Séance du jeudi 25 septembre 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 10e session - 44e séance

PL 7701
14. Projet de loi constitutionnelle de MM. Claude Blanc, Jean Opériol, Pierre-François Unger et Jean-Claude Vaudroz modifiant la constitution de la République et canton de Genève (révisant les dispositions financières de la constitution genevoise) (A 2 00). ( )PL7701

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit:

Art. 117 (nouvelle teneur)

1 Le Conseil d'Etat présente chaque année au Grand Conseil le budget administratif de l'Etat, conformément aux règles de la gestion administrative et financière de l'Etat fixées par la loi.

2 Le budget administratif est subdivisé en un budget de fonctionnement et en un budget des investissements.

3 a) le budget de fonctionnement doit être équilibré;

 b) il comprend les recettes et les dépenses courantes  ainsi que la part annuelle d'amortissement des  investissements;

 c) en cas de deux déficits annuels successifs,  résultant de charges excédant les revenus de plus  de 2%, le Conseil d'Etat présente au Grand  Conseil un projet de loi de rétablissement des  finances énumérant le détail des modifications de  charges et de revenus permettant le retour à   l'équilibre du budget de fonctionnement et  l'amortissement complet du découvert au bilan  dans un délai maximum de 10 ans.

4 Le Conseil d'Etat rend compte chaque année de l'administration des finances, conformément aux articles 80 et 82.

Art. 55, al. 3 (nouveau)

3 Si le Grand Conseil décide que la loi de rétablissement des finances prévue à l'article 117, alinéa 3, lettre c, ne revêt pas le caractère d'urgence exceptionnelle, elle est alors soumise au référendum obligatoire.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Nous avons l'honneur de vous présenter un projet de révision qui apporte, au niveau de la constitution, les principes modernes de la gestion des finances publiques, déjà contenus dans la loi de 1993, et qui donne aux autorités et au peuple des responsabilités accrues et des pouvoirs étendus pour sortir de la grave crise financière que nous traversons.

Bref rappel historique

Si les articles 96 et 97 de la constitution prévoient qu'il ne doit pas y avoir de dépenses nouvelles sans recettes nouvelles, on devrait voir dans cette disposition, issue de la crise financière des années 30, l'exigence implicite du respect de l'équilibre budgétaire. Mais cette exigence n'étant pas expressément formulée, elle a souvent été contestée.

Cette contestation a profité du vide régnant dans une constitution qui ne fait pas de distinction entre le budget de fonctionnement et le budget d'investissement. Or, les investissements peuvent être couverts par des recettes étalées sur les années à venir et non sur l'année ou les années de leur réalisation. L'endettement devient alors légitime puisqu'il a sa contrepartie dans l'augmentation du patrimoine. La dette est amortie au fur et à mesure de la dépréciation des biens. Conséquence: la dette pour les dépenses d'investissements est acceptable; elle est inacceptable pour les dépenses courantes.

Harmonisation des comptes des cantons

Tous les cantons ont ressenti le besoin d'une harmonisation dans la conception et la présentation de leurs comptes, certains en la faisant précéder de réformes constitutionnelles, d'autres après, comme le ferait Genève avec le présent projet de loi, en l'inscrivant maintenant dans la constitution. Cela après avoir fait l'expérience de son application depuis 1985 dans la loi budgétaire annuelle et depuis 1993 dans la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat.

Même s'ils n'avaient pas encore été inscrits dans la constitution, ces principes d'harmonisation dans la présentation des comptes, de distinction des dépenses de fonctionnement et d'investissement et d'équilibre du compte de fonctionnement ont été respectés jusqu'en 1988.

Grave crise financière

C'est en 1989 que les premiers effets de la crise économique se sont fait sentir d'abord à Genève et en Suisse romande, dont les exportations sont plutôt tournées vers les pays anglo-saxons, puis plus tard en Suisse alémanique influencée par la conjoncture allemande.

