Séance du jeudi 4 décembre 1997 à 17h
54e législature - 1re année - 2e session - 55e séance

RD 287-1
11. Rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil pour l'année 1997. ( -) RD287
Rapport de Mme Geneviève Mottet-Durand (L), commission des visiteurs officiels

I. Introduction

La commission des visiteurs officiels (ci-après: la commission) s'est réunie à treize reprises, a tenu 5 séances et visité 6 établissements, le centre LAVI et le service du patronage.

Mme Mireille Gossauer-Zürcher en a assuré la présidence, assistée de Mmes Sylvia Leuenberger, vice-présidente, et Geneviève Mottet-Durand, rapporteur. Le bureau du Grand Conseil était représenté par Mme Nelly Guichard.

La commission adresse ses vifs remerciements à :

- M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat chargé du département de justice et police et des transports (DJPT);

- M. Alexandre Agad, secrétaire adjoint chargé du domaine pénitentiaire;

- M. Jacques Reymond, directeur du service de l'application des peines et mesures (SAPEM);

- M. Georges La Praz, directeur adjoint du SAPEM.

Ils ont assisté la commission d'une manière soutenue et donné à chaque fois les informations et explications utiles à son bon et efficace fonctionnement.

Elle exprime également sa profonde gratitude à MM. Armand Obrist et Jean-Michel Sallin, respectivement chef de service et adjoint au chef de service du Grand Conseil qui ont organisé les visites et les déplacements avec efficacité, et à M. Jean-Luc Constant, nouveau procès-verbaliste, pour la très grande qualité de son travail.

Enfin, elle remercie chaleureusement les personnes suivantes ainsi que leurs collaborateurs, pour leur accueil, leur disponibilité et les renseignements fournis:

- M. Laurent Walpen, chef de la police et ses collaborateurs;

- MM. Denis Choisy et Guy Savary, respectivement directeur et directeur adjoint de Champ-Dollon, et M. Henri Thomet, gardien-chef;

- Mme Marie-Jeanne de Montmollin, directrice de la Pâquerette;

- Mme Marianne Heymoz, directrice du pénitencier de Hindelbank,M. Martin Lachat, vice-directeur, M. Michael Imhof, collaborateur scientifique de l'office de la privation de liberté et des mesures d'encadrement, Mme Hedwige Ramseyer, responsable au sein du pénitencier;

- M. Armando Ardia, directeur du pénitencier de la Stampa, etM. Colombo, chef du service d'exécution des peines;

- M. Denis Pieren, directeur des Etablissements de la Plaine de l'Orbe,M. André Valloton, chef du service pénitentiaire vaudois, et M. Jean-François Madörin, directeur adjoint;

- M. Henri Nuoffer, directeur du pénitencier de Bellechasse,MM. Andréas von Kaenel et Paul-André Morandi, adjoints du directeur;

- M. Jean-Michel Claude, directeur du service du patronage;

- Mme Jacqueline Horneffer-Colquhoun, directrice du service de protection de la jeunesse;

- Mme Claire Rihs, adjointe à la direction de l'office de la jeunesse;

- M. Martin Stettler, doyen de la faculté de droit de l'université deGenève;

- M. André D. Schmidt, ancien juge à la Cour de justice;

- Mme Colette Fry, responsable du centre LAVI, et Mme Gisèle Gampert-Péquinot, présidente de l'Instance d'indemnisation.

II. Activités de la commission

a) Les visites d'établissements

1. La prison de Champ-Dollon (4 mars-2 septembre 1997)

Le taux d'occupation a été très fluctuant; toutefois, la moyenne s'élève à 103% alors que l'établissement a connu une certaine accalmie durant les3 années précédentes; 84,4% des détenus sont entrés en 1997, 14,8%, soit36 personnes dont 22 n'ont pas encore été condamnées, sont arrivés en 1996. Ces chiffres confirment qu'il n'y a pas de détenus qui stagnent en préventive depuis plusieurs années. M. Gérard Ramseyer, président du DJPT, dont la présence a été appréciée lors de la séance du 2 septembre 1997, constate qu'aucun problème particulier n'est à relever à la prison. Cette dernière est bien dirigée et bien tenue. Il fait part d'une décision du Tribunal fédéral qui consiste en un réaménagement des locaux pour l'hébergement des requérants d'asile.

Si le coût des rénovations proposées s'avère trop onéreux, d'autres solutions devront être envisagées, comme, par exemple, une solution commune au niveau aéroportuaire international.

Au nom de la commission des visiteurs officiels, Mme la présidente a remercié chaleureusement MM. Choisy et Thomet qui quitteront prochainement leurs fonctions.

A chaque visite, ils ont accueilli la commission avec un intérêt certain, dans le souci de transparence et d'efficacité.

Lors de son audition, Mme Marie-Jeanne de Montmollin, directrice de la Pâquerette, relève que l'une des principales difficultés de cette section réside dans l'exiguïté des locaux, en particulier au niveau des ateliers, et que, pour des raisons de sécurité, il est important de pouvoir disposer de suffisamment d'espace. L'idée d'implanter un baraquement préfabriqué près de l'atelier existant doit être reprise rapidement car elle n'engage pas de gros frais, ni de personnel supplémentaire.

Mme la directrice souligne la bonne collaboration entretenue entre la Pâquerette et les écoles de commerce et signale que le DASS lui a accordé deux postes de sociothérateutes.

