Séance du
vendredi 27 juin 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
8e
session -
38e
séance
PL 7579-A
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Ce projet de loi a été présenté au Grand Conseil le 24 avril 1997 (Mémorial, pages 2396 à 2391), il a été renvoyé à la commission du logement, après débat de préconsultation (Mémorial, pages 2392 à 2398).
Objet et principes du projet de loi
En ce qui concerne la base de cette nouvelle législation, le rapporteur se réfère expressément à l'exposé des motifs, particulièrement complet (Mémorial, pages 2376 à 2390).
La commission s'est réunie en urgence et a siégé à quatre reprises dans le courant des mois de mai et juin 1997.
Audition de la Chambre genevoise immobilière (CGI), représentéepar MM. Pierre Félicité-Ivanes, président, Mark Mueller, secrétaire général, et la Société des régisseurs de Genève, représentéepar M. Léonard Vernet, président
La CGI relève qu'elle est heureuse de voir les députés se pencher sur la question de savoir comment l'on pourrait promouvoir à la fois l'accession à la propriété et militer en faveur de l'économie immobilière et de la construction.
Il est rappelé que ce projet de loi respecte et constitue une application de l'article 10 de la constitution genevoise qui parle de droit au logement, que ce soit sous la forme «d'une location ou de l'accession à la propriété». La CGI cite l'exemple du canton de Fribourg qui a promulgué une loi analogue. Elle cite également l'expérience française analogue, qui a provoqué finalement un boom en fin d'année d'exécution des mesures.
Il est suggéré d'englober parmi les logements visés ceux qui ont été construits en 1989 et 1990 et qui sont restés vacants pendant un certain temps ne pouvant être mis en location à cause de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation. Ces propriétaires avaient convenu un accord avec le département des travaux publics et de l'énergie pour qu'une mise en location temporaire n'entraîne pas une interdiction de vente par la suite. La CGI considère qu'il serait donc injuste aujourd'hui de les pénaliser par rapport à ceux qui auraient gardé des logements libres sans les louer.
Il est demandé à ce que la commission décide rapidement, car tant que la loi est en suspens, les intéressés ont tendance à retarder une décision d'achat, faute de situation claire. De même, il serait utile que les logements vendus en deuxième main puissent également bénéficier des mesures envisagées. Il est relevé que la CGI n'est pas opposée à un paiement des droits de mutation différé dans le temps pour autant qu'il s'agisse de l'intégralité de ces droits.
Après son audition, la CGI a adressé à la commission une lettre datée du 22 mai 1997 par laquelle elle précise sa position, notamment compte tenu des amendements amenés au projet (voir annexe I). De même, l'Association des promoteurs constructeurs genevois et la Société des régisseurs de Genève ont adressé à la commission une lettre datée du 26 mai 1997, indiquant que «n'ayant pu participer à l'audition de la Société des régisseurs de Genève, elle communique par écrit sa position» (voir annexe II).
Audition du Rassemblement pour une politique sociale du logement (RPSL) représenté par M. Carlo Sommaruga, secrétaire général,et Mme Sabina Mascotto, secrétaire adjointe
Le RPSL n'est pas opposé au principe de l'accession à la propriété, mais il milite pour une forme sociale, à savoir le système coopératif.
Le RPSL est favorable à un système d'étalement dans le temps du paiement des droits d'enregistrement et d'émoluments au registre foncier.
Il précise que cette facilité doit être restreinte par diverses conditions touchant au taux d'occupation, au taux d'effort, au type d'objet et au type de remboursement de cette aide.
En ce qui concerne le taux d'occupation, il entend se référer aux règles de la PPE / HLM et, par conséquent, ne pas exonérer l'accession à la propriété lorsqu'il y a plus de trois pièces par rapport au nombre de personnes qui composent le groupe familial. Il estime que la fortune ne doit pas excéder la moitié du prix de revient du logement et considère acceptable la limite de 100 000 F/pièce.
Pour le taux d'effort, le RPSL se réfère à l'exemple des PPE / HLM qui prévoit un taux d'effort de 20%.
Il estime que la loi doit se limiter aux objets neufs ou en construction et non pas à ceux qui ont déjà été construits et qui n'ont pas trouvé d'acheteur.
A noter que le RPSL avait adressé à la commission ses remarques par une lettre datée du 23 avril 1997 (voir annexe IV).
Postérieurement à son audition, le RPSL a également adressé à la commission un courrier daté du 29 mai 1997 pour faire part de son point de vue, notamment quant aux amendements désirés (voir annexe III).
A noter encore qu'en date du 21 mars 1997, l'Association genevoise de défense des locataires - ASLOCA avait adressé une lettre au Grand Conseil concernant ce projet de loi et faisant part de son point de vue (voir Mémorial, pages 2387 à 2388).
Travaux de la commission
La commission a tout d'abord écouté M. Claude Haegi, conseiller d'Etat chargé du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, qui a précisé les intentions du Conseil d'Etat, cela à la suite de la discussion qui avait eu lieu en débat préalable auprès du Grand Conseil. Il a précisé à nouveau que ce projet de loi n'était pas destiné à favoriser des produits inadaptés au marché ni d'aider des gens qui ont des revenus ou une fortune importants. Le but de la loi est d'aider ceux dont les moyens existent mais sont limités et avant tout de lutter contre les effets de la crise, notamment le chômage, par une action «coup de poing» extrêmement ciblée.
Les débats ont ensuite porté sur divers points cités ci-après dans l'ordre où ils ont été discutés :
- il est demandé à de nombreuses reprises que la loi comprenne une limitation de la fortune;
- il est demandé de limiter la loi aux logements neufs ou en construction;
- il est demandé par quelques commissaires de renoncer à l'exonération et de la remplacer par un paiement différé;
- il est relevé à plusieurs reprises la situation particulière de Genève qui n'a que 14% de propriétaires;
- il est également rappelé à maintes reprises que ce projet de loi est extrêmement limité dans le temps et que ce caractère temporaire a pour but d'inciter les gens à se décider rapidement;
- il est rappelé que la loi n'est pas faite pour des personnes qui peuvent acheter des objets à plus d'un million de francs, mais au contraire, c'est l'acquisition de petits objets au niveau du volume financier qui est visée;
- il est relevé que le marché a ses limites et notamment au-dessus de4 000 F/m2 on ne vend pas.
A ce stade de la discussion, le département a pris note des réserves faites et, pour répondre aux principaux défauts soulignés par certains députés ou commissaires, il propose trois amendements au projet de loi, à savoir :
1. limitation de la valeur de l'objet à 100 000 F/pièce;
2. taux d'occupation limité;
3. limite de fortune.
Ces amendements sont immédiatement examinés et discutés par les commissaires.
M. Claude Haegi rappelle qu'il y avait 277 logements à vendre, selon le recensement de juin 1996, répondant aux normes de 100 000 F/pièce. Ce sont ces logements-là qui sont visés et non pas les logements «rossignols», constitués notamment par des stocks d'habitations rachetés par les établissements bancaires.
La solution du taux concurrentiel est examinée et l'exemple du taux d'impôt dégressif sur les gains immobiliers est mis en avant.
Le problème de l'éventualité de la fixation d'un taux d'effort est repris et il est rappelé qu'il serait souhaitable que les charges du propriétaire pour le logement acquis ne soient pas supérieures au 20% du revenu, selon la définition de la loi générale sur le logement et la protection des locataires.
Le problème de savoir s'il faut se limiter aux 100 000 F/pièce ou au contraire fixer une limitation de prix par rapport au m2 est largement débattu, les deux critères ayant leurs défenseurs et se retrouvant dans diverses lois. De toute manière, si le critère du m2 doit être retenu, il est envisagé le baser sur le m2 PPE et de le fixer à 4 000 F, étant entendu qu'il s'agit de m2 habitables.
Enfin, une discussion s'instaure sur le problème de la durée de validité de la loi. D'un côté, il faut qu'elle ait un effet rétroactif de manière à éviter que des gens renoncent à des ventes dans l'attente de l'entrée en vigueur de la loi, de l'autre côté, il faut la limiter dans l'avenir pour que l'effet de coup de fouet soit plus perceptif.
Examen des articles modifiés et votes
L'entrée en matière est acceptée par 7 oui et 3 abstentions.
Article 1, lettre a
Il est demandé d'inclure dans la loi les logements «loués en attendant» ou qui, n'ayant pas trouvé de preneur depuis leur construction, devraient pouvoir bénéficier de l'effet de la présente loi.
Il est proposé également la formulation concernant des logements construits «dans le but d'être vendus».