Alors que le canton de Zurich s'alarme aujourd'hui des effets d'une crise qui entame sérieusement l'état de sa fortune au bilan, le canton de Genève a vu disparaître complètement dès 1991 les réserves de 809 millions de francs accumulés au cours des années 80 pour faire place à un découvert béant qui atteindra environ 3,4 milliards de francs à la fin de cette année. Le tableau ci-annexé montre l'évolution des comptes et permet de se faire une idée de la profondeur de la crise financière. Le découvert représente la dette de consommation comprise dans la dette totale. Vivre à crédit n'est pas possible à la longue ni pour les ménages, ni pour les entreprises, ni pour les institutions non plus.

Rétablissement en 10 ans

Après avoir posé les principes d'une saine gestion financière dans la constitution elle-même, le présent projet de loi prévoit dans la constitution aussi les voies et moyens pour rétablir une situation normale quand surgit une grave crise, celle que nous vivons.

Auparavant, il faut rappeler qu'un effort considérable a été fourni dès 1993 par le plan de rétablissement 1993-1996 que le gouvernement a adopté. Il n'a pas été entériné par le Grand Conseil, si ce n'est implicitement par le biais de la modification de certaines lois, les autres mesures étant de la compétence du Conseil d'Etat. En quatre ans, ce plan de rétablissement aura allégé les charges de l'Etat d'environ 2 milliards de francs.

Quant à la réforme nouvelle entreprise par l'administration, à la suite de l'audit, elle allégera sans doute son coût, mais elle ne suffira pas à résorber les déficits.

Article 117 Cst, al. 3 c, et article 55, al. 3

La crise est telle que seule une loi unique, modifiant bon nombre de lois qui régissent les revenus et les charges, doit impérativement être proposée par le Conseil d'Etat au Grand Conseil. C'est ce que prévoit le nouvel alinéa 3 c de l'article 117 Cst quand il y a des déficits de plus de 2% (100 millions de francs). Il faut en finir avec des votes fragmentaires qui refusent tantôt les augmentations de revenus, tantôt les diminutions de charges. Le rétablissement doit constituer un tout indissociable, équilibré, non laissé à la merci des humeurs partisanes, mais sauvegardant le bien commun.

Quant à la modification de l'article 55 Cst, elle rappelle au Grand Conseil qu'il détient le pouvoir d'assortir la loi de rétablissement de la clause d'urgence. Et s'il estime que la profondeur de la crise n'est pas un état d'urgence, c'est alors le peuple qui prend toutes ses responsabilités par un référendum devenu obligatoire. C'est là une innovation fondamentale.

Il ne s'agit pas seulement de rétablir l'équilibre du compte de fonctionnement sans plus se soucier de la dette de consommation contractée pendant 10 ans, celle-ci doit être amortie complètement durant les 10 années à venir, au plus tard en 2007.

Inversion durable de la croissance des dépenses et des recettes

En 9 ans, les charges ont passé de 3 milliards 637 millions de francs en 1988 à 5 milliards 163 millions de francs en 1997, tandis que les revenus passaient de 3 milliards 657 millions de francs à 4 milliards 683 millions de francs. Il y a donc eu croissance annuelle moyenne des charges de 4% et des revenus de 2,8%. Ce différentiel a provoqué des déficits cumulés de4 milliards 148 millions de francs, faisant passer le bilan d'un état de fortune de 809 millions de francs à un découvert de 3 milliards 339 millions de francs.

C'est donc un différentiel inverse, prévoyant durablement, sur 10 ans, une croissance des charges inférieure à celle des revenus, qui devrait permettre de rétablir, 20 ans plus tard, en 2007, l'état de santé financière que l'Etat connaissait en 1988. La période de rétablissement aura été de même durée que celle de la détérioration.

Bien gérer la reprise

Même si la reprise est perceptible, la récession a laissé des traces qui seront longues à effacer. Gérer la reprise signifie qu'il ne faut pas seulement parvenir à l'équilibre du compte de fonctionnement, mais qu'il faut que ce compte produise des bénéfices susceptibles de combler les déficits qu'il a engendrés en laissant un grave endettement.

L'inversion de croissance des charges et des revenus, que l'on vient de voir, montre que cela est possible.

