Séance du
jeudi 18 décembre 1997 à
17h
54e
législature -
1re
année -
3e
session -
59e
séance
M 1166
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que la Constitution de la République et canton de Genève stipule dans son article 161, alinéa 1, que la loi règle l'organisation des établissements d'instruction publique qui sont en tout ou en partie à la charge de l'Etat, et dans son alinéa 2 que ces établissements forment un ensemble qui comprend:
a) l'enseignement primaire ;
b) l'enseignement secondaire ;
c) l'enseignement supérieur et universitaire;
- que le centre de Lullier, comportant l'école d'ingénieurs ETS, l'école d'horticulture, l'école pour fleuristes de Lullier, le laboratoire cantonal d'agronomie, et l'observatoire du milieu lémanique, fait partie du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales;
- que l'organisation et la mise en place des Hautes écoles spécialisée de la Suisse occidentale, votées par les citoyens de ce canton le 8 juin 1997, sera entreprise par la Conférence des chefs des départements cantonaux chargés du dossier de la Haute école spécialisée de la Suisse occidentale (présidente du comité stratégique : Mme Martine Brunschwig Graf), et que les écoles du centre de Lullier (école d'ingénieurs ETS, école d'horticulture et école de fleuristes) devront pouvoir faire partie de ce nouveau réseau;
- que l'apprentissage du métier de fleuriste en entreprise dure trois ans jusqu'à l'obtention du CFC, mais que le règlement de l'école de fleuristes de Lullier prévoit un cursus scolaire de quatre ans pour l'obtention d'un CFC (équivalant à un diplôme de fleuriste de Lullier) et d'une maturité professionnelle;
- que l'enseignement suivi pendant la première volée de quatre ans (1993-97) ne permettait pas ou que difficilement à ces étudiants l'inscription aux examens de maturité professionnelle et qu'aucun d'eux n'a fait une maturité professionnelle (de ce fait, tous auraient pu terminer leur formation une année plus tôt avec les mêmes certificats);
- qu'il sera vraisemblablement tout aussi difficile pour les étudiants de la deuxième volée (1994-98) d'obtenir une maturité professionnelle,
invite le Conseil d'Etat
à prévoir l'intégration de toutes les écoles du centre de Lullier dans le département de l'instruction publique (DIP), s'inscrivant de cette manière en droite ligne dans l'esprit de la réforme de l'Etat, qui demande une administration organisée par grands domaines d'action, tel que, entre autres, la formation... et ainsi faire profiter tous les étudiants du centre de Lullier des compétences et du savoir-faire des enseignants et des cadres administratifs du DIP;
à éviter de cette manière les doublons (p. ex. négociations avec les responsables de ces formations à l'OFIAMT, préparation des examens des maturités professionnelles [voir CEPTA, ESC, et école des arts décoratifs (EAD)], organisation HES-SO), c'est-à-dire de faire des économies en énergie, en temps et, de ce fait, financières;
à exiger que le centre de Lullier respecte le règlement de l'école mis en vigueur le 29 avril 1993 et ainsi ses engagements du début, afin que les étudiants puissent poursuivre leurs études dans de bonnes conditions, jusqu'aux examens finaux, avec une maturité professionnelle à la clé;
à mettre en place une commission tripartite de concertation entre professionnels du métier, autorités scolaires et parents (voire étudiants majeurs) afin de prévenir tout dysfonctionnement et malentendu.
EXPOSÉ DES MOTIFS
En 1991, un groupe de fleuristes de Suisse romande, avec des représentants de Lullier, discutent de la possibilité de créer une formation de fleuriste plus efficace pour former de futurs patrons. Cette formation est complexe, car il faut être à la fois bon acheteur, avoir de bonnes connaissances des végétaux et un grand «feeling» avec la clientèle, avoir de bonnes connaissances générales, un sens artistique et commercial développé et être capable de suivre le courant des modes dans le métier. On estime, à ce moment, que l'enseignement doit être plus précis et plus poussé pour former des gens qui auront envie de rester dans le métier (trop d'apprentis, mais pas assez de fleuristes). Le groupe part de l'idée qu'une nouvelle filière de formation ne peut être créée qu'en étroite collaboration avec les associations professionnelles et avec l'aide de l'orientation professionnelle.