Devant l'opposition ferme de certains députés, ces propositions ne sont pas retenues.
Il est proposé alors que, si l'on modifiait la lettre b dans le sens sus-indiqué, l'on renonce totalement à la lettre c.
Article 1, lettre b
Il est proposé de supprimer les termes «ni été loués» figurant à la deuxième ligne de ce paragraphe, en rappelant qu'en ce qui concerne la vente d'appartements destinés à la PPE et qui n'ont pas trouver de preneur, le cas est réglé par la nouvelle lettre c et qu'en définitive les objets visés à la lettre b sont les appartements qui ont été loués entre le 19 février 1997 et la mise en application de la nouvelle loi.
Finalement, la suppression des mots «ni été loués» est acceptée par 9 oui, 2 non et 2 abstentions.
La lettre c reste au projet de loi par 9 oui et 4 non et l'ensemble de.l'article 1, modifié à la lettre b, est accepté par 8 oui, 3 non et2 abstentions.
Article 2
Accepté par 9 oui et 4 abstentions.
Article 3
Egalement accepté par 9 oui et 4 abstentions.
Article 4
Accepté par 9 oui et 4 abstentions.
Article 5, alinéa 2
Proposition est faite de limiter par un chiffre précis la fortune à partir de laquelle l'acquéreur ne peut plus bénéficier des dispositions de cette loi.
Il est rappelé à cette occasion que l'aide fédérale ne fixe pas de maximum.
L'amendement consistant à ajouter au 2e alinéa les mots «mais au maximum 200 000 F» est finalement refusé par 5 oui, 5 non et 3 abstentions, de sorte que l'alinéa 2 est finalement accepté par 8 oui, 4 non et 1 abstention.
Article 5, alinéa 3
Il est proposé de remplacer le mot «propriétaire», à la première ligne, par «acquéreur», terme qui se retrouve, du reste, utilisé dans la loi à d'autres occasions.
A la deuxième ligne, pour éviter une répétition, le mot acquéreur est remplacé par «son».
A la suite de ces modifications de pure forme, l'alinéa 3 est accepté par 10 oui et 3 abstentions et l'article 5, dans son ensemble, par 9 oui et4 abstentions.
Article 6, alinéa 2
La référence au m2 habitable est remise en cause. Pour certains, le prix de 4 000 F/m2 paraît insuffisant en ce qui concerne les villas. Il est proposé alors de mettre les deux références, c'est-à-dire le prix à la pièce et au m2
Finalement, il est décidé de revenir à la notion de prix à la pièce habitable et de laisser la limite à 100 000 F.
Cette solution est acceptée par 11 oui et 2 abstentions, l'article 6 lui-même dans son ensemble étant accepté par 11 oui et 2 abstentions.
Article 7, alinéas 1 et 2
La note marginale est rectifiée en ce sens que la référence à l'immeuble est remplacée par la référence au logement.
A l'alinéa 1, les tenants de la suppression de l'exonération reprennent leur proposition de paiement immédiat avec échelonnement.
Cette proposition n'étant pas retenue, l'alinéa 1 est accepté par 11 oui,1 non et 1 abstention.
L'alinéa 2 est accepté par 9 oui et 4 abstentions et l'article 7 dans son ensemble est accepté par 9 oui et 4 abstentions.
Article 8
Accepté par 11 oui, 1 non et 1 abstention.
Article 9
Le problème de la rétroactivité est débattu. Il est proposé de mettre dans le texte la date du dépôt, soit le 19 février 1997. D'autres préféreraient la date du vote du Grand Conseil.
Finalement, le complément de date est accepté par 8 oui, 4 non et1 abstention et l'article 9 par 8 oui, 2 non et 3 abstentions.
Article 10
Compte tenu du temps déjà écoulé depuis le dépôt du projet de loi, il est proposé de prolonger la durée de validité au 30 décembre 1998 plutôt que le 30 décembre 1997.
Cette modification est acceptée par 9 oui et 4 non.
En ce qui concerne l'introduction d'un alinéa 2, la possibilité d'une unique prorogation est débattue et finalement, pour éviter tout nouvel affrontement, le département renonce à l'alinéa 2 de l'article 10, qui n'est ainsi pas soumis au vote.
Après une discussion concernant la compétence du ou des départements chargés d'examiner si les conditions de la loi sont remplies et l'application de la loi elle-même, l'ensemble du projet de loi est mis au vote et accepté par8 oui, 4 non et 1 abstention.
Conclusions
Au vu de ce qui précède, ainsi que des auditions et des nombreuses questions intéressantes que nous avons eues à examiner à la commission du logement, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre le vote de la commission du logement et de voter ce projet de loi.
Annexe I: Lettre de la CGI adressée le 22 mai 1997 à M. Pierre Ducrest, président de la commission du logement du Grand Conseil.
Annexe II: Lettre de l'APCG/SR adressée le 26 mai 1997 à la commission du logement du Grand Conseil.
Annexe III: Lettre du RPSL adressée le 29 mai 1997 à M. Pierre Ducrest, président de la commission du logement du Grand Conseil.
Annexe IV: Lettre du RPSL adressée le 23 avril 1997 au Grand Conseil de la République et canton de Genève.
Annexe V: Lettre de l'ASLOCA adressée le 21 mars 1997 au Grand Conseil de la République et canton de Genève.
(PL 7579)
PROJET DE LOI
instituant des mesures temporaires destinées à favoriser l'accessionà la propriété du logement et la relance de l'économiedans le secteur immobilier
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit :
Article 1
La loi vise à encourager l'accession à la propriété du logement sis dans le canton de Genève et la relance de l'économie dans le secteur immobilier en favorisant la vente:
a) de logements neufs ou en cours de construction;
b) de logements déjà construits dans le but d'être vendus, mais qui n'ont jamais trouvé d'acquéreur à la date visée à l'article 9 de la présente loi;
c) de logements vendus, conformément à l'article 39 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du 25 janvier 1996.
Art. 2
1 Est une acquisition au sens de la présente loi l'acte juridique opérant le transfert à titre onéreux d'un logement en propriété individuelle, copropriété ou propriété en main commune.
2 Sont notamment exclus du champ d'application de la présente loi les actes relevant du droit successoral et le transfert de participations à une personne morale.
Art. 3
1 Les actes d'acquisition d'un logement, au sens de la présente loi, sont exonérés des droits d'enregistrement et des émoluments du registre foncier, à concurrence des premiers 400 000 F du prix.
2 Les actes comportant constitution ou augmentation de gages immobiliers destinés au financement de l'acquisition d'un logement sont exonérés des droits d'enregistrement, des centimes additionnels et des émoluments du registre foncier, à concurrence d'un montant représentant 80% de la valeur du logement et 400 000 F au maximum.
Art. 4
Le paiement de l'impôt résultant du versement anticipé de fonds de la prévoyance professionnelle, en vue de l'acquisition d'un logement, est réparti en quatre annuités, à parts égales et sans intérêt, la première échéant 12 mois après la date d'acquisition du logement.
Art. 5
1 Peuvent bénéficier des dispositions de la présente loi les personnes physiques achetant le logement pour l'occuper elles-mêmes et y constituer leur domicile principal.
2 La fortune imposable de l'acquéreur et des personnes faisant ménage commun avec lui, avant les déductions sociales, ne doit toutefois pas excéder la moitié du prix d'acquisition mentionné dans l'acte.
3 Les charges de l'acquéreur ne doivent pas être inférieures à 20% de son revenu, tel que défini à l'ar-ticle 31C alinéa 1, lettre a, de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977. On entend par charges les intérêts des sommes empruntées, l'amortissement des dettes et les frais d'exploitation de la propriété admis forfaitairement à 1% du prix d'acquisition.
Art. 6
1 Les logements acquis au bénéfice des dispositions de la présente loi doivent être affectés exclusivement à l'habitation et comprennent les locaux de dépôt et de service usuels en nombre et en dimension.
2 Le nombre de pièces de logement ne doit pas excéder de plus de 3 unités le nombre de personnes qui composent le groupe familial. Le prix à la pièce habitable ne peut pas excéder 100 000 F.
Art. 7
1 En cas de revente du logement dans un délai de 5 ans à compter de l'inscription au registre foncier, les impôts exonérés sont immédiatement exigibles sans intérêts rétroactifs.
2 En cas de fausse déclaration ou de violation de l'obligation d'occuper soi-même le logement acquis au bénéfice des dispositions de la présente loi, les émoluments et les impôts exonérés sont exigibles avec intérêts rétroactifs dans un délai de 5 ans, à compter de l'inscription au registre foncier de l'acquisition et ce sans préjudice d'autres sanctions civiles et pénales.
