Séance du vendredi 26 septembre 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 10e session - 46e séance

P 1144-A
a) Pétition : «250 000 F pour du récupérage politique» ( -)P1144
Rapport de Mme Michèle Wavre (R), commission des pétitions
P 1163-A
b) Pétition : «Votre versement de 250 000 F à Génération Europe» ( -)P1163
Rapport de Mme Michèle Wavre (R), commission des pétitions

5. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier les objets suivants :

Le 12 mars 1997, la pétition suivante a été déposée au Grand Conseil:

(P 1144)

PÉTITION

250 000 F pour de la récupération politique

Dans la «Tribune de Genève» du 6 décembre 1996, on apprend que:

- le Festival pour l'Europe, organisé par Génération Europe, cumule une dette de 380 000 F;

- les membres Génération Europe ont fait pression sur l'Etat;

- finalement, le département de l'action sociale et de la santé, présidé par M. Guy-Olivier Segond, a octroyé une aide de 250 000 F.

Il faut savoir, en plus, que Génération Europe est sous le coup de plusieurs plaintes pénales, notamment pour la destruction systématique d'affichage officiel (l'Etat lui-même a aussi dénoncé ce groupe à la justice !).

A une année des élections, un magistrat s'est permis de prélever 250 000 F dans la caisse de l'Etat pour financer, en réalité, un groupement politique !

Cela s'appelle de la récupération politique financée avec notre argent !

Le 10 juin 1997, la pétition suivante a été déposée au Grand Conseil:

(P 1163)

PÉTITION

«Génération Europe»

Nous protestons énergiquement contre la décision grotesque du département cantonal de l'action sociale et de la santé(M. Segond) dans l'affaire susmentionnée, dont les vagues sont parvenues jusqu'à nous, en vous remettant la présente pétition confédérale.

Nous sommes surpris par autant de légèreté de la part d'un gouvernement cantonal suisse. Le propre d'un gouvernement adulte n'est-il pas précisément de responsabiliser la jeunesse? Au lieu de cela, votre gouvernement encourage des jeunes à faire des dettes phénoménales envers des musiciens étrangers et à se moquer du paiement.

Nous protestons également énergiquement contre la manipulation qui voudrait faire dire aux Genevois qu'en votant en 1992 pour l'Espace économique européen, ils ont aussi voté pour l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne.

Avec notre parfaite considération.

«Citoyens aux aguets»

Case postale 82854 Bassecourt

Les deux textes portant sur le même objet, il a été décidé de les traiter parallèlement.

La commission des pétitions, présidée par M. Luc Barthassat, a entendu les pétitionnaires de la pétition 1144 le 5 mai 1997.

Audition des représentants de l'Union Démocratique du Centre (UDC),MM. Henry Rappaz, président, Jacques Pagan, secrétaire général ad interim, et Claude Tamborini

Ils s'insurgent, parfois avec véhémence, contre le fait que le mouvement «Génération Europe» ait reçu une subvention de 250 000 F de la part du département de la prévoyance sociale et de la santé (DASS) pour son festival de musique annuel.

Ils considèrent qu'en ces temps de restrictions budgétaires, il est malvenu d'aider financièrement une organisation qui fait chaque année des déficits lors de son festival. Ils soupçonnent M. Guy-Olivier Segond, chef du DASS, d'avoir attribué la subvention à des fins électorales. Ils jugent que «Génération Europe» est un mouvement antidémocratique, qui s'en prend particulièrement à leur parti, l'UDC, et rappellent que son chef a été condamné pour avoir barbouillé leurs affiches.

Ils réclament que «Génération Europe» restitue l'argent à l'Etat, qui, disent-ils, a un meilleur usage à en faire.

Discussions de la commission

La commission des pétitions s'est d'abord demandé pourquoi le DASS, par l'intermédiaire de son président, M. Guy-Olivier Segond, avait attribué une subvention de 250 000 F à «Génération Europe». Le conseiller d'Etat, interrogé, a envoyé une copie d'une lettre qu'il avait adressée à M. Henry Rappaz, président de l'UDC. Il y précisait que le mouvement «Génération Europe» compte environ 300 jeunes, bénévoles, qui organisent chaque année depuis 1994 un festival de musique qui a acquis une certaine renommée et draine des spectateurs de la région genevoise et même de la Suisse entière.

