Séance du
jeudi 26 juin 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
8e
session -
33e
séance
M 1125
LE GRAND CONSEIL,
vu le rôle important des relations ferroviaires pour l'avenir de Genève;
vu l'impasse du projet de nouvelle liaison ferroviaire TGV Genève-Mâcon élaboré en 1990, dont le concept et le coût devisé d'une manière très optimiste à 3 milliards de francs ont conduit à l'échec;
attendu qu'au lieu de s'accrocher à un méga-projet que ni la SNCF, ni la Suisse et encore moins notre canton ne peuvent financer, il aurait mieux fallu retenir la proposition faite il y a 8 ans déjà par les responsables de la SNCF, à savoir remettre en service la ligne ferroviaire dite des Carpates qui reliait Bellegarde à Bourg-en-Bresse (via Nantua), ce qui permettrait de réduire de 70 km le tronçon de ligne ordinaire et de gagner 20 à 25 minutes sur le temps de parcours des TGV entre Genève et Paris, pour un coût de 200 à 250 millions de francs suisses;
vu l'arrêté fédéral sur le transit alpin approuvé par le peuple suisse le 27 septembre 1992, qui prévoit en son article 7 que «la Confédération s'emploie à promouvoir l'intégration de la Suisse occidentale au réseau européen à haute performance et fait en sorte que le tronçon Genève-Mâcon et le raccordement de Bâle soient construits et modernisés»;
vu la décision du Conseil fédéral d'affecter un montant de 1,2 milliard de francs pour améliorer les liaisons ferroviaires entre la Suisse et le réseau européen à haute performance, montant qui figure dans le message du Conseil fédéral du 26 juin 1996 concernant la réalisation et le financement de l'infrastructure des transports publics;
vu la stagnation de ce dossier,
invite le Conseil d'Etat
à fixer, comme première priorité d'amélioration de la ligne Genève-Mâcon, la réalisation de la ligne Bellegarde-Bourg-en-Bresse (via Nantua) et à libérer à cet effet une contribution fédérale, le cas échéant avec une participation du canton de Genève, à concurrence de la participation requise par la SNCF pour son étude et sa réalisation.
Débat
M. Jean Spielmann (AdG). Il a beaucoup été question du tracé du TGV Genève-Mâcon au cours de ces derniers jours dans la presse. Il en a aussi été débattu et discuté dans le cadre des débats du Conseil national sur les transversales alpines. Un certain nombre de décisions ont d'ailleurs été prises et des modifications sont intervenues dans le libellé et la conception générale liée aux décisions de créer des transversales alpines et des liaisons avec les voies dites de «haute performance»; les technologies évoluant, on ne fait plus seulement appel au TGV.
Dans le domaine ferroviaire, le matériel roulant est probablement l'un des éléments qui va le plus se modifier ces prochaines années. Des rapports ont été présentés en France, notamment le rapport Rouviloy qui pose les problèmes liés aux TGV : leur conception, leur construction, leur rentabilité. Il fournit l'ensemble des calculs et des prévisions fait sur la base des nouvelles technologies, je pense à celle du pendulaire qui permet d'améliorer la vitesse des trains sans lignes droites obligatoires, comme c'est le cas pour le TGV.
Je pense également à la fusion en Allemagne entre de grands concepteurs de chemins de fer et des entreprises comme Mercedes. Les équipements se transforment complètement. Aujourd'hui, un wagon CFF équivaut à deux ou trois autobus avec climatisation et tout le confort. On constate que le rapport qualité/prix pose problème. Il faut donc une révolution dans le domaine du matériel roulant des chemins de fer. Révolution qui est en cours : les premiers freins à disques ont fait leur apparition, le bruit diminue considérablement, les wagons sont surbaissés et à deux étages et la qualité s'améliore. Toutes ces modifications n'ont pas seulement trait aux trains, elles remettent en cause des technologies de pointe telles que celles du TGV, de l'ICE et d'autres trains européens à grande vitesse. On s'est rendu compte que les infrastructures nécessaires à leur fonctionnement n'étaient pas réalisables partout. Lors des discussions qui ont eu lieu en France, des priorités ont été fixées notamment quant aux liaisons de trains à grande vitesse, et tout l'ensemble est réexaminé.
Dans cette perspective, il faut aussi voir que les liaisons ferroviaires depuis Genève, notamment les trains à haute performance, engendrent des problèmes. On le sait, le tracé prévu pour la liaison Genève-Mâcon pose des problèmes importants d'ordre financier, géologique et d'entretien, car les tunnels sont de l'ordre de grandeur de celui du Gothard. Cela vaut la peine de réexaminer cette perspective, puisque les progrès de la technologie permettent de réduire la distance de plus de 70 km à moindre coût tout en améliorant les réseaux ferroviaires actuels en y faisant passer des trains pendulaires. Cela fait gagner du temps et améliore le confort des passagers. Cela en vaut d'autant plus la peine, je le répète, que les Français ont déjà fixé des priorités pour les différentes voies à haute vitesse, dont celle qui va de l'Allemagne à la France en passant au pied du Jura et celle du Sud de la France. Le Sillon alpin et la liaison Genève-Mâcon ne sont même pas programmés pour l'instant.
Par conséquent, si on veut assurer une liaison ferroviaire de Genève vers la France avec un train à haute performance, notamment Genève/Paris, il me semble nécessaire de reprendre le dossier au point où il a été laissé, il y a à peu près huit ans, lorsque les Français ont fait des propositions pour réanimer la ligne des Carpates et l'aménager de manière qu'elle puisse répondre aux technologies modernes de trains à haute performance, en utilisant la technologie du pendulaire, par exemple.
Au niveau financier, cela représente un coût de 250 à 300 millions pour un gain de temps de 25 minutes sur le trajet Genève/Paris. Cette liaison devrait pouvoir être réalisée très rapidement, aussi il convient de débattre de ce problème important. Du reste, le Conseil fédéral, la semaine dernière, dans ses réponses à une série de questions au sujet de la liaison Genève-Mâcon, posait le problème de la même manière. Il se référait à l'article 7 de l'arrêté sur le transit et l'ensemble des raccordements de la Suisse occidentale au réseau français des TGV, soit Genève/Bâle et l'Arc jurassien. Un groupe de travail franco-suisse a eu la responsabilité d'examiner ce dossier et les études déjà réalisées. Il est composé de représentants des administrations nationales des transports et des chemins de fer des deux pays. Ces premiers travaux ont établi que les surestimations de trafic et de rentabilité de la ligne Genève-Mâcon telle qu'elle était prévue posent une série de problèmes importants. Il faut tenir compte des réalités pour concrétiser cette liaison, que ce soit au niveau de la rentabilité et des besoins ou au niveau du financement.