Art. 8
1 L'assujettissement aux dispositions de la présente loi fait l'objet d'une mention inscrite au feuillet du registre foncier de l'immeuble concerné.
2 Le registre foncier communique à l'administration fiscale cantonale les opérations assujetties à l'article 7 de la présente loi.
3 Il appartient à l'acquéreur de démontrer à l'administration fiscale cantonale et au registre foncier que les conditions d'assujettissement de l'acquisition immobilière à la présente loi sont remplies.
Art. 9
1 Lors de son entrée en vigueur, les effets de la présente loi rétroagissent à la date du dépôt du projet au Grand Conseil, soit le 19 février 1997.
2 Lors de l'entrée en vigueur de la présente loi, les droits d'enregistrement et émoluments du registre foncier versés à partir de la date définie à l'alinéa précédent sont remboursés sans intérêt si les conditions d'exonération sont remplies.
Art. 10
Les exonérations fiscales prévues à l'article 3 de la présente loi peuvent être obtenues jusqu'au 30 décembre 1998, la date d'immatriculation de l'acte au registre foncier faisant foi.
Art. 11
La présente loi entre en vigueur le
ANNEXE I
15
16
ANNEXE II
18
ANNEXE III
20
21
22
23
ANNEXE IV
25
26
ANNEXE V
28
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Le 19 février 1997, le Conseil d'Etat déposait devant notre Grand Conseil le projet de loi instituant des mesures temporaires destinées à favoriser l'accession à la propriété du logement et la relance de l'économie dans le secteur immobilier.
Ce projet de loi vise, cumulativement, deux buts auxquels nous sommes certainement toutes et tous attachés: l'accession à la propriété du logement, d'une part, et la relance de l'économie, d'autre part. En revanche, le moyen proposé pour atteindre ces buts est manifestement inacceptable: l'exonération des droits d'enregistrement et des émoluments du Registre foncier est un cadeau injustifiable - même franchement indécent - à l'égard d'une petite couche de la population privilégiée par rapport aux difficultés dans lesquelles se débat la majorité de nos concitoyens. Ce projet est également particulièrement mal venu, alors que les comptes de l'Etat sont gravement déficitaires et que l'on prévoit de supprimer de la sorte une recette de plusieurs millions de francs par an.
Au début était la déraison totale...
Le projet de loi du Conseil d'Etat prévoyait, dans sa version initiale, l'exonération des droits d'enregistrement et des émoluments du registre foncier à concurrence des premiers 400 000 F du prix d'acquisition d'un logement, ainsi que l'exonération des droits d'enregistrement, des centimes additionnels et des émoluments du registre foncier relatifs à la constitution ou l'augmentation des gages immobiliers à concurrence de 80% de la valeur du logement et de 400 000 F au maximum.
Aucune limite de revenus n'était fixée en ce qui concerne les bénéficiaires de cette exonération. Aucune limite de fortune n'était davantage fixée en ce qui concerne les mêmes bénéficiaires.
Aucune limite n'était fixée quant aux objets exonérés, le projet traitant de manière identique les appartements, les villas contiguës, les villas individuelles, ou les châteaux !
Aucune limite n'était fixée quant aux véritables besoins de l'acquéreur.
De plus, le champ d'application de la loi couvrait aussi bien les logements neufs ou en cours de construction que les appartements déjà loués et même les «logements acquis par les vendeurs en compensation d'une créance hypothécaire et qui n'ont pas été mis en location».
En d'autres termes, le projet initial était un cadeau de l'Etat de Genève de 20 000 F à tout acquéreur d'un logement, quel que soit l'objet et quelle que soit la situation personnelle et financière de l'acquéreur.
Où la raison commence à prévaloir...
Le Rassemblement pour une politique sociale du logement ainsi que l'ASLOCA ont immédiatement fait savoir que le projet dans sa version initiale serait attaqué par un référendum (annexes I et II). De plus, dans les rangs de l'entente, d'aucuns ont dû se souvenir de l'échec cuisant de la loi Wellhauser, sévèrement rejetée par le Peuple, alors même que la situation sociale et les finances publiques étaient fort différentes d'aujourd'hui.
Lors des travaux en commission, différents garde-fous ont été introduits dans la loi, afin d'en atténuer les défauts les plus criants, mais sans toutefois toucher aux principes mêmes de cette législation qui reste un incroyable cadeau en faveur d'une minorité bien nantie.
Les améliorations portées au projet de loi initial sont les suivantes:
1. Les logements acquis par les vendeurs en compensation d'une créance hypothécaire et qui n'ont pas été mis en location - en réalité les objets sur lesquels il a été spéculé et qu'ont dû reprendre à leur valeur de gage les établissements bancaires - sont exclus du champ d'application de la loi.
2. Il a été précisé, à l'article 5, alinéa 2, que la fortune imposable de l'acquéreur avant les déductions sociales ne doit pas excéder la moitié du prix d'acquisition mentionné dans l'acte. Un amendement tendant à ce que ladite fortune imposable ne devait en tout état pas dépasser 200 000 F a cependant été refusé en commission. Il en résulte par conséquent que celui qui entend acquérir une villa d'un million de francs peut parfaitement disposer d'une fortune de 499 999 F et bénéficier de l'exonération du droit d'enregistrement sur les premiers 400 000 F du prix d'achat, à savoir un cadeau de 20 000 F pour un contribuable dont la situation personnelle est plus qu'enviable.
3. De la même manière, la commission a introduit un taux d'effort de 20% en deçà duquel l'exonération n'est pas consentie. Toute proposition de préciser en revanche dans la loi le montant, en francs, du revenu au-delà duquel aucune exonération ne serait consentie n'a été acceptée par la commission. Un rapide calcul démontre qui pourrait dès lors bénéficier de la loi:
- Nombre de personnes composant le groupe familial : 4
- Type de logements: 6 pièces
- Prix d'achat maximum: 600 000 F
- Fortune maximum: 300 000 F
- Charges (grâce à la caution de la loi Operiol):
540'000 F × 5% = 27 000 F
- Amortissement:
540 000 F × 2% = 10 800 F
- Frais d'exploitation:
à raison de 1% du prix (art. 5, al. 3): 6 000 F
- Total: 43 800 F
- Limite de revenus: 43 800 F : 20% = 219 000 F.
4. La commission a fixé un garde-fou en précisant, à l'article 6, alinéa 2, que «le nombre de pièces du logement ne doit pas excéder de plus de 3 unités le nombre de personnes qui composent le groupe familial». Dans la même disposition, il a été également été précisé que le prix à la pièce habitable ne peut pas excéder 100 000 F. Ces deux garde-fous sont certes de nature à éviter certains abus, mais ne modifient en aucune manière le fond même de la loi.
5. La commission a enfin fixé que les exonérations étaient accordées avec effet rétroactif depuis le 19 février 1997, jusqu'au 30 décembre 1998, sans possibilité de prolongation. L'effet «coup de poing» de la loi est ainsi singulièrement atténué par le fait qu'au lieu d'encourager des opérations à venir, il ne fait qu'obliger l'Etat à rembourser des opérations déjà effectuées...
Où la raison devrait définitivement triompher...
Les amendements apportés par la commission au projet initial ont pour effet de soustraire à la loi les cas les plus inadmissibles, mais ils ne modifient en rien le système fondamentalement inacceptable d'un cadeau fiscal à une couche de la population qui n'en a manifestement pas besoin.
La minorité de la commission vous propose, par conséquent, un système différent, susceptible à la fois de favoriser l'accession à la propriété du logement, de favoriser la relance de l'économie dans le secteur immobilier et de ménager les finances publiques: il s'agit dès lors de remplacer l'exonération des droits d'enregistrement par un système de paiement échelonné et de limiter ce système à des objets neufs ou récemment construits. Cette proposition offre, de surcroît, l'avantage d'être praticable à long terme et de ne pas se limiter, par conséquent, à une simple opération «coup de poing».
Lors de l'examen du projet de loi Operiol, l'Association des promoteurs constructeurs genevois avait d'ailleurs émis le souhait que l'aide de l'Etat soit réservé aux logements neufs, compte tenu de l'effet de relance attaché à une telle mesure.
La minorité de la commission propose dès lors de modifier l'article 3 de la loi, pour préciser que les droits d'enregistrement et les émoluments sont payables en quatre annuités, sans intérêts, la première échéant douze mois après la date d'acquisition du logement. Ce système permet d'atténuer pour l'acquéreur les frais importants qu'il doit engager au moment de l'acquisition en les répartissant dans le temps et évite à l'Etat - mis à part l'effet d'érosion dû à l'inflation - les pertes qu'engendre le système de l'exonération pure et simple.
