Séance du
jeudi 25 septembre 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
10e
session -
43e
séance
R 345
EXPOSÉ DES MOTIFS
En décembre 1994, le Premier ministre chinois Li Peng inaugurait le chantier du barrage des Trois Gorges sur le fleuve Yangtsé, donnant ainsi le coup d'envoi au plus grand projet hydroélectrique de l'Histoire. Le barrage provisoire devrait bientôt être terminé et les travaux devraient s'achever en 2009 avec la mise en service des derniers générateurs. Haut comme un building de 70 étages (185 m) et mesurant plus de 2 km de large, le barrage des Trois Gorges créera un lac de retenue de 600 km de long qui engloutira 12 villes, 140 bourgs ruraux, 657 entreprises industrielles, 4 500 villages et hameaux et 800 sites culturels, historiques et archéologiques, de même que des dizaines de milliers d'hectares de terres agricoles.
En décembre 1996, le Conseil fédéral décidait d'accorder provisoirement une garantie contre les risques à l'exportation de 340 milllions de francs à ABB et de 25 millions de francs à Sulzer. Tout récemment on apprenait que l'entreprise ABB avait obtenu une partie des contrats concernant les générateurs du barrage; le Conseil fédéral devra donc maintenant rendre une décision définitive.
Officiellement, le barrage doit permettre de maîtriser les crues meurtrières du fleuve, répondre aux besoins énergétiques croissants de la Chine et améliorer la navigabilité du fleuve. Mais de nombreux problèmes se cachent derrière ces objectifs légitimes et les coûts sociaux et environnementaux du projet permettent de craindre qu'il s'agit d'un des projets les plus destructeurs du début du XXIe siècle. Les arguments avancés sont de trois types:
- l'utilité du barrage, soit les aspects énergétiques (1) et de maîtrise du fleuve (2);
- les atteintes à l'environnement (3);
- les atteintes aux droits de l'homme dus au barrage (4) et l'absence de débat démocratique en Chine (5).
1. Aspects de politique énergétique
La croissance économique chinoise induit une forte hausse de la consommation d'électricité, qui a ainsi augmenté en moyenne de 8% ces dernières années. Le barrage des Trois Gorges, avec son potentiel de18 200 megawatts (MW) (une fois et demie le plus puissant barrage du monde, celui d'Itaipú au Brésil), devrait fournir 10% de l'électricité actuelle du pays ! Mais plus des deux tiers de l'énergie chinoise proviennent actuellement de centrales thermiques à charbon, extrêmement polluantes.
Plutôt que de se tourner vers des méga-projets hydroélectriques destructeurs comme celui des Trois Gorges ou vers le nucléaire, la Chine pourrait, comme le réclament les opposants, investir dans des stratégies plus durables, comme les économies d'énergie (l'industrie chinoise, à technologies désuètes, est boulimique) ou la promotion d'énergies alternatives (la filière du gaz naturel est totalement sous-exploitée). Toutefois, si la Chine doit parvenir à une production et une consommation d'énergie plus durables, les pays riches doivent aussi remettre en question leur surconsommation d'énergie.
2. Contrôle du fleuve
Le barrage des Trois Gorges est une réponse très partielle aux inondations. La déforestation en amont en est la cause principale et le barrage ne résout pas ce problème. Il permettra, au mieux, de maîtriser le cours moyen du fleuve, mais l'ensablement prévisible du lac de retenue augmentera à terme le danger d'inondation dans la province du Sichuan. Un contrôle décentralisé des nombreux affluents du Yangtsé permettrait de mieux gérer les risques d'inondations.
3. Environnement
La diminution des sédiments charriés en aval du barrage affectera la fertilisation des berges. La réduction du débit du fleuve risque d'entraîner une remontée d'eau salée à son embouchure, transformant une région fertile en salants incultivables. Le lac de retenue devrait connaître une concentration des multiples déchets rejetés par l'activité humaine, actuellement évacués par le fleuve. De plus, l'inondation de centaines d'industries risque de libérer des déchets toxiques, par exemple du mercure. Enfin, la modification de l'écosystème pourrait donner le coup de grâce à des espèces animales menacées, comme les 300 derniers dauphins à taches blanches.