Un premier projet est accepté par l'Association suisse des fleuristes. Ce conseiller d'Etat mandate le groupe de préparer un programme, basé sur le partenariat et répondant à une attente des associations professionnelles, dans un délai très court (deux ans au lieu des cinq ans prévus par les initiants («pour que l'affaire devienne irréversible»).
La formation se fera en quatre ans. En accord avec l'OFIAMT qui accepte le projet de règlement de l'école à Lullier (août 92), on intègre l'obtention d'une maturité professionnelle (ouverture à l'Europe oblige), à côté du CFC qui sera équivalent à un «diplôme de Lullier». Le règlement définitif de l'école sort à mi-avril 1993 et l'école est effectivement créée. L'ouverture de la première classe est prévue et effectuée en automne 1993. La «commission Lullier» est dissoute en novembre 1993.
Le centre de Lullier est placé sous l'autorité du président du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (C 1 25, art. 2). Il préside la commission consultative qui doit préaviser sur les questions, notamment, de l'organisation du centre et de l'enseignement (art. 4).
L'école de fleuristes de Lullier, telle qu'elle est conçue, est un fabuleux instrument pour pouvoir donner une formation de qualité à tous ceux qui y investissent et consacrent le temps, la volonté et le travail nécessaires.
Seule école de ce genre en Suisse, Lullier offre officiellement cette formation (eurocompatible) depuis 1993, suite à un accord entre l'OFIAMT, l'Association suisse des fleuristes (ASF) et le canton de Genève, subventions de la Confédération et de différents cantons à l'appui. Le centre accueille des élèves venant de toute la Suisse et même de France voisine, avec tout ce que cela implique en termes de frais d'écolage et d'internat pour les parents.
La cinquantaine d'étudiants de l'école de fleuristes s'y sont inscrits en se basant essentiellement sur des prospectus sur papier glacé ou des articles fort élogieux et prometteurs dans la presse professionnelle, s'engageant pour un parcours de quatre ans, au lieu des trois ans pour un apprentissage normal en entreprise, pour avoir, à la sortie, un diplôme de l'école pour fleuristes de Lullier reconnu au titre de certificat fédéral de capacité (CFC), et une maturité professionnelle.
Après deux ans d'expérience de cours (1995), une entrevue de tous les partenaires permet une mise au point des questions et des solutions à trouver. L'année suivante (juillet 1996), l'Association suisse des fleuristes (ASF) constate que les problèmes subsistent et qu'il faut clarifier les compétences de chaque partenaire. Le directeur de l'école confirme se tenir au règlement établi et demande de patienter jusqu'à la sortie de la première volée d'étudiants en été 1997 pour pouvoir juger du niveau et de l'efficacité de l'école.
Or, lors d'une réunion des parents convoquée pour le 8 novembre 1996, la même direction de Lullier explique que l'obtention de la maturité professionnelle était «trop difficile mais pas si importante que ça, et qu'elle pourrait de toute façon se faire à n'importe quel moment, plus tard, ailleurs» (contrairement à l'art. 127 du règlement de l'école des fleuristes). En avait-elle informé préalablement le département? Consternation parmi les personnes présentes lors de cette réunion devant l'annonce de l'incapacité du centre à préparer les étudiants à une maturité professionnelle. Intimidation chez les étudiants ensuite, démotivation partout. Est-ce qu'on a le droit de changer les règles du jeu en cours de route?
L'article 135 du règlement stipule que les maîtres doivent développer chez leurs élèves l'esprit de collaboration, d'entraide et de solidarité ainsi que le sens des responsabilités. Cet article ne se réfère-t-il qu'aux élèves? La demande ne devrait-elle pas être valable aussi pour l'école? La responsabilité de l'école ne serait-elle pas de pouvoir tenir ses engagements?
