Séance du
jeudi 4 décembre 1997 à
17h
54e
législature -
1re
année -
2e
session -
55e
séance
M 1156
EXPOSÉ DES MOTIFS
La crise des finances publiques dure depuis de nombreuses années, et aucune solution simple n'est à même de la résoudre. Parmi les projets qui permettraient d'augmenter les recettes, la plupart demandent du temps et une harmonisation intercantonale, voire même à l'échelon européen. C'est le cas d'une taxation des plus-values sur les actions, qui dépend d'une loi fédérale. C'est le cas aussi d'une taxation des grandes fortunes, qui dépend d'une harmonisation fiscale intercantonale. C'est le cas, enfin, de la taxe dite «Tobin» sur les transactions financières, qui dépend d'une décision au niveau européen. Il en va malheureusement de même pour les taxes dites «écologiques», comme la taxe sur les carburants et combustibles, ou sur les énergies non renouvelables. Ces taxes «vertes», elles aussi, seront longues à mettre en oeuvre et dépendront d'accords aux niveaux fédéral et européen. Cela ne signifie pas, bien entendu, que le Conseil d'Etat ne doive pas se pencher sur ces pistes, mais cela signifie qu'il ne faut pas attendre de soulagement immédiat de la crise grâce à ces pistes.
En s'appuyant sur les comptes de l'Etat de Genève pour l'année 1996, on peut constater que la dette du canton s'est élevée à 8 776 millions de francs et le service de la dette (plus exactement les intérêts passifs) à 449 millions de francs, soit environ 8,8% du budget de l'Etat (voir Compte d'Etat, pages 112 et 113). Par ailleurs, les intérêts passifs représentent la majeure partie du déficit annuel du compte de fonctionnement (soit 97,4%). Selon les données dont nous disposons, le montant de la dette s'élève actuellement à 9 216 millions de francs, en augmentation de 5% par rapport aux comptes 1996.
La question peut dès lors se poser: vu que les pistes permettant d'augmenter les recettes semblent devoir prendre du temps, et vu que les pistes qui permettent de réduire les dépenses sans toucher à l'essentiel, c'est-à-dire moins aveuglément qu'avec des coupes linéaires et «bêtes», demandent elles aussi une réflexion en profondeur sur le rôle de l'Etat et le fonctionnement de ses services, ne pourrions-nous pas, dans l'immédiat, nous poser les questions: Comment obtenir un ballon d'oxygène? Comment alléger momentanément la pression du service de la dette? Ce ballon d'oxygène ne devrait en aucun cas être considéré par le Conseil d'Etat comme un oreiller de paresse. Il ne devrait en aucun cas nous dispenser d'étudier très sérieusement les pistes évoquées ci-dessus. Mais ce ballon d'oxygène serait le bienvenu tout de même pour nous permettre d'affronter la crise sans le sentiment d'urgence et de catastrophe imminente qui est le nôtre aujourd'hui.
- En premier lieu, nous proposons de trouver un arrangement avec la Banque nationale en vue de contracter auprès d'elle un emprunt de 2 milliards de francs à un taux d'intérêt fortement réduit (1%-2%). Il s'agirait d'une avance sur la part qui devrait revenir au canton de Genève lors de la réévaluation de la réserve d'or de la Banque nationale et sur les produits réalisés grâce aux variations du cours de change (pour mémoire, 7 396 millions de francs selon le 89e Rapport de gestion de la Banque nationale suisse, sans compter les 7 milliards de francs dus à la réévaluation du prix de l'or). Cette somme servira à rembourser immédiatement les emprunts publics dont le taux d'intérêt dépasse 6% (il s'agit des emprunts contractés: 650 millions de francs en 1990, 500 millions de francs en 1991, 800 millions de francs en 1992). D'aucuns penseront qu'une telle proposition est impossible ou plutôt «farfelue». Soit. Mais si l'on prend en considération l'analyse du professeur Thomas von Ungern, de l'université de Lausanne, qui aboutit au constat que «si l'esprit de la constitution et de la loi n'était pas violé, les cantons pourraient réduire leur endettement d'un tiers» («Journal de Genève et Gazette de Lausanne», les 1er et 2 juin 1966), une telle idée n'est pas si impossible à mettre en pratique. Le conseiller d'Etat Vodoz l'avait lui-même évoquée, pour partie.