4. Déplacements de population
Les estimations officielles varient, allant de 1,3 à 1,8 million de personnes déplacées de gré ou de force. Des déplacements de population aussi importants ne pourront se faire qu'au prix de massives violations des droits de l'homme. De plus, selon un quotidien chinois, 470 000 personnes devraient se retrouver au Xinjiang, une province où la population ouïgoure (musulmane) est systématiquement opprimée: la politique de colonisation de minorités par les populations Han (comme au Tibet) est régulièrement utilisée par les autorités chinoises.
5. Absence de débat dans le pays
Il est unanimement reconnu qu'un développement durable passe par une participation des personnes concernées et un débat public. Or, ceux-ci sont inexistants en Chine et toute critique sur le projet est muselée depuis les massacres de la place Tienanmen. De plus, ce projet de prestige est devenu un symbole de la puissance de la Chine et le domaine réservé du Premier ministre Li Peng, ingénieur de formation. L'avenir du projet des Trois Gorges est lié au destin politique de Li Peng et aux rapports de forces au sein du Parti et du gouvernement.
Néanmoins, les oppositions sont très vives et regroupent notamment les autorités de la province du Sichuan, l'ancien ministre de l'Electricité, de multiples instances scientifiques et de nombreux intellectuels. Les délégués du Congrès populaire national se prononçaient au printemps 1992 en faveur du projet, mais par 1 767 voix pour, 177 contre et 669 abstentions. Du jamais vu pour ce «parlement de marionnettes» habitué à voter en bloc les propositions du Parti. La publication du livre de l'intellectuelle chinoise Dai Qing «Yangtsé! Yangtsé!», début 1989, a été saluée par la presse internationale comme «la naissance du mouvement écologiste» chinois («The Economist»). L'auteure a fait 11 mois de prison après les événements de Tienanmen. Les craintes de la population semblent très grandes, en particulier dans les régions touchées par le barrage.
Certains milieux économiques internationaux, dont la Banque mondiale, sont très sceptiques sur la rentabilité du projet. En mai 1996, la banque d'Export-Import des Etats-Unis (l'agence de crédits à l'exportation) refusait toute garantie publique au projet des Trois Gorges à cause de ses problèmes environnementaux.
S'agissant de notre pays, selon la loi de la GRE, les principes de la coopération suisse au développement doivent être pris en considération dans l'attribution de GRE aux pays les plus défavorisés. De plus, le Conseil fédéral soulignait en février 1994 dans ses nouvelles «lignes directrices Nord-Sud» combien «il est nécessaire de mettre plus l'accent sur (...) le respect des droits de l'homme» dans l'octroi de GRE. Il ajoute qu'une politique cohérente envers le Sud «revient à montrer les contradictions éventuelles entre les intérêts nationaux à court terme et les buts de la politique suisse de développement». Un soutien de la Confédération au projet des Trois Gorges transformerait ces principes en farce et enlèverait toute cohérence à notre politique extérieure.
Au sein de la commission de la GRE, qui ne compte aucun représentant des ONG de développement, le service de la coopération au développement et la représentante des syndicats se sont opposés à l'octroi d'une garantie publique. De nombreux milieux s'étonnent de la décision du Conseil fédéral et attendent des autorités politiques davantage de clarté et de clairvoyance. Il importe que le Grand Conseil du canton de Genève, canton à vocation internationale et pour lequel les droits de l'homme et le développement durable ont une grande importance, s'exprime sur la position prise par le Conseil fédéral et demande que la loi sur la GRE soit clarifiée dans le sens de la cohérence des politiques publiques.
Au bénéfice de ces explications, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir adopter la présente proposition.
Débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Merci, Madame la présidente, d'avoir accepté de traiter cette résolution en urgence.
Cette résolution a été cosignée par les représentants de cinq groupes politiques. Elle a trait à la construction en cours du barrage des Trois Gorges sur le Yangtsé, laquelle devrait être achevée vers 2010.
Ce barrage atteindra une hauteur de 185 mètres; il peut donc être comparé à un immeuble de septante étages. Il mesurera plus de 2 350 m de largeur.
