Séance du vendredi 27 juin 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 8e session - 36e séance

PL 7608-A
4. Deuxième débat sur le rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le compte administratif de l'Etat et la gestion du Conseil d'Etat pour l'année 1996. ( -) PL7608
Mémorial 1997 : Projet, 2131. Renvoi en commission, 2136. Rapport, 5378. Premier débat, 5551.
Rapport de majorité de M. Bernard Lescaze (R), commission des finances
Rapport de première minorité de M. Bernard Clerc (AG), commission des finances
Rapport de deuxième minorité de Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S), commission des finances
Rapport de troisième minorité de M. David Hiler (Ve), commission des finances

Deuxième débat

CHAPITRE 1 : CHANCELLERIE D'ETAT

Les comptes de fonctionnement et d'investissement de la chancellerie d'Etat sont adoptés.

Présidence de M. David Revaclier, deuxième vice-président

CHAPITRE 2 : FINANCES

Compte de fonctionnement

Administration fiscale cantonale (Rub. 24.00.00)

M. Bernard Clerc (AdG), rapporteur de première minorité ad interim. Monsieur Vodoz, ma question, liée à l'administration fiscale, concerne le département des finances en général. En effet, un cadre important de ce département - sous contrat de droit privé - a été déchargé d'un certain nombre de ses fonctions à la suite de difficultés rencontrées, notamment, dans l'administration fiscale.

Cette personne serait aujourd'hui chargée de la réforme de l'Etat en matière d'imposition assistée par ordinateur, notamment pour ce qui est des débiteurs et de la gestion de la trésorerie. Est-il judicieux de reconduire ce contrat de droit privé, alors qu'il devrait prendre fin prochainement ? N'y a-t-il pas de problèmes à ce sujet ?

Le Le président. Le conseiller d'Etat Vodoz vous répondra à la fin du chapitre.

M. Pierre Meyll (AdG). Je désire obtenir des explications concernant l'impôt sur le bénéfice et les gains immobiliers. Une énorme différence existe entre 1986, où la perception se montait à 106 millions, et 1997, où elle est descendue à 9 millions.

Cette différence n'est pas due au simple fait de la diminution des affaires immobilières. Elle est due au fait que 30% du bénéfice immobilier ne sont pas soumis à l'imposition; de telle sorte qu'une grande partie de ce bénéfice échappe à l'impôt et que la perception ne se fait, en somme, que sur treize ans, plutôt que sur les vingt-cinq ans prévus.

Au-delà de vingt-cinq ans, l'impôt n'est plus perçu. D'après la lecture de la «Feuille d'avis officielle», nous constatons qu'un réservoir important de recettes fiscales existe et pourrait permettre de diminuer quelque peu notre dette. Qu'en est-il à ce sujet ?

Office du personnel de l'Etat (Rub. 25.00.00)

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S), rapporteuse de deuxième minorité. Mon intervention est basée sur une remarque, une question et une proposition de motion concernant la question de l'emploi à l'Etat. Permettez-moi de souligner quelques chiffres figurant tant dans les documents fournis par le Conseil d'Etat que dans le rapport de M. Lescaze.

Lors de la présentation des comptes, on nous a annoncé que mille cent septante-cinq personnes avaient quitté leur fonction dans le courant de l'année 1996 et que mille cent septante-trois personnes avaient été engagées, ce qui démontrait une politique volontariste de l'emploi au sein de l'Etat. Les groupes des médecins de l'hôpital et celui de l'enseignement sont englobés dans ces données.

Dans le rapport de M. Lescaze, à la page 36, ces mêmes chiffres sont évoqués, mais il est spécifié que les médecins de l'hôpital et les enseignants ne sont pas compris. A la page 3 du même rapport de majorité de M. Lescaze, on lit que mille deux cent nonante et une personnes ont quitté et que mille deux cent cinquante-sept ont été engagées. Les chiffres mentionnés divergent selon les rapports.

Sachez encore qu'une heure avant le dépôt de mon rapport, j'ai reçu un papier de l'administration indiquant que les tableaux diffusés étaient faux et les données divergentes.

Nous avons aussi demandé ces chiffres en termes de postes, car tous les chiffres donnés l'étaient en termes de personnes. Pendant plusieurs semaines, il a été impossible de nous les fournir.