- En deuxième lieu, on pourrait envisager de frapper d'une «taxe solidaire» unique de 0,01% les fortunes gérées à Genève, pour éponger en partie d'autres emprunts, en particulier auprès de l'AVS. Selon les estimations, une telle mesure de solidarité du monde financier à l'égard de Genève - totalement indolore au niveau individuel - permettrait d'obtenir 80 millions de francs (en admettant que la fortune gérée à Genève s'élève à 800 milliards de francs).
Sans se faire d'illusions, la présente motion essaie de dessiner des pistes et de provoquer un débat, pour trouver des idées nouvelles qui nous permettraient d'éviter de frapper toujours les plus démunis. C'est la raison pour laquelle nous vous appelons, Mesdames et Messieurs les députés, à lui faire bon accueil et à la renvoyer au Conseil d'Etat.
Débat
M. Chaïm Nissim (Ve). Notre motion est d'actualité puisqu'elle invite le Conseil d'Etat à présenter au Grand Conseil un plan de désendettement du canton.
L'exposé des motifs, dont le Conseil d'Etat ferait bien de s'inspirer, ouvre quelques pistes.
La première avait déjà été suggérée dans une motion, déposée voici six mois et refusée par le Grand Conseil. Il s'agit de l'introduction d'une taxe «Tobin» sur les transactions financières qui atteignent un volume gigantesque au plan mondial. Cette taxe remédierait à tous les déficits budgétaires que connaissent les Etats modernes aujourd'hui. Le problème est que cette taxe nécessite une harmonisation au niveau européen, voire au niveau mondial, et que l'on ne pourra pas la décréter demain matin, juste après l'adoption de notre motion.
Deuxième piste, les taxes vertes pour lesquelles les écologistes se battent depuis des années. Ces taxes pourraient impulser la notion de développement durable dans notre économie, mais elles exigeront, pour le moins, une harmonisation intercantonale.
En revanche, le Conseil d'Etat pourrait s'inspirer des deux dernières pistes suggérées par notre ancien collègue Andràs November. La première d'entre elles fait référence à une taxe solidaire à laquelle je tiens beaucoup. Au taux indolore de 0,01%, elle frapperait le montant total des fortunes gérées à Genève évalué à 800 milliards de francs. Elle rapporterait 80 millions.
Voici six mois, M. Vodoz commençait à explorer la quatrième piste, celle de la Banque nationale qui, cette année, a gagné 7 milliards sur ses transactions financières. Par ailleurs, le prix de l'or qu'elle détient a fait l'objet d'une réévaluation prudente d'environ 7 milliards. Une part de ces 14 milliards pourrait être prêtée aux cantons à des taux très réduits. Ce ballon d'oxygène pourrait sortir certains cantons de leur excès d'endettement.
Mon collègue Bernard Clerc et moi-même avons lancé cette motion comme une bouteille à la mer. La majorité de ce Grand Conseil ayant changé, nous sommes heureux de constater qu'un geste désespéré peut se transformer en certitude d'espoir.
M. Bernard Clerc (AdG). Que la majorité ait changé ou pas, je ne suis pas du tout désespéré ! Cette motion pose, de manière directe, des problèmes importants.
Il est presque inutile de rappeler le montant de la dette cantonale de l'ordre de 470 millions par an; tous les groupes s'entendent à reconnaître cette réalité qui ne peut être niée. En revanche, des sacrifices sont demandés, depuis des années, au personnel et aux usagers des services publics, respectivement au niveau des salaires et des prestations.
Bien évidemment, des sacrifices ne sont jamais demandés aux bailleurs de fonds !