Ce projet, dont la Chine parle depuis plus de cinquante ans, est totalement démesuré. Il créera un lac de retenue de 650 km de longueur qui engloutira un grand nombre de villes, de bourgs ruraux, de villages, d'industries, ainsi que des sites culturels, historiques, archéologiques et des dizaines de milliers d'hectares de terres fertiles.
Cet engloutissement infernal provoquera l'exode, volontaire ou forcé, de l,8 million de personnes, au moins.
Vu ces chiffres impressionnants, nous devons nous demander si un tel ouvrage est nécessaire. La réponse officielle de la Chine consiste à dire qu'il permettra de maîtriser les crues meurtrières du fleuve et répondra aux besoins énergétiques croissants du pays.
Si nous pouvons critiquer ce projet, nous ne pouvons pas intervenir directement à son sujet. Néanmoins, il nous est permis de dire que son coût social et environnemental sera largement supérieur à son bénéfice.
Le coût sera d'abord social. Un déplacement aussi massif de personnes ne pourra pas se faire sans drames humains et violations des droits de l'homme, dans un pays connu pour être peu démocratique. Les chiffres officiels changent constamment, et il y a fort à craindre que les populations contraintes au déplacement seront colonisées et opprimées.
Le coût environnemental est quasiment incalculable. A court terme, nous pouvons citer la perte de terres cultivables. A moyen et long terme, tout l'écosystème sera bouleversé.
En Chine même, les oppositions sont très vives, mais l'absence de démocratie et de débats politiques les réduit radicalement. Une désapprobation internationale est également perceptible.
Le coût environnemental est toujours cité, de même que le gouffre financier. Les investissements sont incertains et approximatifs. C'est pourquoi, en mai 1996, la banque d'Export-Import des Etats-Unis, qui alloue des garanties publiques pour couvrir les exportations américaines dans les pays à risques, a refusé d'apporter sa caution.
En Suisse, le service de la coopération au développement s'est opposé à l'octroi d'une garantie publique contre les risques à l'exportation.
Malgré l'avis de nombreux experts et scientifiques, le Conseil fédéral a décidé d'autoriser, à titre provisoire, des garanties publiques à la multinationale ABB, par le biais de la garantie contre les risques à l'exportation, pour un total de 365 millions. En effet, ABB a obtenu, cet été, un contrat concernant les générateurs du barrage. A ce jour, ABB n'a pas présenté une demande définitive de montant précis. Cependant, nous pouvons articuler le chiffre de 340 millions.
Cela n'est pas acceptable et remet en cause les critères d'attribution de la garantie contre les risques à l'exportation que sont le respect des droits de l'homme et la protection de l'environnement. Le Conseil fédéral a admis ces critères auxquels ne répond pas le barrage des Trois Gorges.
Par conséquent, s'il accordait ce prêt financier, nous devrions réagir face à son amnésie.
C'est la raison de cette résolution qui invite le Conseil fédéral à réexaminer sa position en renonçant à accorder la garantie contre les risques à l'exportation dans ce dossier.
Elle demande également au Conseil fédéral et aux Chambres fédérales de préciser la loi sur la GRE dans le sens de rendre contraignantes les références au respect des droits de l'homme et aux principes de la politique suisse de coopération au développement.
Cette résolution est à la fois urgente et importante. Je vous remercie de bien vouloir la renvoyer, aujourd'hui même, au Conseil fédéral.
M. René Longet (S). Mme Bugnon vous a exposé les enjeux au niveau de l'environnement et du développement. Aussi me bornerai-je à souligner un aspect très important du problème.
En Suisse, nous connaissons le débat public, la liberté d'expression et les mécanismes de prises de décisions démocratiques. Chez nous, un projet de ce type susciterait débats, discussions et oppositions.
Cette résolution nous rappelle que la Chine, où vivent plus d'un milliard d'êtres humains, connaît un pouvoir arbitraire. Ce n'est pas le seul pays, mais il est le plus grand à connaître encore une dictature solidement établie.