Dans le document faxé une heure avant le dépôt de ce rapport, il est question de vingt-trois postes en moins. Or, si on lit l'exposé des motifs du Conseil d'Etat à la page 60, on voit une diminution de 0,68%, ce qui fait cent quarante postes. Le flou est donc total et rend impossible toute appréciation de la politique de l'emploi menée par l'Etat.

Une autre difficulté réside dans le fait que la comparaison est devenue impossible avec les années précédentes. En effet, certains services, comme celui de l'université, sont au bénéfice d'une enveloppe. Les députés de la commission des finances - excepté les deux députés chargés d'analyser le DIP - n'ont pas reçu le document comportant l'explication des charges salariales. Nous nous trouvons dans l'impossibilité de savoir quelle est l'évolution des postes au sein de l'Etat.

C'est pourquoi je dépose une motion, avec Mme Calmy-Rey. Nous demandons au Conseil d'Etat de fournir un rapport au Grand Conseil sur l'évolution du nombre de personnes et de postes au sein de l'Etat, ceci, département par département, pour les huit dernières années, c'est-à-dire les deux dernières législatures. Puisque cette motion est liée aux comptes, je demande qu'elle soit votée tout de suite, sinon elle sera traitée à la séance du mois de septembre.

Le président. Je prends acte du dépôt de cette proposition de motion. En voici la teneur :

 Proposition de motion de Mmes Elisabeth Reusse-Decrey (S) et Micheline Calmy-Rey (S) concernant la politique de l'emploi à l'Etat. (M 1148)

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- notamment l'autonomisation de l'aéroport et le système de l'enveloppe globale pour l'université;

- la difficulté de connaître avec exactitude l'évolution de l'emploi au sein de l'Etat,

invite le Conseil d'Etat

à fournir au Grand Conseil un rapport sur l'évolution du nombre de personnes et sur celui du nombre de postes à l'Etat.

Ce rapport devra porter sur les huit dernières années et être détaillé pour chaque département.

M. Olivier Vaucher (L). Je me demande pourquoi on demande ces renseignements pour les huit ans écoulés; deux ans me semblent largement suffisants.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S), rapporteuse de deuxième minorité. Pour répondre à M. Vaucher, il s'agit du début de la politique d'économie de l'Etat. C'est très simple : c'est le début du premier PFQ.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. J'ai annoncé, tout à l'heure, que le renseignement demandé pouvait être fourni et que je donnerai quelques explications à ce sujet. Il n'y a aucune raison pour que vous ne disposiez pas des données concernant l'évolution des postes et des personnes. Nous ferons le travail que vous nous avez demandé. Il est vrai que beaucoup de choses ont changé en huit ans, mais je n'allongerai pas davantage sur cette question. Je fournirai - motion ou non - le document demandé.

Le président. Je mets aux voix cette proposition de motion.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 26 non contre 24 oui et 2 abstentions.

M. Pierre Meyll (AdG). Monsieur Vodoz, concernant l'administration fiscale et l'imposition assistée par ordinateur, il me semble que vous utilisiez, auparavant, des formules comportant la déclaration immédiate. Cela permettait de traiter la déclaration très rapidement. De ce fait, même en comptant une perte d'environ 20% pour les déclarations non conformes, le bénéfice d'appréciation était de l'ordre de 80%. Il est possible que je m'exprime mal, mais vous comprendrez très certainement le sens de ma question. En fait, l'administration fiscale est perdante à vouloir absolument tout mettre sur ordinateur, car certaines déclarations pourraient être traitées beaucoup plus rapidement.

Un autre fait m'inquiète. Lors d'une discussion avec votre prédécesseur, M. Ducret, je m'étais étonné de la manière dont on faisait les pronostics sur l'imposition de l'année suivante. Il m'avait répondu qu'avec l'imposition effectuée dans le cadre de l'AVS durant le premier trimestre de l'année, on pouvait estimer la masse fiscale exploitable l'année suivante. Je me demande si cette méthode est encore appliquée. Pouvez-vous me donner des éclaircissements à ce sujet ?

