Séance du
jeudi 18 septembre 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
9e
session -
39e
séance
PL 7695
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur la profession d'avocat, du 15 mars 1985, est modifiée comme suit:
Art. 5, al. 1 et 2 (nouvelle teneur)
1 Nul ne peut porter le titre d'avocat s'il n'est inscrit au tableau des avocats.
2 Les personnes qui ont obtenu le brevet d'avocat et qui ne sont pas tenues de s'inscrire au tableau des avocats (art. 30, al. 2) peuvent se qualifier de «titulaire du brevet d'avocat».
Art. 30, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Les titulaires du brevet d'avocat qui, en qualité d'indépendants, entendent exercer les activités définies à l'article 1, ou l'une d'entre elles, en faisant état, de quelque manière que ce soit, de la qualité d'avocat, doivent requérir auprès du procureur général leur inscription au tableau. Cette obligation s'étend également aux titulaires du brevet qui sont collaborateurs d'un autre avocat.
Art. 39 (nouvelle teneur)
Les avocats-stagiaires ne peuvent faire des actes de procédure et d'instruction, se présenter ou plaider au civil, au pénal et en matière administrative qu'au nom et sous la responsabilité de l'avocat chez lequel ils accomplissent leur stage, à moins qu'ils n'en soient requis d'office. Dans ce dernier cas, ils jouissent, sur le plan cantonal, des mêmes droits que les avocats.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Introduction
Il est essentiel que le justiciable qui recourt aux services d'un avocat ne soit pas induit en erreur sur la personne à qui il s'adresse.
En effet, seul l'avocat au sens propre du terme, c'est-à-dire, à Genève, la personne titulaire d'un brevet d'avocat et inscrite au tableau du procureur général, est soumis à surveillance et tenu de respecter les obligations qu'impose l'exercice de la profession, notamment le secret professionnel.
Or, l'activité de conseiller en matière juridique, typique du métier d'avocat, n'étant pas soumise à autorisation - contrairement à la représentation devant les tribunaux - le risque de confusion est grand lorsqu'elle est exercée à titre indépendant par une personne titulaire d'un brevet d'avocat et qui s'en prévaut, alors même qu'elle n'est pas inscrite au tableau.
Une telle situation s'est produite récemment, un avocat radié du barreau et interdit d'exercice à la suite d'une condamnation pénale s'étant installé à son compte à sa sortie de prison, mentionnant tant sur la plaque apposée sur l'immeuble abritant ses locaux que sur son papier à en-tête qu'il était «titulaire du brevet d'avocat».
Condamné par le procureur général en application de la loi pénale genevoise pour avoir contrevenu à la législation protégeant le port du titre d'avocat, l'intéressé a été acquitté de ce chef par le Tribunal de police pour le motif qu'il n'avait en rien violé le texte clair de l'article 5, alinéa 2, de la loi sur la profession d'avocat (LPAv), à teneur duquel «les personnes qui ont obtenu le brevet d'avocat et qui ne sont pas inscrites au tableau des avocats peuvent se qualifier de «titulaire du brevet d'avocat».
Cet ex-avocat n'a, en définitive, pu être condamné que sur la base de la loi fédérale contre la concurrence déloyale, parce qu'il avait également - ce qui ajoutait encore à la confusion - utilisé les termes de «Me», s'agissant de lui-même et d'«Etude», s'agissant de ses locaux.
Le risque est grand que des situations analogues se reproduisent et, en l'état de la législation, les autorités se trouveront dans l'incapacité de protéger le public si l'intéressé se borne à invoquer sa titularité d'un brevet d'avocat ou si aucun avocat inscrit au tableau ne dépose plainte contre lui pour concurrence déloyale.
Le présent projet de loi vise à combler cette lacune. Il a été préparé à l'initiative du procureur général et en collaboration avec ce dernier, l'Ordre des avocats et l'Association des juristes progressistes.
Les modifications apportées aux articles 5 et 30 de la LPAv auront pour effet d'interdire aux titulaires d'un brevet d'avocat de se prévaloir de cette qualité ou de faire état, de toute autre manière, du titre d'avocat pour exercer une activité de conseil juridique à titre indépendant s'ils ne sont pas inscrits au tableau des avocats. Les contrevenants pourront de la sorte être poursuivis en application de la loi pénale genevoise.
