Séance du
jeudi 18 septembre 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
9e
session -
39e
séance
P 1095-A
La pétition susmentionnée, lancée par «Feu Vert», a été déposée le6 décembre 1995 munie de 22 216 signatures. Comme son titre l'indique, elle s'oppose à l'introduction d'une limitation aux 30 km/h car «la complémentarité des moyens de transports est bafouée... une étude neutre et sérieuse du TCS a montré son inefficacité et ses côtés pervers et... les transports publics seraient pénalisés» (voir annexe 1).
L'audition du représentant des pétitionnaires
Il a fallu trois tentatives pour que le représentant de ces 22 216 péti-tionnaires ait pu être entendu. Selon le procès-verbal du 4 juin 1996, «nous n'avons pas reçu de réponse de M. Morard convoqué pour ajourd'hui» et, selon le procès-verbal du 18 juin 1996, «M. Morard étant absent, l'audition est ajournée». Ce n'est que lors de la séance du 29 octobre 1996 queM. Morard a pu être entendu dans la salle de conférences du parkingSaint-Antoine. Malheureusement, cette salle, enfouie dans les profondeurs de cet ouvrage, se trouve à un endroit tellement secret et inaccessible au commun des mortels que l'auteur de ce rapport - ne jugeant pas utile de participer aux nombreuses activités mondaines de cette commission et ne voulant s'y rendre qu'à 18 h pour pouvoir participer à cette audition tant attendue - a erré pratiquement pendant une demi-heure mais sans succès dans les sousterrains de ce parking. Grâce à l'excellent procès-verbaliste de la commission des transports, il me sera cependant possible, du moins je l'espère, de résumer les principaux arguments de M. Morard:
«Si nous sommes contre les 30 km/h généralisés, nous ne sommes pas opposés à cette pratique dans quelques zones sensibles, telle la Vieille-Ville. Par contre, nous n'acceptons pas le coup de force...»
«Nous sommes d'accord: dans des zones bien délimitées d'école, de maisons pour personnes âgées... nous voulons la majorité des voies à 50 km/h et acceptons quelques poches à 30 km/h.»
«Le plan de l'OTC est clair à ce sujet, sur lequel on constate que, à part Jussy et Avusy, le territoire cantonal est susceptible d'être transformé en zone 30.»
«Des études montrent que les 30 km/h sont source de pollution accrue, puisque les moteurs tournent à bas régime et que, même si les accidents sont en baisse (c'est le rapporteur qui met en exergue), le risque 0 n'existe malheureusement pas.»
Discussion
Cette pétition est le résultat, en tout cas partiellement - ne soyons pas trop angéliques - d'un malentendu et d'une certaine maladresse du département de justice et police et des transports (DJPT) lors de l'introduction des 30 km/h dans le quartier des Tranchées.
Cette remarque préliminaire étant faite, il est utile de rappeler que «l'OTC n'est pas partisan des 30 km/h généralisés, notamment sur les réseaux primaire et secondaire. L'utilité de cette mesure est circonscrite dans les zones homogènes de quartier d'habitation» (M. Witwer, procès-verbal du 19 novembre 1996). Même M. Balestra reconnaît «que la pétition 1095 comporte une erreur, lorsqu'il est question de... tout Genève».
La majorité de la commission s'est laissé convaincre par M. le conseiller d'Etat Ramseyer qui a montré dans ce domaine un vrai esprit de conciliation et une attitude pleine de sagesse: «Nous avons imaginé un scénario global pour la mise à l'enquête, pour ne pas avoir à y revenir chaque fois. Malheureusement, cette solution n'a pu être développée, Feu Vert ayant manifesté son opposition, et nous nous sommes ralliés à une mise à l'enquête au coup par coup. Nous avons admis de travailler par poches, et nous sommes engagés à vous [M. Morard et Feu Vert] consulter ponctuellement. Dès lors, la pétition 1095 est caduque, puisque nous adoptons le système partiel que vous réclamez» (procès-verbal du 29 octobre 1996).
