Séance du
vendredi 19 septembre 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
9e
session -
41e
séance
M 1147
EXPOSÉ DES MOTIFS
Depuis sa création, le SCARPA a démontré son utilité. En prenant en charge les procédures de recouvrement, il décharge les personnes de procédures longues et compliquées; de plus, il joue un rôle d'intermédiaire entre les ex-conjoints et évite que le paiement de la pension alimentaire soit l'occasion de revivre les conflits liés au divorce.
Enfin, en accordant des avances aux personnes de condition modeste, il leur permet de faire face à une partie des dépenses liées à l'éducation des enfants.
Hélas, plusieurs personnes utilisatrices du SCARPA, nous ont fait part, ces derniers temps, de certaines difficultés qu'elles rencontraient avec ce service.
Par exemple, le manque de rapidité dans le traitement des dossiers.
Théoriquement le SCARPA entre en matière dès qu'il y a non-paiement d'une mensualité, en pratique l'ouverture d'un dossier prend trois mois, ce qui implique un non-paiement des avances pendant tout ce temps.
D'autres personnes nous ont fait part d'un manque d'informations en particulier sur l'avancement des procédures envers le débiteur.
Même si c'est l'Etat qui avance l'argent il est normal que la personne bénéficiaire soit tenue au courant de l'avancement des démarches entreprises contre le débiteur, pour l'exemple, cette situation où la demande de recouvrement dure depuis des années, et la personne lassée de s'entendre répondre par la SCARPA qu'il n'y a rien de nouveau, s'adresse directement à l'office fédéral de la police à Berne et apprend qu'une correspondance a eu lieu il y a plus d'une année avec la justice du pays de l'ex-mari et le SCARPA, et qu'elle n'en a pas été informée.
D'une manière plus générale il serait souhaitable que les personnes qui s'adressent au SCARPA obtiennent des renseignements précis et complets sur les prestations offertes par ce service.
Les procédures de recouvrement auprès des débiteurs ne sont pas menées avec suffisamment de rigueur; ce constat a également été relevé par Arthur Anderson, nous les citons :
«La gestion des débiteurs est totalement inadéquate. La procédure de rappels se limite généralement à une seule lettre dont le contenu est très variable. Pour les procédures de poursuites, les teneurs de comptes ont une entière liberté d'action (ou d'inaction), la supervision de la direction est absente. Le taux de recouvrement est actuellement de 65%. Près de 30 millions de francs n'ont pas été recouvrés jusqu'à ce jour. Les débiteurs insolvables représentent, selon la direction, près de 70% des créances.» (Arthur Anderson, Audit global de l'Etat de Genève, analyse détaillée n° 32 (SCARPA), page 2.)
De même, le SCARPA n'utilise pas systématiquement la plainte pénale pour violation des obligations d'entretien, le but de la plainte n'étant pas forcement d'obtenir une condamnation du débiteur mais de faire pression sur lui afin de l'inciter à remplir ces obligations.
Enfin, compte tenu des montants relativement élevés des pensions alimentaires, il est important d'éviter que les retards atteignent plusieurs mois. En effet, dans ces situations, le montant dû rend problématique son recouvrement et entraîne souvent un découragement du débiteur.
- Une mère de famille, avec deux adolescents, a sollicité le SCARPA pour l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires dues s'élevant à environ 2 000 F par mois. Elle n'a reçu aucune information jusqu'au jour où on lui a communiqué que son mari n'habitait pas Genève et que, par conséquent, les avances qui lui étaient allouées cesseraient. Elle en a été étonnée, dès lors qu'elle savait où se trouvait son mari et que celui-ci était effectivement domicilié à Genève. Elle a demandé une attestation du contrôle de l'habitant qui a certifié que son ex-mari était bien domicilié à Genève et que, par conséquent, une poursuite pouvait être intentée à son encontre. C'est donc la cliente qui a dû faire les recherches qui, pourtant, auraient été faites par le SCARPA, compte tenu des moyens informatiques dont bénéficie le secteur public. Par ailleurs, ce même service, dans cette même affaire, a cessé tout versement de pension alimentaire en invoquant l'insolvabilité du débiteur. Or, malgré la demande de l'ex-épouse de saisir la part du deuxième pilier excédant la prévoyance professionnelle de base a été rejetée de même que le SCARPA n'a pas jugé bon de saisir une part de copropriété d'un immeuble situé en Valais.
- Une femme avec trois enfants a touché une avance du SCARPA de 2 852 F pendant 3 ans et demi (pension alimentaire fixée par le jugement à 3 500 F), son ex-mari est parti à l'étranger avec sa caisse de pension en laissant une ardoise au SCARPA de près de 70 000 F.
- Le SCARPA, mandaté par une épouse, a avancé les pensions alimentaires prévues par le jugement. Parallèlement à la suite d'une erreur, son ex-mari a versé régulièrement les pensions à son ex-épouse jusqu'au jour où celui-ci s'est vu notifier un commandement de payer pour des pensions alimentaires non versées. Bien qu'il ait justifié avoir régulièrement payé toutes ces pensions alimentaires, une procédure de mainlevée a été intentée contre lui et aucune réclamation n'a été adressée à l'ex-épouse qui, pourtant, a perçu toutes les pensions à double.