Dans le cadre de sa visite à Champ-Dollon, le 2 septembre 1977, la commission a reçu M. le juge André D. Schmidt qui est chargé d'examiner les cas d'arrestation ayant nécessité l'usage de la force, indépendamment de toute plainte. Après quelques malentendus dans la communication des dossiers qui sont apparus lors de ses premières interventions, M. André D. Schmidt relève qu'il reçoit tous les dossiers où l'usage de la force est mentionné, ce qui indique que la procédure de transmission des dossiers mise au point en 1996 (voir rapport 1996, ch. 5.1) fonctionne de façon satisfaisante. Le mandat de M. André D. Schmidt est particulier car il n'a aucun pouvoir décisionnel, mais a pour mission de signaler à la présidence du DJPT les affaires qui justifient, selon lui, l'ouverture d'une enquête disciplinaire. Ce sont en moyenne dix à quinze dossiers qui lui sont remis mensuellement. M. André D. Schmidt informe régulièrement le département de l'état de ses travaux.

2. Le pénitencier de Hindelbank (22 avril 1997)

La détention de femmes a débuté en 1896, dans ce château cédé à l'Etat de Berne en 1866 qui l'a tout d'abord transformé en établissement de charité pour femmes. Les établissements propres à la détention ont été construits dans les années 50, à côté du château qui, lui, accueille l'administration. Ce pénitencier est divisé en 6 sections dont 5 sont actuellement ouvertes; 3 sont destinées à l'exécution normale des peines, les autres sont des sections spéciales, une constitue le projet «Haus im Grünen», une est destinée aux interventions de crises et une autre aux mères et enfants. Une section semi-liberté a été ouverte à Berthoud.

La consommation de stupéfiants dans l'établissement à laquelle est lié un taux élevé de séropositivité - 20% des détenues étaient séropositives en 1992-1993 - a conduit le service médical du pénitencier à mettre en place un programme d'information et de distribution de seringues stériles. Ces seringues sont à disposition dans un automate. Il est précisé que les détenues qui bénéficiaient d'un programme de méthadone avant leur arrivée peuvent le poursuivre au sein de l'établissement et que la consommation de stupéfiants a diminué depuis une année.

Un apprentissage peut être envisagé dans les ateliers de cartonnage, couture, poterie.

Le projet «Haus im Grünen» est une section spéciale, qui accueille des personnes en fin de peine, motivées et qui bénéficient de congés. Elles assurent tout le service quotidien dans une maison qui reste ouverte, située à quelques kilomètres du pénitencier.

Afin de responsabiliser davantage les détenues, le service social, auparavant centralisé, est aujourd'hui intégré dans les différentes sections.

L'établissement offre la possibilité de suivre des cours de langues donnés par des enseignants extérieurs ainsi qu'un programme d'éducation.

Le séjour moyen dans ce pénitencier se situe entre 2 et 4 ans, les condamnations se montent donc en moyenne à 6 ans.

3. Le pénitencier de la Stampa (29 avril 1997)

Vu l'exiguïté du territoire tessinois et son isolement du reste de la Suisse, l'établissement est muni de toutes les structures pénitentiaires - préventive, exécution de peine, haute sécurité, semi-liberté, semi-détention. Il compte, en moyenne 160 détenus - hommes, femmes - par jour. Sa population correspond à celle des autres établissements suisses, avec plus de détenus de nationalité italienne.

La Stampa dispose de moins de moyens que les autres établissements du pays. L'encadrement y apparaît plus flexible. Les gardiens et la direction disposent de leur propre façon de vivre avec la population carcérale, ils n'insistent sur la rigidité que là où elle s'avère nécessaire.

A l'instar de Genève, le canton du Tessin est doté d'une école cantonale de gardiens de prison qui précède la formation dispensée par l'école suisse des gardiens de prison.

Cette prison qui ne connaît pas de surpopulation compte 4 sections qui sont séparées par des ateliers; il n'y a pas de quartier d'isolement. Le service médical est performant; il se compose d'un médecin attaché à l'établissement et assisté de 3 aides-infirmiers. Les programmes de méthadone peuvent se poursuivre pour les courtes peines, ils sont interrompus dans les cas de longues détentions. La distribution de seringues stériles n'a pas cours au pénitencier de la Stampa. De manière générale, la politique de l'établissement vis-à-vis des stupéfiants est plus répressive qu'ailleurs en Suisse.

Un congé interne est accordé après 2 ans de détention. Les détenus ont la possibilité de passer quelques heures, 1 fois tous les 2 mois dans une petite maison située à quelques mètres du pénitencier. Ils peuvent y accueillir des personnes de l'extérieur. Annuellement, La Stampa reçoit un ou deux détenus genevois. Il s'agit en général de détenus dangereux.

4. Etablissements de la Plaine de l'Orbe (EPO) (3 juin 1997)

Les EPO traversent actuellement une période de mutation dans le domaine pénitentiaire et dans le domaine agricole. Ce dernier, qui demeure un outil nécessaire pour les détenus, verra une modernisation dont l'un des objectifs est l'auto-approvisionnement des établissements. Par ailleurs, des cultures proches de la nature seront mises en place.

Le domaine pénitentiaire est, quant à lui, confronté à un important problème dû à une augmentation des délinquants à caractère sexuel dont l'évolution a été particulièrement marquante au cours de ces deux dernières années.

Cette population carcérale nécessite un cadre sécuritaire élevé et les EPO ne sont pas dotés de l'équipement adéquat suffisant. Dès lors, des dispositions supplémentaires devront être prises. Certains de ces détenus purgent de longues peines, un secteur d'accueil leur est réservé et permet de les faire entrer dans un programme évolutif avec, quelquefois, des échanges avec des autres établissements fermés de Suisse, lorsque les risques apparaissent trop élevés.