Il va de soi qu'un tel système n'est pas concevable pour une période limitée et qu'il est dès lors susceptible d'être l'une des pierres de base du système genevois d'acquisition de son propre logement.
L'article 3 de la loi ainsi amendé est le suivant:
Art. 3
1 Les droits d'enregistrement et les émoluments du registre foncier, à concurrence des premiers 400 000 F du prix sont payables en quatre annuités, à parts égales et sans intérêts, la première échéant douze mois après la date d'acquisition du logement.
2 Il en va de même des droits d'enregistrement, des centimes additionnels et des émoluments au registre foncier concernant les actes comportant constitution ou augmenta-tion de gages immobiliers destinés au financement de l'acquisition d'un logement et à concurrence du 80% de la valeur du logement et de 400 000 F au maximum.
Cette modification entraîne l'abrogation pure et simple des articles 9 et 10, dès lors qu'il n'est plus nécessaire, ni de prévoir une quelconque rétroactivité de la loi, ni d'en prévoir la date d'échéance.
Pour mettre en accord le reste de la loi avec le système du délai de paiement, il convient d'apporter une légère modification à l'article 7 de la loi, qui doit dès lors être rédigé de la manière suivante:
Art. 7
1 En cas de revente du logement dans un délai de 4 ans à compter de l'inscription au registre foncier, la totalité des droits, émoluments et autres impôts non encore payés sont immédiatement exigibles.
2 En cas de fausse déclaration ou de violation de l'obligation d'occuper soi-même le logement acquis au bénéfice des dispositions de la présente loi, les impôts et les émoluments non encore payés sont immédiatement exigibles, avec intérêts rétroactifs, à compter de l'inscription au registre foncier de l'acquisition et ce sans préjudice d'autres sanctions civiles et pénales.
Un deuxième amendement est nécessaire pour que la loi atteigne le but de relance de l'économie en limitant le champ d'application de la loi aux objets neufs, en cours de construction, ou récemment construits. Il importe dès lors de biffer l'article 1, lettre c, qui, outre qu'il ouvre une porte dangereuse en direction des congés-ventes, a pour effet de faciliter la vente d'objets anciens, soit une opération qui ne contribue en rien à la relance du secteur de l'immobilier, mais qui accroît en revanche la pénurie d'appartements à louer qui sévit toujours pour les appartements de deux pièces et demie à six pièces, qui sont les types d'appartements les plus demandés à Genève.
Enfin, un troisième amendement permettra de limiter le cercle des bénéficiaires, afin d'en exclure les personnes fortunées. Il s'agit de rajouter à l'article 5, alinéa 2, que la fortune imposable des bénéficiaires ne doit pas dépasser 200 000 F; l'article 5, alinéa 2, étant dès lors rédigé de la manière suivante:
2 La fortune imposable de l'acquéreur et des personnes faisant ménage commun avec lui, avant les déductions sociales, ne doit toutefois pas excéder la moitié du prix d'acquisition mentionné dans l'acte, mais au maximum 200 000 F.
En adoptant les amendements qui vous sont proposés par la minorité, vous parvenez, Mesdames et Messieurs les députés, plus sûrement aux buts mêmes du projet de loi et vous dotez Genève d'un instrument en faveur de l'accession à la propriété susceptible de produire des effets à court, à moyen et à long terme, en lieu et place d'un projet de loi qui relève à la fois de la provocation et de l'opération électorale mal comprise.
Vous constaterez également, à la lecture de la lettre du Rassemblement pour une politique sociale du logement, du 29 mai 1997 (annexe III), que la proposition qui vous est faite par la minorité va en deçà des conditions souhaitées par le Rassemblement, notamment en ce qui concerne le contrôle du taux d'effort, et qu'elle s'avère, par conséquent, des plus modérées.
Pour conclure, le rapporteur de la minorité laissera la parole à M. Olivier Vodoz, président du département des finances, qui, interrogé par la «Tribune de Genève» au sujet du projet de loi en cause, a indiqué: «J'ai eu de la peine à voir passer ce projet, c'est une question de priorité. Je ne crois pas qu'il soit raisonnable aujourd'hui de militer pour une baisse de la fiscalité. Dans le contexte actuel, la stabilité est déjà un engagement important».
Premier débat
La présidente. En vue de ce débat, des documents complémentaires ont été déposés sur vos places.
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lettre du Rassemblement pour une politique sociale du logement
C 628
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M. Gérard Laederach (R). A situation exceptionnelle, solution exceptionnelle. Après le projet de loi sur le bonus à la rénovation voté par notre parlement qui, rappelons-le, a généré à ce jour plus de 100 millions de travaux dans notre canton pour 10 millions alloués en 1996, voici un autre projet de loi dont le but est d'inciter les gens, notamment les jeunes familles, à acquérir leur logement.
Ce projet de loi est dans la droite ligne de l'action qu'un Etat responsable se doit de suivre. D'Etat-providence, il devient Etat-partenaire. Ce projet de loi, style «coup de pouce», vient à point nommé. D'une durée limitée, dans une période particulièrement favorable quant aux prix pratiqués, il vise à relancer la consommation.
Le parti radical croit plus en ce type d'action qu'à l'effet d'une baisse des impôts évoquée, ici, à maintes reprises.
Ce projet de loi répond concrètement à l'attente d'une grande partie des citoyens de ce canton qui voient enfin un encouragement significatif à la matérialisation de leur rêve.
Quant aux critiques négatives de ce projet de loi, relatives aux diminutions des rentrées fiscales, rappelons que l'acte d'acquérir son logement induit automatiquement des besoins de consommation.
Ce projet de loi contribuera à l'attachement indéfectible des futurs propriétaires à leur canton.
C'est pour ces raisons que le parti radical votera ce projet de loi.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. J'étais quelque peu distrait, car je souhaitais ouvrir le débat pour préciser une ou deux choses.
Vous aurez trouvé, à vos places, un document qui présente le projet de loi tel qu'il ressort de la commission sur sa partie gauche et, sur sa partie droite, un projet de loi modifié suite aux discussions complémentaires qui ont eu lieu, lesquelles étaient animées par l'esprit de recherche d'un consensus.
Le projet de loi, tel que ressorti de la commission, est bien différent de celui que je vous avais proposé avec l'appui du Conseil d'Etat. Je pensais alors donner une impulsion à la consommation d'une manière générale, plus particulièrement dans le secteur immobilier, en suggérant la suppression des droits d'enregistrement dans les conditions d'alors, qui ne sont plus celles figurant dans le texte issu de la commission.
En commission et déjà en débat parlementaire, un certain nombre d'entre vous, le Rassemblement, l'ASLOCA, ont dit ne pas pouvoir accepter qu'un geste soit fait en faveur de personnes disposant de moyens financiers suffisants. Ils ne remettaient pas fondamentalement le principe en cause, mais arguaient du manque de moyens pour cette politique qu'ils jugeaient inéquitable.
Après avoir réfléchi à ces différentes remarques et recherché moi-même un consensus, j'ai suggéré, lors des travaux de la commission, l'introduction des quatre mesures suivantes :
La première touche le revenu limite des bénéficiaires par rapport au taux d'effort : seules les personnes ayant un taux d'effort lié à la charge de cet investissement supérieur à 20% de leur revenu pourraient en bénéficier.
La deuxième mesure touche la fortune; celle-ci ne pourrait être supérieure à la moitié de l'investissement considéré.
La troisième mesure touche le taux d'occupation, celui-ci étant limité selon les principes de la PPE/HLM, soit le nombre de personnes plus trois unités.
La quatrième mesure touche à la valeur des pièces, chacune étant devisée à 100 000 F.
Je croyais qu'en ayant fait ces concessions qui ont leur raison d'être, mais qui limitent néanmoins l'effet de consommation que j'espérais, nous pourrions bénéficier d'un soutien quasi unanime.
Il y a eu des agitations de couloir, hier; ce qui est le propre d'un parlement. Des remarques ont été faites sur quelques points, notamment sur la rétroactivité.
Je vous ai dit qu'il me paraissait essentiel de prévoir cette rétroactivité, dès lors que nous annoncerions un tel projet de loi, pour ne pas subir un effet contre-productif. En effet, certains seraient susceptibles de renvoyer leur décision d'acquérir, faute d'avoir la certitude de pouvoir profiter de ladite rétroactivité. C'est pourquoi j'ai suggéré que nous la pratiquions dès le départ.
Ce n'est pas un usage mais un principe que je ne défends pas si toutes les conditions ne sont pas réunies. Ici, elles le sont.