C'est ainsi que dans les votations proposées par le Conseil national - ce dossier sera traité par le Conseil des Etats cet automne - l'arrêté sur les transversales alpines a été modifié : on ne fait plus directement référence au raccordement TGV du réseau suisse. On parle de raccordement aux lignes de trains à haute performance, ce qui signifie l'introduction du pendulaire et un pari sur une modification des technologies dans le domaine du transport ferroviaire permettant d'améliorer les performances sur des lignes qui ne devront pas forcément être rectilignes. La formule de la liaison par le TGV engendrait des coûts démentiels et, de plus, sous-estimés.
Il faut savoir tenir le langage de la raison et mettre en avant la possibilité de réanimer l'ancienne ligne dite des Carpates entre Bellegarde et La Cluse qui permettra de raccourcir considérablement le tracé : 70 km pour un coût d'environ 250 à 300 millions, comme je l'ai déjà dit.
Les autres problèmes liés à cette ligne Genève-Mâcon concernent toutes les liaisons ferroviaires avec la France. Cette proposition de motion n'a pas pour but d'inviter à réexaminer l'ensemble de ces liaisons, mais il est clair que les décisions prises par le Conseil d'Etat doivent tenir compte de cet ensemble. Cela avait déjà été dit il y a quelques années dans un rapport fait par des spécialistes : il faut en priorité tracer le trafic régional au niveau du chemin de fer - c'est-à-dire le trafic le plus lourd - puis assurer les dessertes du trafic d'agglomération. Il y était dit que d'ici 1993 les instances compétentes, la Confédération et l'Etat français, auront pris les décisions permettant de définir les tracés et les gares desservies dans le bassin genevois. On est loin du compte aujourd'hui, car nos projets sont tout simplement irréalisables ou repoussés beaucoup trop loin, parce qu'ils ne font pas partie des priorités du gouvernement français qui a choisi le TGV Rhin/Rhône et le TGV Sud. Les décisions au sujet du projet du Sillon alpin n'ont pas encore été prises.
La priorité est de savoir où doit se faire la liaison entre la Suisse et la France, que ce soit par le Nord ou par le Sud. Lorsque les choix seront faits, nous pourrons les intégrer dans une conception de trafic régional englobant un certain nombre de villes de la région Rhône-Alpes, pas seulement pour pouvoir se rendre à Paris mais pour améliorer les dessertes locales, puisque cela est possible avec les nouvelles technologies dont j'ai déjà parlé.
Il y a donc tout intérêt pour la collectivité genevoise à mettre en avant une stratégie tenant compte du potentiel réalisable à court et à moyen terme. Je ne suis pas le seul à penser que le projet du TGV Genève-Mâcon vu les problèmes liés à la configuration de cette région - ces problèmes ne sont pas définis, c'est le brouillard ! - n'est pas réalisable. Nous ne pouvons pas continuer à soutenir un tel projet. Personne ne veut ou ne peut le financer, chacun étant persuadé, selon le rapport Rouviloy, de la surestimation du trafic et de la rentabilité.
Il serait donc intelligent d'accepter cette motion, d'examiner la faisabilité de l'amélioration de la liaison entre Genève et Paris par la réanimation de la ligne des Carpates, d'avoir une discussion franche et ouverte sur le financement aussi bien au niveau du matériel roulant que de l'infrastructure avec nos amis français, puis d'améliorer le trafic local des transports publics sur la base de grands axes définis et réalisables. Nous avons reçu des kilos de rapports sur la ligne Genève-Mâcon, avec à chaque fois des dates à la clé. Nous sommes en 1997, et nous savons très bien que les Français ne discuteront même pas de la ligne Genève-Mâcon avant 2005-2010. Par conséquent, il faut savoir raison garder en menant une politique réaliste s'appuyant sur un matériel roulant de haute technologie et de haute performance pendulaire, ainsi que sur une liaison réalisable rapidement qui fera gagner 25 minutes.
La voix de la raison vous invite à accepter notre proposition de motion. Le Conseil fédéral et les instances françaises examinent ce dossier dans la même direction. Il serait bon de tirer à la même corde et de cesser de s'accrocher à des projets dont chacun sait qu'ils ne sont pas réalisables dans un avenir proche.
M. Michel Ducret (R). Je vous rappelle que cette liaison est bien au plan directeur français, mais en pointillé, car cette décision dépend d'acteurs extérieurs à la France. Ce n'est d'ailleurs pas le cas du fameux Sillon alpin.
Le but du TGV Léman/Mont-Blanc est d'abord d'obtenir un report modal important de l'avion sur le train. Sinon ce projet ne sera pas rentable. Les frais du raccordement de la Suisse à la France font partie du paquet des NLFA qui a été approuvé par le peuple suisse, comme M. Spielmann l'a rappelé fort opportunément tout à l'heure. Par contre, il oublie de dire que c'est un investissement privé, assuré actuellement à hauteur de 80%. Cet investissement privé n'est possible que si ce tracé est suffisamment attractif pour attirer de nouveaux clients vers les chemins de fer.
Or que propose la motion ? Reprenant le projet initial utilisant effectivement le tracé de la ligne dite des Carpates, surnom de la ligne passant par la cluse de Nantua, elle se contenterait d'améliorer une ligne actuellement hors service, non électrifiée, dont l'accès nord ne peut s'effectuer qu'au prix d'un rebroussement, et l'accès sud, à Bellegarde, qu'au moyen d'un autre, avec changement de niveau. Cela revient à dire qu'un tronçon comme proposé, sans raccordements, ne servirait à rien, car il impliquerait des manoeuvres compliquées à chaque bout et une vitesse beaucoup trop faible sur le tronçon central. Le gain de temps étant tout à fait négligeable, il ne serait par conséquent pas attractif.
Que le projet actuel, Mesdames et Messieurs, coûte encore trop cher, soit - l'économie privée saura très bien fixer les limites des dépenses - mais proposer un projet non attractif équivaut quasiment à ne rien vouloir faire !
Sur cet aspect technique, je conclurai en précisant que pour gagner le temps proposé par les motionnaires l'introduction du TGV pendulaire, actuellement à l'étude auprès de la SNCF, et l'adaptation concomitante de la ligne existante suffiront largement, malgré le détour de 70 km, à obtenir le même gain de temps pour beaucoup moins d'argent. Nous ne pourrons que souhaiter une amélioration, mais ce sera une affaire franco-française qui tiendra compte de la rentabilité de la SNCF et non pas de Genève...
