Séance du
jeudi 18 septembre 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
9e
session -
39e
séance
PL 7697
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur l'instruction publique, du 6 novembre 1940, est modifiée comme suit:
Art. 54 (nouvelle teneur)
1 L'orientation continue des élèves est notamment assurée par l'observation directe, par l'évaluation formative ainsi que par des entretiens avec l'élève, sa famille et les conseillers en orientation scolaire.
2 Afin d'éviter une sélection trop précoce, le septième degré est organisé dans tous les collèges en classes hétérogènes, sans section.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Comme son nom l'indique si bien, le cycle d'orientation doit orienter les jeunes élèves. Le règlement sur le cycle d'orientation souligne d'ailleurs cette volonté en affirmant que l'enseignement secondaire vise essentiellement à la promotion des élèves plutôt qu'à leur sélection et doit les aider à choisir, avec d'autres acteurs, leur voie scolaire et leur carrière professionnelle.
Aujourd'hui, un certain nombre de changements tant au sein des structures scolaires qui précèdent le cycle que dans celles qui le suivent, mais aussi imposés par la société, rendent cet impératif d'orientation encore plus essentiel.
La rénovation du primaire
Les changements déjà entrepris dans un certain nombre d'écoles et qui s'étendront ultérieurement à la totalité des écoles primaires du canton modifient la manière d'acquérir des connaissances. La suppression des notes est un des éléments importants des changements opérés par la rénovation du primaire, laissant ainsi les élèves progresser à leur rythme. Jusqu'à ces dernières années, la décision d'entrer au cycle d'orientation était prise en fonction des résultats notés de l'élève. Il en allait de même pour le choix de la section dans laquelle l'enfant allait poursuivre sa scolarité obligatoire.
Or, il s'avère difficile, dans la nouvelle pratique de la rénovation primaire, de soudain, en fin de sixième année, devoir catégoriser les enfants et les sélectionner en vue de l'entrée au cycle d'orientation. Le choix d'une section peut ainsi devenir très aléatoire.
Au surplus, cette difficulté est encore accentuée par le fait qu'en primaire l'orientation est le fait d'un seul maître, ce qui induit un risque d'inégalités entre élèves de diverses classes, alors qu'une orientation en fin de septième année serait le fruit de l'avis de plusieurs enseignants et conseillers spécialisé.
Cycle d'orientation
1. Les sections sélectionnent les élèves. Les bons se retrouvent en latine, les moins bons en générale. Une fois « placé » dans une filière dite inférieure, l'élève aura beaucoup de peine à rejoindre une section aux exigences plus élevées telle la moderne ou la scientifique. Il est intéressant de lire à ce propos le livre «Nous on s'en fout, on est en G» (édité par le centre de recherches psychopédagogiques) qui démontre bien que l'élève, dès lors qu'il se trouve en section générale, se sent inconsciemment obligé de correspondre à une certaine image de mauvais élève, s'enfonçant ainsi de plus en plus. «Ce n'est pas seulement parce que l'on a de mauvaises performances scolaires que l'on est en générale, mais c'est aussi parce que l'on est en générale que l'on a de mauvaises performances.»
2. Il a été constaté que les interactions entre élèves de niveaux différents et souvent aussi de cultures différentes perdent une grande partie de leur valeur si on les limite en regroupant des élèves au profil semblable, dans des filières précises. De plus, la répartition des élèves en sections distinctes pénalise les enfants de milieux socioculturels défavorisés. Les regrouper dans des sections inférieures ne leur permettra pas d'accéder aux mêmes connaissances de culture générale que les autres élèves du cycle d'orientation.
La société
Il s'avère de plus en plus difficile pour les jeunes qui ne veulent ou ne peuvent suivre une filière gymnasiale, de trouver des débouchés à la sortie du cycle d'orientation. Autrefois, les apprentis se recrutaient dans les classes de section générale. Aujourd'hui, les places d'apprentissage se font chères, et ce sont essentiellement les élèves quittant les sections modernes ou scientifiques qui ont la chance de pouvoir signer un contrat d'apprentissage. Il faut donc donner un maximum de chances aux jeunes élèves de ne pas se retrouver pris sur les rails de la générale dès leur entrée au cycle.
En résumé, on peut constater que:
- novation de l'école primaire ne permet plus de procéder de manière fiable à une sélection pour l'entrée au cycle d'orientation;
- une fois dans la catégorie dite inférieure, au cycle d'orientation, il est bien difficile à un élève de reprendre la voie d'une section aux exigences plus élevées;
- les débouchés de formation professionnelle pour les élèves quittant la section générale sont de plus en plus restreints.
Il est donc impératif aujourd'hui de retarder la sélection, afin de donner un maximum de chances à tous les élèves. Le septième degré devrait donc être une année organisée en classes hétérogènes, année de transition et d'orientation. Année de culture générale offerte à tous les élèves, avec des temps de pédagogies différenciées dans le cadre de regroupements d'élèves particuliers limités dans le temps.
Durant cette septième année, les méthodes d'évaluation devraient aussi être adaptées, afin de s'assurer qu'elles ne sélectionnent pas par l'échec, mais orientent l'élève vers un choix d'avenir, vers un choix professionnel. L'élève ne devrait pas être contraint de faire des choix par élimination.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les raisons qui ont poussé à ce projet de loi. L'idée n'est d'ailleurs pas nouvelle, puisque 3 établissements du cycle d'orientation ne connaissent pas de sections et que divers projets allant dans le sens d'un report de la sélection ont été à de nombreuses reprises suggérés par des groupes de travail formés d'enseignants.
Afin que le cycle d'orientation puisse offrir une culture générale en donnant toutes ses chances à chaque élève, en lui évitant une sélection précoce et trop souvent définitive, nous vous invitons dès lors à accepter de renvoyer ce projet de loi à la commission de l'enseignement et de l'éducation.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'enseignement et de l'éducation sans débat de préconsultation.