Si j'ai bien compris, une majorité s'est dégagée pour refuser le principe de la rétroactivité. C'est la raison pour laquelle la partie droite du document qui vous a été remis excipe d'un principe de rétroactivité fort limité, puisque l'effet de la loi serait fixé au 1er juin 1997.
D'autre part, vous aurez constaté que pour limiter les contrecoups de ce projet, sans remettre en cause le but recherché, l'effet de cette loi a été fixé au 31 mars 1998.
Pour ce qui se passera dès le 1er avril 1998, nous avons retenu les idées émises en commission par plusieurs députés, dont MM. Gardiol et Moutinot. Le paiement des droits d'enregistrement ne serait pas exigé immédiatement dans sa totalité, mais pourrait être échelonné dans le temps. Pour prévoir cet échelonnement, nous n'avions pas besoin d'un projet de loi à proprement parler. Nous aurions pu agir par voie réglementaire, mais le projet de loi, tel qu'il vous est présenté aujourd'hui, permet d'avoir la vision globale de ce que nous entreprenons en fait d'encouragement à l'accession à la propriété.
C'est ainsi que le nouveau texte prévoit des paiements échelonnés sur huit ans, afin que l'Etat ne perde pas les montants en question.
Le département a tenu compte des différentes remarques émises pour mettre ce texte à jour. J'espère que cette recherche constante de consensus nous permettra d'atteindre les objectifs majeurs de ce projet de loi, à savoir :
1. Respecter la constitution sur le plan de l'encouragement que l'Etat doit donner pour l'accession à la propriété.
2. Favoriser cette accession à la propriété dans les conditions rappelées, ici même, par certains d'entre vous.
3. Donner cette impulsion économique si attendue, car il ne fait pas l'ombre d'un doute que ce projet de loi relancera les activités du secteur immobilier, y compris la création d'emplois.
C'est pourquoi j'espère que le texte, figurant sur la partie droite du document, sera accepté à une large majorité. Je vous ai dit les points sur lesquels portaient mes regrets.
Ainsi, je crois avoir résumé la situation.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Les Verts l'ont dit à maintes reprises : ils soutiennent l'accession à la propriété. C'est une forme d'indépendance, de responsabilisation, qui permet d'améliorer la qualité de la vie et de se soustraire aux pressions du marché immobilier de location. Cependant, ils ne soutiendront pas ce projet de loi non amendé. Pour comprendre leurs raisons, il faut rappeler ceci :
Jusqu'en 1990, le secteur immobilier a été l'objet de tous les abus : pénurie de logements loués, prix surfaits des objets à vendre, prêts bancaires consentis, parfois jusqu'à 100%, à des acheteurs financièrement fragiles. Tous les moyens étaient bons pour faire des bénéfices. Le marasme économique dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui est lié, en partie, à cette spéculation effrénée. Un grand nombre de familles ont dû revendre leur logement à perte. Les milieux immobiliers et les banques furent les principaux acteurs de ce naufrage.
Actuellement, la situation a changé : les taux hypothécaires ont baissé et le marché de l'offre et de la demande s'est rééquilibré, voire légèrement inversé.
Toutefois, il demeure, de façon évidente, que les prix à Genève sont toujours très élevés, et c'est une des principales causes du petit nombre de propriétaires dans notre canton.
Dès lors, la mesure proposée par les milieux immobiliers pour relancer la vente, sous la forme du projet de loi proposé par le Conseil d'Etat, est de pratiquer des soldes d'environ 20% sur les ventes d'appartements et de maisons, cela sans baisser les prix. Ces 20% résultent, en effet, de l'exonération de l'impôt des droits d'enregistrement faite sur le dos de l'Etat.
Pour nous, il est inadmissible que les milieux immobiliers, qui ont été sans scrupules en période de haute conjoncture, puissent maintenant demander à l'Etat, c'est-à-dire à chaque contribuable, de participer à une baisse des prix de l'immobilier.
L'Etat accuse un déficit de plus de 400 millions. 3 millions ont été retirés au subventionnement de logements pour une catégorie de gens plus démunis que celle ciblée par ce PL. Alors, est-ce bien le moment de soustraire à l'Etat le double des recettes pour des personnes qui ont, pour le moins, 60 000 à 80 000 F de fonds propres ?
Si les milieux immobiliers veulent effectuer une opération «coup de poing» pour vendre des logements et relancer l'économie, c'est à eux de faire l'effort de réduire, pendant un an, les prix de vente de 10 à 20%.
On a eu les Quais de l'immobilier, on pourrait avoir les Soldes de l'immobilier...
Un autre point à soulever est celui de la politique de la Banque cantonale genevoise en matière de revente des objets immobiliers qui lui sont restés sur les bras, suite aux nombreuses faillites provoquées par la spéculation. Elle ne met pas sur le marché les logements qu'elle possède à des prix abordables; elle ne fait pas baisser les prix, alors que les autres banques le font. Notre Banque cantonale devrait changer d'attitude, car si on souhaite que la population accède, dans une proportion plus large, à la propriété individuelle, les prix doivent baisser et, là, les banques ont un rôle majeur à jouer.
Notre groupe soutiendra l'amendement des socialistes, à savoir le remplacement de l'exonération de l'impôt par un impôt échelonné. Nous soutiendrons, évidemment, tous les amendements visant à mettre des limites de revenu de fortune pour l'acquéreur, ainsi que des plafonds de prix pour les objets pouvant bénéficier de cette loi.
Notre groupe s'opposera à l'octroi - même limité dans le temps - d'un cadeau fiscal à une catégorie de gens qui n'en ont vraiment pas besoin. Nous ne changerons donc pas d'avis à ce sujet. L'échelonnement de cet impôt sur plusieurs années nous paraît être une mesure suffisante pour relancer l'économie sans appauvrir l'Etat. Son déficit est trop important pour qu'il tienne compte de cette demande.
Nous pensons que beaucoup d'autres priorités doivent être soutenues, dans les domaines social, de l'emploi ou de l'enseignement, avant de soustraire quelques millions des recettes de l'Etat pour subventionner les milieux immobiliers.
M. Christian Ferrazino (AdG). Mme Leuenberger a mis en évidence un certain nombre d'aspects scandaleux de ce projet de loi, et je souscris pleinement aux développements qu'elle vient de faire.
Après six heures de débats sur les comptes et après avoir entendu tous les députés de l'Entente nous dire, d'une seule voix, qu'il fallait ménager les dépenses publiques - M. Blanc a même demandé à M. Kunz : «Mais où voulez-vous couper ?» - et s'interroger sur les recettes, il est vraiment extraordinaire que le premier projet de loi dont nous sommes saisis soit un projet du Conseil d'Etat qui nous demande, ni plus ni moins, de faire des cadeaux fiscaux en renonçant à percevoir des droits d'enregistrement auprès de personnes désirant acquérir leur logement.
Au niveau de la cohérence, vous pourrez toujours repasser, Mesdames et Messieurs !
M. Haegi a souligné, à juste titre, que le projet initial était une pure provocation et nous avons été nombreux à la dénoncer... (Contestations.) Ce n'est pas ce qu'il a dit ?
La présidente. En tout cas, c'est ce que vous avez compris !
M. Christian Ferrazino. Bien ! M. Haegi a reconnu, en commission, qu'il allait trop loin avec le projet qu'il avait formulé initialement, en se faisant le représentant des milieux immobiliers qui souhaitaient, depuis longtemps, obtenir ces exemptions fiscales. D'où une proposition alternative, formulée en commission. Et là, Monsieur Haegi, ne nous faites pas dire ce que nous ne disons pas ! Comme l'a rappelé Mme Leuenberger, nous nous sommes déclarés prêts à prendre des mesures favorisant l'accession à la propriété, mais pas les vôtres qui coûtent à la collectivité, c'est-à-dire des aides à fonds perdus ou des exemptions fiscales.
Dans la situation actuelle des finances publiques, qui a conduit ce parlement à couper dans plusieurs budgets, notamment dans celui de l'allocation-logement amputé de 3 millions, il est inadmissible que vous proposiez, parallèlement, un projet de loi qui aura pour conséquence immédiate une perte de rentrées fiscales.
Vous vous retranchez derrière son aspect incitant à l'acquisition. Alors, permettez-moi d'être interloqué par votre incohérence ! Si vous voulez d'un projet incitatif, expliquez-moi pourquoi il devrait être rétroactif ! Je vois mal comment ce projet pourrait inciter à faire des opérations déjà conclues !