Bien que les recommandations souvent entendues d'une gestion anticyclique de la crise des finances publiques ne soient pas sans limites, elles trouveraient ici une certaine application puisque les dépenses auront été plus importantes que les recettes en temps de crise, et moins importantes dès la reprise.

Investissements: préserver l'avenir

C'est à dessein que la révision proposée ne limite pas les investissements. Les dépenses d'investissement sont des dépenses pour l'avenir dont les charges annuelles en intérêts et amortissements figurent au compte de fonctionnement; il ne faut pas que ce compte de fonctionnement ne comporte que des dépenses courantes sans faire une place, comme par le passé, aux charges découlant des investissements.

A cet égard, Genève s'est passablement distancé de bien des cantons qui ont un peu trop abruptement réduit leurs investissements, et les charges annuelles qu'ils induisent, à seule fin d'équilibrer par ce moyen leur compte de fonctionnement.

Conclusion

Peut-on considérer qu'il sera toujours impopulaire d'avoir une certaine rigueur dans la gestion des affaires publiques? Il est plus que souhaitable que les citoyens sachent qu'il existe un péril certain et qu'ils prennent connaissance de son ampleur au travers des mesures visant à l'écarter. Se ces mesures sont bien cadrées, elles devraient rencontrer l'assentiment de tous. La confiance sera restaurée, l'économie revigorée et le plein-emploi retrouvé.

Que les principes d'une gestion moderne et équitable de l'administration soient élevés au niveau de notre Constitution, et que cette même constitution donne aux autorités, et finalement au peuple, le devoir et le pouvoir d'y parvenir, tels sont les buts du présent projet de loi que nous recommandons à votre acceptation, Mesdames et Messieurs les députés.

7

Préconsultation

M. Jean Opériol (PDC). Voici deux chiffres. A la fin de 1988, le budget de fonctionnement indiquant la fortune du canton s'élevait à 809 millions. En 1997, budget compris, cette fortune se révèle être négative à hauteur de 3,4 milliards de déficits accumulés.

En dix ans, le budget de fonctionnement a généré une accumulation de pertes de 4,2 milliards. Les déficits se sont régulièrement creusés durant ces deux dernières législatures. Nous sommes tous responsables de cette catastrophe : gouvernement, parlement et peuple. Soit que nous n'avons pas voulu ni su voir la réalité en face soit que nous n'avons pas pris nos responsabilités ni eu le courage de dire non au bon moment sur toutes sortes de sujets.

Dès lors que la preuve de notre manque de courage est faite et que, d'autre part, on ne peut plus espérer de retour à l'équilibre en dehors d'une détermination farouche de ce parlement, cette détermination reste plus qu'aléatoire. Il faut donc que nous soyons obligés et contraints d'agir.

Notre parti, avec le précieux concours de Denis Roy, ancien directeur général des finances de l'Etat, a passé son été 1997 sur un projet de loi constitutionnelle allant dans ce sens. En ce qui concerne l'article 117, alinéa 5 de la constitution, dans le cas où deux exercices consécutifs présenteront un excédent des charges sur les revenus de plus de 2%, le Conseil d'Etat devra présenter au Grand Conseil un projet de loi de rétablissement des finances énumérant le détail des mesures à prendre permettant le retour à l'équilibre du budget de fonctionnement et l'amortissement complet du découvert au bilan dans un délai maximum de dix ans.

La modification de l'article 55 de la constitution rappelle au Grand Conseil - au cas où il l'aurait oublié - qu'il détient le pouvoir d'assortir la loi de rétablissement des finances de la clause d'urgence. Si notre Grand Conseil ne voit ni ne veut voir l'urgence du retour à l'équilibre de nos finances, c'est le peuple qui sera appelé à prendre ses responsabilités. Le référendum sera obligatoire, et c'est là une innovation fondamentale.

Mesdames et Messieurs les députés, les auteurs du projet de loi attirent votre attention sur le fait qu'il ne s'agit pas seulement de rétablir l'équilibre du compte de fonctionnement, sans plus se soucier de la dette qui s'accumule depuis bientôt dix ans, mais aussi d'amortir cette dette dans un délai maximum de dix ans. Nul doute que vous partagerez notre souci et ferez bon accueil à ce projet de loi constitutionnelle en le renvoyant en commission, probablement des finances.