M. Max Schneider (Ve). Ma question s'adresse au chef du département et concerne le financement du projet de métro léger. Hier soir, nous avons parlé d'un accord paraphé et des éventuels engagements français. A la page 55 de votre rapport, vous nommez ce financement du projet de métro léger. Serait-il possible - pas forcément aujourd'hui - de connaître les engagements financiers que vous avez inscrits aux points 4.2 et 4.3 de votre rapport et d'obtenir de plus amples informations ?

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Monsieur Clerc, la personne à laquelle vous faites allusion est sous contrat de droit privé. Son contrat se terminera dans deux mois et il n'est pas question de le renouveler. En revanche, j'ai jugé utile de l'utiliser comme coordinateur pendant cette période, plutôt que de ne lui donner aucune mission. Pendant la durée de son contrat, ce collaborateur a assuré, non pas le travail de fond - pour les raisons que vous avez évoquées - mais uniquement la coordination des différentes pistes du département.

Monsieur Meyll, au sujet de votre question concernant l'impôt sur le bénéfice immobilier, j'ai dit à la commission fiscale qu'en ce qui concerne les gains immobiliers - à la suite de la modification de la loi stipulant qu'il n'y a plus de taxation après vingt-cinq ans - on constatait deux choses que nous avions déjà indiquées au moment du vote de cette loi au parlement.

Premièrement, les gens préfèrent attendre jusqu'à la vingt-cinquième année, plutôt que de vendre avant et payer un impôt. On constate donc un glissement des affaires, dans le but d'éviter cet impôt, dès la vingt-troisième ou la vingt-quatrième année.

D'ailleurs, jusqu'à la création de la nouvelle loi, les gens ne rechignaient pas à payer 10% - montant final - après vingt-cinq ans sur le bénéfice éventuel du gain immobilier. De ce point de vue, cette perte de substance n'est pas compensée, en tout cas pour l'instant - contrairement à ce qu'avait imaginé le Grand Conseil - par l'augmentation majorée de l'imposition des ventes, après un an ou deux.

Deuxièmement, pour lutter contre la spéculation immobilière, le Grand Conseil a modifié les taux d'imposition qui passent à 50% pour la première année et, sauf erreur, pour la deuxième année. Ensuite, ils descendent et deviennent nuls à partir de la vingt-cinquième année.

Par conséquent, on constate deux effets. D'une part, il n'y a pas de revente immobilière durant la première ou la deuxième année, car, pendant cette période, l'imposition est très forte, et, d'autre part, les gens attendent jusqu'à la vingt-cinquième année pour revendre, afin d'être exonérés d'impôt. A l'époque, nous avions calculé, par des simulations, que la perte devait s'élever à 6 millions. Elle se situe entre 11 et 12 millions pour un exercice complet.

En ce qui concerne IAO, ce principe a été validé; il est valable. Les déclarations fiscales, tant que l'on ne peut pas les scanner automatiquement, doivent être saisies par des équipes de saisie. Une fois ce travail accompli, les taxateurs, les contrôleurs, les personnes qui répondent au guichet, peuvent obtenir la déclaration devant eux en appelant le numéro de code du contribuable et renseigner celui-ci. Les taxateurs pourraient taxer à l'écran, sans avoir besoin de se passer le dossier papier. Tel est ce projet.

Or nous avons constaté un certain dysfonctionnement dans le projet mis en place. Il a donc fallu le reprendre. Aujourd'hui, la taxation des indépendants se fait par système IAO. Dans le secteur des salariés, une équipe travaille avec ce système. Il conviendra de l'agrandir, mais cela change l'organisation du travail.

J'ai expliqué à la commission fiscale qu'actuellement les taxateurs taxent plus vite sur papier que sur l'ordinateur, car, sur papier, ils peuvent comparer la page entière et, très rapidement, cocher les déductions à apporter, alors que, sur ordinateur, ils doivent chaque fois cliquer chacun des postes. Bien entendu, la sécurité est maximale, tous les paramètres sont pris en compte, mais cela demande plus de temps.

Nous sommes donc dans la phase où l'informatique prend plus de temps au taxateur que la taxation sur papier. Les changements s'opèrent lentement et j'ai voulu, à tout prix, privilégier la sécurité de la taxation. C'est la raison pour laquelle on taxe aujourd'hui encore, notamment les salariés, sur papier jusqu'à ce que l'on améliore encore le produit.