Sur le plan politique, quel est l'intérêt réel de cette motion qui fait d'ailleurs écho à l'intervention de M. le conseiller national Spielmann auprès de son camarade de parti, nouveau ministre des transports français ? L'intérêt n'est finalement que de déconsidérer la politique du Conseil d'Etat visant le désenclavement ferroviaire de Genève !
M. Jean Spielmann. On n'a vraiment pas besoin de faire ça !
M. Michel Ducret. Prétendre obtenir le même résultat avec des moyens réduits, moins d'un dixième, n'est que de la poudre aux yeux ! Le résultat c'est que Genève sera déconsidérée, tant aux yeux des Suisses dont nous avons besoin dans le cadre du vote des crédits pour les NLFA qu'aux yeux de nos voisins français.
En vérité, c'est une bien mauvaise cause qui n'arrangera que les tenants de la ligne Lausanne/Vallorbe délaissant Genève. Si cela devait arriver, c'est l'opportunité de réaliser enfin un raccordement ferroviaire régional avec la Haute-Savoie qui sera aussi compromise, car, seul, il ne saurait justifier l'investissement que nécessiterait un tel raccordement que ce soit par La Praille/les Eaux-Vives ou par le tracé d'Archamps.
Il est vrai que les motionnaires ne sont pas seuls dans ce sabotage, puisqu'un membre du Conseil d'Etat n'a rien trouvé de mieux que d'emboucher toujours la même trompette depuis le début de ce dossier, pour faire ami-ami avec nos voisins de Savoie : Annecy, Chambéry ou même Grenoble, les villes du fameux Sillon alpin. Si ce dernier est certes envisageable dans l'avenir, sa réalisation est bien loin d'être assurée. Ces voisins du Sud espéraient pourtant se faire payer leur propre TGV par les Suisses sur un tracé si peu rentable que la SNCF a toujours refusé de l'inscrire dans son schéma directeur !
Ils voient dans la liaison TGV Léman/Mont-Blanc une concurrence, ce qui est d'ailleurs une erreur grave, et préfèrent donc que l'on ne fasse rien ou presque. Vous me permettrez la boutade : ce n'est pas la bonne voie !
Le groupe radical réprouvant cette attitude n'est pas enclin à s'engouffrer dans la direction donnée par cet aiguillage. Si cette motion devait tout de même être renvoyée en commission pour entendre pour la dixième fois les mêmes arguments, nous ne pourrons que déplorer le temps et l'argent ainsi perdus. Genève piétine... Notre économie périclite... Aussi, ergoter sur tous les projets quels qu'ils soient n'est certainement pas le meilleur moyen de nous en sortir et d'assurer notre avenir.
Je vous remercie de votre attention.
M. Pierre Ducrest (L). Il y a deux façons de proposer une motion : la première consiste à s'occuper de la majorité des gens pour déposer une motion intelligente; la deuxième est de déposer une motion-tambour en espérant que la résonance portera très loin. Il me semble que c'est la deuxième manière qui a été adoptée par les motionnaires...
Sur le plan technique, M. Spielmann nous dit que les trains tels que les pendulaires vont bientôt faire leur apparition sur les lignes françaises. Rien n'est moins vrai, puisqu'il s'agit de deux systèmes différents : le TGV est un système qui existe depuis longtemps et qui doit être amorti; l'autre système est en voie de gestation. C'est dire que si cette technique était employée, elle n'aurait qu'une durée de vie de quinze ou vingt ans ! (Exclamations.)
La présidente. On écoute M. Ducrest... C'est lui qui a la parole !
M. Pierre Ducrest. Comme le Conseil fédéral a renvoyé sa copie à M. le conseiller national Spielmann qui demandait de l'argent pour ce financement, il est évident que l'Etat de Genève ne va pas mettre un sou dans cette affaire. Je rappelle, à ce propos, les paroles de M. Claude Haegi, interviewé par un journaliste français : l'Etat de Genève ne s'engagerait pas financièrement sur la ligne des Carpates. Ces paroles sèment la confusion.
Sur le plan économique, il est évident qu'un coût de 250 millions pour un gain de 20 minutes n'est rien. Mais il faut se rappeler que 250 millions, Mesdames et Messieurs les députés, c'est exactement l'investissement actuel de l'Etat. Or il s'agit pour l'Etat de rabattre cet investissement dans l'économie genevoise et non dans une économie étrangère; un projet tel que la liaison Genève-Mâcon/Paris ferait gagner plus d'une heure et intéresserait des entreprises genevoises qui se lanceraient dans l'aventure.
Il est évident que la politique française à ce sujet ne va pas changer parce qu'un nouveau gouvernement est en place et que M. Jean-Claude Gayssot est le nouveau ministre des transports français... Ne le croyez pas, Monsieur Spielmann !
C'est la raison pour laquelle il faut déplorer cette motion. Si elle est renvoyée en commission - ce que je n'espère pas - nous pourrons alors en débattre et vous démontrer par a + b qu'elle ne vaut rien !
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Notre objectif en déposant cette proposition de motion n'était pas d'ergoter, mais bien d'aller de l'avant.
Mesdames et Messieurs les députés, je travaille dans une petite et moyenne entreprise et je suis membre du conseil d'administration de l'aéroport. (Exclamations.) C'est à ce double titre que je me sens très intéressée et très préoccupée par les problèmes de développement économique de notre canton et, par conséquent, par les problèmes de liaisons et de transports entre Genève et le reste du monde.
Je suis convaincue qu'un des enjeux très importants pour notre canton, pour son avenir et pour son rôle international, c'est effectivement d'avoir des liaisons efficaces avec le reste du monde.
Un certain nombre d'études menées, en particulier par l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, montrent les liens qu'il peut y avoir entre le développement économique d'une région et le développement des transports : route, air, rail, et que le rail fournit, lui, le potentiel le plus important en terme d'extension.
Vous connaissez les problèmes rencontrés par l'aéroport pour ses liaisons intercontinentales. Quant au rail, Genève est actuellement dans un double cul-de-sac, à la fois pour ce qui concerne le réseau SNCF et le réseau CFF. Malgré cela, les projets de désenclavement ferroviaire de Genève ne progressent pas.
Compte tenu de ces donnes, la motion 1125 a été déposée pour marquer la volonté politique du parlement et, nous l'espérons, du gouvernement tout entier dans la poursuite des projets de transports, en donnant la priorité à des projets réalisables dans des délais rapides.