M. Daniel Ducommun (R). Tout ce qui peut contribuer à l'assainissement de notre caisse publique est bon à prendre et digne d'être étudié en commission des finances. Il sera fait ainsi avec ce projet de loi de nos collègues démocrates-chrétiens.

A regret, nous devrons néanmoins modérer notre optimisme. Mesdames et Messieurs les députés, en huit ans passés à la commission des finances avec le conseiller d'Etat Olivier Vodoz, j'ai vu passer une dizaine de projets de ce type, du reste traités en compagnie et en collaboration avec M. Denis Roy. Ces dix projets et celui qui nous préoccupe ce soir, proche du modèle fribourgeois, ont déjà été minutieusement étudiés, il y a quelques années, sans résultat tangible.

De plus, notre constitution comprend nombre de garde-fous qui devraient, grâce à une application rigoureuse, suffire à résoudre le problème posé. Je fais allusion aux article 54, 56, 57, 80, 81, 95, 96, 97...

Une voix. Carton !

M. Daniel Ducommun. ...qui font tous, de près ou de loin, référence à l'obligation de prévoir une couverture financière pour toute nouvelle dépense. On revient toujours à la case départ. Le déficit ne peut pas être résorbé par une nouvelle loi, mais par une redéfinition du rôle de l'Etat et des prestations essentielles qu'il doit offrir à la population.

Nous rappelons également qu'un projet de loi radical est actuellement en souffrance à la commission fiscale. Il stipule notamment que les dépenses de fonctionnement de l'Etat de Genève ne peuvent pas dépasser le montant inscrit au budget 2001, sous réserve des transferts de charges imposés au canton ou d'une situation exceptionnelle. Ce projet se différencie quelque peu de celui de nos collègues démocrates-chrétiens par le fait qu'il donne des pistes pour des recettes supplémentaires, comme celle de l'accueil de nouvelles entreprises, par le biais, dans un premier temps, d'exonération fiscale et, nous le souhaitons, la possibilité de bénéficier des effets de l'arrêté Bony.

En conclusion, tout acte constitutionnel est un cadre légal qui a toutefois une valeur théorique s'il n'est pas accompagné d'un catalogue d'actions concrètes comprenant, soit l'absence de prestations, soit l'augmentation des recettes, soit encore les deux cumulés. Ce sont les réflexions que nous contribuerons à développer en commission des finances.

M. Dominique Hausser (S). Pour paraphraser le début de l'exposé des motifs, les socialistes ont l'honneur de vous commenter le projet de révision présenté par les démocrates-chrétiens qui apporteraient, au niveau de la constitution, les principes modernes de la gestion des finances publiques, etc.

Mesdames et Messieurs les députés, M. Ducommun a fait un certain nombre d'allusions au contenu de la loi actuelle, vous montrant ainsi les instruments législatifs que nous possédons déjà.

Permettez-moi de faire deux commentaires. Premièrement, nous sommes d'accord avec M. Ducommun pour dire que le budget est divisé en compte de fonctionnement et en compte d'investissement. Par contre, nous ne savons pas toujours ce qui doit ou ce qui devrait figurer dans l'un ou l'autre compte. Ainsi, il est aisé d'imaginer faire passer, sans aucune difficulté, des rubriques de l'un à l'autre. Nous l'avons déjà vu.

Deuxièmement, l'alinéa 3, lettre c, du projet de loi concerne le fait que le Conseil d'Etat présente un projet de rétablissement des finances au Grand Conseil, énumérant le détail des modifications. Ce voeu pieux est «cassé» par l'article 55, alinéa 3, dans lequel il est inscrit que : «Si le Grand Conseil décide que la loi de rétablissement des finances prévue à l'article 117, alinéa 3, lettre c, ne revêt pas le caractère d'urgence exceptionnelle, elle est alors soumise au référendum obligatoire.» En d'autres termes, cela signifie que le Grand Conseil décide le redressement des finances et que le peuple, lui, n'a d'autre forme de procédure que les sept mille signatures à récolter pour casser cette décision. (Commentaires.)