Comment accepter, après trois ans de formation, à plus que mi-parcours, un tel retour en arrière qui fait fi des engagements pris et, de plus, va à l'encontre de la volonté politique visant à revaloriser la formation professionnelle? Que les lois et règlements soient respectés, c'est ce que sont en droit d'attendre les étudiants, les parents, les parlementaires qui votent le budget annuel (environ 3 millions de francs pour l'école de fleuristes), et avec eux tous les citoyens-contribuables.
Lors de différents entretiens qui ont suivi cette réunion mémorable, il a été assuré que l'obtention d'une maturité professionnelle n'était nullement mise en cause, citant l'exemple édifiant de l'école d'horticulture, où quatre élèves sur trente-deux l'avaient obtenue à force de beaucoup d'heures de rattrapage en fin d'année scolaire 1995/96. Comment, dès lors, expliquer que dans les annonces parues (à un autre moment que celle des écoles postobligatoires!) dans les journaux, invitant les élèves sortant du cycle d'orientation à s'inscrire à l'école de Lullier, il n'est plus fait allusion à la possibilité de s'inscrire, comme prévu au règlement, pour une maturité professionnelle?
Est-on en train d'abandonner le projet initial, mais sans en informer les autorités?
Répondant à une lettre des parents plus de six mois après sa réception (début décembre 1996-juin 1997), la direction de l'école parle seulement d'une adaptation de la formation aux exigences professionnelles. Suivant les normes modifiées dernièrement par les autorités fédérales de l'OFIAMT, la maturité professionnelle technico-agricole serait abandonnée au bénéfice d'une maturité professionnelle artisanale. Soit. Mais quels autres problèmes à résoudre et combien?
Toutes les autres écoles menant à une maturité professionnelle dépendent du DIP (CEPTA, ESC, et école des arts décoratifs). Pour des questions d'efficacité et pour éviter des doublons, il serait plus que souhaitable que les écoles de Lullier soient transférées et puissent être gérées par ce même département. Une telle mesure ne s'inscrirait-elle pas en droite ligne dans l'esprit de la réforme de l'Etat?
Une volée d'étudiants est sortie de cette école après quatre ans, avec les diplômes qu'elle aurait pu acquérir en entreprise en trois ans. Cette année de plus, sacrifiée - en temps, énergie et argent - est inadmissible pour les étudiants qui s'investissent, pour les parents qui paient une grande partie de cette formation, pour la renommée nationale et internationale de cette école unique en Suisse, et, avec elle, pour la réputation de notre canton et de ses institutions.
Pour que cela change, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement cette motion et de l'adresser dans les plus brefs délais au Conseil d'Etat. Les étudiants vous en remercieront.
Débat
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Reprenant la proposition de motion de mon ex-collègue Elisabeth Häusermann et tout en réalisant parfaitement le décalage entre le dépôt de cette proposition et aujourd'hui, je tiens à vous apporter quelques commentaires.
Concernant la première invite, on ne peut que féliciter le Conseil d'Etat de sa clairvoyance en intégrant l'école de fleuristes dans sa nouvelle organisation du DIP. Cette intégration permettra de simplifier les négociations pour l'avenir de cette formation au niveau de l'OFIAMT et de l'organisation des HES.
Néanmoins, il ne faudra pas oublier de concrétiser une véritable commission tripartite, afin de faciliter la communication entre les différents acteurs concernés.
Dernière recommandation. Il est essentiel de mettre en place une maturité professionnelle pour cette école de fleuristes.
C'est seulement grâce à ces modifications fondamentales que cette école, unique en son genre, observée par différents pays, pourra gagner des fleurons supplémentaires et former des professionnels compétents.
Le groupe radical, satisfait du rattachement de Lullier au DIP, retire donc cette proposition de motion.
Le Grand Conseil prend acte du retrait de la proposition de motion 1166.
Le président. Je salue à la tribune la présence de Mme Häusermann, notre ancienne collègue. (Applaudissements et exclamations.)