Il faut savoir que rien d'essentiel n'a changé depuis neuf ans, depuis les sanglants événements de la place T'ien an Men. Un milliard d'êtres humains n'ont pas droit aux débats et aux discussions portant sur les enjeux essentiels de leur avenir.
Si nous nous référions aux critères dont nous nous réclamons d'ordinaire, nous serions horrifiés à l'énoncé d'un projet de ce type.
En fait, une seule chose a changé en Chine : l'âpreté au gain des Occidentaux.
Durant la guerre froide, de nombreux politiciens s'étranglaient d'indignation à la simple évocation des régimes de parti unique. Aujourd'hui, les mêmes politiciens et les affairistes n'ont aucun problème à brader la dignité humaine pour un plat de lentilles.
L'alternative est la suivante :
Soutiendrons-nous ceux qui, en Chine, essaient, au prix de mille difficultés, de faire entendre leur voix pour que ce projet soit au moins examiné sous l'angle d'un minimum de précautions à prendre ou devrons-nous penser uniquement au tiroir-caisse et aux affaires ?
La résolution tente de rééquilibrer les arguments de ce discours. Elle relève que des opposants, se battant au péril de leur liberté et au risque de leur vie, du moins de l'exil, requièrent notre solidarité.
Cette résolution nous demande de dire, haut et fort, les valeurs qui dominent en l'occurrence. Pouvons-nous accorder la GRE dans ces conditions ? Nous répondons non. La tâche qui nous incombe - nous qui connaissons nos droits démocratiques - est de soutenir ceux qui se battent pour ces droits et, subséquemment, de veiller à ce que nos procédures soient suffisamment claires. D'où les deux volets de la résolution :
- l'un demande au Conseil fédéral de revenir sur sa décision;
- l'autre demande de préciser les règles pour qu'une telle décision ne puisse plus être prise.
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Cette résolution pose deux problèmes importants, l'un de politique extérieure et l'autre de politique intérieure.
Du point de vue de la politique extérieure, cette résolution stigmatise, à juste titre, un certain nombre de violations des droits de l'homme en Chine. Il n'est, effectivement, pas question d'apporter la moindre caution à un régime qui méprise ces droits.
Quelle attitude devons-nous avoir envers ce pays pour qu'il progresse ? Devons-nous nous fermer totalement ou choisir la voie des échanges économiques qui permettent de maintenir le dialogue et favorisent l'élévation du niveau de vie ?
La même question controversée se posait pour l'Afrique du Sud, il n'y a pas si longtemps. Certains n'admettaient pas que la Suisse commerce avec l'Afrique du Sud, ce qu'elle faisait sauf pour des produits frappés d'un boycott international, auquel cas elle se rangeait à l'avis de la communauté internationale.
Dernièrement, nous avons reçu le président Mandela. Je puis vous dire qu'aujourd'hui il juge bien plus positive l'attitude adoptée par la Suisse pour contribuer à la fin de l'apartheid que des attitudes d'apparente obstruction aux courants commerciaux de la part de certains pays, courants qui, pour n'être ni divulgués ni transparents, n'en étaient pas moins très prospères.
La question peut se poser en ces termes pour la Chine. Aux yeux du Conseil d'Etat, le Conseil fédéral a raison de ne pas couper les ponts économiques qui représentent autant de possibilités de dialogue avec les institutions et les autorités chinoises. Lors de ses rencontres avec les autorités chinoises - celles-ci sont venues en Suisse dernièrement - le Conseil fédéral a observé une attitude tout à fait cohérente. Il n'a transigé en rien sur les droits de l'homme. Il a précisé les efforts que la Chine devait fournir à cet égard, tout en marquant sa volonté de maintenir des possibilités de dialogue qui passent, notamment, par un certain nombre d'échanges économiques.
Ma deuxième observation, que je fais au nom du Conseil d'Etat, a trait à une question de politique intérieure. En réalité, cette résolution peut être comprise, s'agissant d'entreprises suisses, comme voulant viser ABB. Et, coïncidence des plus curieuses, ABB inaugure ce soir une nouvelle usine à Genève qui sera le centre le plus important du groupe, dans les domaines de la production, de la recherche et du développement.