Or, contrairement à une idée largement répandue dans l'imagerie populaire, les prêts aux collectivités publiques sont une bonne affaire... (Brouhaha; le président agite la cloche.) Visiblement, cela n'intéresse pas grand monde. C'est donc une bonne affaire, disais-je, et cela pour plusieurs raisons. Ces prêts permettent aux créanciers de répartir leurs risques, parce qu'ils constituent des placements sûrs. En effet, on n'a guère vu d'Etats mis en faillite ! Par contre, au niveau des rendements, il faut tenir compte de l'intérêt réel, c'est-à-dire l'intérêt brut moins l'inflation. Je vous signale que ce type de placements est tout sauf désavantageux, puisque le rendement moyen de la dette de l'Etat est de 5,5%. Avec une inflation de l'ordre de 1%, le rendement net est d'environ 4,5%.
Vous me direz que ce rendement est inférieur à celui produit par des placements dans des produits dérivés ou autres objets similaires. Mais il faut le considérer dans un ensemble de répartitions des risques... (Brouhaha.)
Le président. Je prie les personnes qui ont des conversations privées de bien vouloir les tenir en dehors de cette enceinte !
M. Bernard Clerc. Si on compare à la période où les taux des emprunts étaient de 6 ou 7%, avec une inflation de 4 ou 5%, les intérêts réels étaient de 3 à 4%, c'est-à-dire inférieurs à ceux d'aujourd'hui.
Je ne reviendrai pas sur les pistes évoquées par M. Nissim. Je dirai simplement que le chiffre cité de 800 milliards gérés sur la place genevoise ressort d'estimations faites en 1992. Or, pas plus tard que le 30 octobre, nous avons reçu une estimation des actifs de la clientèle privée dans le monde : ils s'élèvent à 25 mille milliards de francs; 70% desdits actifs sont gérés dans le pays d'origine et 30% à l'extérieur, la Suisse s'arrogeant les 40% de ces 30%. Sachant que Genève s'octroie à peu près la moitié de la part helvétique, nous arrivons au chiffre - tenez-vous bien, Mesdames et Messieurs les députés ! - de 3 750 milliards de francs gérés sur place, soit quatre fois plus que les estimations de 1992. Je vous laisse imaginer ce que rapporterait une taxe de 0,01% ! Il y a matière à réflexion...
Nous demandons simplement au Conseil d'Etat de présenter au Grand Conseil un plan de désendettement une fois qu'il aura étudié les possibilités suggérées dans cette motion, voire d'autres. Aussi je vous demande d'adresser la motion directement au Conseil d'Etat.
M. Daniel Ducommun (R). Notre groupe n'a aucune objection à ce que cette motion poursuive son destin auprès de la commission des finances.
Qui ne souhaite pas trouver de solutions au désendettement du canton ! Simplement, nous divergeons sur les moyens. MM. Clerc et Nissim veulent augmenter les recettes fiscales ou les taxes sur les grandes fortunes, les opérations boursières, les poubelles... Attention, Messieurs, toute hausse d'impôts est soumise à la sanction populaire !
Le groupe radical, lui, défend la politique des moyens. Il faut faire avec ce que l'on a. Dans ce contexte, l'axe de la colonne des dépenses reste notre référence prioritaire. Cela ne sert à rien de négocier un taux de faveur avec la Banque nationale si, par ailleurs, nous continuons à vivre au-dessus de nos moyens.
Maintenons notre volonté d'économiser. Il faut poursuivre les efforts entrepris par le Conseil d'Etat dans la gestion des effectifs, l'exploitation des recommandations de l'audit, le ciblage de l'aide sociale, la suppression des doublons entre l'Etat et les communes, la rationalisation des achats, et j'en passe !
Bref, nous examinerons tout cela en commission des finances.
M. Bénédict Fontanet (PDC). On ne peut que féliciter MM. Clerc et Nissim de leur clairvoyance enfin révélée. Aujourd'hui, leur but, qui consiste à demander au Conseil d'Etat de désendetter le canton, est fort louable, et notre groupe, de son côté, le poursuit bien évidemment.