Jusqu'à présent, l'essentiel des recettes de ce festival provenait de la vente de boissons non alcoolisées aux spectateurs. Cette ressource s'étant avérée insuffisante, les organisateurs ont décidé d'instaurer, pour l'édition 1997, une entrée payante.

En effet, le festival a connu des déficits, dus essentiellement au fait que la météo a été mauvaise presque chaque année. Le bénéfice escompté n'a donc pas pu être obtenu (rappelons que le festival se déroule en plein air, à la mi-juin).

En règle générale, lorsqu'une organisation veut mettre sur pied une manifestation artistique ou autre, elle fait appel à des «sponsors». Ceux-ci sont malheureusement souvent des fabricants de cigarettes ou de boissons alcoolisées, ce qui est particulièrement malvenu lorsque le public visé est jeune. Une des principales tâches du DASS est de soutenir la prévention des maladies de toutes les façons possibles. Il dispose à cet effet d'un budget et intervient auprès des jeunes chaque fois qu'il le peut. Ainsi, lorsque des organisateurs de manifestations s'engagent à ne pas faire appel aux sponsors tels que ceux qui sont décrits ci-dessus, le DASS leur attribue une subvention. C'est ce qui s'est passé pour «Génération Europe». Les papillons distribués avant le festival mentionnaient la lutte contre le tabac, l'alcool et le sida. Les dirigeants du mouvement ont clairement montré leur intention de soutenir les campagnes de prévention contre ces fléaux. Ils ont donc bénéficié d'une subvention, comme de nombreux autres organisateurs, pour beaucoup d'autres manifestations du même genre.

La commission des pétitions a constaté que le DASS n'avait agi là que de façon très normale et habituelle, dans les limites de ses compétences, et qu'on ne pouvait trouver aucune motivation à son action autre que de prévention des dépendances et des maladies.

La commission ne peut admettre que les membres de l'UDC cherchent à régler leurs comptes avec «Génération Europe» par le truchement du Grand Conseil. Rappelons en passant que l'UDC est un parti farouchement anti-européen tandis que «Génération Europe» milite pour l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne.

Enfin, et pour l'anecdote, les commissaires amoureux de la langue française ont noté, bien sûr, que le dictionnaire ignore le mot «récupérage», inventé tout exprès pour l'occasion.

La commission a jugé, par 9 voix (AdG, L, R, S, Ve) contre 1 (L) et2 abstentions (PDC), que la pétition n'était pas fondée. Elle vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de la classer.

Quant à la seconde pétition, émanant apparemment de l'UDC de Bassecourt, les membres de la commission, bien que flattés de l'intérêt que des «citoyens aux aguets» du canton du Jura portent aux affaires genevoises, vous proposent également de la classer, Mesdames et Messieurs les députés, et ceci à l'unanimité.

Débat

Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, cette subvention a déjà fait couler beaucoup de salive, puisque, lors de l'adoption des comptes en juin 1997, deux députés, si je ne m'abuse, ont déjà posé des questions sur cette somme de 250 000 F accordée par M. Guy-Olivier Segond au Festival de l'Europe.

Vous aviez clairement répondu, Monsieur le président, que vous n'aviez pas subventionné ce festival parce qu'il participait à la promotion de la cause européenne, mais en tant que manifestation avec des stands de promotion de la santé, de la prévention de l'alcoolisme, du tabagisme et d'autres toxicomanies. Vous aviez signalé que le festival avait refusé tout sponsoring des grandes marques de cigarettes et des boissons alcoolisées.

Malgré votre réponse très nette, des zones d'ombre demeurent et le bon rapport de Mme Wavre ne les dissipe pas. Cette pétition mérite qu'on s'y arrête, car cette subvention n'est pas seulement une «becquée pour les petits oiseaux»... Malgré la décision de la majorité de la commission à laquelle je me suis opposée, je demande le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, afin d'obtenir des précisions sur l'utilisation des subventions accordées ces précédentes années à «Génération Europe».

Je reconnais que le mauvais temps s'est acharné sur ce festival deux ans de suite et que le prix d'entrée élevé instauré cette année a refroidi bien des participants. Mais est-ce une raison pour ne pas honorer ses contrats ?