Cette appréciation est par ailleurs partagée par le TCS qui, dans la revue TCS 11/95, parle de «la satisfaction du président de la commission de circulation du TCS» d'être entendu par le DJPT en ce qui concerne l'introduction du 30 km/h.
Forte de cette appréciation, la majorité de la commission a voté le dépôt de la pétition 1095 sur le bureau du Grand Conseil, par 7 voix (1 R,2 PDC, 2 PS, 1 Ve, 1 AdG) contre 6 (5 L et 1 R).
Quelques informations concernant la mauvaise utilisation de la voiture
A ce sujet, il me semble utile de commenter brièvement une coupure de presse que M. le conseiller d'Etat Ramseyer a jugé utile de distribuer au commissionnaire (voir annexe 2). Ce document montre les résultats d'une étude faite par le centre d'essais du TCS à Emmen pour évaluer les émissions polluantes en roulant à 50 km/h et à 30 km/h. Les résultats de cette étude sont extrêmement parlants et il est difficile de comprendre que les milieux proches du TCS à Genève continuent à propager des contrevérités en prétendant que la réduction de la vitesse de circulation ne permet pas de diminuer les émissions polluantes. En effet, si les hydrocarbures augmentent, les principaux polluants, à savoir le dioxyde de carbone, les oxydes d'azote et le monoxyde de carbone, diminuent en introduisant une limitation de vitesse à 30 km/h.
Rappelons également que, selon une étude faite par différents groupes universitaires à la demande du Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie («Les coûts externes de la santé imputables aux transports», publiée le 20 mai 1996), «3,6% de la totalité des décèssont imputables à la pollution de l'air causée par les transports. Statistiquement, l'espérance de vie de ces 2 100 victimes est raccourcie de 12,7 ans en moyenne».
Enfin, selon un rapport de la Banque of America, publié par le «Washington Post» et repris par le «Courrier International» d'octobre 1996, «l'extension incontrôlée de l'automobile a fait du moteur de la croissance californienne une force qui menace de bloquer cette même croissance et de dégrader la qualité de vie» et la facture globale de l'automobile à l'environnement s'élève aux environs de 5% du PIB des USA.
Compte tenu de ces considérations et en suivant la majorité de la commission, je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir suivre les conclusions de ce rapport.
ANNEXE 1
ANNEXE 2
RAPPORT DE LA MINORITÉ
La pétition est un écrit par lequel une ou plusieurs personnes formulent librement une plainte, une demande ou un voeu à l'adresse du Grand Conseil.
Quand 22 000 personnes partagent le même souci (pour mémoire, c'est assez pour déposer deux initiatives), la moindre des choses c'est de mettre le temps et les moyens nécessaires pour les informer par un rapport exhaustif à même de les rassurer.
Or, des quatre propositions sur lesquelles notre Conseil statue, seul le renvoi au Conseil d'Etat assure une suite à la pétition, par un rapport de l'exécutif au Grand Conseil.
Le Grand Conseil peut alors en prendre acte ou demander un rapport complémentaire.
Cette procédure semble, à la minorité de la commission, la mieux adaptée pour évacuer les incompréhensions de la population face aux mesures de circulations prises par l'OTC.
La loi cantonale sur la circulation donne en effet, sous réserve des dispositions fédérales, pleins pouvoirs à l'exécutif pour les mesures de restriction de la circulation. Cette législation donne donc les pleins pouvoirs à des experts, le Conseil d'Etat ayant d'autres chats à fouetter, en dehors de tout contrôle démocratique.
Une ordonnance fédérale fixe des normes pour l'application des 30 km/h et des zones de modération de trafic. Elles tiennent compte de la surface et de l'uniformité de la zone concernée.
Ces normes peuvent être appliquées de manière restrictive ou extensive par l'exécutif. Il serait bon que le Conseil d'Etat, par un rapport au Grand Conseil, rassure les 22 216 pétitionnaires sur les projets de circulation dans notre canton.