La dernière question concerne M. Robert Ducret et la masse salariale AVS. Vous savez, tout était toujours très simple pour mon prédécesseur. Heureusement pour lui, l'époque s'y prêtait.

La masse salariale est, pour nous, un indicateur avancé pour l'année suivante, puisque, jusqu'à ce que nous ayons réformé notre loi fiscale en cours devant la commission fiscale et que nous ayons passé du système post-numerendo au pre-numerendo, nous continuons à imposer les revenus de l'année précédente. A ce jour et pour quelques années encore, nous aurons un décalage d'un an. Par conséquent, les revenus de l'année 1997 serviront de base pour l'imposition 1998 et ainsi de suite.

Pour obtenir un certain nombre d'éléments, notre groupe de prévisions fiscales - composé de gens de l'université, de la Ville de Genève, des statistiques et du département cantonal des finances - possède un certain nombre d'indicateurs que sont, notamment, les grandes caisses de compensation : celle de l'Etat et celle du secteur privé, donc l'AVS. Par conséquent, il obtient un certain nombre d'indications sur la masse salariale.

Cependant, il se trouve que ces indications, qui tombent, trimestre après trimestre, sont extrêmement difficiles à affiner. En effet, dans le premier trimestre, le mélange existe de ce qui est réel au premier trimestre plus ce qui n'a pas été payé le trimestre précédent et qui vient s'y ajouter. Ce n'est que vers la fin juin que nous avons une première réalité du premier trimestre qui termine l'analyse - La Palice l'aurait dit - fin mars et au mois de juin.

Nous connaissons ces mêmes problèmes pour les budgets, puisque, au moment où nous devons définir les paramètres budgétaires, nous n'avons que très peu d'informations sur l'évolution de la masse salariale dans le canton et des informations conjoncturelles. Mon prédécesseur a probablement fait allusion à cette prise en compte; ce que nous continuons à faire, comme indicateur avancé, en demandant aux caisses de compensation de nous donner des indications sur la masse salariale.

Madame Reusse-Decrey, à propos des postes et du personnel, vous avez exactement - et vous savez combien j'en suis désolé, par rapport aux documents - la démonstration de ce à quoi nous devons aboutir, notamment dans le cadre des tableaux de bord. Aujourd'hui, nous avons trois services du personnel de l'Etat. En tout temps, au niveau de l'office du personnel de l'administration centrale, nous savons ce qu'il en est, mais dès qu'il s'agit de rassembler les informations de l'office du personnel du DIP et les informations des hôpitaux, cela devient beaucoup plus compliqué, chacun ayant son système.

C'est pourquoi nous avons tant de problèmes dans la consolidation de ces éléments et que nous n'avons pu fournir - car nous l'avons demandé à réitérées reprises - les éléments aux deux autres centres de personnel pour pouvoir les mettre ensemble et vous donner une situation consolidée.

C'est le document publié en pages 45 et 46, «Mouvement du personnel en postes et en personnes», qui est correct. Ce sont surtout les transferts qui rendent nos comparaisons difficiles, et vous avez raison, Madame Reusse-Decrey, de le relever.

D'autre part, il y a des suppressions de service ou des modifications de service, des échanges entre départements, et cela rend malheureusement les choses extrêmement compliquées. Certains, d'ailleurs, s'ingénient à faire ces changements, car cela rend les comparaisons très difficiles. Par conséquent, sur ce plan, nous avons à mettre en place des règles communes - ce qui est en train d'être fait - entre les trois offices de personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers, afin de sortir «on line», comme on dit, les informations.

Vous avez droit, car il s'agit d'un principe de transparence évident que j'entends respecter, à la situation exacte des postes. Cela demande un travail, car il faut précisément pouvoir comparer ce qui a été transféré et ce qui ne l'a pas été en fait de modifications; ce qui est sorti de la sphère directe de l'Etat, comme l'aéroport auquel vous avez fait allusion, ou à l'intérieur des hôpitaux, en fait de changements. Nous ferons ce travail, afin de vous remettre les documents qui vous sont nécessaires et que vous demandez légitimement.

M. Pierre Meyll (AdG). Il me semble que vous n'avez pas répondu complètement à ma question, Monsieur Vodoz. Je n'ai peut-être pas été assez précis.