Soyez logique ! Si vous voulez être incitatif, concentrez-vous sur le futur et ne nous demandez pas de régler le passé en accordant des cadeaux fiscaux, car il s'agit bien de cela.
Vous avez relevé, Monsieur Haegi, que ce projet est plus présentable - ce ne sont pas vos mots, mais les miens ! - que la première mouture que vous nous aviez brutalement adressée, sans aucune concertation préalable, ce dont nous avons pris l'habitude ! Pourquoi ? Parce que, dans le projet initial, vous aviez eu l'idée - j'ignore qui vous l'avait soufflée - d'intégrer des canards boiteux dans cette opportunité d'acquérir des logements en propriété. J'entends par là les objets que les banques ont sur les bras. Même vos amis politiques étaient un peu gênés... Ils se disaient qu'adopter un projet de loi pour aider des gens qui n'en ont nul besoin était suffisant, mais que secourir des banques en débloquant des situations qu'elles avaient elles-mêmes suscitées, c'était vraiment lancer le bouchon trop loin !
Dans votre grande sagesse, vous y avez renoncé, et nous en prenons acte. Ce n'est pas pour autant que le nouveau projet est devenu présentable.
Vous avez parlé de la fortune et du revenu. Dans son rapport de minorité, M. Moutinot fait un simple calcul qui aboutit au fait que si ce projet devait être adopté tel quel, il pourrait aider des gens bénéficiant d'un revenu de plus de 200 000 F et d'une fortune supérieure à 500 000 F. Je précise qu'il s'agit de la fortune imposable, déductions sociales faites.
Dans la situation actuelle, prendre des mesures, à charge de la collectivité, pour aider des gens qui ont une fortune d'un demi-million et un revenu annuel de plus de 200 000 F, c'est tout simplement indécent, Monsieur Haegi !
Nous nous rallierons à la position soutenue par Mme Leuenberger. Nous rejetterons, bien entendu, la nouvelle mouture telle qu'elle nous est présentée. Nous soutiendrons les amendements du rapport de minorité, et nous attendons avec intérêt de voir comment M. Kunz se déterminera, vu ses propos de tout à l'heure.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Notre parti a toujours été partisan de l'encouragement à l'accession à la propriété. Nous ne sommes pas les seuls, puisque, comme rappelé dans le rapport de majorité, l'article 10 de la constitution genevoise parle du droit au logement sous la forme de location ou de l'accession à la propriété.
Ce projet de loi est en totale harmonie avec notre constitution, et je salue l'initiative positive du Conseil d'Etat en faveur de cette accession.
Dotée des garde-fous dont nous avons déjà parlé, cette loi, en dépit des contestations de M. Ferrazino, s'adresse véritablement à cette classe moyenne à qui il manque le petit plus pour franchir définitivement le cap qui lui permettrait de devenir propriétaire.
La grande qualité de ce projet de loi, à mes yeux, c'est que l'Etat agit, pour une fois, comme une entreprise. Il lance une action de marketing en proposant une exonération fiscale des droits d'enregistrement et des émoluments du registre foncier valable jusqu'au 31 mars 1998.
Cette action, limitée dans le temps, permettra d'ajouter une nouvelle corde à l'arc de l'accession à la propriété et bénéficiera globalement, sans nul doute, à l'industrie de la construction.
Les idées apportées en commission par le rapporteur de minorité sont des plus intéressantes. Celle du délai de paiement est séduisante; elle constituera un complément judicieux à la première partie de ce projet de loi, sous la forme d'une opération «coup de poing» temporaire.
Je terminerai avec quelques remarques sur le rapport de minorité et certains propos qui viennent d'être tenus.
Le rapporteur de minorité, tout comme M. Ferrazino, accuse l'Etat de favoriser les riches. C'est faux au vu des ajustements faits en commission, d'une part, et au vu, d'autre part, du niveau des loyers actuels. Il est certain que de nombreux locataires sont en mesure d'acquérir leur logement, compte tenu des taux d'intérêt et des prix pratiqués, aujourd'hui, sur le marché.
Si la classe moyenne s'y mettait, Genève sortirait vite de la crise.
Madame Leuenberger, vous dites que les prix de l'immobilier sont élevés à Genève. Je vous rappelle que si le coût d'un logement est élevé par rapport au prix actuel des terrains, cela est dû à la qualité de nos constructions et au niveau des salaires que nous payons. Je ne répéterai jamais assez qu'à qualité égale, salaire égal, nous construisons au même prix que dans les pays nous entourant.
S'agissant de la perte fiscale qui fait peur à notre grand argentier, je rétorque qu'il est difficile de perdre un montant qui n'est pas gagné et sera largement récupéré ultérieurement. En effet, il a été démontré qu'un propriétaire consomme plus qu'un locataire pour entretenir son logement et qu'il devient ainsi un moteur important de l'économie. Le cadeau fiscal offert au futur acquéreur et actuel locataire sera rapidement remboursé.
Notre parti est convaincu que cette action dynamique, novatrice et limitée dans le temps aura une influence positive sur l'économie genevoise. Je vous invite donc à voter ce projet de loi.
M. Laurent Moutinot (S), rapporteur de minorité. Juste un petit cursus de ce projet pour comprendre quelles sont les positions adoptées aujourd'hui.
Le projet initial du Conseil d'Etat constituait un cadeau fiscal sans limite, durant deux ans, avec effet rétroactif. Suite aux travaux de la commission, des limites ont été fixées en matière de revenu et de fortune, mais elles ne sont ni suffisantes ni satisfaisantes. Des limites ont également été posées quant à l'objet lui-même, afin d'exclure du champ d'application de la loi le stock d'immeubles et d'appartements récupérés par des prêteurs hypothécaires imprudents ou spéculateurs.
A ce moment-là, la rétroactivité faisait que le «cadeau» était valable vingt-trois mois au lieu de vingt-quatre.
Le parti socialiste et les milieux de défense des locataires préfèrent, purement et simplement, l'échelonnement du paiement - une facilité non négligeable ! - au cadeau fiscal.
C'est pourquoi les rapports font respectivement une proposition d'exonération de la majorité et une proposition d'échelonnement de la minorité.
Le Rassemblement pour une politique sociale du logement a écrit, hier, à la présidence du Grand Conseil pour l'informer que si l'on s'en tenait au rapport de majorité, un référendum serait lancé. L'ASLOCA est du même avis. C'est la raison probable des discussions qui ont eu lieu ces dernières vingt-quatre heures.
Le projet que M. Haegi a fait déposer sur nos tables contient les améliorations suivantes :
- l'effet rétroactif a été limité d'un mois ou deux par rapport à la date de votation;
- la durée totale du système d'exonération est ramenée à dix mois au lieu des vingt-quatre, puis des vingt-trois proposés par la commission. Le système de l'échelonnement des paiements entrera ensuite en vigueur, système que nous ne contestons pas.
Ce texte, tel que proposé par le département, a été soumis au Rassemblement pour une politique sociale du logement et à l'ASLOCA. Bien que le trouvant toujours très mauvais, ils m'ont autorisé à vous dire que s'il était voté tel quel il n'y aurait pas de référendum.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Article 1
M. Claude Lacour (L), rapporteur de majorité. Un ancien texte a été utilisé par inadvertance, en lieu et place de celui retenu par la commission qui devait être reproduit sur la partie droite du document. Cela signifie qu'à la lettre b), deuxième ligne, les mots «ni été loués» ont été ajoutés par erreur. Ils ne figuraient pas dans le texte voté à la grande majorité de la commission, suite à l'explication figurant à la page 6 de mon rapport. Un amendement n'étant pas nécessaire, je vous demande simplement de rétablir le texte voté par la commission, en supprimant les mots «ni été loués».
M. Christian Ferrazino (AdG). Madame la présidente, il me faut rappeler à M. Lacour que cette mention figurait dans le texte d'origine. En effet, ce projet devait prétendument «favoriser la relance de l'économie dans le secteur immobilier». La formule apparaît également dans le titre du projet, susceptible, lui aussi, d'être amendé si, contre toute attente, l'objectif n'était plus le même ce soir !
Nous nous sommes évidemment demandé quelle relance pouvait bien procurer l'achat de logements déjà construits et avons conclu que cette aide, si elle était votée, devait concerner des opérations nouvelles. Sinon, il faut changer le titre pour ne pas faire croire que ce projet contribuera à la relance de la construction, les logements loués étant déjà construits.
Peut-être est-ce par erreur que le département a repris son intention d'origine, mais, pour une fois qu'une bonne idée figurait dans le projet initial, il serait dommage de la retirer.