Je précise qu'en proposant cette motion nous ne nous situons pas dans un processus de mise en accusation ou de dénonciation, mais bien plutôt dans un processus positif. Nous ne renonçons pas au projet Léman/Mont-Blanc, mais nous insérons ce projet dans une vision pragmatique et réalisable à court terme, c'est-à-dire, Monsieur Ducrest, que nous envisageons un projet par étape, la première étant modeste mais immédiate. Il s'agit de la réhabilitation complète de la ligne des Carpates.
Les avantages de notre proposition :
- Le coût - 3 à 400 millions de francs - relativement peu élevé par rapport au gain de temps.
- Le gain de temps : 20 minutes, mais augmenté de 8 minutes avec la mise en service d'un TGV pendulaire; encore augmenté de 10 minutes avec l'accroissement de la vitesse entre Paris et Mâcon. Le gain de temps total pour la proposition qui est faite dans la motion serait de l'ordre de 40 minutes. La liaison, en tout, prendrait 2 h 49 au lieu de 3 h 29, comme c'est le cas actuellement.
En comparaison, la version Mont-Blanc complète coûterait environ 2 milliards et permettrait de gagner un quart d'heure supplémentaire. Cela signifie que par rapport au projet des Carpates le quart d'heure gagné coûterait 100 millions par minute. Franchement, c'est être raisonnables que d'accepter notre proposition.
- Autre avantage non négligeable : la région Rhône-Alpes est favorable à ce projet.
- Enfin, la durée des travaux : deux à trois ans, travaux qui pourraient être entrepris très rapidement. La poursuite avec les lignes nouvelles se fera lorsque l'argent sera disponible et que les problèmes liés au TGV français, notamment la question prioritaire pour la France du Lyon/Turin, seront résolus, ce qui peut prendre encore dix à quinze ans.
En conclusion, je voudrais simplement faire remarquer qu'il manque à la motion l'aspect concertation avec nos partenaires français en raison du fait qu'il fait l'objet d'une pratique actuelle. Sa nécessité est tellement évidente qu'il ne nous a pas paru utile de l'inscrire dans la proposition de motion.
Mesdames et Messieurs les députés, la raison commande de renvoyer cette motion en commission. Suite à ces explications, j'espère que vous le ferez et je vous en remercie d'ores et déjà.
M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais tout d'abord rappeler que la motion dont nous débattons a été déposée le 4 mars 1997, c'est-à-dire deux mois avant les élections françaises et à un moment où vos milieux et tous les médias pensaient que la majorité sortante allait gagner - on ne savait d'ailleurs même pas qu'il allait y avoir des élections, car, dans le cas contraire, je doute que M. Chirac aurait dissous la Chambre.
Autre rappel. Cela fait presque dix ans que l'on parle du projet Genève-Mâcon, projet rendu public à peu près un an avant les élections de 1989 que j'ai qualifié, depuis lors, de «hochet de M. Maitre», puisque c'est lui qui évoquait continuellement ce projet qui relève plus du gadget, à mon avis, que d'autre chose !
Monsieur Ducrest, cela fait maintenant près de dix ans que nous attendons que les investisseurs privés, dont on nous a dit qu'ils étaient très intéressés à réaliser ce projet, se décident et le financent. Cela fait dix ans qu'on nous mène en bateau avec un projet qui coûterait soi-disant 3,5 milliards de francs suisses et dans lequel étaient prévus au départ 36 km de tunnels. Je doute d'ailleurs personnellement qu'un ouvrage de cette importance puisse être réalisé pour cette somme. Mais enfin, même si ce chiffre pouvait être admis - il me paraît tellement sous-estimé qu'il n'est pas crédible - on arriverait, Monsieur Ducrest, à 60 millions par minute gagnée.
Effectivement, il y a dix ans, la SNCF avait suggéré une solution beaucoup plus simple au Conseil d'Etat plutôt que de se lancer dans un projet pharaonique que personne n'avait les moyens de se payer. Cet autre projet coûtait bien meilleur marché et permettait de gagner 20 minutes, ce qui n'est pas négligeable. 250 millions pour gagner 20 minutes cela reste cher, mais cela revient à 10 millions la minute et non à 60, comme continue à le proposer le Conseil d'Etat; et on se rend bien compte qu'il n'a aucune chance d'aboutir.
Si on s'était occupé à l'époque de la solution, certes plus modeste, proposée par la SNCF, elle serait probablement réalisée. Mais c'est toujours la même chose dans cette République : rien n'est assez beau ni assez grand pour Genève, et, finalement, rien n'est fait ! On s'enfonce dans des projets complètement excessifs.
Aujourd'hui, nous attirons l'attention de ce Grand Conseil sur le fait que l'arrêté fédéral adopté par le peuple suisse comporte une somme de plus d'un milliard, en principe destinée à améliorer les liaisons entre la Suisse occidentale et les pays voisins en matière de trains à grande vitesse. Nous pouvons peut-être continuer à attendre et tergiverser, et vous avez raison de dire, Monsieur Ducrest, que cette somme nous échappera. Une fois de plus, nous aurons loupé une occasion. Vu le prix des transversales helvétiques et à force de ne rien décider, il est bien possible la Confédération ne nous verse plus cet argent.
Nous estimons que cette solution beaucoup plus modeste, mais plus réaliste, devrait être examinée prioritairement.
Il y a tout de même des choses étonnantes. La presse a peut-être - c'est bien possible - mal reproduit les propos de M. Ramseyer selon lesquels le projet que nous préconisions en vue de réaliser une voie entre Bellegarde et Nantua, solution dite des Carpates, pourrait être une étape du projet remanié que le département de justice et police et des transports est en train d'étudier, semble-t-il, avec les Français.
Monsieur Ducrest, j'étais comme vous à la séance de la commission des transports de ce Grand Conseil du mois de novembre de l'année dernière. Nous y avons entendu les personnes chargées de l'étude et une plaquette nous a été remise. Que voit-on dans cette plaquette ? Que la liaison Mâcon/Genève, telle qu'envisagée par le Conseil d'Etat, passe précisément dans cette vallée reliant Bellegarde à Nantua et que la première étape serait la réalisation de cette ligne Bellegarde/Nantua. Alors, je dois bien dire que les bras m'en tombent aujourd'hui d'entendre que cette solution qui fait l'objet de notre motion serait en conflit avec la liaison Mâcon/Genève, alors que c'est la première étape... (L'orateur est interpellé par M. Ducrest.) Bien sûr que c'est une question de financement, Monsieur Ducrest !