Quant au non-sponsoring d'alcools, entre autres, j'aimerais savoir, Monsieur le président, pourquoi il y avait à l'entrée du festival des banderoles vantant un excellent champagne, ainsi qu'un très bon rhum et, même, un apéritif bien connu. J'aimerais également savoir pourquoi il était possible d'acheter de la bière. Ces faits ont été vérifiés par une commissaire de la commission des pétitions.

Une voix. C'était du champagne sans alcool !

Mme Janine Hagmann. Non, pas du tout ! Je peux vous en donner la marque, Monsieur !

D'ailleurs, ce festival n'a pas que des amis... En 1996, cent trente-neuf pétitionnaires s'étaient plaints du bruit, dénonçant des décibels qui dépassaient les normes. A l'époque, la commission avait déposé cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement, car la brigade du son avait fait un rapport dithyrambique.

Cette fois, la commission vous propose de classer la pétition, en prétendant que l'UDC n'a pas à régler ses comptes avec «Génération Europe», via le Grand Conseil. Personnellement, je pense que les pétitionnaires ont utilisé leurs droits démocratiques en déposant cette pétition, et le fait de classer cette pétition est une forme de mépris à leur égard. Les pétitionnaires sont des citoyens qui ont le droit d'obtenir une justification à leur étonnement. Les députés seraient peut-être surpris s'ils mettaient leur nez dans les bouclements des comptes de ce festival de ces dernières années.

C'est pour cette raison, Mesdames et Messieurs les députés, que je propose le renvoi de la pétition 1144 au Conseil d'Etat.

Par contre, la pétition 1163 peut, elle, être classée, puisqu'elle a été déposée par des citoyens qui ne sont pas domiciliés à Genève. De ce fait, elle ne peut être traitée.

M. Claude Blanc (PDC). Je ne vais pas entrer en matière sur la qualité des pétitionnaires. A mon avis, là ne réside par le problème, aujourd'hui.

Le problème est que la commission des pétitions m'a semblé manquer singulièrement de curiosité. Nous avions déjà abondamment parlé de ces «Festivals pour l'Europe» et évoqué notamment l'aspect financier.

Il faut savoir que les jeunes organisateurs du «Festival pour l'Europe» ne l'organisent pas directement. Ils confient ce travail à un spécialiste de ce genre de manifestations. J'ai été personnellement alerté par quelques-uns de ces jeunes - dont je ne partage pas forcément les opinions politiques, d'ailleurs - qui s'étonnent de se voir relancés par des créanciers de leur manifestation, alors qu'il aurait dû y avoir au moins un dédommagement partiel.

Il faut donc se poser les questions suivantes :

Qu'a-t-on fait de l'argent de l'Etat ? A-t-il servi, en premier lieu, à dédommager les honoraires de l'organisateur ? Ou bien, a-t-il servi aussi à dédommager, au moins partiellement, les créanciers qui avaient fourni des prestations de toute nature à cette manifestation ? Tout le monde a-t-il été traité sur le même pied ?

Je veux bien admettre qu'un déficit ait subsisté malgré la subvention de l'Etat, mais, à ce moment-là, il convient de répartir l'argent à disposition sur tous les créanciers, indistinctement. Or, apparemment, cela n'a pas été le cas, et les jeunes qui ont confié leurs intérêts à un spécialiste se sentent floués, parce que eux-mêmes sont maintenant relancés par des créanciers.

Alors, je demande le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, pour que ce dernier saisisse l'inspection cantonale des finances afin d'analyser avec précision la manière dont l'argent de l'Etat a été dépensé.

M. Bernard Lescaze (R). On entend, évidemment, de fortes et martiales déclarations. Je suis de l'avis de M. Blanc : il est toujours bon de savoir comment l'argent de l'Etat a été dépensé. Je me permettrai simplement de lui rappeler que, dans certaines circonstances, le Grand Conseil, et notamment le parti que représente M. Blanc, ne s'est pas du tout montré aussi curieux... Pour ma part, je saurai me souvenir de ses propos !

J'aimerais toutefois revenir à l'essentiel, à savoir ce que nous devons faire de cette pétition. En ce qui me concerne, je me rallie à la majorité de la commission des pétitions, dont j'ai l'honneur de faire partie, et je propose son classement. En effet, il faut savoir que, effectivement, l'affaire de «Génération Europe» nous a occupés au moins deux fois, pour deux pétitions.