5. Etablissements de Bellechasse (28 août 1997)

La nouvelle loi relative aux Etablissements de Bellechasse, entrée en vigueur le 1er mars 1997, modernise les anciennes dispositions légales et complète celles relatives aux établissements. Ceux-ci constituent une personne morale de droit public, dirigée par un organe supérieur de type conseil d'administration et par une direction. La principale innovation de cette loi est la création d'une commission consultative du personnel, instaurée à l'initiative de la direction, dont le président est également membre de droit à la commission administrative.

Les travaux de restructuration et de modernisation des bâtiments se poursuivent en parallèle à certains efforts menés également dans le secteur agricole. L'abandon du projet EEP 2000 touche également l'avenir de Bellechasse. Bien que comptant 17 places supplémentaires dans le bâtiment cellulaire, cet établissement n'est pas à même de proposer un régime sécurisé sans aménagements particuliers.

Genève conserve toujours une proportion importante de détenus dans ce pénitencier puisqu'elle s'élève parfois à 45%.

b) Autres visites

1. Le centre LAVI ( 25 février 1996)

Bien que n'étant pas directement concernés par la LAVI ou le centre d'indemnisation, les commissaires ont souhaité recevoir une information un peu plus approfondie sur les prestations diverses qui sont offertes aux victimes répondant aux critères de la loi. Cette instance travaille en étroite collaboration avec la police, les différents services sociaux, les hôpitaux et est à la disposition des victimes, 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine.

L'instance d'indemnisation intervient pour une réparation d'un préjudice subi d'une part, et d'autre part pour une réparation morale.

2. Service du patronage (24 juin 1997)

Aujourd'hui, ce service se trouve en sous-effectif important compte tenu de la charge de travail continuellement croissante. Il y a 10 ans, M. Michel Porcher, ancien directeur, tirait déjà la sonnette d'alarme en demandant des forces et des moyens supplémentaires au vu de la dégradation de la situation sociale et économique de notre population.

M. Jean-Michel Claude, nouveau directeur, s'est astreint, dès son entrée en fonction en avril 1996, à une analyse précise et approfondie de la mission de son service, des objectifs à réaliser à court et à moyen terme, et des moyens dont il disposait pour répondre à ces exigences. Force est de constater que la charge de travail par poste a beaucoup augmenté ces dernières années, qu'en période difficile, il serait préférable d'intervenir socialement et de proposer un accompagnement soutenu aux personnes en difficulté, en constante augmentation.

En 1996, le centre a reçu 600 personnes, 40% sont sous mandat et 60% se sont présentées spontanément. L'aide qui leur est apportée est de tous ordres: gestion des affaires personnelles, recherche de logement, orientation des toxicomanes dans des lieux d'accueil, accompagnement dans la recherche d'un emploi, gestion de l'assurance-maladie, des frais médicaux. On constate donc que les assistants sociaux consacrent davantage de temps à régler des problèmes administratifs des usagers qu'à les assister socialement; les cas sont de plus en plus lourds, les situations personnelles plus complexes qui requièrent de plus en plus de temps et de moyens.

3. Visites non annoncées de postes de police (24 avril-12 mai 1997)

Le 24 avril 1997 à 15 h, une délégation de la commission a été reçue au poste de police du boulevard Carl-Vogt. MM. Rechsteiner, Guglielmetti et Théraulaz ont fait visiter aux 3 députés les violons. Il y a 14 cellules dont une double mais qui n'est jamais utilisée par plus d'une personne. Ce poste de police reçoit toutes les personnes faisant l'objet d'un mandat d'amener sur le territoire cantonal. Les cellules sont par conséquent souvent toutes remplies, de sorte que certains postes gardent plus longtemps que prévu les détenus. Les personnes arrêtées reçoivent de la nourriture aussi souvent qu'elles le désirent et bénéficient d'une couverture propre.

Selon M. Rechsteiner, chef de la police de sûreté, la police recourt rarement à l'usage de la force à l'égard des personnes détenues dans les violons. Si des lésions sont constatées, elles sont protocolées dans un rapport qui est directement transmis par l'état-wajor de la police à M. le juge André D. Schmidt. A l'inverse, l'usage de la force est plus souvent nécessaire lors des arrestations.

Le 12 mai 1997, une autre délégation de la commission a été reçue au poste de police de l'aéroport par M. Jean-Claude Ducrot, commissaire de police et chef de la police de l'aéroport. La discussion s'est plus particulièrement axée sur le problème des requérants d'asile dont la prise en charge incombe aussi à ce poste. Une restructuration des locaux est prévue pour la fin de cette année: le poste de police sera déplacé à Blandonnet, le SARA (service de l'asile et du rapatriement de l'aéroport) occupera les locaux de l'actuel poste de police et la police de l'aéroport se situera à l'intérieur de l'aéroport. Les commissaires ont visité les locaux, dont les violons composés de 2 cellules et 3 dortoirs de 6 places chacun, réservés aux requérants ou aux personnes en attente de refoulement.

Deux députées (Ve, S) souhaitent que la procédure concernant les visites des violons soit simplifiée afin que les hautes instances de la police n'aient pas à se déplacer pour accueillir la délégation.