En entendant vos propos, Monsieur Ducret, on se retrouve en plein délire, car vous descendez en flammes ce qu'on nous a proposé en commission des transports, il y a huit mois. Je ne sais pas si vous étiez absent ou si vous êtes frappé d'amnésie, mais je vous prêterai volontiers la plaquette remise par M. Ramseyer à cette occasion.
Il est cocasse - vous avez raison de le dire - que le Conseil d'Etat s'entre-déchire publiquement. Je souris, car à l'époque où j'étais au Conseil d'Etat, si j'avais osé faire le dixième de la remarque de M. Haegi, j'aurais eu droit à une manchette : «Grave violation de la collégialité du Conseil d'Etat !». Que n'aurait-on dit ! Il paraît que les choses ne fonctionnaient pas bien en raison, précisément, de ce manque de collégialité. Et, tout d'un coup, M. Ramseyer dit que c'est un simple couac de fonctionnement de ce Conseil d'Etat monocolore. Cela vaut vraiment la peine de lire la presse pour voir comment fonctionne le Conseil d'Etat.
Alors, que le Conseil d'Etat nous dise s'il est favorable à la liaison Genève-Mâcon ! Est-il favorable au Sillon alpin que M. Ducret, radical, descend en flammes ? Je me souviens que deux éminents anciens collègues du Conseil d'Etat, M. Ducret - un autre Ducret - et M. Wellhauser, nous avaient mis en garde s'agissant des intentions françaises, car vu la bonne liaison de Genève avec Paris déjà existante, les Français désiraient améliorer les liaisons vers le Sud.
Monsieur Ducret, aujourd'hui vous avez l'air d'être inspiré uniquement par la ville-phare de la France, mais il est vrai que Genève est mal desservie vers le Sud. Je ne sais pas du tout si le Sillon alpin est réalisable ou pas, mais je sais que la France a fixé une priorité par rapport à la ligne Lyon/Turin - vous le savez aussi bien que moi. Nous devons arrêter de bercer la population avec des illusions et de lui faire croire que des projets mégalomanes, surdimensionnés, seront payés soit par la Confédération, soit par la France, soit par des milieux privés dont on ne sait toujours pas ce qu'ils sont prêts à faire.
Par contre, nous savons que le peuple suisse a voté un arrêté admettant une somme de plus d'un milliard pour favoriser nos relations avec la France. Un gain de 20 minutes pour un investissement de 250 millions n'est pas négligeable, je le répète. C'est en tout cas bien préférable à un investissement - on en parle en ce moment - pour une liaison Archamps/La Praille qui ne nous ferait pas gagner une minute et qui coûterait le double.
M. Jean-Claude Genecand (PDC). En principe, pour conclure un accord il faut être deux. Je ne vois pas comment l'autorité d'un pays peut dicter à un autre pays la politique de transport qu'il doit conduire. La liberté des Français n'est pas à vendre. Votre impertinence à parler d'argent pour influencer la décision allant dans le sens de vos voeux me fait penser au bailliage dont la Suisse s'est défaite de haute lutte...
Si votre invite demandait l'ouverture de négociations avec la France, respectivement avec la SNCF, en vue d'améliorer le tronçon Genève-Mâcon, je pourrais comprendre le sens de votre intervention. Mais, manifestement, le libellé de votre demande met tout le poids de la décision du côté de la Suisse et ignore ce que pensent nos interlocuteurs français.
Cela dit, dans le contexte actuel, je suis perplexe quant à une amélioration du tronçon Genève-Mâcon quel que soit le tracé, car manifestement la France n'est pas prête à investir par les temps qui courent. Cela a été confirmé par les propos de l'ancien ministre-délégué aux affaires européennes, M. Michel Barnier, qui ne laisse subsister aucune équivoque à ce sujet.
Cependant, nous ne nous opposerons pas au renvoi de cette motion à la commission des transports.
M. Andreas Saurer (Ve). Je tiens à rappeler que notre motion propose une amélioration de la ligne des Carpates. Si on n'améliore que cette ligne, il est vrai, le résultat sera relativement modeste. En revanche, si l'on y ajoute les améliorations apportées par l'utilisation des technologies modernes avec les pendulaires et en augmentant la vitesse entre Mâcon et Paris, on atteint un gain de temps substantiel; nous passerions d'environ trois heures et demie à deux heures trois quarts. Une telle amélioration permettrait indiscutablement un transfert modal.
Monsieur Genecand, vous disiez tout à l'heure que nous ne pouvions pas imposer notre point de vue à la France. Je suis tout à fait d'accord ! Mais permettez-moi de vous lire un petit extrait de la résolution du Conseil du Léman - composé de représentants français - datant du 13 mai 1997, donc relativement récente. Ce conseil demande dans un premier temps que : «...l'amélioration de la ligne des Carpates soit examinée le plus rapidement possible en intégrant la technologie pendulaire.» C'est le Conseil du Léman qui fait cette proposition ! Notre motion s'intègre donc parfaitement dans le raisonnement de nos collègues français.
S'agissant du projet de TGV Mont-Blanc qui coûte 3 à 4 milliards, vous dites que vous pouvez obtenir des investissements privés. C'est possible, mais, comme le disait à juste titre M. Grobet, voilà dix ans que cela traîne. (L'orateur est interpellé par M. Genecand.) Exactement, Monsieur Genecand, cet investissement de 3 milliards engendrerait un amortissement de 250 à 300 millions par année. Alors, évidemment, les frais de fonctionnement - si on ne tient compte que de ces frais - seraient certainement équilibrés, voire légèrement bénéficiaires, mais jamais - ô grand jamais ! - le fonctionnement ne permettrait de dégager 250 ou 300 millions chaque année pour permettre l'amortissement des investissements privés.
C'est là que réside le problème ! Voilà pourquoi ces investisseurs privés ne sont pas prêts à «marcher». Ils veulent bien «marcher» à condition que l'Etat garantisse le déficit. Finalement, que ce soit des fonds privés ou publics la situation est la même. Aussi magnifique que soit le TGV Mont-Blanc sur le papier, c'est une chimère, une illusion, une vue de l'esprit ! Si nous ne voulons rien faire, continuons à courir après de tels projets, très beaux mais irréalisables !
Vous avez pu le voir avec la traversée de la rade; vous le verrez très probablement avec la fusion des établissements hospitaliers : on met toujours en avant des mégaprojets, ce qui est le meilleur moyen pour tout faire capoter l'idée. C'est exactement la même chose avec le TGV Mont-Blanc.
Je vous demande donc instamment de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, au nom du réalisme et d'une politique des petits pas.