Il faut aussi savoir que les plus acharnés défenseurs de «Génération Europe» se trouvaient, à la commission des pétitions, sur les rangs des partis libéral et démocrate-chrétien. Alors, il faudrait d'abord que ces partis changent leurs représentants à la commission des pétitions, parce que j'ai moi-même dû ferrailler contre M. le député Barthassat - aujourd'hui absent - et contre M. le député Burdet - aujourd'hui absent - pour protéger les intérêts d'un quartier contre le bruit et les nuisances de ce festival.

Aujourd'hui, tout d'un coup, parce que ce festival connaît des difficultés financières dues, notamment, aux conditions climatériques... (L'orateur est interpellé.) - climatériques et non pas climatologiques; ça a les deux sens, vous regarderez dans votre dictionnaire - ...M. Blanc et Mme Hagmann mènent un combat purement politicard contre un festival de jeunes !

Alors on peut se demander, en effet, pourquoi, en pleine période électorale, ces deux représentants éminents - dont l'une, Mme Hagmann, devrait pourtant par sa profession être proche de la jeunesse - s'empressent d'oublier leurs idéaux et d'attaquer ce festival.

On le sait très bien, le département de l'action sociale et de la santé dispose effectivement de certains montants qu'il attribue, notamment dans le cadre de la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme. Je ne pense pas que les deux députés qui se sont exprimés veuillent remettre en cause cette politique... Il y a donc à leur soudaine curiosité d'autres raisons... des raisons... - je le répète et je le maintiens - ...purement politicardes !

Je suis d'ailleurs extrêmement surpris, pour ma part, de voir qu'il y a quelques mois ce festival, lorsqu'il s'est agi de savoir si nous souhaitions ou non qu'il continue, a été vivement soutenu, notamment par ces deux partis. Et aujourd'hui, ces deux mêmes partis, ou leurs représentants ce soir, n'essayent pas de défendre l'UDC - bien entendu, je ne leur ferai pas cette injure - ni même de défendre quelques créanciers, comme le fait M. Blanc. Ils essayent, sournoisement, d'attaquer un magistrat respectable qui s'efforce de défendre la santé publique. (Exclamations.)

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Bernard Lescaze. Et puis, comme il s'agit de mettre un certain nombre de choses sur la table, on ne m'empêchera pas, à titre personnel, alors que j'ai toujours été extrêmement réservé face à certaines théories de la Nouvelle gestion publique, parce qu'à mon avis, dans les circonstances actuelles, elle empêche le contrôle parlementaire... (L'orateur est interpellé par Mme Hagmann.) Elle empêche le contrôle parlementaire, Madame Hagmann, parce qu'elle permet, par le système d'enveloppes attribuées à l'administration, d'opérer un certain nombre de changements dans les rubriques et les postes ! Vous demanderez à vos camarades de parti mieux au fait que vous de ce problème ! Moi, je constate simplement que les libéraux et les démocrates-chrétiens sont précisément très favorables à la Nouvelle gestion publique; celle-ci permet justement d'attribuer des enveloppes aux magistrats pour effectuer un certain nombre d'actions.

En réalité, votre demande de renvoi au Conseil d'Etat est parfaitement contradictoire avec tous vos principes... Mais je sais bien qu'en période électorale il ne faut s'étonner de rien, et je ne m'étonne donc pas de votre position ! Néanmoins, je la réprouve et je demande le classement pur et simple de cette pétition - même pas le dépôt, puisque la majorité de la commission des pétitions a effectivement demandé le classement.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Liliane Charrière Urben (S). Au préalable, j'aimerais demander aux membres du Bureau si ça ne leur fait pas trop mal au cou de regarder de temps en temps sur leur gauche, parce que j'ai dû lever la main tout le temps que Mme Hagmann parlait ! Parenthèse fermée...

Cela dit, je ne serai pas aussi lyrique que mon préopinant, M. Lescaze, mais il est tout de même amusant de voir qu'il y a du «rififi chez les cousins» ! (Exclamations.) Moi, ça m'amuse...