C'est exactement ce qui est écrit, Mesdames et Messieurs les députés : sauf si le Grand Conseil décide qu'il s'agit d'une mesure d'urgence. Or s'il faut redresser les finances publiques, car le déficit est trop important, si l'on n'inscrit pas en même temps la clause d'urgence, il y a un référendum, donc cela n'a pas de sens...

La présidente. Nous considérerons le sens exact de la disposition en commission des finances !

M. Dominique Hausser. Nous examinerons ce projet en commission, tout en sachant que ce n'est pas en «pondant du papier» que l'on réussit à combler les déficits.

M. Bernard Clerc (AdG). Nous savons tous que les démocrates-chrétiens sont des hommes de foi et nous le constatons dans les conclusions de l'exposé des motifs, dans lesquelles il est noté, je cite : «La confiance sera restaurée, l'économie revigorée et - tenez-vous bien ! - le plein-emploi retrouvé.»

Une voix. Ah, voilà qui est bien !

M. Bernard Clerc. Je m'étonne que M. Vodoz n'ait pas découvert avant cette recette miracle. Si cela avait été le cas, nous serions aujourd'hui dans une situation de plein emploi et tout irait bien.

J'ai toujours pensé que les «lendemains qui chantent» étaient l'apanage de la gauche, et je m'aperçois qu'ils appartiennent au parti démocrate-chrétien.

Votre projet est pour le moins curieux. Que nous révèle-t-il ? En cas de deux déficits annuels successifs résultant de charges excédant les revenus de plus de 2%, soit, grosso modo, deux déficits annuels successifs de 100 millions, il faut obligatoirement rétablir l'équilibre des finances. Je vous laisse apprécier le résultat en regard du déficit de ces dernières années. Ce projet de loi - nous dit-on - permettra de conserver une marge anticyclique. J'avoue n'y rien comprendre. En effet, si l'on désire assurer une marge anticyclique, il ne faut justement pas faire ce que vous proposez. Ensuite, il faut pouvoir préserver les dépenses d'investissement, qui, elles, sont anticycliques. On pourrait donc ne pas y toucher, mais, par contre, il faut à tout prix réduire les dépenses de fonctionnement.

Trop souvent dans ce parlement, on considère que seules les dépenses d'investissement ont un impact sur l'économie. Malheureusement, les expériences de la crise actuelle montrent que les dépenses de fonctionnement jouent un rôle fondamental dans le maintien du pouvoir d'achat, dans le maintien de l'emploi et dans une certaine confiance en l'avenir. Il est erroné de considérer le budget de l'Etat que sous son aspect anticyclique et seulement par rapport au compte d'investissement. Il faut l'analyser du point de vue des dépenses de fonctionnement.

Ensuite, on propose d'atteindre cet équilibre en réduisant les dépenses, mais on ne nous dit pas, par exemple, qu'il serait interdit de diminuer les recettes. Pourtant certains d'entre vous le proposent. Mais oui, Monsieur Brunschwig, c'est vous ! Et vous avez été appuyé, jusqu'à une époque assez proche, par vos cousins de l'Entente, y compris les démocrates-chrétiens.

Nous sommes prêts à discuter de ce projet en commission, mais, très honnêtement, il ne nous paraît pas très sérieux sur le plan de la politique économique.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Ce projet de loi, puisqu'il est constitutionnel, sera, de toute manière, étudié en commission.

Je me réjouis de ces intentions vertueuses, même si j'aurais préféré entendre ces propos au début plutôt qu'à la fin de cette période difficile. Il est vrai que toute une série de projets de lois ont été étudiés dans ce domaine. Cela permet d'aboutir à deux choses :

La première - nous l'avons constaté lors de la présentation du projet de budget 1998 - le budget de fonctionnement de l'Etat n'est pas constitué exclusivement par les charges d'exploitation, soit la masse salariale, les charges financières ainsi que des dépenses générales, mais, pour plus de 44%, soit près de la moitié du budget, de subventions et de prestations. S'il suffisait, pour réduire les déficits, de couper dans les prestations de nature sociale ou de formation, cela aurait été fait depuis longtemps.

