Séance du
vendredi 19 décembre 1997 à
17h
54e
législature -
1re
année -
3e
session -
64e
séance
IU 409
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de m'excuser par avance de ne pouvoir répondre brièvement et légèrement à cette interpellation urgente.
En évoquant «des générations mal construites de l'intérieur», j'ai utilisé, Monsieur le député, une métaphore ressortant du domaine du bâtiment et de l'art de construire.
Il y a des maisons de belle allure, sises dans un parc superbe, entourées d'arbres magnifiques ou simplement situées devant un panorama de qualité qui cependant vieillissent mal. Leurs murs sont marqués d'humidité faute d'une étanchéité suffisante, la répartition discutable des embrasures privilégie les courants d'air ou simplement sont-elles trop sombres ou encore les dimensions intérieures déterminent-elles une certaine difficulté d'habiter. Ce sont des maisons convenables vues du dehors, elles sont mal construites vues de l'intérieur.
Vous me rétorquerez - vous connaissant - que c'est la société que je décris et non les gens qui l'habitent. Je n'entends pas rouvrir le débat «rousseauiste» sur la relation entre l'homme et la société. Je constate simplement que notre peuple a vécu des heures bien plus difficiles que celles que nous égrenons ensemble et qu'il a fait preuve d'une magnifique résistance morale. Nous discernons aujourd'hui les signes d'une certaine fragilité spirituelle qu'illustre, par exemple, l'essor des sectes les plus invraisemblables. Nous distinguons également une certaine vulnérabilité face aux événements par manque de ressort et d'engagement et pour tout dire une superficialité propre aux sociétés de consommation. N'avez-vous pas, comme moi, regretté le taux d'absentéisme qui frappe notre démocratie ? N'avez-vous pas, comme moi, constaté que nombre de nos concitoyens, quand ils ont fini de se lamenter sur la dureté des temps et sur la crise qui les meurtrit, sont intarissables au sujet de leurs vacances passées ou à venir ?
Voilà ce que signifiait l'expression que j'ai utilisée. Je crois sincèrement que notre peuple - et je me sens partie intégrante de ce peuple dont je parle - a pour partie besoin d'une reconstruction spirituelle. Elle ne peut être que chrétienne, de longue haleine et fermement encouragée par celles et ceux qui veulent d'une Suisse forte comme l'ont voulue celles et ceux qui l'ont créée, maintenue et fortifiée.
Je perçois, Monsieur le député, que vous n'êtes pas concerné par cette image, vous qui avez qualifié la Bible «d'accessoire» d'une cérémonie laïque. Il se trouve qu'à Saint-Pierre, le 8 décembre dernier, je me suis exprimé en Président d'un Conseil d'Etat attaché à nombre de valeurs essentielles et en chrétien tout naturellement appelé à témoigner.
Ne voyez donc dans mes propos aucune allusion péjorative. Par ailleurs, vous n'êtes pas obligé de les partager et encore moins de partager mes convictions. Mais voyez les malices du temps : mon chef de cabinet me signale que Jean-Jacques Rousseau, dans un texte posthume publié en 1782, quatre ans après sa mort, exhortait les citoyens, je cite : «à bâtir des forteresses dans leur coeur». Pour mémoire - et cette réminiscence devrait vous faire plaisir - Jean-Jacques Rousseau a été l'auteur d'un «Discours sur l'origine et le fondement de l'inégalité parmi les hommes», ouvrage dans lequel il exprimait sa recherche d'une harmonie entre les hommes par une critique des fondements d'une société corruptrice. Monsieur le député, si vous aviez pu - à l'époque - vous «payer» Jean-Jacques Rousseau par une interpellation urgente, il est certain que vous n'auriez pas écouté notre discours de Saint-Pierre de manière si subjective. Soyez tranquille, personne ne vous en veut; nous sommes même flattés de l'attention que vous nous portez, même si vous donnez l'impression de protester par plaisir de protester, attitude qui va droit au coeur du protestant que je suis.
Cette interpellation urgente est close.
11. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Pierre Vanek : Prestation de serment du Conseil d'Etat et laïcité de l'Etat. ( )