Ecoutez, pour ce qui est de l'UDC pas besoin de vous faire un dessin pour savoir de qui on parle... Cet immense festival, entre parenthèses, coûte beaucoup moins cher à la collectivité que les Fêtes de Genève, pour ne citer qu'elles. Mais la conclusion de la pétition parle de «récupération politique», alors, je ne me fais pas de souci pour M. Segond...

Une voix. Il récupère tout !

Mme Liliane Charrière Urben. Oui, c'est possible qu'il récupère tout ! (Rires et exclamations.) S'il ne devait en rester qu'un - de l'Entente - ce serait probablement lui ! (Rires et applaudissements.) Bien que cela me fasse souvent mal au coeur, je suis une fidèle lectrice de la «Tribune de Genève», parce que c'est la «Julie», quoi...

Cela dit la «récupération politique» financée avec notre argent... Eh bien ce serait une campagne bon marché ! Franchement, 250 000 F pour être nommé conseiller d'Etat, cela me paraît bon marché ! (Rires et exclamations.)

Ecoutez, ne faisons pas d'un petit détail une montagne ! Il est vrai que l'organisation de ce festival laisse peut-être un peu à désirer, comme beaucoup de choses, mais ce festival a un certain nombre de qualités, notamment dans ses options premières qui étaient de regrouper toute la jeunesse autour de l'idée de l'Europe, ce qui n'est pas si mal que ça, même si l'organisateur n'est pas toujours aussi conciliant qu'on le souhaiterait.

Je vous propose, avec fermeté et avec un lyrisme beaucoup moins grand que celui de M. Lescaze - il faudrait que je prenne des leçons - de suivre les conclusions de la commission - votées à la quasi-unanimité moins une voix - soit de déposer... (Exclamations.) Pardon ! ...de classer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Bon, on ne va pas se battre pour une question de vocabulaire !

Libre à ceux qui reprendront le dossier l'année prochaine de mettre des lunettes un peu plus grossissantes, mais classons !

M. Claude Blanc (PDC). Quand j'entends Mme Charrière Urben dire qu'il faudrait «mettre des lunettes un peu plus grossissantes», je suis tout à fait de son avis.

Je voudrais préciser une chose. M. Lescaze est aveuglé par sa campagne électorale... (Rires.) M. Lescaze ne veut pas comprendre que ce sont les jeunes de «Génération Europe» qui sont venus nous dire qu'ils avaient été floués; que l'argent de l'Etat n'avait pas été distribué où il fallait; que les créanciers de leur manifestation les relancent et leur demandent pourquoi ils n'ont pas été payés, alors que quelques-uns se sont servis au passage ! Nous n'en avons pas à «Génération Europe», mais à ceux qui ont floué «Génération Europe» avec la complicité de M. Segond... L'argent de l'Etat a été dilapidé, et nous aimerions savoir qui a encaissé cet argent. Il me semble que c'est tout de même la moindre des choses de le savoir, car les jeunes de «Génération Europe», eux, n'en ont pas vu la couleur, pas plus que leurs créanciers !

Mme Michèle Mascherpa (L). Je pense que ma collègue Janine Hagmann est assez grande pour se défendre toute seule, mais j'entends quand même intervenir sur les propos tenus par M. Lescaze, propos qui témoignent de sa plus évidente mauvaise foi.

S'il y a une personne qui a été régulière et cohérente, lors des débats de la commission, c'est bien Mme Janine Hagmann. Mme Charrière Urben a parlé de «quasi-unanimité moins une voix». Eh bien, la voix qui était contre était celle de Mme Hagmann, car, dès le début des travaux de la commission, elle s'y est opposée.

Je vous rappelle que la commission des pétitions a délibéré le 5 mai, il y a donc déjà un certain temps.

Pour ma part, j'étais absente lors du vote, mais j'ai eu l'occasion de manifester mon opposition... ou plutôt mon désir de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je rejoindrai donc ma collègue dans le vote final.

Le président. Je prie les orateurs d'être brefs. Il y a déjà une demi-heure que nous traitons de ce sujet !

Mme Janine Hagmann (L). Comme l'a dit Mme Mascherpa, je suis assez grande pour me défendre ! Merci quand même !

Monsieur Lescaze, il est parfaitement vrai que vous avez été favorable à la première pétition concernant le bruit et que vous avez pratiquement été le seul - avec Mme Wavre - à la défendre. Je pense que nous pourrions aussi trouver des explications à cette position. La personne qui avait signé cette pétition était tout de même quelqu'un que vous admirez beaucoup...