III. Délinquants sexuels

Les travaux de la commission en vue de protéger les mineurs contre les délinquants sexuels se sont poursuivis en 1997 par l'audition de plusieurs personnes concernées par ce thème dont: : M. Martin Stettler, doyen de la faculté de droit de l'université de Genève, Mme Jacqueline Horneffer-Colquhoun, directrice du service de protection de la jeunesse, et Mme Claire Rihs, adjointe à la direction de l'office de la jeunesse. Ces travaux sont à l'origine de la résolution 331 concernant certaines mesures à prendre en vue de lutter contre la criminalité sexuelle et devaient également permettre l'élaboration d'un projet de loi introduisant dans la législation cantonale des mesures permettant d'interdire aux pédophiles d'exercer des professions ou d'avoir des activités les mettant en contact direct avec les enfants. Toutefois, conformément à la dernière invite de la motion 1088 concernant les mesures prises en matière de lutte contre la criminalité sexuelle s'agissant notamment des enfants, il appartiendra au Conseil d'Etat de proposer prochainement une telle modification légale qui, selon certains cadres du département de l'instruction publique auditionnés, devrait toucher la loi sur le placement des mineurs hors du foyer familial, du 27 janvier 1989 (J 6 25).

IV. Modifications légales et réglementaires intervenuesen 1997 dans le secteur pénitentiaire

Modification de la loi sur l'exécution des peines, la libération conditionnelle et le patronage des détenus libérés (E 4 50) et du règlement sur la libération, la réintégration et le patronage des condamnés et des internés (E 4 50.12)

Profitant d'un projet de loi déposé par le Conseil d'Etat qui avait pour but de modifier la composition de la commission de libération conditionnelle afin que celle-ci puisse satisfaire aux exigences posées par le nouvel article 98a OJF, le Grand Conseil a décidé de revoir le fonctionnement du système de libération conditionnelle à Genève en réfléchissant à une meilleure gestion des risques des condamnés libérés. Pour y parvenir, les modifications suivantes ont été introduites:

- décharger la commission de libération conditionnelle des cas «bagatelles» (peines de moins de 3 ans) et confier ces cas au chef du département de justice et police et des transports (lequel peut décliner sa compétence s'il estime que le détenu présente malgré tout un risque particulier);

- assurer une composition pluridisciplinaire à la commission de libération conditionnelle (un juge, un médecin, un avocat, un travailleur social et trois laïcs);

- assurer la représentativité politique des membres laïcs (afin que la sensibilité populaire du moment soit également représentée);

- ouvrir, pour les cas les plus lourds (peines supérieures à 3 ans), le recours au tribunal administratif pour le détenu et pour le département de justice et police et des transports si ce dernier craint que l'élargissement du condamné présente un danger pour la sécurité publique;

- permettre au procureur général et au service de l'application des peines et mesures d'assister aux débats de la commission de libération conditionnelle avec voix consultative.

Ces modifications visant notamment à ce que la commission de libération conditionnelle se consacre pleinement aux cas les plus lourds devraient permettre de mieux apprécier et gérer les risques liés aux décisions de libération conditionnelle. C'est ce même souci qui a conduit le Conseil d'Etat a adopter, dans son règlement d'application (art. 5), la règle selon laquelle l'examen des dossiers de délinquants présentant un danger particulier ne doit pas être confié à un seul rapporteur. Il convient que de tels dossiers fassent l'objet d'un examen de la part de tous les membres de la commission. Il est en effet notoire que certains psychopathes sont extrêmement convaincants, manipulateurs, voire sympathiques. Certains ont une intuition aiguë pour détecter les points faibles de leur interlocuteur et les exploitent habilement. En confiant l'examen préalable du dossier à une seule personne on court le risque qu'elle soit séduite ou manipulée. L'examen par la commission plénière offre à cet égard la garantie d'une meilleure objectivité.

V. Rapport du CPT suite à sa visite en Suisse en 1996

Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a effectué sa deuxième visite périodique en Suisse du 11 au 23 février 1996. A cette occasion, il a inspecté, dans les cantons de Berne, de Genève, du Tessin, de Vaud, du Valais et de Zurich, une trentaine d'établissements consacrés à la garde à vue, à la détention préventive, à l'exécution des peines et mesures, aux soins psychiatriques et à l'accueil des requérants d'asile. Dans son rapport notifié au Conseil fédéral au début octobre 1996 et rendu public le 26 juin 1997, le CPT expose les constatations faites durant sa visite et formule à l'attention des autorités suisses un certain nombre de recommandations, commentaires et demandes d'informations, sur lesquels le rapport intérimaire du Conseil fédéral se détermine. Les prises de position des cantons concernés par la visite y sont notamment reprises.

De façon générale, le CPT se déclare satisfait de sa visite en Suisse. Il n'a recueilli aucun indice de torture dans notre pays. Il rapporte toutefois des cas dans lesquels des personnes allèguent avoir été, dans certains cantons, maltraitées par des membres du corps de police. Il formule aussi des remarques critiques relativement à certaines pratiques lors de l'arrestation de suspects, à la prise en charge de détenus souffrant de troubles psychiques graves (hôpital de Mendrisio, TI), aux possibilités restreintes de promenade (minimum 1 heure d'exercice en plein air par jour) et de loisirs en prison préventive (prison régionale de Berne) et aux examens corporels effectués dans un environnement inapproprié (aéroport de Zurich-Kloten). Mais ce sont surtout les conditions dans lesquelles les détenus sont transportés par train qui ont été jugées très problématiques par le Comité (cellule de 1,3 m2/absence d'accompagnement). Celui-ci revient par ailleurs sur des questions de principe déjà soulevées dans son premier rapport. Il s'agit notamment du droit invoqué de toute personne interpellée par la police d'être assistée par un avocat, de consulter un médecin de son choix et d'avertir de son arrestation un proche ou un familier, et ce dès le début de la garde à vue.