Monsieur Clerc, on n'a pas toujours entendu ce discours sur vos bancs. Certains des membres de votre groupement politique affirment qu'un Etat non endetté est un Etat mal géré et peu importe la dette publique, pourvu qu'on ait l'ivresse ou, à défaut, les dépenses, la dette n'important guère dans la gestion des collectivités publiques.
Je suis d'accord avec vos observations, Monsieur Ducommun, mais je pense que nous pouvons voter cette motion dont seule l'invite lie le Conseil d'Etat. En effet, nous ne pouvons que partager le souhait de l'Alliance de gauche que le Grand Conseil, sur la base d'un plan du Conseil d'Etat, arrive à désendetter le canton.
En revanche, il ne semble pas que les moyens proposés dans l'exposé des motifs puissent être approuvés par ce Grand Conseil. Il va de soi que nous ne les faisons pas nôtres, parce que vous avancez le montant de 3 700 milliards gérés à Genève. Je ne suis pas certain que ce soit le cas. Nous n'allons pas nous battre à propos de ce chiffre, bien que les banquiers, présents dans cette salle, seraient ravis d'apprendre qu'autant d'argent soit administré chez nous.
Nous pourrions aller plus loin encore en taxant des actifs se trouvant à l'étranger. Nous pourrions faire preuve de beaucoup d'imagination dans ce domaine.
Il va de soi que si notre pays est le seul à taxer les transactions financières comme vous le souhaitez, le résultat sera remarquable pour le dynamisme de notre place financière... Il va de soi que si, à Genève, nous taxons, fût-ce de manière tout à fait minime, les fortunes qui s'y trouvent, celles-ci ne bougeront pas, parce qu'aucun banquier ou gestionnaire de biens n'aura l'idée, Messieurs Clerc et Nissim, de les délocaliser ne serait-ce qu'à Nyon ou à Gingins...
On peut regretter que la plupart de ces transactions puissent être exécutées très rapidement par le biais de l'informatique, mais vouloir taxer ici, même de manière minime, ces fortunes qui ne sont pas celles des contribuables genevois, c'est encourager leur déplacement sous d'autres cieux aussi charmants que les nôtres, notamment ceux du canton de Vaud.
Je veux bien que l'on fasse un hold-up à la Banque nationale, mais ce sera difficile sans l'accord des Chambres fédérales ! Nous savons, dans cette enceinte, que nous pouvons compter sur la vigilance des MM. Grobet et Dupraz. Il n'en demeure pas moins que ce projet de hold-up n'a pas remporté un succès considérable auprès des cantons. On songe à dépouiller quelque peu la Banque nationale au profit d'une grande fondation de solidarité qui poursuit des buts que vous et moi jugeons louables. Mais il apparaît que les cantons, pourtant à la base de la fortune de la Banque nationale, ne pourront pas passer à la caisse, n'en déplaise, hélas, à M. Vodoz, pour se refaire tant soit peu une santé financière sur le dos de la Confédération et de la Banque nationale.
Notre groupe approuve l'invite de la motion tout en réprouvant son exposé des motifs. Nous n'avons pas d'objection à ce que le Conseil d'Etat nous soumette un plan de désendettement pour autant qu'il soit réaliste et tienne compte des impératifs d'une saine gestion et non de recettes aussi vagues que fumeuses.
M. Nicolas Brunschwig (L). Nous félicitons MM. Clerc et Nissim, car nous ne pouvons que souscrire à leurs considérants et invite.
Nous nous réjouissons de constater que les élus de leur parti respectif commencent à s'intéresser aux problèmes de l'endettement du canton de Genève, alors qu'ils l'ont considéré, pendant longtemps, comme un problème mineur par rapport aux problèmes sociaux et d'emploi à Genève. Ce réveil est tardif, mais il est totalement justifié !
Je n'ai pas très bien compris les explications techniques et chiffrées de M. Clerc. Vu l'heure tardive, j'ai sans doute eu du mal à les saisir. Je serais ravi de lire le texte que M. Clerc a brandi en commission des finances, afin de savoir si ses propositions sont réalistes et compatibles avec le droit fédéral.