Dès lors, je trouve particulièrement malheureux que par une telle résolution l'on impose une vision unilatérale. Dès lors que le point de vue sur les droits de l'homme est entièrement partagé, il convient d'essayer de faire la synthèse correcte, équilibrée, de l'ensemble des enjeux.
C'est dire que votre Grand Conseil prendra la décision qu'il estime devoir prendre; mais c'est dire aussi la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a estimé nécessaire de déclarer pourquoi il se distancie de cette proposition.
M. Chaïm Nissim (Ve), président du Conseil d'Etat. Monsieur le président du Conseil d'Etat, vous avez comparé la Chine à l'Afrique du Sud et insinué qu'il valait mieux «dialoguer» - c'est-à-dire gagner beaucoup d'argent - pour l'inciter à respecter les droits de l'homme.
Monsieur le président du Conseil d'Etat, je tiens à vous dire que c'est une décision américaine qui a fait tomber le régime de l'apartheid en Afrique du Sud. Les grands fabricants d'ordinateurs IBM, HP et autres avaient décidé, sous la pression du Congrès, de ne plus vendre d'ordinateurs à l'Afrique du Sud.
C'est donc cette abstention de commerce, à la demande même des Sud-Africains militants, qui a fait tomber le régime de l'apartheid, et c'est en refusant un crédit à un projet surdimensionné que nous pouvons inciter la Chine à respecter les droits de l'homme.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je m'étonne du discours de M. Maitre, parce qu'il n'a pas sa place dans ce débat.
En effet, ce débat porte sur une résolution traitant d'un projet de barrage, pour lequel la Suisse s'apprête à accorder une garantie contre les risques à l'exportation à ABB.
Qu'ABB s'installe à Genève aujourd'hui ou demain ne change strictement rien au problème.
Nous estimons que le projet prévu en Chine ne tient compte ni du respect des droits de l'homme ni de celui de l'environnement. Par conséquent, il ne remplit pas les critères de la garantie contre les risques à l'exportation.
C'est le sens de notre résolution qui va, d'ailleurs, plus loin, puisqu'elle demande aux Chambres fédérales d'utiliser ce projet pour affiner leurs critères en la matière.
Votre intervention n'avait donc pas lieu d'être, et je prie à nouveau ce Grand Conseil de renvoyer cette résolution au Conseil fédéral. Il est temps de le faire, le Conseil fédéral n'ayant pas encore rendu sa décision définitive.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil fédéral et aux Chambres fédérales.
Elle est ainsi conçue :
rÉsolution
concernant le barrage des Trois Gorges (Chine) et la nécessaire révision de la garantie contre les risques à l'exportation (GRE)
LE GRAND CONSEIL,
- vu le projet démesuré du barrage dit des Trois Gorges, en Chine;
- vu les effets environnementaux et sociaux de ce projet;
- considérant l'absence de tout débat démocratique en Chine ainsi que d'une procédure permettant de prendre en compte les divers aspects de la question;
- considérant que, nonobstant cette situation, le Conseil fédéral s'apprête à accorder la garantie contre les risques à l'exportation (GRE) à l'entreprise ABB pour ce marché;
- considérant que dans ce cas, le Conseil fédéral contreviendrait directement à l'esprit de la loi sur la GRE, qui stipule que les principes de la coopération suisse au développement doivent être pris en considération dans l'octroi de garantie dans les pays les plus démunis (catégorie dont la Chine fait partie);
- et qu'il ignorerait également ses propres lignes directrices Nord-Sud, qui affirment qu'il est nécesaire de mettre davantage l'accent sur le respect des droits de l'homme dans l'octroi de garanties;
- vu que, de la sorte, la collectivité est amenée à cautionner ce projet et les conditions de sa réalisation;
- vu le rôle international de Genève dans le domaine du développement durable et des droits de l'homme,
invite
1. le Conseil fédéral
- à réexaminer sa position en renonçant à accorder la GRE à ce dossier;
- à accorder un siège aux organisations de développement au sein de la commission de la GRE;
2. les Chambres fédérales à préciser la loi sur la GRE dans le sens de rendre contraignantes les références au respect des droits de l'homme et aux principes de la politique suisse de coopération au développement.