Ensuite, lorsque vous avez refusé ma proposition de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, vous avez toujours dit que vous défendiez votre président dans ce domaine, ce qui est par ailleurs tout à fait normal. C'est une politique que j'admire.

Le parti libéral a montré quelques divergences, c'est vrai. Et, si nous avons exprimé des opinions différentes, cela prouve que le parti libéral est complètement fidèle à son idée de liberté !

Si j'ai demandé le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat c'est pour avoir des explications. Et je m'étonne quand même, Madame Charrière Urben, que vous préconisiez le classement de cette pétition. En effet, l'autre jour en commission des transports, il a été proposé de classer une pétition caduque - qui n'avait plus sa raison d'être - et vous avez vous-même dit, Madame Charrière Urben, que ce serait tout de même montrer trop de mépris aux pétitionnaires que de la classer ! Le classement c'est une mise à la poubelle. Alors, je trouve tout de même un peu fort que vous proposiez de classer une pétition, tout simplement parce que vous estimez que les pétitionnaires n'ont pas du tout les mêmes convictions que les vôtres - pas plus que les miennes, d'ailleurs.

Je demande le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat pour obtenir des explications.

Une voix. Bravo !

Mme Micheline Spoerri (L). Monsieur le président, je ne serai pas très longue, puisque vous l'avez demandé. Mais je constate que M. le magistrat déchaîne les passions.

Le but du renvoi de cette pétition... (Rires.) M. Lescaze a l'air de penser que nous voulons nous attaquer à son magistrat. Ce n'est pas du tout le cas. M. Lescaze qui est normalement assidu aux séances de l'intergroupe n'était pas présent ce jour-là. Nous souhaitons tout simplement donner l'occasion à M. le président du département d'apporter la transparence légitime à la suite de ce dossier, et rien de plus.

Le président. Monsieur le député Clerc, vous avez la parole. Je vous recommande d'être bref ! (Exclamations.) Les discours les meilleurs sont les plus courts...

M. Bernard Clerc (AdG). A vous entendre, Monsieur le président, je monopolise la parole... Je ne crois pas que c'est dans mes habitudes !

Le président. Je le reconnais, Monsieur !

M. Bernard Clerc. Je ne peux pas soutenir la formulation de la pétition et ses buts. Elle dit, par exemple, que l'on a accordé 250 000 F pour financer, en réalité, un groupement politique. De ce point de vue, ce n'est pas acceptable, et je soutiens la proposition de la majorité de la commission de classer cette pétition. Toutefois, je ne peux pas non plus ne pas exprimer un certain malaise, parce que effectivement, connaissant un des animateurs de «Génération Europe», j'ai un certain nombre d'inquiétudes et de doutes...

Je ne vois pas pourquoi on utiliserait cette pétition pour creuser la problématique financière soulevée par M. Blanc. Si vous avez des doutes sur la manière dont ont été utilisés les 250 000 F versés par l'Etat, eh bien, rien ne vous empêche, Monsieur Blanc, par le biais de la commission des finances, de demander au contrôle financier cantonal d'aller vérifier. Mais je refuse de lier les deux choses. Je soutiens donc la demande de classement de cette pétition. Faisons la démarche que vous proposez, Monsieur Blanc, mais par le biais de la commission des finances !

M. René Longet (S). Chers collègues, je m'étonne un peu de la logique curieuse de M. Blanc...

Monsieur Blanc, vous vous faites du souci par rapport aux créanciers, aux PME que vous prétendez défendre et, en même temps, vous souhaitez que l'Etat retire ses subventions. Cela signifie donc que ces créanciers ont encore moins de chances d'être payés que cela n'est le cas actuellement. Ce n'est vraiment pas logique !

Enfin, je vous dirai qu'entre l'UDC et l'Europe notre choix est assez vite fait !

Le président. Monsieur le député Blanc, c'est la troisième fois que vous prenez la parole !

M. Claude Blanc (PDC). Ce sera la dernière !

Monsieur Longet, vous me faites «tomber les chaussettes» ! (Exclamations.) Je n'ai jamais dit que je faisais un choix entre les organisateurs «Jeunesse pour l'Europe» et l'UDC !