Nous avons quelques doutes à cet égard, et c'est pourquoi nous vous invitons à renvoyer cette motion à la commission des finances. Nous sommes sûrs que MM. Nissim et Clerc nous convaincront de la justesse des moyens proposés et convaincront, surtout, la nouvelle ministre des finances qui sera ravie de se charger de cette tâche.
M. René Ecuyer (AdG). Evidemment, nous sommes bien contents que vous vous associiez à cette motion invitant le Conseil d'Etat à présenter un plan de désendettement au Grand Conseil; l'exposé des motifs ouvre quelques pistes qui pourraient vous inspirer.
Personnellement, quand je vois ce qui se passe - je lis les journaux comme tout le monde - je trouve les parlements singulièrement manchots à l'égard des cent familles les plus riches de notre pays qui ont augmenté leurs capitaux de plus de 60 milliards en une année ! Vous vous rendez compte !
Et voilà que vous vous effrayez à l'idée qu'on pourrait leur en demander un dix millième, autrement dit 0,01%, sous la forme d'une taxe de solidarité ! J'avoue que c'est inquiétant.
L'autre soir, M. Ebner s'est vanté d'avoir gagné 500 millions en une nuit, avec l'achat de la Winterthur. Cela représente le déficit du canton de Genève pour une année !
Et quand on propose de demander un petit quelque chose à ces gens-là pour réduire la dette publique, on nous répond qu'il faut faire avec ce qu'on a pour essayer de s'en sortir ! Nous, nous affirmons qu'il faut prendre l'argent où il est ! Quand les fortunes de cent familles augmentent de 60 milliards en une année, je dis qu'il y a de l'argent à prendre. Cela veut dire que des gens, dans ce pays, vivent de la crise. Ils n'ont aucun scrupule à envoyer des milliers de personnes au chômage puisqu'ils en vivent ! Ils font des affaires. Et on ne pourrait donc pas leur demander la moindre participation ?
Dans quinze jours, il y aura une manifestation, parce que l'on va tenter de rogner 100 F à tous les petits vieux de ce canton qui touchent une allocation minimum.
Moi, j'ai honte quand je vois ça ! J'ai honte quand j'entends un Ebner annoncer 500 millions de bénéfice en une nuit ! J'ai honte que l'on enlève 100 F aux petits vieux de ce canton, parce que l'Etat n'arrive pas à tourner ! Vraiment, j'ai honte !
Franchement, je vous dis qu'elle est très bien, cette motion... (Rires.) On devrait même aller plus loin !
M. Chaïm Nissim (Ve). Juste quelques mots à l'adresse de mon excellent collègue Ducommun.
Monsieur Ducommun, proposer à la Banque nationale de nous accorder un prêt à un intérêt très bas ne signifie pas l'octroi d'un oreiller de paresse.
Nous sommes prêts, nous aussi, à nous occuper de certaines réformes urgentes et à faire des économies là où c'est possible.
L'un n'exclut pas l'autre.
Je précise à mes trois préopinants de l'Entente que nous demandons le renvoi au Conseil d'Etat et non en commission. En effet, nous ne tenons pas à ce qu'elle s'enlise dans un marécage.
Une voix. Ce ne serait pas la première !
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je comprends votre indignation, Monsieur Ecuyer, mais si les choses étaient simples, nous serions en tête des cantons, avec un taux d'autofinancement de 100%.
En demandant, depuis huit ans, des réductions du déficit, nous faisons le plan de désendettement que vous sollicitez. Il ne peut y avoir un tel plan sans une réduction préalable des déficits, et nous verrons ce qui se passera le 19 décembre. Une fois les déficits réduits et l'équilibre retrouvé, il faudra amortir la dette de fonctionnement accumulée pendant ces années de difficultés économiques.
On a tendance à oublier que Genève, avec l'appui de conseillers de banque et de financiers, est le canton le plus performant dans la gestion de sa dette. En quatre ans - et vous le savez ! - nous avons économisé près de 125 millions sur des intérêts classiques d'emprunt.