Pourtant, la commission des transports a étudié la pétition 1095 «Non aux 30 km/h généralisés» avec beaucoup de mépris et de suffisance, bien que cette pétition nous soit adressée par plus de 22 000 citoyens.
Ces pétitionnaires sont, comme la minorité de la commission des transports, inquiets de l'influence des mesures de modération de la circulation sur l'économie genevoise en général, et les affaires des entreprises situées dans les zones de modération de trafic en particulier.
Dans une période économique difficile, il serait bon que le Conseil d'Etat affirme sa volonté de donner la priorité à l'emploi, par l'amélioration des conditions-cadres offertes aux entreprises, y compris en matière de circulation et de transport.
C'est pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, que la minorité de la commission vous demande de bien vouloir renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat et non de vous contenter de la déposer sur le bureau du Grand Conseil, à titre de renseignement, comme vous le propose une petite majorité de la commission.
Débat
M. Andreas Saurer (Ve), rapporteur de majorité. Nous avons certainement beaucoup de points de désaccord avec M. Balestra, certainement aussi avec M. Ducrest. Mais nous sommes, je le crois, d'accord sur un point : quel que soit le résultat du vote au sujet de cette pétition, la politique ne changera pas d'un iota en matière de politique des transports. Compte tenu de cela, étant donné que l'ordre du jour est relativement chargé, je propose d'arrêter les débats et de passer tout de suite au vote.
M. Pierre Ducrest (L), rapporteur de minorité ad interim. Excusez-moi d'intervenir, Monsieur le rapporteur de majorité, mais je voudrais aborder quelques points, vu que je représente la minorité dans cette affaire.
Cette pétition a été déposée le 6 décembre 1995. Elle comptait vingt-deux mille deux cent seize signatures. Il ne faut donc pas traiter cette pétition à la légère, puisque, comme le dit le rapporteur de minorité, ce nombre suffirait à déposer deux initiatives. Cette pétition concrétise la crainte légitime d'une partie de la population représentée par des milieux qui ne sont - et de loin - pas des outranciers. J'en veux pour preuve l'acceptation tacite de créer des zones 30 km/h là où cela est logique et positif pour les habitants de tel ou tel quartier.
Cette pétition est le résultat d'un manque de concertation sur certains projets, notamment dans l'élaboration de «Tout doux les Pâquis» en 1991. Elle suit la crainte exprimée par rapport aux mesures contraignantes prises dès le 1er juillet 1993. Il faut relever que ces mesures ont été modifiées ou abrogées moins de six mois après par le gouvernement actuel, attentif aux plaintes émises alors par les usagers. C'est dire que ces mesures ne devaient pas tenir compte de l'ensemble des données du problème; elles résultaient d'un ukase des services dont le rôle était de favoriser la fluidité du trafic.
Or, où en sommes-nous actuellement ? Les craintes des pétitionnaires sont-elles maintenant caduques ? Eh bien, rien n'est moins sûr ! Il suffit de savoir que des plans sont sortis pour bloquer totalement l'accès à certains quartiers par le système des poches autonomes. A ce sujet, le projet commandé par l'OTC à Transitec est exemplaire... Ce projet est d'ailleurs en «collision» avec les études métro variantes/pont du Mont-Blanc pour la fluidité du trafic.
Enfin, cerise sur le gâteau : les ayatollahs du système outrancier invétéré lancent une initiative pour généraliser la vitesse maximum à 30 km/h dans toutes les villes de Suisse. C'est dire que cette pétition mérite mieux qu'un dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Elle doit absolument être transmise au Conseil d'Etat, afin qu'il en tienne compte dans les études en cours.
Cela s'appelle, Monsieur le rapporteur de majorité, l'acceptation de la transparence.
La présidente. Je mets aux voix le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Mises aux voix, les conclusions du rapport de la majorité de la commission des transports (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 37 oui contre 36 non.