S'agissant de l'accès à un avocat dès le début de la garde à vue, le Conseil fédéral est d'avis que cette recommandation s'oppose aux intérêts de la poursuite pénale. Des contacts prématurés avec un avocat seraient susceptibles de compromettre l'enquête et se justifieraient d'autant moins que la garde à vue est de courte durée. Le Conseil fédéral constate par ailleurs que ce droit n'est garanti ni par la constitution, ni par la CEDH. Le Conseil fédéral laisse cependant une porte ouverte en indiquant qu'il conviendra de se pencher à nouveau sur cette question au moment des travaux législatifs tendant à l'unification de la procédure pénale en Suisse. Dans sa prise de position, le Conseil fédéral a fait savoir au CPT que l'exigence que toute personne arrêtée soit immédiatement présentée à un médecin ne se laisse pas non plus déduire de la constitution fédérale ou de la CEDH. En revanche, si une personne pouvait avoir été blessée, par exemple au cours de son arrestation, il convient d'ordonner d'office un contrôle médical immédiat (affaire Huarto c/ Suisse, rapport de la commission européenne du 8 juillet 1993). Selon le Conseil fédéral, on ne peut toutefois en déduire aucune prétention générale à un contrôle médical immédiat, obligatoire. Le Conseil fédéral a en outre rappelé que le principe selon lequel toute personne privée de sa liberté a le droit d'informer un proche, voire un tiers de confiance de son choix, du fait de sa détention est admis de façon générale en Suisse. La quasi-totalité des législateurs cantonaux l'ont inscrit dans leur code de procédure pénale sous des formes plus ou moins large. Le Conseil fédéral a également rappelé que le Tribunal fédéral a consacré le droit pour le détenu de bénéficier d'une heure de promenade par jour. Demeurent réservés les cas des détenus particulièrement dangereux ou purgeant une peine disciplinaire d'arrêts.

Pour ce qui est du transfert des détenus par train, la Conférence des chefs de départements de justice et police (CCDJP) et le Conseil fédéral admettent que celui-ci doit être revu. Il s'agit de remettre en cause fondamentalement le système actuel de transport. Il aurait de toute façon fallu s'y atteler prochainement vu que les nouveaux trains à deux étages et à inclinaison ne disposeront plus de compartiment cellulaire. La CCDJP a donc mandaté un bureau-conseil externe afin de trouver une alternative au transport en train. A titre transitoire, des wagons SNCF ont été transformés et mis en service pour assurer le transport de détenus dans de meilleures conditions et des directives ont été édictées, interdisant notamment de transporter plus d'un détenu par cellule.

Le CPT a également inspecté en 1996 certains établissements déjà visités en 1991. Il a pu alors constater avec satisfaction que les conditions matérielles de détention s'étaient améliorées.

Le département fédéral de justice et police établira, à fin octobre de cette année, un rapport de suivi portant sur la mise en oeuvre des recommandations du CPT, ainsi que sur d'autres mesures prises au niveau de la Confédération et des cantons pour améliorer la situation des personnes détenues.

S'agissant plus particulièrement du canton de Genève, où une délégation du CPT s'est rendue les 15 et 16 février 1996, il convient de relever ce qui suit :

Tous les cas d'allégations de mauvais traitements cités dans le rapport du CPT ont fait l'objet d'une information détaillée de la part des autorités genevoises décrivant l'état de la procédure. Il va de soi que ce document n'a pas été publié pour des motifs relevant de la protection des données. A ce propos, on peut toutefois signaler que les autorités genevoises relèvent que la majorité des cas cités n'ont pas fait l'objet d'une plainte pénale de la part des prétendus lésés, de sorte que les allégations mentionnées dans les constats de lésions traumatiques ne sont pas confirmées. Par ailleurs, dans les cas où il y a eu plainte pénale, l'examen de celle-ci a révélé le plus souvent que les fonctionnaires de police ont agi de manière légitime et conforme au droit, de sorte que le procureur général a prononcé un classement. Enfin, les autorités genevoises rappellent que, chaque fois que des constats de lésions traumatiques sont établis, les rapports sont transmis par l'état-major de la police au procureur général, à la présidence du DJPT, ainsi qu'au juge André D. Schmidt pour déterminer si une suite pénale ou administrative se justifie. Le rapport du Conseil fédéral signale au demeurant que le nouvel article 38 de la loi sur la police, entré en vigueur le 22 juillet 1996, crée la base légale de la mission confiée depuis plusieurs années à M. André D. Schmidt.

Le CPT a salué les innovations introduites par le projet de loi 6957 s'agissant des garanties contre les mauvais traitements des personnes détenues (notamment, information d'un proche, accès à un médecin) et recommande aux autres cantons d'adopter des mesures analogues. Il formule une recommandation identique s'agissant d'un contrôle externe de la détention et se félicite que de telles visites de lieux de privation de liberté soient effectuées dans notre canton par la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (à noter que les autorités tessinoises étudient la possibilité de créer une commission semblable et que Zurich dispose d'une commission d'exécution des peines constituée de députés et de magistrats exerçant un contrôle sur les lieux de détention).

La visite par le CPT du nouvel Hôtel de police, des locaux de la police à l'aéroport, et ainsi que du poste de police de Pécolat, n'a pas suscité de remarques particulières dans la mesure où les violons qui s'y trouvent satisfont aux normes du CPT.

Lors de la visite du commissariat de police sis boulevard Carl-Vogt, le CPT s'est réjoui que, par rapport à sa précédente visite, des mesures visant à améliorer les conditions de détention ont été prises dont le principe a également été ancré dans la loi sur la police (équipement minimum des cellules, registre des violons). Le CPT déplore toutefois l'absence de lumière naturelle dans ces locaux qui ne sont cependant destinés qu'à la détention de courte durée.