M. Jean Spielmann (AdG). Pour faire suite aux diverses interventions, je tiens à remettre les choses à leur place.
Monsieur Genecand, ce n'est pas nous, par le biais de notre motion, qui avons l'intention de nous ingérer pour décider ce que les Français devraient ou voudraient faire. Au contraire, voilà dix ans qu'ils souhaitent faire ces aménagements et dix ans que nous ne voulons pas les entendre et que nous proposons d'autres variantes.
Je tiens d'ailleurs toute une série de procès-verbaux à votre disposition. Il ne s'agit pas, comme vous l'avez dit, Monsieur Ducrest, d'espérer un changement de majorité pour changer la politique. Il y a dix ans, on discutait déjà de ces dossiers. Les Français, sceptiques sur le financement et la position de la Suisse par rapport à ce qui allait se faire, posaient des questions. Lors d'un entretien à Paris, le 8 juillet 1996, M. Ramseyer a remis au responsable des transports, M. Bernard Pons - c'est du reste protocolé - une lettre du Conseil d'Etat l'informant que le gouvernement genevois a décidé, dans l'attente d'une décision finale de l'autorité fédérale, de proposer au parlement genevois un projet de loi accordant la part de garantie incombant à la Suisse.
Je ne sais pas si le Conseil d'Etat a prévu cela dans son budget et comment cette lettre a été remise à M. Pons. En tout cas, cette garantie est au minimum de 500 millions de francs. Alors, j'attends de savoir qui dit n'importe quoi au niveau du financement et avance des éléments qui ne sont même pas crédibles à l'extérieur. Je comprends que les Français aient été quelque peu sceptiques en constatant que le gouvernement genevois proposait de garantir ce financement si la Confédération ne le faisait pas.
Vous qui me faites face, êtes-vous prêts à investir 500 millions de francs du gouvernement genevois pour garantir la construction d'une liaison de 3,5 milliards, avec un tunnel de 36 km, alors qu'on sait la construction sous-évaluée, les coûts de rentabilité - d'après des rapports français et des études technologiques actuelles - pas raisonnables et qu'il y a d'autres perspectives et possibilités de réaliser une liaison dans le même secteur, sur le même tronçon, en faisant des économies sensibles de temps ?
Les statistiques établissent effectivement que 80% des voyageurs arrivant sur Genève repartent sur la France en direction de Paris; 20% seulement vont en direction du Sud. Mais vous ne pouvez pas oublier non plus que si l'on améliore cette ligne, le tracé vers le Sud sera aussi réduit de 70 km, puisque ce tracé passe par Lyon; il fera donc gagner un temps considérable. Ce gain de temps n'interviendra pas seulement pour aller à Paris ou vers le Sud mais pour l'ensemble de la région, ce qui me semble tout de même un élément suffisamment intéressant pour que nous puissions au moins en discuter.
Ma dernière observation s'adresse à M. Ducret qui disait que la technologie pendulaire serait utilisée dans une quinzaine d'années. Mais, Monsieur Ducret, allez à Cornavin ! Regardez le Pendolino qui utilise cette technique depuis quelques années ! Prenez-le et voyagez en direction du Sud et vous constaterez vous-même le temps considérable qu'il fait gagner, en utilisant les mêmes tracés que les trains normaux ! Le TGV n'est pas prévu pour utiliser cette technologie pendulaire, il ne peut donc pas gagner ce temps.
Lisez les rapports faits en France et évoquant l'impossibilité de continuer à faire de grands axes en lignes droites pour les TGV ! Une des analyses conclut qu'il faut mener une réflexion pour combiner le train à haute vitesse et le pendulaire. D'ailleurs, il n'y a pas qu'en Allemagne avec Mercedes que les choses évoluent. En France aussi, dans le domaine de la construction de matériel ferroviaire, les choses vont aller vite, très vite. Je suis tout de même étonné que vous ne soyez même pas capable de comprendre ce qui se passe dans le domaine du rail aujourd'hui en ramenant des théories tout à fait dépassées, que tout le monde considère comme irréalisables.
Simple question : renvoie-t-on cette motion en commission pour en débattre ? Je rappelle qu'au niveau fédéral la commission et le Conseil national ont changé le libellé de l'article 7 en biffant les TGV et en mettant à la place les trains à haute performance, pour bien montrer l'intérêt de la Suisse à utiliser la technologie pendulaire. Au moment de l'ouverture des infrastructures ferroviaires à l'ensemble des trains européens, la Suisse ne doit pas être isolée des grands axes européens. Il serait donc intelligent et judicieux de faire vite pour que la Suisse ne bloque pas son potentiel de trafic extérieur. Il me paraît peu réaliste de vouloir imposer à nos amis français un tunnel de 36 km pour réaliser la liaison Genève-Mâcon avec un budget de 3 milliards. Refaites les calculs et prenez conscience que ce projet ne sera pas réalisable avant vingt ou trente ans; que vous n'en avez ni le financement ni les moyens techniques !
Enfin, il a été dit que la Suisse n'allait pas financer à l'extérieur. C'est faux : 1,2 milliard de francs pour les liaisons avec la Suisse occidentale, dans la région de Bâle, du Jura et de Genève pour les liaisons internationales ! Il est prévu - la Suisse l'a déjà fait auparavant - d'aller préparer des infrastructures, y compris à l'extérieur du pays, pour favoriser les liaisons de l'Allemagne, de l'Italie et de la France vers la Suisse, afin de développer notre réseau de chemins de fer. S'il n'est pas de l'intérêt des pays voisins de financer la totalité de ces projets, il serait peut-être intelligent de les aider à réaliser ces liaisons dont nous avons tant besoin. En effet, nous ne pourrons pas continuer à vivre en Suisse, toutes fenêtres fermées, alors que notre avenir se joue à l'extérieur. C'est aussi un pari d'ouverture, un pari d'échanges pour être présents au moment où la politique des transports sera mise en oeuvre. Si vous continuez à vous accrocher à votre projet, je prétends, moi, que vous faites fausse route et que rien ne pourra être réalisé.
Pensant que ce n'est pas votre objectif, je vous propose de renvoyer cette motion en commission pour en débattre concrètement.
M. Pierre Meyll (AdG). Au cours du déplacement de la commission régionale à Chambéry, nous avons eu un échange intéressant avec le Conseil général et son président M. Michel Barnier, ancien ministre. Il serait bon, entre parenthèses, que ces échanges soient plus fréquents, pour nous permettre de mieux apprécier les efforts qui sont faits de part et d'autre de la frontière pour améliorer les relations régionales.