En ce qui concerne l'impôt sur les gains immobiliers, un élément est susceptible d'expliquer un glissement supplémentaire. Après dix ans, le droit existe de pouvoir ajouter 30% à la valeur acquise. Là encore, la taxation n'est complète que pour la période allant de douze à vingt-cinq ans, soit pendant treize ans. Quant au reste, il sera amputé de 30%, qui représentent le bénéfice autorisé, si je puis me permettre de m'exprimer ainsi.

L'Etat, par ces différents glissements, est victime d'un manque à gagner. Pourriez-vous me donner de plus amples informations sur la gestion de ces différentes périodes - celle de vingt-cinq ans, celle de dix ans - et sur cet ajout possible de 30% à la valeur acquise ?

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Tout d'abord, il est exact que la loi prévoit ces 30%, mais je consulterai mes spécialistes sur la question et vous répondrai de manière plus complète au troisième débat.

Les comptes de fonctionnement et d'investissement du département des finances sont adoptés.

CHAPITRE 3 : INSTRUCTION PUBLIQUE

Compte de fonctionnement

Secrétariat général et services administratifs (Rub. 31.00.00)

 Interpellation de M. René Longet : Enseignement de l'histoire de la Suisse durant la Deuxième Guerre mondiale. Evaluation du matériel pédagogique disponible et du programme. (I 1987)

M. Olivier Vodoz. Hier, il a été convenu avec la présidente du département que je l'interpellerai ici sur l'enseignement de la Deuxième Guerre mondiale. Il s'agit de l'interpellation figurant au point 34 de notre ordre du jour. Si vous m'en donnez l'autorisation, Monsieur le président, j'interviens maintenant. Mme Brunschwig Graf est prête à répondre dans le cadre du débat sur les comptes.

Le président. Vous avez l'autorisation de développer votre interpellation, Monsieur le député.

M. René Longet. Cette période historique est particulièrement importante, et son enseignement doit être à sa mesure. L'histoire est une matière essentielle dans l'enseignement public. L'article 4, qui régit l'ensemble de notre instruction publique, définit très bien les objectifs de l'enseignement de l'histoire. Inversement, l'enseignement de l'histoire contribue à atteindre ces objectifs. Il est clair que les recherches font apparaître la vérité historique au fil du temps. Bien entendu, plus les faits sont proches, plus le jugement les concernant a une portée discutable.

Mes questions sont les suivantes :

Quelle est l'évolution de la dotation horaire de l'enseignement de l'histoire à travers les différents ordres d'enseignement ?

Quelle est la place de l'histoire suisse, durant la période de la Deuxième Guerre mondiale, dans le cadre de l'enseignement de l'histoire ?

A quel matériel les enseignants peuvent-ils se référer pour l'étude de cette période ? Quelle est la place accordée au livre, discuté et discutable, de M. Chevallaz intitulé «Histoire générale» ?

J'ai analysé ce livre et pourrai vous donner certaines citations. Son auteur a le défaut de présenter l'histoire de cette période controversée - et très discutée à l'heure actuelle - de façon très linéaire. Toute vision, en termes de conflits, en est quasiment absente.

Pour prendre un exemple, je vous citerai ces lignes de la page 254 : «La Suisse, durant la période considérée, a accueilli au cours de la guerre des réfugiés, par dizaines de milliers, civils, politiques, des israélites et des internés militaires, de toutes les nations belligérantes. Elle hébergea, notamment, de nombreux enfants de pays voisins, expédia des colis dans des régions dévastées. Elle eût pu faire davantage encore, mais le Conseil fédéral jugea bon, pour des raisons économiques et politiques, de limiter le nombre de réfugiés et d'en refouler à la frontière. La Croix-Rouge suisse poursuivit sa mission, etc.»

L'ensemble de la période apparaît lisse. Aujourd'hui, le débat relatif à cet épisode surgit justement parce qu'il n'a pas eu lieu auparavant. Le matériel disponible dans les écoles - les livres d'histoire - doit permettre de comprendre les conflits, afin d'amener de la matière pour en débattre.