Suite à sa visite du Centre d'enregistrement des requérants d'asile à Genève (CERA), le CPT a relevé que les personnes hébergées n'ont eu aucune critique d'aucune sorte à formuler à l'encontre du personnel travaillant dans ce centre. Il a en outre jugé que les conditions matérielles y étaient «globalement acceptables» bien que le taux d'occupation lui semblât élevé dans certaines chambres. Le Conseil fédéral est toutefois d'avis que le taux d'occupation est acceptable dans la mesure où il ne s'agit que de dortoirs pour la nuit. Le CPT a invité les autorités compétentes à améliorer l'activité récréative mise à disposition des personnes hébergées au CERA. A relever que la délégation du CPT a été «favorablement impressionnée par les soins médicaux assurés aux personnes hébergées au Centre».

VI. Introduction de la mixité à «La Clairière»

Depuis plusieurs années, le Tribunal de la jeunesse, la Fondation officielle de la jeunesse, ainsi que plusieurs organismes chargés de l'éducation spécialisée, sollicitent l'ouverture de «La Clairière» à la mixité. Rappelons que, depuis 1963, les garçons privés de liberté sont placés à «La Clairière», alors que les jeunes mineures, ne disposant pas à ce jour d'un établissement approprié dans notre canton, sont placées par le Tribunal de la jeunesse soit à la maison d'arrêt pour femmes de «Riant-Parc», soit - pour les observations en milieu fermé - au Centre communal pour adolescents de Valmont (à Lausanne) dont le coût de la prise en charge est très élevé. Afin de remédier à cette situation qui constitue une inégalité de traitement entre adolescents et adolescentes, le département de justice et police et des transports a demandé à la Fondation des Foyers Feux-Verts de se déterminer sur la faisabilité d'un scénario consistant à transformer l'actuel bloc de Montfleury en établissement mixte pour mineurs et à affecter l'actuel bâtiment occupé par «La Clairière» à la détention administrative (LMC). La Fondation des Foyers Feux-Verts a donné son accord de principe au printemps 1996 et les études ont pu débuter. L'office fédéral de la justice a, quant à lui, donné son assentiment au principe de l'aménagement de l'institution en automne 1996 et a fait connaître le montant des subventions fédérales fin février 1997. Dès qu'il sera possible de chiffrer de manière précise le coût de la construction, le Conseil d'Etat déposera un projet de loi pour un crédit de construction, ce qui devrait intervenir avant la fin de l'automne 1997.

VII. Mesures de contrainte

Suite à une décision prise par le Conseil d'Etat, la Maison d'arrêt de Favra est affectée exclusivement à la détention administrative (LMC) depuis le mois de janvier 1997: cet aménagement interne permet d'éviter tous les problèmes liés à la gestion simultanée de deux types de populations (pénale et administrative) dans un même établissement.

Depuis le 1er février 1997, échéance fixée pour l'adoption de dispositions cantonales d'application de la LMC, les autorités genevoises n'ont plus la possibilité de détenir administrativement des étrangers en vue de leur refoulemen: le règlement transitoire du Conseil d'Etat qui permettait de le faire a dû être abrogé et les dispositions nécessaires n'ont pas encore été introduites dans le droit cantonal.

Cette particularité perdurera jusqu'à l'entrée en vigueur, prévue pour septembre 1997, de la loi modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (F 2 10 - 7517) votée par le Grand Conseil le 19 juin 1997.

Pendant cette période transitoire, des travaux destinés à adapter la Maison d'arrêt de Favra à sa nouvelle affectation ont été entrepris. Parallèlement, la capacité d'hébergement de l'établissement a été mise à disposition des cantons romands ayant déjà adopté des dispositions d'exécution de la LMC.

En attendant la réalisation du projet d'établissement LMC «Montfleury-La Clairière», qui sera géré par une fondation concordataire (voir Concordat pour l'exécution de la détention administrative, du 4 juillet 1996), les détenus administratifs genevois seront placés à la Maison d'arrêt de Favra, expressément désignée par la loi cantonale précitée comme centre de détention administrative provisoire.

VIII. EEP 2000

Il convient de déplorer le refus d'entrée en matière du parlement vaudois sur l'exposé des motifs et projet de décret qui lui a été soumis par le Conseil d'Etat vaudois s'agissant de l'ouverture d'un crédit d'étude portant sur la construction d'un nouveau pénitencier à Orbe. Cette décision est d'autant plus regrettable que le CPT a, dans son dernier rapport, recommandé qu'une haute priorité soit accordée au projet EEP 2000. A la suite de ce vote, le Conseil d'Etat genevois a retiré le projet de loi 7667, devenu sans objet.

Rappelons que le projet avait été lancé conjointement avec le canton de Genève qui aurait dû prendre en charge un tiers des frais d'étude et de construction du nouveau pénitencier. Pour les autorités valdo-genevoises, le pénitencier de Bochuz, construit en 1929, n'offre plus les garanties de sécurité nécessaires. Cela résulte du vieillissement des bâtiments (notamment ceux concernant la partie sécurisée des EPO), de leur structure obsolète qui n'est plus adaptée pour faire face aux changements importants intervenus dans la population carcérale, ainsi que du manque de places sécurisées ou spécialisées. Le projet EEP 2000 devait notamment permettre d'offrir un nombre suffisant de places pour les détenus nécessitant un encadrement particulier (délinquants sexuels, détenus dangereux et récidivistes) ou atteints d'une maladie psychique. Dans le cadre de la situation actuelle, ni le canton de Genève, ni le canton de Vaud ne peuvent pleinement respecter leurs obligations concordataires.

