de l'aspect particulièrement choquant de vos propos au sujet de la Bible que vous avez qualifiée «d'accessoire»; nous avons après tout chacun les références que nous méritons.
Je me bornerai simplement à vous apporter quelques éléments d'histoire.
D'abord pour rappeler que si le temple de Saint-Pierre est affecté au culte protestant de par l'article 167 de la constitution : «L'Etat continue à en disposer pour les cérémonies nationales.»
Comme vous le savez, puisque vous m'avez écouté avec attention, c'est en novembre 1622 que Saint-Pierre a accueilli pour la première fois une assemblée politique. Un ouvrage collectif nous enseigne qu'à l'époque, je cite : «Les électeurs choisissaient des magistrats... accomplissant à côté d'un devoir civique un acte de caractère religieux.» Vous êtes la preuve que les temps ont bien changé !
Après les troubles révolutionnaires, l'année 1827 renoue avec la tradition d'une cérémonie publique dans la cathédrale.
En 1847, les magistrats juraient devant Dieu d'être fidèles à la République, d'observer religieusement la constitution, mais la formule avait changé; on ajoutait : «...sans jamais perdre de vue que ces fonctions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple.»
En décembre 1957, c'est tout récent, les magistrats juraient devant Dieu. Cette référence au Tout-Puissant est maintenant implicite, laissée au libre arbitre de chacun en son for intérieur. Vous voilà donc soulagé pour le futur au cas où...
Monsieur le député, vous nous avez indiqué quelle était l'expression de votre libre arbitre, sans que nous puissions déterminer quel est votre for intérieur. Permettez-moi de vous dire ma propre conviction. Fondamentalement, un serment est sacré, ce sont d'ailleurs deux termes qui ont la même étymologie. Il est dès lors naturel qu'un serment fasse référence au Tout-Puissant et donc aux Ecritures. Il en découle que prêter serment devant une Bible va de soi.
En parallèle à cette profession de foi, il en est une autre qui me tient à coeur. Jean-Rodolphe de Salis écrivait en 1936 : «A quoi sert l'histoire, sinon à relier les unes aux autres les générations qui passent et à représenter la continuité de l'effort humain. Tant qu'il y a une histoire, nous resterons en possession de l'héritage que nos devanciers nous ont légué. Si vous l'abolissez, nous ne serions bientôt que de lamentables dépossédés qui retomberaient en barbarie. Nous cesserions en effet de comprendre le monde qui nous entoure et, ne le comprenant plus, il serait comme un arbre à qui on a coupé ses racines.»
Monsieur le député, j'ai mes racines dans cette terre de Genève, je souhaite que vous puissiez penser de même et reconnaître alors qu'il est non seulement vain mais criminel de vouloir tuer les traditions.
Cette interpellation urgente est close.