De la même manière, peu d'informations permettent réellement de comprendre la situation de l'époque, comme, par exemple, les conflits politiques et sociaux internes à la Suisse dans la première moitié de ce siècle. On peut citer les événements survenus en 1932 à Genève, mais il importe de connaître d'autres éléments de notre histoire, comme la grève générale par exemple, afin d'avoir une vision d'ensemble de la réalité des conflits. Là aussi, tout est lissé et gommé.

Pour cette raison, cet ouvrage - s'il devait avoir une importance particulière dans notre enseignement - ne devrait, en aucun cas, en être la source majeure. Il pourrait y contribuer, mais en étant mis en perspective.

J'ai soulevé ces questions dans l'intérêt des élèves, afin que le débat difficile auquel nous assistons, aujourd'hui, sur le passé récent de la Suisse ait un écho, par le biais d'informations de qualité. Nous voulons nous assurer qu'un maximum d'éléments, de faits, de connaissances et de compétences puissent passer, afin que les citoyennes et les citoyens de demain puissent construire une image cohérente de notre passé récent.

Madame la présidente, si vous ne pouvez pas répondre à toutes mes questions aujourd'hui, cela n'a pas d'importance. Je vous serais très reconnaissant si vous me répondiez lors d'une prochaine séance.

Des voix. Ah ?

Mme Liliane Charrière Urben (S). Madame Brunschwig Graf, j'ai quelques questions à vous poser. Toutefois, si vous estimiez que vos informations allongeraient outrageusement le débat, j'accepterais volontiers que vous me répondiez à une autre occasion.

Au cours de la dernière année, il s'est passé un certain nombre d'événements. On a essayé de mettre en place différents éléments dans l'enseignement de manière générale, comme tout ce qui a trait à la nouvelle maturité, la rénovation de l'enseignement primaire, la mise en place des six priorités du cycle d'orientation, etc.

Il est vrai que ce sont des projets de longue haleine qu'on ne règle pas en quinze jours, en six mois, voire en une année. Est-il possible que vous donniez des renseignements, par exemple, à propos de la mise en place des six priorités du cycle d'orientation ? Comment envisagez-vous cette mise en place, dans quel ordre, avec quels moyens, avec quelle densité ? Choisira-t-on quelques cycles ou tous, mais avec une ou deux priorités seulement ?

Je m'étonne que vous ne nous ayez pas demandé des moyens pour mettre en route ces nouvelles priorités, parce que pas forcément en personnel, mais en énergie, en temps, quand il s'agit de formation continue, des remaniements de moyens sont prévisibles; de même la mise en place de la nouvelle maturité est un bouleversement assez important. Si on la veut pour 1998, cela risque d'entraîner un certain nombre de bouleversements et là, également, il faudra disposer de possibilités.

En ce qui concerne la rénovation du primaire, envisagez-vous une extension ? Il avait été prévu, au début des travaux, que cette rénovation démarrerait avec quinze écoles pilotes et qu'au fur et à mesure des années d'autres écoles s'engageraient dans cette rénovation.

A première lecture, mais je n'ai peut-être pas été suffisamment en profondeur, je ne vois pas quelles sont les extensions pour l'année prochaine. Peut-être y a-t-on renoncé pour approfondir davantage ce qui s'est déjà fait. Un rapport est-il prévu sur la situation actuelle de cette rénovation et les enseignements qu'on a déjà pu en tirer ?

Dans un autre domaine, mais toujours à propos des différents secteurs de l'enseignement, je me suis laissé dire que l'école de culture générale voyait, si vous me passez le terme, sa clientèle changer de configuration. Qu'en est-il ? Il me semble que se dirigent vers l'école de culture générale des élèves qui n'ont pas le profil qu'on avait imaginé à l'origine. On peut très bien l'admettre, mais simplement cela doit entraîner un certain nombre de modifications, notamment dans l'organisation des cours, dans l'organisation des objectifs donnés à cette école et dans les «promesses» que l'on peut faire aux élèves qui vont en ECG; ce sont aussi l'organisation, les buts et les objectifs du 10e degré.

Enfin, au service de la jeunesse, les bilans de santé sont en diminution. S'agit-il tout simplement du fait que moins d'élèves quittent l'enseignement que précédemment, que cela va avec les courbes démographiques ? S'agit-il d'une réduction de ce genre de contrôles ? Je n'en sais rien.

