Séance du
jeudi 2 octobre 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
11e
session -
47e
séance
GR 177-1 et objet(s) lié(s)
8. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
M. G. H. , 1961, ex-Yougoslavie, sans profession, ne recourt que contre la peine d'expulsion judiciaire de 5 ans.
M. Jean-François Courvoisier (S), rapporteur. Je vous fais grâce des raisons de la condamnation de M. G. H.. En 1992, le recourant a rencontré Mme L. d'origine italienne qui travaillait en Suisse au bénéfice d'un permis A, autorisation saisonnière. Cette rencontre provoqua un coup de foudre réciproque. Dès cette date, M. G. H. et Mme L. ont essayé de vivre ensemble aussi souvent que possible, ce qui explique les entrées illégales de M. G. H. dans notre pays.
Comme il se savait en situation irrégulière, lors d'un contrôle de police, pris de panique, il a donné une fausse identité, mais a pu être reconnu par ses empreintes digitales. Ce mensonge, dû à une angoisse compréhensible, peut expliquer la sévérité de la police à son égard.
Mme L. travaille depuis plusieurs années à la Fondation Aigues-Vertes en qualité d'employée de maison. Alors que le recourant était au bénéfice d'une demande de requérant d'asile, le couple décida de régulariser sa situation et M. G. H. épousa Mme L. à la mairie de Lancy le 19 juillet 1996. Le 15 décembre 1996, une petite V. est née de cette union et Mme L. est actuellement enceinte de six mois. Elle est, depuis le 30 novembre 1996, au bénéfice d'une autorisation d'établissement, permis C.
Malgré plusieurs demandes adressées à l'office cantonal de la population, celui-ci n'a pas voulu envoyer d'autorisation de séjour au recourant, mais envisage de le renvoyer dans sa province natale, le Kosovo, où il n'a plus séjourné depuis fort longtemps.
Bien que M. G. H. ait commis plusieurs infractions à la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, ceci pour des raisons sentimentales, la commission de grâce souhaite favoriser une vie de famille équilibrée pour ce jeune couple qui aura bientôt deux enfants en bas âge.
Le ménage vit du salaire de Mme L. et de la conciergerie de l'immeuble qu'ils habitent. J'ai pu parler quelques instants en tête à tête avec Mme L., car je craignais qu'elle ne s'exprimât librement devant son mari. Elle m'a affirmé que, lors de son mariage, elle connaissait parfaitement la situation de son futur mari. Elle m'a dit que son expulsion serait une catastrophe pour sa fillette, car c'est son père qui s'occupe d'elle pendant qu'elle va travailler. Bien qu'elle ne soit âgée que de 9 mois, le départ de son père pourrait avoir de graves répercussions psychologiques.
J'ai pris contact avec l'ancien administrateur d'Aigues-Vertes qui a eu plusieurs années Mme L. à son service. Il m'a dit qu'il avait toujours apprécié la qualité de son travail et n'avait aucun reproche à lui faire. Si le couple désire rester à Genève, c'est, en dehors de l'emploi de Mme L. à Aigues-Vertes, à cause de la présence dans leur vie de sa soeur et de son beau-frère auxquels elle est très attachée.
Pour des raisons humanitaires, la grande majorité de la commission de grâce vous recommande d'accepter le recours contre la peine d'expulsion d'un homme, dont la situation chez nous n'est certes pas régulière, mais qui, à part cela, n'a commis aucun acte répréhensible.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce de la peine d'expulsion) est adopté.
M. C. D. , 1964, Algérie, menuisier, recourt contre le solde de la peine d'expulsion judiciaire qui prendra fin en janvier 2002.
M. Bernard Annen (L), rapporteur. M. C. D. est célibataire. Ce monsieur a été condamné à trente jours de prison, moins neuf jours de préventive, avec sursis. Il est menacé d'une peine d'expulsion de notre pays de cinq ans. L'un des arguments était que M. C. D. n'avait pas d'attaches sérieuses en Suisse. Or, depuis, nous savons que M. C. D. en a une. Cela étant, et si cette affaire en restait là, je pense que la commission aurait accepté, même partiellement, sa demande en grâce.
Seulement, durant les deux ans et demi où M. C. D. vivait illégalement en Suisse, des présomptions très fortes ont pesé sur lui quant à certains larcins, suffisamment importants, commis dans les caves de Meyrin. Il n'a pas été condamné par manque de preuves, mais on sait qu'il avait fait paraître une annonce dans les journaux, offrant les vins disparus. Le numéro de téléphone de référence s'est révélé être celui de la personne qui le logeait. C'est dire que - pour le moins - présomptions, il y a eu.
La commission pense que nous aurions pu, uniquement pour la faute commise, accorder partiellement la grâce. Nous estimons qu'il n'a pas une moralité suffisante pour l'accorder. C'est la raison pour laquelle, Madame la présidente, la commission, à l'unanimité, vous propose le refus de cette grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. L. F. M. , 1925, Genève, retraité, ne recourt que contre la peine de réclusion.
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. M. L. F. M. est né le 30 décembre 1925. Il est originaire de Satigny, est architecte retraité et domicilié à Genève. Il est séparé et a deux filles majeures. Il a 188 000 F de dettes et touche, rentes AVS et OCPA comprises, 1 900 F par mois.
Il a participé à une opération immobilière en France voisine en tant que collaborateur technique d'un avocat genevois. L'affaire s'étant soldée par une banqueroute, il a été condamné par la Cour d'assises de Genève, le 20 octobre 1987 à 15 mois de réclusion, sursis cinq ans, pour escroqueries par métier.