Mme Passaplan a posé une excellente question à M. Barnier et a fait remarquer les difficultés rencontrées dans certaines liaisons ferroviaires, notamment entre Genève et Chambéry - il faut un peu plus d'une heure pour arriver à Chambéry en voiture, alors qu'en train il faut presque un jour... M. Barnier a répondu qu'effectivement les liaisons régionales n'étaient pas convenables. Pour l'instant, la seule priorité était la liaison Lyon/Turin et, évidemment, le développement des liaisons ferroviaires régionales était important pour les Chambériens également. Il a expliqué que plus de la moitié des passagers utilisant la voie des airs se partagent entre Satolas et Cointrin. Ces personnes sont donc obligées de se rendre à Genève en voiture, ce qui pose des problèmes. De ce fait, elles doivent, parfois à contrecoeur, choisir Satolas. Il a également évoqué la complémentarité entre les deux aéroports et la possibilité d'avoir une liaison bien meilleure entre Genève et Lyon.
Tous ces faits nous font penser que si jusqu'à présent seule la liaison Genève-Mâcon a été avancée - dans un désir probable de grandeur - il faut admettre que la ligne des Carpates a également été mise en avant par le Conseil général de la Savoie; il a été fait état des possibilités d'utiliser des techniques modernes de transports ferroviaires permettant d'avoir des lignes qui ne sont pas forcément rectilignes, comme c'est obligatoire pour le TGV; et, en conclusion, il a été dit que la perspective de ces liaisons réalisables à moindres frais devait être envisagée, elles rendent service à la région et permettent également de s'ouvrir plus largement au niveau international.
Je trouve donc tout à fait normal que cette motion, telle qu'elle est présentée, si elle ne devait pas être renvoyée directement au Conseil d'Etat, soit au moins renvoyée en commission pour y être discutée, peut-être améliorée - avec des renseignements plus précis de la part de la région française - afin de savoir à quel train nous devons nous accrocher !
M. John Dupraz (R). Je ne suis pas un spécialiste des questions de transports, mais je dois dire que la bisbille du Conseil d'Etat concernant le TGV commence légèrement à m'agacer. Nous devons nous rendre compte des réalités politiques, économiques et financières, auxquelles nous ne pouvons pas nous soustraire.
Il est illusoire de croire, vu la situation financière de la Confédération, que la Suisse puisse s'engager dans des dépenses somptueuses pour réaliser un tunnel situé hors de notre territoire, entre Genève et Mâcon. Pour moi, la liaison Genève-Mâcon est une illusion, et c'est une erreur de vouloir s'accrocher à ce projet. C'est une erreur d'autant plus grande et inadéquate que ce sont les Français qui décideront de ce qu'ils veulent faire sur leur territoire. Vous ne trouverez jamais le financement pour une telle réalisation; vous parlez d'un financement privé - mais j'attends qu'on me montre le premier sou - et du complément que la Confédération versera...
Comme l'a rappelé notre collègue, M. Spielmann, les Chambres fédérales ont sensiblement modifié le projet de loi concernant ces raccordements avec l'étranger. Il est donc vain d'imaginer que l'on va pouvoir réaliser la liaison Genève-Mâcon. C'est inutile; c'est une vue de l'esprit ! Je regrette que l'on s'enferre à vouloir réaliser ce projet, pour des raisons financières, pour des raisons techniques et pour des raisons politiques.
Vous me direz que nous avons laissé la porte ouverte au niveau fédéral. Les Français ont donné dernièrement une conférence de presse. Il y a été dit qu'il faudrait peut-être examiner le dossier du Sillon alpin et reconsidérer la liaison Genève-Mâcon sous d'autres angles.
La sagesse voudrait, que l'on soit d'accord ou non avec la motion, qu'on la renvoie en commission en souhaitant que ce Grand Conseil et le Conseil d'Etat se mettent enfin d'accord sur des options claires et raisonnables - j'insiste sur ce mot, car je regrette de vous le dire aussi ouvertement, Monsieur Ramseyer, le «Genève-Mâcon» est mort-né il y a dix ans !
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Comment ne pas voir que Genève, sur le plan ferroviaire, est un cul-de-sac et que les voies naturelles pour sortir de Genève ne sont pas légion ? Il y a les rives du lac, la vallée de l'Arve qui ne mène nulle part et, après avoir passé la frontière française, les rives du Rhône; mais la voie la plus rapide, la plus courte et la plus naturelle est la cluse de Nantua qui s'ouvre sur la plaine de France. Et il y a un Sillon alpin qui va de Chambéry à Annecy, point à la ligne.
Sur le plan ferroviaire, 80% de la clientèle suisse/haut-savoyarde veut aller à Paris. Par conséquent, nous lui imposons, avec un système moyenâgeux, un détour de 70 km par Culoz pour rejoindre, d'une part, la plaine de France via Bourg-en-Bresse et, d'autre part, l'axe Paris/Marseille en passant par Lyon.
Le projet de TGV Genève/Léman - c'est l'appellation de la ligne Genève-Mâcon - économise ce détour et met Paris en version longue à 2 h 27 de Genève. Il offre une alternative économique et écologique intéressante, parce que c'est le seul moyen de provoquer un transfert modal de l'avion sur le rail. Pour que ce transfert modal rende la ligne suffisamment rentable, il faut que celle-ci soit intéressante s'agissant de la durée de parcours sur Paris.
Le dossier des privés a été transmis et à Berne et à Paris - je l'ai fait moi-même. Il a été bien accueilli. Dans un premier temps, le ministre de l'époque, M. Bernard Pons, avant même que la SNCF n'accepte le système européen de dissocier l'exploitation de l'infrastructure, le trouvait effectivement trop novateur. C'était aussi l'avis de M. le président du Sénat, M. Monory. Puis la SNCF est entrée dans cette logique de séparation de l'infrastructure et de l'exploitation et, alors, le projet suisse a pris du poids.
L'intérêt de ce projet n'est pas seulement genevois, il est haut-savoyard. Je rappelle ici que le département de Haute-Savoie est le premier département touristique de France. C'est également l'intérêt du département de l'Ain, mais c'est aussi l'intérêt de la région lyonnaise et de l'Arc méditerranéen, parce que de Genève à Marseille en passant par Mâcon, on gagne aussi du temps sur le parcours. La déclaration faite par M. Chirac, lorsqu'il est venu à Genève, ne disait pas autre chose : une nouvelle ouverture de la Suisse sur la France est nécessaire pour des raisons touristiques, économiques et scientifiques.
