Séance du jeudi 25 septembre 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 10e session - 44e séance

PL 7699
13. Projet de loi de Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, Christine Sayegh, Gilles Godinat, Bernard Clerc et Vesca Olsommer modifiant la loi générale sur les contributions publiques (obligations à intérêt unique prépondérant) (D 3 05). ( )PL7699

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit:

Art. 16, al. 2, lettre l (nouvelle)

l) les revenus résultant de l'aliénation ou du rem-boursement d'obligations à intérêt unique pré-pondérant (obligations à intérêt global, obligations à coupon zéro) qui échoient au porteur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La pratique suivie jusqu'à maintenant par les autorités fiscales se fonde sur l'idée que les bénéfices ou les pertes de cours réalisés à la suite d'achats ou de ventes en bourse restent sans effet sur l'assiette fiscale du contribuable pour autant que celui-ci ne gère que sa fortune privée. Or, il faut bien constater que cette pratique crée une différence de traitement fiscal entre l'imposition d'un gain provenant de valeurs mobilières et celle d'un même gain provenant d'autres sources de revenus. Ainsi, l'impôt sur le revenu est moins progressif qu'il n'y paraît, les gains en capitaux se concentrant surtout sur les revenus élevés et il y a, de fait, incitation à transformer des revenus ordinaires en gains en capital non imposés.

Le législateur fédéral a modifié cette pratique pour les obligations à intérêt unique, en général le disagio d'émission ou l'agio de remboursement. Il a introduit pour ces obligations une solution en vertu de laquelle la rémunération globale sera dorénavant imposable auprès de celui qui l'aura effectivement réalisée. Conformément à l'article 20, alinéa 1, lettre b, de la LIFD sont donc imposables en tant que rendement de la fortune mobilière les revenus résultant de l'aliénation ou du remboursement d'obligations à intérêt unique prépondérant. Il s'agit des obligations à coupon zéro (discount bonds), des obligations à intérêt global par exemple celle de type Migros, des obligations à rémunérations périodiques annuelles se situant au-dessous du taux du marché et assorties d'un agio de remboursement fixe, d'emprunts à double monnaie, de papiers monétaires à court terme (créances comptables de la Confédération, des cantons et des communes) et éventuellement aussi de certaines obligations à option et d'instruments financiers dérivés.

Le présent projet de loi se veut tout simplement une adaptation de la loi genevoise sur les contributions publiques à l'article 20, alinéa 1, lettre b, de la LIFD décrit ci-dessus et ce, afin d'aligner la pratique de l'administration fiscale cantonale sur celle de l'administration fédérale des contributions. Au bénéfice de ces explications, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de bien vouloir lui réserver un bon accueil.

Préconsultation

Mme Micheline Calmy-Rey (S). La Suisse fait partie d'un des rares pays ne connaissant pas l'imposition des gains en capitaux pour les personnes privées. Parmi les pays industrialisés, seules la Grèce et la Suisse ne connaissent pas une telle imposition. Genève ne déroge pas, puisque la pratique suivie à ce jour exonère les plus-values mobilières.

Il y a plus-value mobilière lorsque quelqu'un achète des titres, des actions ou des obligations et les revend à un prix plus élevé. Bien qu'il s'agisse d'un gain, il est libéré de tout impôt pour les personnes privées, et il faut bien constater que cette pratique crée une inégalité, une différence de traitement fiscal entre l'imposition d'un gain provenant de valeurs mobilières et l'imposition d'un gain provenant d'autres sources de revenus, comme celles du travail ou de la propriété immobilière. Cette subvention déguisée n'a, à l'heure actuelle, aucune raison d'être, car l'évolution boursière est largement positive.

La loi d'harmonisation fiscale ne prévoit pas ce type d'imposition, mais ce n'est pas, à vrai dire, un obstacle rédhibitoire ni global, et, quelquefois, cela peut être une question d'interprétation.

En effet, conformément à l'article 20, alinéa 1, lettre b de la loi sur l'impôt fédéral direct, sont imposables en tant que rendement de la fortune mobilière les revenus provenant de la vente ou du remboursement d'obligations à intérêt unique prépondérant. La disposition s'applique aux obligations à coupon zéro, soit sans rémunération périodique, et aux obligations à intérêt global exclusif, à savoir des obligations dont la rémunération globale ne provient pas ou peu des échéances périodiques d'intérêts.