Commentaire article par article
Article 5, alinéa 1 (nouvelle teneur)
Par rapport à la loi actuelle, les termes «au barreau de Genève» sont supprimés, afin d'harmoniser cette disposition avec la nouvelle teneur de l'article 30, alinéa 2 (voir ci-dessous).
Article 5, alinéa 2 (nouvelle teneur)
Le texte actuel est complété par un renvoi exprès à l'article 30, alinéa 2, et rappelle l'obligation consacrée par cette disposition. Cette dernière ne s'appliquant qu'aux titulaires du brevet d'avocat désireux d'exercer en tant qu'indépendants, la situation de tous les autres n'est pas modifiée. Les juristes employés dans des banques, des assurances ou l'administration pourront continuer à se qualifier de «titulaire du brevet d'avocat», conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral qui avait jugé excessive l'interdiction générale du port du titre d'avocat à toutes les personnes engagées dans une entreprise ou une administration (voir, sur cette problématique, le Mémorial des séances du Grand Conseil, 1989, pages 4913 et suivantes; 1991, pages 566 et suivantes).
Article 30, alinéa 2 (nouvelle teneur)
Il résulte de la nouvelle formulation que toute personne titulaire d'un brevet d'avocat souhaitant, en qualité d'indépendant, donner des conseils en matière juridique en faisant état du titre d'avocat devra au préalable solliciter - et obtenir - son inscription au tableau des avocats tenu par le procureur général.
En liaison avec l'article 30, alinéa 2, l'article 5, alinéa 2, privera les personnes qui ont obtenu le brevet d'avocat et ne sont pas inscrites au tableau de la faculté de se qualifier de «titulaire du brevet d'avocat» lorsqu'elles donneront des conseils en matière juridique en qualité d'indépendants (art. 1, al. 2, LPAv). Ces personnes ne pourront faire état, de quelque manière que ce soit, de la qualité d'avocat.
Ainsi disparaîtra tout risque de confusion dans l'esprit du public quant au statut du conseiller juridique indépendant à qui il s'adresse, voire se confie. Si ce conseiller fait état, de quelque manière que ce soit, du titre d'avocat, le justiciable pourra partir de l'idée, sans risquer d'être cruellement démenti par la suite, qu'il consulte bien un avocat, avec toutes les garanties que cela suppose (surveillance disciplinaire, secret professionnel).
S'agissant des juristes d'entreprises ou d'administration, qui conservent la faculté de s'intituler «titulaire du brevet d'avocat», le risque de confusion est nettement moindre et il convient de s'en accommoder, le Tribunal fédéral ayant jugé contraire à la constitution fédérale la teneur initiale de l'article 5 LPAv, qui prescrivait que «nul ne peut faire état du titre d'avocat dans son activité professionnelle s'il n'est inscrit au tableau des avocats».
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Article 39 (nouvelle teneur)
Le Conseil d'Etat saisit l'opportunité offerte par la présente modification de la loi sur la profession d'avocat pour vous proposer de clarifier, par le biais d'une adjonction à l'article 30 de cette loi, le statut des avocats-stagiaires devant les juridictions administratives.
La position des avocats-stagiaires devant lesdites juridictions n'est, en effet, pas clairement réglée. On pourrait être amené à penser qu'ils seraient admis à représenter une partie en se prévalant de la qualité de mandataire professionnellement qualifié au sens de l'article 9, alinéa 1, de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA). Cette assimilation semble pourtant incorrecte au regard du texte même de la disposition qui prévoit une alternative entre les avocats et les mandataires professionnellement qualifiés. Ces derniers sont des personnes au bénéfice d'une formation technique particulière «pour la cause dont il s'agit» (art. 9, al. 1, LPA in fine), comme un architecte, un comptable, voire une personne ayant acquis une formation particulière dans le domaine des assurances sociales. Ce n'est assurément pas le cas de l'avocat-stagiaire qui apprend le métier d'avocat et qui a donc vocation à représenter les parties dans toutes les causes, indépendamment du domaine du droit à appliquer en l'espèce.
Il serait pourtant aberrant de fermer la porte des juridictions administratives aux avocats-stagiaires.
Il convient plutôt de régler expressément leur situation en complétant l'article 39 LPAv, comme proposé.
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Les modifications exposées ci-dessus sont appuyées sans réserve par le pouvoir judiciaire et les associations d'avocats.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter le projet qui vous est soumis.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire sans débat de préconsultation.