Si vous cherchez à favoriser l'accession à la propriété, il ne faudrait pas, par des mesures de ce type, susciter des situations de congés-ventes qui n'ont plus cours dans cette République, grâce à la législation votée par ce parlement.
Quant à la disposition sous la lettre c), il faut se gratter la tête pour en saisir le sens, car elle propose de favoriser la vente de logements vendus ! On peut comprendre, Monsieur Haegi, que vous voulez favoriser la vente d'appartements à vendre, et qui seront vendus grâce à cette accession à la propriété. Néanmoins, vous m'accorderez que la clarté de cette disposition n'est pas des plus limpides !
Si vous supprimez, sous la lettre b), les mots «ni été loués», vous permettrez la réapparition d'une situation de congés-ventes, du moins vous nous en ferez courir le risque. En revanche, si vous souhaitez que ce projet favorise l'accession de locataires à la propriété du logement qu'ils occupent déjà, la disposition de la lettre c) vous en offre la possibilité.
Monsieur Lacour, c'est une chose de nous demander la suppression de trois mots, c'en est une autre de nous dire ce que vous recherchez en les supprimant.
Je viens de dire ce que je recherche en réclamant leur maintien. A vous de nous dire ce que vous recherchez en sollicitant leur suppression.
La lettre c) du projet, s'il est voté en l'état, permettra à des locataires, déjà en place, d'acheter leur logement. Pourquoi, dès lors, vouloir maintenir la lettre b) et quels cas vise-t-elle ?
M. Jean Opériol (PDC). Je crois utile de répéter l'explication, donnée en commission, des mots «ni été loués».
La lettre c) de l'article 1 fait exactement référence à la LDTR qui permet, dans certaines conditions bien précises et limitatives, la vente d'appartements jusqu'alors réservés au marché locatif.
En supprimant les mots «ni été loués», nous abordons le cas de figure qui s'inscrit dans l'esprit de cette loi, à savoir des appartements qui ont été construits avec un objectif de mise en PPE et qui n'ont pu être vendus pour cause de marché déprimé. Provisoirement loués pour des raisons économiques évidentes, ils peuvent être remis en vente, grâce à l'interprétation de la LDTR.
Si on excluait ces appartements, on irait à l'encontre de l'esprit de la loi. Voici un exemple : vous construisez un immeuble destiné à la PPE. Vous ne parvenez pas à vendre tous les appartements. Vous en louez un à Dupont qui découvre l'existence de cette loi. Intéressé par les avantages fiscaux, Dupont se dit prêt à acheter l'appartement. Et on ne le lui vendrait pas parce qu'il en est le locataire ? C'est complètement aberrant !
Monsieur Ferrazino, nous ne voulons pas réintroduire le marché des congés-ventes. Personne n'y tient, tant c'est mauvais ! Nous voulons simplement rendre cette loi pratique et applicable. Vous ne risquerez rien si les mots «ni été loués» sont supprimés.
La présidente. Etes-vous d'accord de supprimer les mots «ni été loués» ?
M. Jean Opériol. Non seulement je suis d'accord, mais je le souhaite, Madame la présidente.
La présidente. Je soumets au vote l'amendement qui consiste à supprimer les mots «ni été loués»...
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Veuillez m'excuser, Madame la présidente, mais le rapporteur de majorité vient de dire que vous deviez biffer ces trois mots, parce qu'ils figurent dans le texte par erreur.
Si vous voulez suivre M. Ferrazino, il faut que ce dernier dépose un amendement...
La présidente. Le texte que nous votons comporte les trois mots «ni été loués». (Remarques de M. Claude Haegi et de M. Christian Ferrazino.) Faute d'accord, suivons la proposition de renvoi en commission ! Je mets aux voix le renvoi en commission de ce projet de loi...
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Madame la présidente, ne prenez pas vos rêves pour des réalités ! Faites voter cela dans le sens que vous voulez, mais vous avez parfaitement compris que M. Ferrazino profite d'une faute de frappe pour développer les arguments qui sont les siens. Son intervention est empreinte de mauvaise foi, tout le monde l'a compris ! (Huées.) Oui, oui, faites monter... Vous pouvez toujours gueuler !
La présidente. Moi qui croyais au consensus...
M. Christian Ferrazino (AdG), conseiller d'Etat. A un conseiller d'Etat qui se laisse aller à dire qu'un député est de mauvaise foi, parce que lui-même... (Contestation de M. Claude Haegi, conseiller d'Etat.) Taisez-vous et restez calme sur votre chaise, Monsieur Haegi ! Vous me répondrez tout à l'heure. A un conseiller d'Etat, qui se laisse aller à dire qu'un député est de mauvaise foi, parce que lui-même n'est pas capable de rédiger correctement la troisième mouture du projet de loi qu'il nous a balancé, sans concertation aucune, je lui conseillerais de réfléchir avant de saisir ce Grand Conseil de grands projets de lois qui ont fait la une des journaux : «M. Haegi veut venir en aide aux propriétaires de ce canton»; «M. Haegi va faire des exonérations fiscales en faveur des promoteurs». Voilà le nouveau roi des propriétaires qui est aux ordres des milieux immobiliers. Nous avons connu tout ça, Monsieur Haegi. (Huées.)
Maintenant, vous êtes revenu sur votre position, suite à la pression que nous avons exercée. M. Moutinot vient de le rappeler. (Vacarme.)
La présidente. Silence, sinon, je suspends la séance.
M. Christian Ferrazino. Il est difficile de calmer les esprits après que de l'huile a été versée sur le feu ! Puisque vous avez voulu ouvrir les hostilités, nous les terminerons ensemble, Monsieur Haegi !
Je rappelle simplement... (Interruption de M. Michel Balestra.) Monsieur Balestra, voici du concret : il y a quelques mois, votre représentant au Conseil d'Etat a voulu faire mousser l'électorat, qui est peut-être aussi le vôtre, en disant qu'il viendrait à l'aide des pauvres propriétaires et promoteurs de ce canton, voire des banques et de certains de ses amis qui, s'étant lancés dans des opérations hasardeuses, ne savaient plus comment les écouler. Quelle idée géniale a-t-il trouvée ? Faire une proposition qu'il entendait appliquer pendant plusieurs années et qui coûtait 7 millions par an à la République ! C'était sa déclaration première.
Aujourd'hui, M. Haegi a adopté un profil plus bas. La mémoire lui faisant sans doute défaut, M. Moutinot a rappelé que suite à l'intervention de l'ASLOCA et du Rassemblement, il a dû reconnaître que son projet avait une odeur très brûlante de provocation.
Monsieur Haegi, vous êtes donc revenu en arrière, et je salue votre effort. Mais, à nos yeux, ce retour n'est pas suffisant, puisque l'aspect incitatif d'un projet ne devrait pas toucher le passé, mais uniquement l'avenir.
Monsieur Opériol, si vous ne voulez pas susciter le risque des congés-ventes, dont je parlais tout à l'heure, et ne viser que les objets construits en PPE qui ont dû être loués, faute d'acheteurs, vous pouvez très bien insérer une lettre supplémentaire les concernant eux seuls. Vous ne nous faites part que de votre interprétation. Relisez la loi ! Elle ne précise nulle part ce que vous dites.
Ne nous faites pas croire à des choses qui n'existent pas ! Que le débat soit clair, afin que l'on sache qui défend qui dans cette République !
Nous réaffirmons notre refus d'octroyer aux riches le cadeau que vous nous proposez de leur faire.
M. Jean Opériol (PDC). Pour moi, le problème est simple. Un consensus quasi général a été atteint, dans cette salle, pour le texte figurant sur la partie droite du document qui nous a été remis.
Je propose un amendement qui consiste à modifier trois mots de l'article 1. Je vous le soumets, nous l'adopterons ou nous le rejetterons.
M. René Koechlin (L). Nous débattons inutilement depuis dix minutes. Nous avons un texte, on propose un amendement, nous votons et nous continuons !
La présidente. L'amendement de l'article 1, à la lettre b), consiste à supprimer les mots «ni été loués». Nous le mettons aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 42 oui contre 31 non.
Mis aux voix, l'article 1 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que les articles 3 à 5.
Art. 6 et art. 7
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Comme je l'ai déjà dit, nous soutenons le remplacement de l'exonération par l'impôt échelonné, de même que nous soutenons les autres amendements faits par le département.
Je propose l'amendement que Mme Olsommer vous fait porter, et qui consiste à abroger les articles 6 et 7.
M. Claude Blanc (PDC). Madame la présidente, vous ne pouvez pas abroger des articles qui n'existent pas. Vous devez mettre aux voix les articles 6 et 7, afin qu'ils soient adoptés ou rejetés. C'est la question que vous devez poser au Grand Conseil !