Après l'échec de ce projet, les autorités compétentes sont à la recherche de nouvelles pistes pour répondre aux besoins les plus pressants en matière d'exécution des peines (délinquants sexuels, détenus dangereux ou atteints d'une maladie psychique). A noter que les autorités vaudoises viennent pour leur part de décider de l'aménagement d'un quartier de sécurité renforcé pour détenus dangereux (6 places). Le Conseil d'Etat vaudois a ainsi notamment accepté la création de 11 nouveaux postes de gardiens aux EPO, étant rappelé que dans le canton de Vaud la proportion de gardiens par rapport au nombre des détenus est l'une des plus basses de Suisse.

IX. Conclusions et recommandations

A la suite de ses visites et de ses discussions, la commission présente les conclusions et recommandations suivantes:

1. Au travers des visites d'établissements et des auditions de détenus, la commission a pu se convaincre que les conditions de détention sont bonnes dans les lieux de privation de liberté visités. La commission n'a notamment pas recueilli de doléances concernant d'éventuels mauvais traitements. La commission se plaît en particulier à relever la motivation et le dévouement dont font preuve la direction et le personnel des établissements visités.

2. La commission déplore le refus du parlement vaudois d'octroyer un crédit d'étude pour le projet EEP 2000. Il conviendrait de reprendre ce dossier en examinant de nouvelles pistes comme la réaffectation de structures existantes ou l'aménagement de nouvelles sections dans certains établissements afin de répondre aux besoins les plus pressants en matière d'exécution des peines (délinquants anormaux, délinquants sexuels). La recherche de telles solutions devrait avoir lieu au niveau concordataire.

3. S'agissant de la lutte contre les délinquants sexuels, la commission attend avec intérêts le rapport et les propositions que le Conseil d'Etat soumettra au Grand Conseil en réponse à la motion 1088.

4. La commission invite les autorités compétentes à étudier la possibilité d'étendre les ateliers du centre de sociothérapie de «La Pâquerette».

5. Convaincue de la nécessité d'introduire la mixité à «La Clairière», la commission invite le Conseil d'Etat à saisir le Grand Conseil des projets de loi nécessaires à la réalisation de ce projet.

Pour conclure, la commission réitère ses sincères remerciements à toutes les personnes qui lui ont permis de remplir au mieux sa mission. Elle invite le Conseil d'Etat et M. le procureur général à porter une attention particulière à ses conclusions et recommandations et vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter le présent rapport.

TABLE DES MATIÈRES

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 Pages

Chap. I - Introduction   9608

Chap. II - Activités de la commission   9610

a) Les visites d'établissements   9610

1. La prison de Champ-Dollon    9610

2. Le pénitencier de Hindelbank   9611

3. Le pénitencier de la Stampa   9612

4. Les Etablissements de la Plaine de l'Orbe   9613

5. Les Etablissements de Bellechasse   9613

a) Autres visites   9614

1. Le centre LAVI   9614

2. Le service du patronage   9614

3. Visites non annoncées de postes de police   9615

Chap. III - Délinquants sexuels   9615

Chap. IV - Modifications légales et réglementaires intervenues

 en 1997 dans le secteur pénitentiaire   9616

Chap. V - Rapport du CPT suite à sa visite en Suisse en 1996 9617

Chap. VI - Introduction de la mixité à «La Clairière» 9621

Chap. VII - Mesures de contrainte 9621

Chap. VIII - EEP 2000 9622

Chap. IX - Conclusions et recommandations 9623

ANNEXE - Statistiques de la prison de Champ-Dollon 9626

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ANNEXE

20Débat

Mme Anita Cuénod (AdG). Tout en prenant acte des tâches accomplies par la commission des visiteurs officiels, notre groupe estime néanmoins que, durant cette présente législature, les titulaires devront faire preuve d'une approche plus circonstanciée des visites de prison.

En effet, l'observation des conditions de détention, ainsi que les entretiens avec les détenus doivent procéder de techniques de base qui peuvent être acquises et doivent être organisées. Un cours de formation de quelques heures, au moins, devrait permettre à cette commission d'accomplir son mandat de manière concrète, utile et plus efficace.

D'autre part, nous souhaitons la poursuite des visites non annoncées dans les postes de police. Il va de soi qu'une visite annoncée ne remplit pas vraiment les mêmes buts.

Pour terminer, en ce qui concerne les statistiques fournies par l'administration de Champ-Dollon en dernières pages de ce rapport, elles devront être complétées l'année prochaine par la répartition entre résidants et non résidants en Suisse, afin d'obtenir une interprétation plus cohérente entre le nombre de détenus nationaux et étrangers.

Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). Les visiteurs ont décidément bien du mal à remplir le nouveau mandat qui leur a été confié à la suite des travaux de la commission de l'ancienne législature - Mme Cuénod vient d'en parler - je veux, bien entendu, parler des «visites de violons».

Si j'ai bien compris l'intention de nos collègues - en me référant au rapport 1993 de Mme Damien - il s'agissait de renforcer la protection des droits de l'homme au stade des interventions de police, tout en reconnaissant que dans l'exercice de leurs fonctions et, en particulier, lors d'arrestations de personnes dangereuses, les fonctionnaires de police sont parfois tenus d'utiliser la force à des degrés divers.

Les compétences de la commission des visiteurs se sont élargies et le règlement spécifie, depuis l'automne 94 que, pour la «visite des violons», elle informe immédiatement le chef de la police ou, à défaut, l'officier de police de service. Elle est ensuite accompagnée par un officier de gendarmerie ou un chef de section de la sûreté.