Simultanément, il collabore avec un bureau d'affaires genevois en tant que responsable des transferts de fonds avec des clients étrangers. Il réussit à faire rassembler sur un seul compte à Genève une somme de plusieurs millions de francs suisses appartenant à des trafiquants de drogue américains. Mais, sur demande de la justice américaine, cette somme est bloquée par l'Office fédéral de la police. Les intéressés produisent alors des documents faux prouvant que ces fonds ne leur appartiennent pas et font admettre leur point de vue par la justice qui lève le séquestre avec l'aide d'un avocat genevois.
Après une première condamnation par la Cour correctionnelle, révoquée partiellement par le Tribunal fédéral, M. L. F. M. et l'avocat en question sont finalement jugés par la Cour avec jury, le 11 avril 1997. M. L. F. M. écope de dix mois d'emprisonnement, moins cinq mois et dix-sept jours de préventive, sursis cinq ans. Malheureusement pour lui, cette condamnation entraîne la révocation du sursis accordé par la Cour d'assises le 21 octobre 1987.
M. L. F. M. se plaint d'avoir été condamné à tort, arguant du fait qu'il avait agi, non pas pour se procurer un enrichissement illégitime mais en tant qu'agent infiltré de la direction nationale des enquêtes et renseignements douaniers à Paris. Il prétend que le juge d'instruction s'est toujours refusé à envoyer une commission rogatoire en France pour y recueillir la preuve de ce qu'il avance.
Il n'appartient pas à notre parlement de se prononcer sur le bien-fondé de ces affirmations. Dans l'intervalle, M. L. F. M. a été convoqué pour le 5 janvier 1998, afin de purger sa peine de quinze mois de réclusion. Il est âgé de 72 ans, se déplace avec peine à l'aide de deux cannes et doit subir, en novembre prochain, une opération de pose d'une prothèse au genou. Il souffre également de problèmes cardiaques. Il invoque enfin que les faits ayant motivé sa première condamnation datent de plus de dix ans. Le préavis du procureur général est sévèrement négatif. Il relève, d'autre part, qu'il a été tenu compte de la situation actuelle de l'intéressé pour le prononcé de la peine. La commission a partagé ce point de vue et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à rejeter le recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. R. A. , 1967, Italie, pizzaïolo, recourt contre le solde de la peine d'expulsion judiciaire qui prendra fin en novembre 2001.
M. Claude Lacour (L), rapporteur. M. R. A. est venu en Suisse en 1991. En 1992, il a épousé une Suissesse, Mme H. B. et a obtenu le permis B. En 1993 déjà, il est retourné seul à Salerno, sa ville d'origine. En 1994, il a été condamné à dix mois de prison en Italie pour trafic de drogue.
Devant cet événement, sa femme a demandé le divorce en Suisse, qu'elle a obtenu, et le permis B est tombé. Entre-temps, Mme H. a perdu ses parents et s'est trouvée esseulée.
En 1995, elle est retournée en Italie pour revoir son ex-époux.
Durant l'année 1996, les ex-époux ont fait des allers et retours de Suisse en Italie. Le 30 août 1996, M. R. A. est venu s'installer chez son ex-épouse à Genève qui l'a entretenu.
Le 22 octobre 1996, M. R. A. est arrêté avec une bande de six compères pour trafic de drogue entre Fribourg et Genève. A cette occasion, il reconnaît être entré en Suisse sans autorisation, ni même de demande d'autorisation, et vivre sans moyens d'existence, consommer un gramme d'héroïne par jour à 100 F le gramme et agir comme rabatteur au Molard.
Le 22 novembre 1996, une ordonnance de condamnation du juge indique qu'il est établi que, depuis août 1996, il sert de rabatteur à des vendeurs d'héroïne, étant précisé que le jour de son arrestation il véhiculait un porteur de plusieurs doses d'héroïne qui se rendait chez des consommateurs.
La décision mentionnait que M. R. A. ne remplissait ni les conditions objectives du sursis, ayant déjà été condamné pour des faits semblables, ni les conditions subjectives, son activité délictueuse ayant repris dès sa sortie de prison. Il a donc été condamné à trente-quatre jours de prison et cinq ans d'expulsion qui prendront fin en 2001.
Son ex-épouse nous a envoyé un recours en grâce demandant la remise de l'expulsion, car selon le droit italien, elle serait encore son épouse, puisque semble-t-il, le jugement n'est pas arrivé jusqu'en Italie. Elle explique qu'elle veut vivre avec son ex-époux et le réépouser, mais que, vraisemblablement, ils ne trouveront pas de travail en Italie, alors qu'elle-même, secrétaire quadrilingue à Genève, gagne 4 800 F par mois. Lui-même n'a jamais rien demandé et s'est borné à signer le questionnaire que lui a envoyé le service du Grand Conseil, questionnaire visiblement rempli par son ex-épouse.
Le procureur général a donné le préavis suivant : compte tenu d'un encadrement affectif dont profiterait l'intéressé, le ministère public s'en rapporte.
Il est également l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse pour une durée indéterminée.
La commission, considérant qu'il n'y a rien dans le dossier qui n'ait déjà été connu par le juge, que rien n'indique qu'il soit digne de grâce, que l'intéressé lui-même ne s'est pas manifesté, qu'aucun élément nouveau ne permet de remettre en question le jugement, conclut au rejet du recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.