Par ailleurs, je constate que les services médico-pédagogiques ont une augmentation de cent cas par rapport à ceux traités l'an dernier. Vous l'écrivez dans un autre document dont j'ai eu connaissance. Il est vrai que davantage d'enfants sont en difficulté, non à cause de retards scolaires, mais à cause de troubles plus importants et plus graves, qui dépassent largement le retard scolaire.

Bien qu'on ait quelques nouvelles à ce sujet, comment pensez-vous que l'on pourra - dans les mois qui viennent - régler la question des cas les plus douloureux qui se trouvent dans ce secteur ? Quelles en sont les explications ? J'en entrevois quelques-unes, notamment par rapport à certaines difficultés rencontrées par des familles et qui rejaillissent sur les élèves.

Mes questions sont nombreuses et risquent, par les réponses qu'il faut leur donner, d'allonger les débats. Si vous souhaitez me répondre à une autre occasion, peut-être plus longuement ou par voie de document ou à travers la commission de l'enseignement, c'est tout à fait possible, mais j'ai saisi cette occasion pour vous poser, en un bouquet pas trop épineux, quelques questions qui me tiennent à coeur.

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je désire rappeler à Mme Brunschwig Graf que, le 22 septembre 1995, nous avions renvoyé une motion de soutien à l'édition au Conseil d'Etat. La dernière invite de cette motion invitait le Conseil d'Etat à présenter un premier rapport au Grand Conseil après un an. Cela va bientôt faire deux ans. Est-il possible d'avoir des nouvelles de l'évolution de l'élaboration de ce rapport ?

Le président. Je mets aux voix le compte de fonctionnement du DIP.

Le compte de fonctionnement du département de l'instruction publique est adopté.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je remercie les députés d'avoir voté le compte de fonctionnement du DIP et d'être prêts à voter le compte d'investissement avant même d'avoir entendu ma réponse à leurs questions ! (Commentaires.) J'essaierai de me montrer digne de leur confiance.

Je commencerai par la question la plus simple et finirai par la plus compliquée.

La question la plus simple est celle de Mme Torracinta-Pache. Ce rapport est fait en collaboration avec les représentants de la Ville, qui doivent compléter la première esquisse. Si ma mémoire est bonne, j'en ai aperçu une première version; un rapport sur l'édition du livre devrait parvenir prochainement au Grand Conseil. Nous finalisons, mais, Madame, comme dans bien d'autres cas, nos services sont plus actifs sur le terrain que dans la rédaction des rapports. Ce n'est pas moi qui les en blâmerai ! Nous vous devons ce rapport et nous le déposerons à la rentrée, j'espère.

Madame Charrière Urben, certaines choses devront être encore discutées à la commission de l'enseignement, de l'éducation et de la culture. Pendant plusieurs séances, vous avez traité d'une motion sur la coordination, le contenu et l'évolution des différentes réformes. Pendant ces séances, vous avez été habilitée à poser un certain nombre de questions.

En tout temps, les différents ordres d'enseignement ont évolué sur le plan pédagogique. Des moyens ont été mis en place, afin que les membres de l'enseignement réfléchissent, se forment, s'adaptent à de nouvelles méthodes. Pour ce faire, on a utilisé les crédits de la formation continue. Des heures de décharge ont toujours été consacrées à ce type de travail. Ce n'est donc pas parce qu'une réforme est mise en place que des moyens supplémentaires devraient forcément être mis à disposition.

Toutefois, une rubrique du budget est consacrée à ces groupes de travail et à certains responsables, en prévision de certains projets. La même formule s'applique au primaire, au cycle d'orientation et au postobligatoire. A plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de donner des informations détaillées à ce sujet à la commission de l'enseignement et suis prête à en redonner à d'autres occasions.

S'agissant de l'évaluation et des objectifs, la réponse est très simple en ce qui concerne le primaire. Les experts externes ont rendu leur rapport la semaine dernière. Il fera l'objet d'une évaluation et sera communiqué, entre autres, à la commission de l'enseignement. Il n'y aura pas d'extension avant cette première évaluation. Elle déterminera ce que nous avons à consolider pour permettre aux écoles d'intégrer, progressivement, les nouvelles méthodes, d'ici l'an 2002.