Par exemple, une obligation émise au-dessous du pair à 700 F, remboursable après cinq ans à la valeur nominale de 1 000 F : la différence de 300 F entre la valeur d'émission et celle du remboursement serait imposable si l'on adoptait notre projet de loi, car il n'y a pas de paiement périodique d'intérêts.

Autre exemple : une obligation à intérêt global, émise à la valeur nominale de 1 000 F procurant un intérêt annuel de 30 F et qui est remboursable après six ans à une valeur de 1 326 F. Cette obligation entre dans la catégorie visée par notre projet de loi, puisque l'intérêt annuel représente une part minoritaire du rendement global annuel.

Par contre, notre projet de loi ne change pas le traitement fiscal des bénéfices ou des pertes de cours réalisées à la suite d'achats ou de ventes en bourse pour autant que le contribuable ne gère que sa fortune privée. Le projet de loi que nous déposons ce soir se veut donc tout simplement une adaptation de la pratique cantonale à la loi fédérale et à la pratique de l'administration fédérale des contributions. Je vous remercie de bien vouloir l'accepter ou le renvoyer en commission.

M. Daniel Ducommun (R). Ce projet de loi n'est pas inintéressant et mérite d'être renvoyé, bien sûr, à la commission fiscale, laquelle traite actuellement la révision de l'imposition des personnes physiques.

Toutefois, il ne faut pas se faire trop d'illusions sur de nouveaux gains fiscaux potentiels, Madame Calmy-Rey. L'administration fiscale fédérale estime totalement disproportionné le gain réalisé par rapport à la procédure d'imposition résultant d'un calcul, Mesdames et Messieurs les députés, de dix pages. Pour faire la déclaration, il faudra dix pages ! Lors de la prochaine séance, je serai en mesure de vous en donner la teneur.

Cette procédure est actuellement en étude de simplification, et il serait souhaitable que l'on puisse s'y référer dans nos travaux en commission fiscale. Sur le principe, le groupe radical ne conteste pas l'opportunité de ce projet, il reste sceptique sur ses modalités d'application.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Il est vrai qu'il est tard et que nous sommes fatigués, mais ce projet est d'importance. Le Conseil d'Etat, par ma bouche, entendait dire ce qui suit.

Deux méthodes de taxation des obligations à intérêt unique prépondérant existent dans la législation. L'administration fiscale a publié un certain nombre de directives à cet égard. Il est vrai que la LIFD prévoit la taxation, selon la méthode visant à taxer chaque opération, chaque aliénation, et non pas à la fin du cheminement du titre coupon zéro - discount bonds - comme on les appelle. La LHID, comme l'a rappelé Mme Calmy-Rey, reste muette. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 1995.

Par conséquent, l'administration fiscale cantonale a appliqué jusqu'à maintenant la formule traditionnelle. Dans le cadre de l'étude de la LIPP - la loi sur l'imposition des personnes physiques - l'intérêt de la commission a été attiré sur cette problématique.

Mais on peut aussi adapter les règles de la LIFD au plan cantonal; la méthode est beaucoup plus compliquée et demande un travail plus considérable. Mais elle existe sur le plan fédéral. Zurich a voulu l'introduire. Mais par manque de base légale le Tribunal administratif zurichois a rejeté la proposition votée par le parlement. Zurich étudie donc l'introduction d'une base légale, comme la proposition qui nous est faite aujourd'hui pour taxer ces nouveaux gains selon la formule LIFD.

En ce qui concerne le département des finances, nous ne voyons aucun obstacle à ce que ce travail soit fait. Il est d'ailleurs déjà amorcé en commission. Nous aurons l'occasion de définir la méthode de calcul, voire les gains qui pourront en découler.

Aujourd'hui, nous traitons ces cas selon la méthode traditionnelle simplifiée. Il n'y a aucune objection cependant à ce que l'on applique demain la règle fédérale. Il s'agit d'une forme d'harmonisation verticale, préconisée par le droit fédéral. Par conséquent, je suis d'accord que ce projet de loi soit renvoyé en commission et rejoigne les travaux importants qui s'y font et que vous présidez, Madame la présidente du Grand Conseil, en matière de LIPP.

Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.