En novembre 94, une procédure pour une visite non annoncée, et sortie de je ne sais où, stipule qu'il faut :

- téléphoner au chef de la police;

- l'avertir qu'une délégation de la commission veut visiter un poste à l'improviste;

- fixer un lieu de rencontre sans préciser le poste que la délégation veut visiter;

- partir, ensuite, dans le poste choisi accompagnés d'un officier de gendarmerie et d'un chef de section.

Dans la pratique - pour avoir effectué plusieurs visites - lorsqu'on atteint le chef de la police, il nous demande où nous allons et il avertit lui-même le responsable du poste de police. Lorsque nous arrivons sur les lieux, nous sommes chaleureusement reçus par le responsable du poste. Il nous est même arrivé d'être accueillis par trois hauts fonctionnaires de police. Les visites étaient chaque fois très intéressantes.

Mais je ne comprends pas la notion «d'improviste», et je suis gênée de faire perdre du temps à des fonctionnaires qui ont des tâches importantes à remplir. L'intention de nos collègues ne semble pas être respectée. Il ne s'agit pas de chercher à tout prix à dénoncer des violences policières, mais plutôt à contenir d'éventuelles «pertes de nerfs dans les violons». Si le policier de garde sait que des députés peuvent arriver à n'importe quel moment, peut-être contiendra-t-il ses pulsions.

D'autre part, notre rôle est aussi de rassurer la population en constatant qu'il n'est pas fait usage de la force dans les «violons».

M. Jean-Pierre Restellini (Ve). Comme jeune député, je me félicite des nouvelles tâches que s'est assignées depuis quelques années la commission des visiteurs, en particulier en ce qui concerne l'inspection des commissariats de police.

Toutefois - et je me réfère à mon expérience personnelle de l'inspection des commissariats de police, soit une bonne centaine à travers l'Europe - ce genre de visite doit être non notifiée. En effet, si l'officier responsable du poste est informé de la visite des députés, ne serait-ce qu'une heure à l'avance, il ne s'agit plus d'un contrôle parlementaire de la détention, tel que l'a voulu ce parlement, mais simplement d'une visite de courtoisie qui vise peut-être un but utile, mais non premier.

Il faut persévérer dans l'opération de lifting de cette vieille dame très digne qu'est la commission des visiteurs de prisons en continuant à s'inspirer du fonctionnement de la CTP - cette commission du Conseil de l'Europe que vous connaissez bien - qui cible, plus particulièrement, ses inspections sur les lieux dits sensibles, tels que les commissariats de police et, bien entendu, les centres de détention. Non pas parce qu'il s'y passe des choses horribles - tous en sont probablement convaincus dans cette enceinte - mais bien parce que c'est ce qui correspond le mieux aux attentes de la collectivité genevoise.

Les prérogatives de cette commission devraient être élargies aux lieux de détention publics. Savez-vous que sur notre territoire et canton de Genève une quinzaine de personnes font, en permanence, l'objet d'une privation de liberté décidée par le Tribunal tutélaire à des fins d'assistance ? Or, leur «enfermement» ne fait l'objet d'aucun contrôle de la part du conseil de surveillance psychiatrique...

Notre groupe vous proposera prochainement un projet de loi allant dans ce sens.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. On dirait que certains rapports, parce qu'ils sont positifs, en deviennent suspects. Madame Cuénod, vous pourriez vous alarmer s'ils étaient négatifs. Il se trouve - et M. Restellini vient d'en parler - que l'on doit s'inspirer des conclusions de la CPT. Cette dernière est venue à Genève et a présenté son rapport : néant, tout comme Amnesty et la commission des visiteurs de prisons. Je n'invente pas, docteur, je décris la réalité.

Par contre, mes services craignent énormément le rapport de l'inspectorat du travail sur les conditions dans lesquelles on travaille au poste de Rive. Il n'est pas normal que des policiers travaillent depuis des années dans un sous-sol sans lumière du jour. Cela étant, si vous désirez augmenter vos prérogatives, j'applaudis des deux mains. Je ne vois aucun inconvénient au fait que vous fassiez des visites à l'improviste. Mais ne venez pas me dire qu'il y a un problème lorsque, ayant voulu visiter un violon, vous n'y avez trouvé personne. On ne va tout de même pas vous inventer des détenus pour vous permettre une visite fructueuse ! (Rires.)

Depuis quatre ans, les rapports européens qui nous parviennent régulièrement sont en progrès et nous n'avons quasiment plus de problèmes avec Amnesty International. Les rapports de la commission des visiteurs officiels sont positifs. Chercher encore d'autres moyens d'accroître votre éventail d'investigations, cela m'est parfaitement équilatéral. Je connais exactement les progrès que nous faisons et c'est pourquoi, même si ce rapport positif vous inquiète, pour moi, c'est un bon point.

M. Jean-Pierre Restellini (Ve). Je comprends mal le courroux du conseiller d'Etat Ramseyer. Il nous a mal compris. Mon activité professionnelle me conduit assez souvent à l'intérieur des commissariats de police. Je témoigne que la situation est loin d'être catastrophique, mais si l'on veut que cette commission soit crédible, les visites effectuées dans ces commissariats de police ne doivent pas être notifiées. Je prends acte, Monsieur le conseiller d'Etat, que vous êtes tout à fait d'accord avec cette procédure et je m'en réjouis. Je partage votre point de vue selon lequel ce titre d'inspection doit permettre à notre parlement de se rendre compte également des difficultés de travail des professionnels dans ces lieux sensibles. Je connais relativement bien l'activité des policiers, et je suis convaincu que cette commission doit aller dans ce sens aussi.

Mis aux voix, ce rapport est approuvé.