Le cycle d'orientation. Les efforts ont porté, pour la première année, sur les objectifs d'apprentissage - ce travail devra être complété - et sur l'évaluation formative, comme vous le savez certainement. Des informations vous parviendront régulièrement à ce sujet. J'ai reçu, voici une quinzaine de jours, les premiers éléments du travail fait durant l'année.

En outre, il conviendra de reparler de l'école de culture générale. En effet, le problème que vous avez soulevé nécessite plus qu'une petite discussion. Il est vrai que deux types de populations fréquentent l'ECG. Les écoles prennent un certain nombre de mesures y relatives et, sur le plan pédagogique, introduisent un certain nombre d'innovations.

Pour le reste, Madame la députée, les bilans de santé en diminution ne sont pas l'oeuvre du hasard, mais de l'évolution des travaux des services durant l'année écoulée. A ma connaissance, il n'y a eu ni instruction ni demande particulière de limiter ou d'économiser dans ce domaine. La santé fait partie des éléments importants du cadre institutionnel et scolaire. Cette évolution de cent bilans de santé sur une population de plusieurs dizaines de milliers d'élèves ne doit pas être interprétée comme une volonté de démanteler ces services. Ce n'est pas non plus ce que vous avez dit, mais je préviens certaines idées qui risqueraient d'être développées hors de cette enceinte. Madame la députée, j'ai, très brièvement, répondu à vos questions.

Je désire répondre plus longuement à la question de M. Longet. Monsieur le député, je ne suis pas en mesure de vous donner le rythme d'évolution des heures d'histoire au fil des années. Néanmoins, nous avons le souci que les jeunes et les moins jeunes de notre pays aient la meilleure connaissance possible de l'histoire suisse, particulièrement de cette période difficile de la Deuxième Guerre mondiale. Ceci afin d'en comprendre la signification et d'accepter la réalité de notre pays à travers le déroulement de son histoire; non pas pour faire de l'autoflagellation, mais pour exercer notre responsabilité de citoyen à l'esprit critique.

C'est pourquoi cet enseignement commence au primaire et, particulièrement, la sixième année primaire, avec un volume d'histoire qui s'intitule : «Epoque contemporaine» et qui traite de sujets aussi difficiles que le refoulement aux frontières ou de la politique de la Suisse à l'égard de l'Allemagne nazie.

C'est l'ensemble de l'histoire qui fait l'objet d'un traitement à l'école primaire, avec des réflexions menées avec les élèves. C'est tout sauf une ingurgitation du programme scolaire ! En sixième primaire déjà, nous évoquons ces moments difficiles.

Au cycle d'orientation, vous avez, à juste titre, évoqué la problématique du manuel d'histoire générale dans sa dernière version, dite «édition Chevallaz». Le cycle ne dispose pas de cette seule référence. Il utilise aussi «L'Histoire de la Suisse» de M. Walter et reçoit aussi, de la part de la Nouvelle société helvétique, toute une documentation reconnue comme étant très précieuse pour la période considérée.

Je désire souligner que les enseignants ont une certaine liberté pour choisir leurs moyens pédagogiques. Qu'ils l'utilisent et fassent appel aux sources qui leur paraissent les plus intéressantes et les plus significatives !

Au postobligatoire et particulièrement dans nos collèges, l'objectif dépasse la simple maîtrise des connaissances historiques. Il tend à ce que les élèves recherchent eux-mêmes leurs sources et fassent une lecture critique de l'histoire. Il s'agit, au sens de l'article 4, de leur donner les moyens d'analyse, de réflexion et de critique. D'ailleurs, ils se sont illustrés de façon remarquable dans une émission relativement récente de «Temps présent». Une classe d'élèves y a démontré sa maturité dans sa façon d'aborder l'histoire. C'est ainsi que nous avons constaté que les démarches de notre département et surtout des enseignants sur le terrain ont porté leurs fruits. J'espère avoir répondu à vos questions, Monsieur Longet.

Présidence de Mme Christine Sayegh, présidente

I 1987

Cette interpellation est close.

Le compte d'investissement du département de l'instruction publique est adopté.

La présidente. Nous allons suspendre nos travaux. Nous reprendrons avec le département de justice et police à 14 h, et la signature donnée à 10 h comptera à double. Je vous souhaite un bon appétit.

 

La séance est levée à 12 h.