Au bénéfice de ces explications, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Débat
Mme Nicole Castioni-Jaquet (S). Nous avons été contactés par de nombreuses femmes, cheffes de famille, et par l'Association des familles monoparentales qui souhaitait nous parler des problèmes que ses membres rencontraient avec le SCARPA.
Nous avons rédigé cette motion avec la collaboration de toutes ces personnes.
Les faits relatés dans l'exposé des motifs sont vécus, au quotidien, par ces familles monoparentales. Le manque d'informations de la part du SCARPA constitue un point important, moult fois relevé au cours de nos discussions.
Il est essentiel de noter que l'invite concernant les procédures de recouvrement auprès des débiteurs permettra à l'Etat d'encaisser une partie des 30 millions de francs qui lui sont dus à ce jour.
Nous vous remercions de bien vouloir renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales.
M. Hervé Burdet (L). Je ne suis pas peu surpris de constater que c'est la cinquième fois que Mme Castioni-Jaquet et le coauteur de la motion, M. Champod, interviennent à ce sujet.
Sans en nier l'importance, je souhaite que la commission, à laquelle vous renverrez cette proposition, prenne garde à certaines considérations, dont trois en particulier.
Je trouve bel et bon que l'on demande au SCARPA un traitement rapide des dossiers. Pourquoi pas, puisqu'il s'agit d'un service de l'Etat ! On lui demande aussi d'informer ses bénéficiaires. Cela se fait, à mon avis, mais nous pouvons toujours insister. Quant aux procédures de recouvrement auprès des débiteurs, il y a lieu de les examiner d'un peu plus près. Je trouverais normal que le SCARPA soit mandaté uniquement pour des créanciers résidant officiellement dans le canton de Genève. En effet, nous connaissons des personnes qui pratiquent le SCARPA par un bout ou l'autre du fusil, et l'écho n'est pas du tout le même.
Quand le SCARPA s'occupe d'un mandat qui implique un ou plusieurs enfants, il faudrait s'assurer, avant de vouloir absolument obtenir des francs et des centimes du père fautif, que celui-ci jouit effectivement de son droit de visite, conformément au jugement de divorce. Ce point est très important et il est absolument nécessaire que ce service, dépendant du tuteur général, tienne compte de l'équilibre psychique des enfants. Les mères ne sont pas les seules à avoir des problèmes économiques, les pères en ont aussi. De plus, certains sont douloureusement frustrés, parce qu'ils ne peuvent pas voir leurs enfants. Il faudrait donc que le SCARPA fasse un effort de coeur et de générosité pour parler d'autre chose que de finances.
J'en viens au troisième point. Dans sa frénésie - parce que vous l'y poussez, Madame et Monsieur - le SCARPA dépose des plaintes pénales pour des retards de paiement de quelques semaines ou de quelques mois. Ce faisant, il démontre son insensibilité au climat social ambiant et aux difficultés économiques éventuelles que peuvent avoir des pères, même fautifs.
Ce service devrait faire preuve de plus de tolérance et de compréhension. Il devrait cesser d'arguer d'un règlement rigide et de pratiques aveugles.
Il me reste à espérer, Madame et Monsieur, que votre énième intervention fera que le SCARPA soit bien repris en main par le tuteur général. Pour autant qu'il soit aiguillé vers des pratiques plus chaleureuses et un peu moins légalistes, je suis d'accord de voter le renvoi de votre proposition en commission.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Ces deux interventions vous auront fait comprendre, Mesdames et Messieurs les députés, combien il est difficile de savoir si le verre est à moitié plein ou à moitié vide.
Si j'en juge d'après l'exposé des motifs des deux motionnaires et la citation d'Andersen, la gestion des débiteurs serait totalement inadéquate et la procédure de rappels limitée généralement à une seule lettre. Si j'en juge d'après l'intervention de M. Burdet, le service, que j'ai l'honneur d'avoir dans ma juridiction, poursuivrait ses débiteurs avec un tel acharnement que le nombre de lettres et de procédures s'en trouverait démultiplié !
Sachant que le SCARPA est en voie de réorganisation et les procédures des débiteurs examinées - selon la stratégie de la réforme de l'Etat - je vous propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Cela m'évitera, en commission, de tenter de rapprocher deux positions manifestement inconciliables, du moins jusqu'à la publication d'un document concret sur la question.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
concernant le SCARPA
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- l'importance du versement des pensions alimentaires pour les familles monoparentales;
- que le SCARPA représente une aide indispensable pour les familles monoparentales;
- certains dysfonctionnements de ce service,
invite le Conseil d'Etat
à tout entreprendre afin d'améliorer le fonctionnement du SCARPA, notamment en ce qui concerne :
a) la rapidité du traitement des dossiers;
b) l'information aux bénéficiaires;
c) les procédures de recouvrements auprès des débiteurs.