Or on sait bien que, en période de crise, le rôle de l'Etat, comme l'ont rappelé certains députés dans cette enceinte, doit être mis en exergue pour faire face à ses obligations. Je dis avec un brin de nostalgie que, pour agir, il convient d'avoir une véritable volonté politique. Or, tous les projets de lois que vous concocterez ainsi que toutes nos dispositions constitutionnelles resteront lettre morte si nous n'arrivons pas à trouver ensemble une volonté politique d'agir sur un certain nombre de points.

Pourquoi les articles 96 et 97 de la constitution prévoient-ils que toutes les dépenses nouvelles doivent être couvertes par des recettes nouvelles et que l'on ne peut pas recourir à l'emprunt ? En réalité, parce que personne n'a défini ce qu'est une dépense nouvelle. L'accroissement des prestations et des modifications que vous apportez aux différentes lois a toujours été considéré par ce parlement comme des dépenses non nouvelles. Dans un certain nombre de cas, elles l'ont été à l'initiative du gouvernement, comme n'étant pas des dépenses nouvelles, mais l'adaptation de dépenses autres.

D'ailleurs, un groupe travaille et la commission des finances sera bientôt saisie de propositions de réexamen d'un certain nombre de dispositions de nature budgétaire. Cela touchera les notions d'amortissement, de déficit, des reports de crédit, des budgets bisannuels et également de ce que seraient les dépenses nouvelles par rapport aux dépenses ordinaires ou qui ne mériteraient pas une couverture financière particulière.

Enfin, la seule mesure qui pourrait être prise serait de réintroduire le référendum obligatoire. Cette mesure a fait partie de notre constitution pendant un certain nombre de décennies. Ensuite, elle a été abandonnée chez nous comme dans certains cantons, tandis que d'autres l'ont conservée. Le référendum obligatoire prévoit que, à toute dépense nouvelle et définie comme étant nouvelle, doit correspondre des recettes. Si le peuple veut ces dépenses nouvelles, il doit simultanément voter les moyens financiers.

Avec la loi Lacroix, vos et nos prédécesseurs ont abandonné cette idée du référendum obligatoire. Vous pouvez relire, à ce sujet, l'histoire de notre constitution qui est intéressante. Les réflexions qui se feront à la commission des finances sur ces sujets avec d'autres projets, déjà déposés, pourraient aboutir, selon certaines conditions à redéfinir ce qu'est le référendum obligatoire.

Afin d'être cohérents, il conviendra d'appliquer au compte des investissements la même formule que celle que vous voulez donner à celui de fonctionnement, afin d'éviter une inégalité de traitement. Par exemple, vous ne pourriez pas signifier que la politique sociale ou celle de formation devrait faire l'objet du référendum obligatoire, alors que, dans une politique d'investissement, tout serait permis.

C'est pourquoi, au début du plan de redressement, j'avais évoqué le fait que nous ne devrions pas dépasser, à charge du budget, des investissements de 250 millions net par année, car nous savons que, dès la deuxième année, tout investissement génère des amortissements, d'une part, et des charges d'intérêt, d'autre part, puisque nous devons emprunter l'ensemble des fonds nécessaires à la couverture de nos investissements.

Le rapport entre le volume d'investissements et les comptes de fonctionnement est donc direct. On ne peut donc pas, pour des raisons de politique anticyclique, séparer la problématique des investissements de celle des dépenses nouvelles et l'appliquer ensuite à toutes les autres dépenses, comme celles de la formation, de la sécurité ou des prestations sociales.

Je vous livre ces quelques réflexions, car je n'aurai pas le bonheur de suivre avec vous les débats à la commission des finances sur ces projets importants. Mais souvenez-vous qu'il faut une véritable volonté politique pour redresser les finances et non pas seulement des textes législatifs !

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.