Une voix. Ah bon !

M. Claude Blanc. Je dis simplement que les organisateurs «Jeunesse pour l'Europe» ont été floués. Ils sont maintenant relancés par leurs créanciers. L'argent de l'Etat a été versé; il a été dépensé, mais les créanciers n'ont toujours pas été payés... Je veux tout simplement savoir où est passé l'argent de l'Etat !

Une voix. C'est bien normal !

M. Claude Blanc. La seule chose qui importe c'est l'usage qui a été fait de l'argent de l'Etat.

Une voix. Abus de confiance !

M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, bien qu'il n'y ait, malheureusement pour vous, aucun journaliste pour rendre compte de cet intéressant débat, j'aimerais vous rappeler tout d'abord - pour ceux d'entre vous qui l'auraient oublié - que, lors des votations populaires sur l'interdiction de la publicité en faveur du tabac ou de l'alcool, l'un des arguments avancés par les opposants à ces initiatives était qu'il ne fallait pas interdire la publicité en faveur du tabac et de l'alcool et qu'il fallait la contrer par d'autres efforts publicitaires...

Le Conseil d'Etat a suivi cette opinion et développé toute une action visant, partout où il pouvait le faire dans le cadre de moyens financiers limités, à remplacer le sponsoring des marques de cigarettes ou d'alcools. Il l'a fait avec conscience et volonté; avec modération, mais avec détermination, en ciblant d'abord les manifestations pour jeunes.

C'est dans ce cadre que le département de l'action sociale et de la santé, a versé, effectivement, une subvention à «Génération Europe», pas pour la cause européenne, mais parce que «Génération Europe» renonçait - je l'ai expliqué à de nombreuses reprises - au sponsoring des marques de cigarettes et d'alcools.

Madame Hagmann, je me suis rendu à chacune des manifestations de ce festival. J'y ai rencontré des députés de tous les partis, soit parmi les spectateurs soit parmi les participants aux débats. Tous les partis représentés dans ce Grand Conseil se trouvaient au comité d'honneur, par l'un ou l'autre de leurs représentants.

Alors, pourquoi en 1997, lorsqu'à votre tour vous vous y êtes rendue, y avez-vous vu des marques d'alcools, en particulier de champagne ? C'est parce que nous avons subventionné, comme cela vous a été expliqué, les exercices 1994, 1995 et 1996, mais pas l'exercice 1997, vu les polémiques que cela avait déclenchées. Vous avez donc pu voir réapparaître la publicité pour des marques de cigarettes et de tabac. C'est d'une simplicité évangélique : il n'y a aucun mystère !

Monsieur Blanc - dès qu'on parle d'Evangile, je me tourne vers vous ! - vous m'avez déjà posé la question, lors du débat sur les comptes 1996, et je vous ai déjà répondu à ce moment-là. La réponse n'a pas varié. Nous n'avons pas versé cette subvention de l'Etat à des personnes physiques, mais à une personne morale : l'Association «Génération Europe» qui est la seule responsable des éventuels mouvements ou dettes. Cet argent n'a pas été utilisé pour rémunérer celui-ci ou celui-là. D'ailleurs, vous m'aviez demandé à l'époque si cet argent avait servi à rémunérer M. Mégroz, et je vous avais répondu par la négative. Cet argent a été utilisé pour désintéresser les créanciers, sur la base d'un plan financier présenté par «Génération Europe», d'entente avec eux.

Vous pouvez me dire que c'est faux, mais c'est la réalité ! Mais cela n'a pas suffi à désintéresser tous les créanciers, Monsieur Blanc : c'est vrai ! Nous n'avons pas donné les montants nécessaires pour désintéresser tous les créanciers restants, mais cet argent a été utilisé pour payer des factures d'entreprises genevoises. Je vous l'ai dit oralement à l'époque; j'ai répondu par écrit à l'UDC, lorsque celle-ci m'a interrogé, et vous avez eu copie de toute la correspondance sur ce sujet.

Pour le reste, je remercie tous ceux qui se soucient de mon destin, mais je crois être assez grand pour arriver à l'assumer tout seul !

P 1144-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (classement de la pétition) sont adoptées.

P 1163-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (classement de la pétition) sont adoptées.