Nous avons dénoncé en remboursement anticipé un emprunt de 200 millions, qui était à 6,75% au 1er mars 1997, pour des créances comptables à 1,8%. Le 20 novembre dernier, nous avons dénoncé un emprunt de 250 millions, qui avait été souscrit à 71/8e pour reprendre des emprunts sur les créances comptables finançant le déficit de fonctionnement à 1,8%. Le 30 avril 1998, mon successeur résiliera probablement un emprunt de 200 millions à 6,5% pour des taux beaucoup plus bas.
Ce sont ainsi plus de 650 millions qui ont été gérés de façon à dégager des économies et abaisser le montant du taux d'intérêt de la dette.
La piste de la Banque nationale a effectivement été explorée. J'ai été fort peu soutenu ici même et seul le journal «Débats publics» a approuvé l'idée que j'ai présentée à la Conférence suisse des chefs des départements des finances, à Berne. Je n'y ai obtenu que deux ou trois voix sur les vingt-six cantons, parce que la Banque nationale a fait montre d'une opposition absolue. Et pourtant il s'agissait simplement, pour les autres 7 milliards, que les cantons puissent être en compte avec la Banque nationale et que celle-ci permette des amortissements à des taux beaucoup plus intéressants plutôt que de distribuer des montants complémentaires destinés aux comptes de fonctionnement pour financer d'autres opérations et couvrir d'autres dépenses.
Ma tentative a échoué provisoirement. Je dis «provisoirement», car je ne désespère pas d'une fondation appelée à gérer les revenus des 7 autres milliards. Il faudra également que les cantons et la population de notre pays trouvent les moyens de remédier aux difficultés budgétaires qui les assailliront bientôt, à part quelques exceptions. Je suis persuadé que les autorités fédérales et la Banque nationale retiendront une idée, proche ou identique, qui permettra aux cantons d'amortir leur dette de manière plus satisfaisante.
Les taxes dites «Tobin» et les éléments à prendre en compte sur les fortunes gérées relèvent d'un problème qui doit être considéré sur le plan national, voir international. Mais contentons-nous déjà du plan national. Il est impensable, à moins d'un suicide collectif - et cela vaut pour les gains sur les capitaux, indépendamment du fait que la LHID l'empêche - que nous prenions de telles mesures sur le plan cantonal, parce qu'il n'y a rien de plus mobile que les capitaux.
En revanche, j'aimerais que l'on réfléchisse, dans ce pays, à ne pas empiler diverses charges fiscales, mais à imaginer des impôts nouveaux en remplacement de certaines fiscalités devenues désuètes, lesquelles ne rapportent plus ce qu'elles ont rapporté.
Nous devons accomplir cette mutation sur le plan national, de façon que notre pays continue à être compétitif, dispose d'une fiscalité qui nous permette de travailler et réponde aux préoccupations sociales, culturelles et humaines. Pour ce faire, il ne suffit pas d'empiler les impôts comme des assiettes, sinon l'échec est garanti. Il faut se mettre autour d'une table, réfléchir et présenter de nouvelles formes d'imposition pour remplacer les anciennes qui rapportent moins.
Le Conseil d'Etat et, plus particulièrement, le département des finances réfléchiront à ces questions, que vous votiez un renvoi au Conseil d'Etat ou en commission. Ils vous feront part des travaux qui se déroulent, en la matière, sur le plan national. Ensuite, vous pourrez en débattre, avec un rapport à la clé.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
sur la réduction de la dette publique
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- que la crise persistante des finances publiques que connaît Genève exige la mise en place d'un plan de redressement financier innovateur;
- que les intérêts de la dette du canton représente une part prépondérante du budget de fonctionnement de l'Etat;
- que, pour sortir de la crise actuelle, il est indispensable de prendre en considération les principes de développement durable qui veulent concilier les besoins de notre génération avec ceux des générations futures,
invite le Conseil d'Etat
à présenter au Grand Conseil un plan de désendettement du canton.