La présidente. Je la pose, puisque je propose le vote d'un amendement qui demande l'abrogation de ces articles. Libre à vous de ne pas voter ! Je n'ai pas à apprendre aux députés à faire des amendements !
Mis aux voix, l'amendement consistant à abroger les articles 6 et 7 est rejeté.
Mis aux voix, l'article 6 est adopté, de même que l'article 7.
Mis aux voix, l'article 8 est adopté, de même que les articles 9 à 13.
Troisième débat
M. Bernard Clerc (AdG). Permettez-moi de dire que je trouve ce projet de loi particulièrement scandaleux... (Brouhaha.)
La présidente. Silence, s'il vous plaît !
M. Bernard Clerc. Rassurez-vous, Madame la présidente, cela continuera ! Je le trouve particulièrement scandaleux, parce que, lors de nos discussions sur les prestations sociales, ceux des bancs d'en face nous rappellent systématiquement que l'aide doit aller à ceux qui en ont réellement besoin.
Vous avez aboli les allocations de formation professionnelle pour tous, en arguant qu'il n'était pas normal d'aider des personnes ayant des revenus de 100 000 F. Vous avez plafonné les allocations d'études, et j'en passe.
Aujourd'hui, vous voulez faire un cadeau fiscal à une petite minorité qui ne représente que 10% des contribuables - je l'ai vérifié - sous prétexte de relancer l'immobilier.
Votre démarche relève exactement de ce que j'ai dénoncé, ce matin, lors des débats sur les comptes. Une fois de plus, vous diminuez les rentrées fiscales pour justifier, demain, de nouvelles coupes dans les prestations de l'Etat.
Vous parlez d'un aspect incitatif. Soyez honnêtes ! Ce projet de loi n'a rien d'incitatif, il n'a pour lui que son aspect de «petit cadeau aux copains».
On nous a parlé d'un consensus. J'ignore qui l'a élaboré. De mon point de vue, ce n'est pas un consensus, c'est une compromission !
M. Luc Gilly (AdG). Je n'ai pas grand-chose à ajouter aux propos de Bernard Clerc.
Je souhaite simplement que l'Entente suive jusqu'au bout un ancien projet de loi dont M. Olivier Vodoz, ici présent, a parlé, dans son langage velouté, à la «Tribune de Genève». Je cite : «J'ai eu de la peine à voir passer ce projet. C'est une question de priorité. Je ne crois pas qu'il soit raisonnable, aujourd'hui, de militer pour une baisse de la fiscalité. Dans le contexte actuel, la stabilité est déjà un engagement important.»
Tirez vos conclusions, Mesdames et Messieurs d'en face !
Ce projet est adopté en troisième débat (selon le texte modifié par le DIER), par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7579)
LOI
instituant des mesures temporaires destinées à favoriser l'accession à la propriété du logement et la relance de l'économie dans le secteur immobilier
(I 4 57)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit :
CHAPITRE I
Dispositions générales
Article 1
La loi vise à encourager l'accession à la propriété du logement sis dans le canton de Genève et la relance de l'économie dans le secteur immobilier en favorisant la vente:
a) de logements neufs ou en cours de construction;
b) de logements déjà construits, mais qui n'ont jamais trouvé d'acquéreur à la date visée à l'article 11 de la présente loi;
c) de logements vendus, conformément à l'art. 39 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du 25 janvier 1996.
Art. 2
1 Est une acquisition au sens de la présente loi l'acte juridique opérant le transfert à titre onéreux d'un logement en propriété individuelle, copropriété ou propriété en main commune.
2 Sont notamment exclus du champ d'application de la présente loi les actes relevant du droit successoral et le transfert de participations à une personne morale.
Art. 3
Le paiement de l'impôt résultant du versement anticipé de fonds de la prévoyance professionnelle, en vue de l'acquisition d'un logement, est réparti en quatre annuités, à parts égales et sans intérêt, la première échéant 12 mois après la date d'acquisition du logement.
CHAPITRE II
Conditions relatives à la personne et au logement
Art. 4
1 Peuvent bénéficier des dispositions de la présente loi les personnes physiques achetant le logement pour l'occuper elles-mêmes et y constituer leur domicile principal.
2 La fortune imposable de l'acquéreur et des personnes faisant ménage commun avec lui, avant les déductions sociales, ne doit toutefois pas excéder la moitié du prix d'acquisition mentionné dans l'acte.
3 Les charges du propriétaire ne doivent pas non plus être inférieures à 20% du revenu de l'acquéreur, tel que défini à l'article 31 C alinéa 1, lettre a, de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977. On entend par charges les intérêts des sommes empruntées, l'amortissement des dettes et les frais d'exploitation de la propriété admis forfaitairement à 1% du prix d'acquisition.
Art. 5
1 Les logements acquis au bénéfice des dispositions de la présente loi doivent être affectés exclusivement à l'habitation et comprennent les locaux de dépôt et de service usuels en nombre et en dimension.
2 Le nombre de pièces de logement ne doit pas excéder de plus de 3 unités le nombre de personnes qui composent le groupe familial. Le prix à la pièce habitable ne peut pas excéder 100 000 F.
CHAPITRE III
Dispositions applicables jusqu'au 31 mars 1998
Art. 6
1 Les actes d'acquisition d'un logement, au sens de la présente loi, sont exonérés des droits d'enregistrement et des émoluments du registre foncier, à concurrence des premiers 400 000 F du prix.
2 Les actes comportant constitution ou augmentation de gages immobiliers destinés au financement de l'acquisition d'un logement sont exonérés des droits d'enregistrement, des centimes additionnels et des émoluments du registre foncier, à concurrence d'un montant représentant 80% de la valeur du logement et 400 000 F au maximum.
Art. 7
1 En cas de revente du logement dans un délai de 5 ans à compter de l'inscription au registre foncier, les impôts exonérés sont immédiatement exigibles sans intérêts rétroactifs.
2 En cas de fausse déclaration ou de violation de l'obligation d'occuper soi-même le logement acquis au bénéfice des dispositions de la présente loi, les émoluments et les impôts exonérés sont exigibles avec intérêts rétroactifs dans un délai de 5 ans, à compter de l'inscription au registre foncier de l'acquisition et ce sans préjudice d'autres sanctions civiles et pénales.
CHAPITRE IV
Dispositions applicables dès le 1er avril 1998
Art. 8
1 Les droits d'enregistrement et les émoluments du registre foncier, à concurrence des premiers 400 000 F du prix, sont payables en 8 ans, à parts égales et sans intérêts, la première échéant douze mois après la date d'acquisition du logement.
2 Il en va de même des droits d'enregistrement, des centimes additionnels et des émoluments au registre foncier concernant les actes comportant constitution ou augmentation de gages immobiliers destinés au financement de l'acquisition d'un logement et à concurrence du 80% de la valeur du logement et 400 000 F au maximum.
Art. 9
1 En cas de revente du logement dans un délai de 8 ans à compter de l'inscription au registre foncier, la totalité des droits, émoluments et autres impôts non encore payés sont immédiatement exigibles.
2 En cas de fausse déclaration ou de violation de l'obligation d'occuper soi-même le logement acquis au bénéfice des dispositions de la présente loi, les impôts et les émoluments non encore payés sont immédiatement exigibles, avec intérêts rétroactifs, à compter de l'inscription au registre foncier de l'acquisition et ce sans préjudice d'autres sanctions civiles et pénales.
CHAPITRE V
Dispositions finales
Art. 10
1 L'assujettissement aux dispositions de la présente loi fait l'objet d'une mention inscrite au feuillet du registre foncier de l'immeuble concerné.
2 Le registre foncier communique à l'administration fiscale cantonale les opérations assujetties aux articles 7 et 9 de la présente loi.
3 Il appartient à l'acquéreur de démontrer à l'administration fiscale cantonale et au registre foncier que les conditions d'assujettissement de l'acquisition immobilière à la présente loi sont remplies.
Art. 11
1 Lors de son entrée en vigueur, les effets des articles 6 et 7 de la présente loi rétroagissent au 1er juin 1997.
2 Lors de l'entrée en vigueur de la présente loi, les droits d'enregistrement et émoluments du registre foncier versés à partir de la date définie à l'alinéa précédent sont remboursés sans intérêt si les conditions d'exonération sont remplies.
Art. 12
Les exonérations fiscales prévues à l'article 6 de la présente loi peuvent être obtenues jusqu'au 31 mars 1998, la date d'immatriculation de l'acte au registre foncier faisant foi.
Art. 13
La présente loi entre en vigueur le