S'il y a un département qui n'est pas intéressé prioritairement par le «Genève-Mâcon», c'est le département de la Savoie d'où est originaire M. l'ancien ministre Barnier que je respecte infiniment et que je considère comme un homme d'Etat remarquable. Pourquoi la Savoie n'est-elle pas prioritairement intéressée par le «Genève-Mâcon» ? Parce que son intérêt est d'attirer la clientèle suisse sur Chambéry et sur le «Lyon/Turin», un projet également énorme qui a actuellement du plomb dans l'aile au niveau français.
Le titre d'un journal de la presse locale : «Le mythe s'effondre !» ne concernait pas les projets du TGV in globo, mais le fait que les régions de Savoie et de Haute-Savoie constatent maintenant que le Sillon alpin ne se fera pas avant très longtemps.
C'est la raison pour laquelle, hier soir, le représentant du département de Haute-Savoie, M. Pascal, confirmait devant cinq témoins français et cinq témoins suisses que la Haute-Savoie, comprenant que le projet de TGV du Sillon alpin ne se ferait pas rapidement, a décidé, avec réalisme, d'étudier l'alimentation du département et par le Nord et par le Sud. Or le Nord, c'est Genève sur Annecy : le tortillard qui tourne autour du Salève par La Roche-sur-Foron. Voilà ce qui a été dit.
Mais pour bien vous prouver que, contrairement à ce qui a pu être écrit, il y a un appui total du département de Haute-Savoie sur une ligne qui passe par la cluse de Nantua, je vous livre cette information :
Hier soir, lors de la signature de l'accord sur le métro léger, à la demande expresse du département de Haute-Savoie et de la région - je rends ici hommage à M. Haegi qui s'est intéressé à cette négociation... (Exclamations.) ...et qui nous a fermement aidés - il est d'ailleurs vain de penser pouvoir nous opposer sur la base d'un article de presse - un amendement a été introduit garantissant l'appui total du département savoyard et demandant en particulier que la gare d'Annemasse, et pas une autre, soit considérée comme gare TGV pour la ligne passant par Nantua.
Je vais vous expliquer pourquoi je considère cette motion comme particulièrement dangereuse.
D'abord, Mesdames et Messieurs, j'observe que ce soir les mêmes milieux proposent trois motions nous invitant tout à coup à changer de cap sous prétexte que l'on pourrait faire différemment... C'est peut-être la mode de changer de cap, mais je prétends que c'est dangereux ! Pourquoi ? Les 15 ou 20 minutes que l'on pourrait «gratter» sur le trajet Genève/Paris n'engendreront aucun transfert modal, aucune augmentation de rentabilité, ou très peu. Cette décision sera franco-française. Comme quelqu'un l'a déjà dit, la France est souveraine en la matière et le poids helvétique sera totalement nul.
En 1992, le peuple suisse s'est prononcé pour une ouverture de Genève sur la France - ouverture de la Suisse occidentale - et nous sommes liés par cet arrêté. Cette décision a été plébiscitée à Genève : 80% des Genevois ont voté dans ce sens. Que M. Dupraz soit content ou pas, il doit s'incliner comme moi devant la décision du peuple !
Le seul élément moteur dans cette affaire - ça l'était et ça l'est toujours - ce sont des privés prêts à investir. Mais qu'ont-ils fait ? Des études en 1990 et, comme nous sommes en 1997, ils demandent qu'elles soient réactualisées. Pour ce faire il faut des fonds. C'est de ces fonds dont le canton de Genève s'est porté garant, Monsieur Spielmann, et pas du tout de la ligne ! Nous sommes d'accord de financer l'étude qui réactualise les études effectuées en 1990. Le dossier n'est pas bloqué à Paris, mais à Berne, chez M. Leuenberger, qui vous a répondu le 2 juin en donnant d'ailleurs toutes sortes d'éléments de réponses à votre propre intervention. Je ne les répéterai donc pas ici. M. Leuenberger a refusé de dépenser ne serait-ce que quelques centaines de milliers de francs pour réactualiser ces études, expliquant que cela faisait partie du paquet des transversales alpines et qu'il fallait attendre le résultat des votations pour décider. Je lui ai dit et écrit qu'à mon avis c'était une erreur politique. En effet, si le peuple suisse est favorable aux transversales alpines, ces études seront donc effectuées, et nous aurons perdu deux ans. Dans le cas contraire, on reprendra en tant que tel le dossier TGV et nous aurons quand même perdu deux ans. Pour ma part, j'aurais osé espérer que les choses aillent plus vite.
Je le répète, et cela n'a rien à voir avec M. Gayssot ni avec M. Pons : c'est à Berne que le dossier est bloqué.
La volonté politique genevoise est fidèle au vote du peuple genevois : ouverture de la Suisse occidentale sur la France, ouverture sur le réseau européen à grande vitesse. Cette ouverture, Mesdames et Messieurs, est vitale. Depuis 1946, les gouvernements qui se sont succédé ont toujours relevé cette évidence : il faut prendre un virage en matière ferroviaire. Ce virage, nous ne le prenons pas : ce n'est pas avec cette motion que nous prenons l'élan nécessaire.
Je conclurai ainsi. Dans votre texte, Mesdames et Messieurs les motionnaires, vous confondez prestige et ambition. Si votre ambition est de gagner 15 à 20 minutes sur le trajet Genève/Paris, c'est une chose... La nôtre est d'ouvrir Genève sur un réseau européen à grande vitesse; c'est autre chose : c'est la mission donnée par le peuple !
A mon avis, le refus de cette motion repose sur deux raisons :
- elle ne répond pas aux besoins genevois, et donc pas aux besoins exprimés par le peuple suisse;
- deuxièmement, et c'est pire, elle affaiblit la position genevoise par rapport aux Français.
Je remarque simplement que M. Spielmann a des relations personnelles avec M. le ministre Gayssot auquel j'ai demandé une entrevue. J'espère, Monsieur le député, que vous permettrez à ce gouvernement de faire progresser ce dossier - de même pour ceux qui suivront, parce que ce n'est pas demain la veille que les choses se décanteront - en mettant vos connaissances et vos relations à son service. Mais, de grâce, cessez de proposer des changements de cap : c'est nul, c'est non avenu et ça freine les choses ! Ce dossier a pris du mouvement et de l'épaisseur mais il se heurte à l'immobilisme bernois; ce dossier doit avancer, et je n'ai vraiment pas envie de le rouvrir toutes les semaines en commission !
M. Max Schneider (Ve). Je me permets d'intervenir, car M. Ramseyer indique à tort que ce dossier est bloqué à Berne et non en France.
Je tiens tout d'abord à remercier M. Barnier, représentant de la Savoie, pour son invitation à aller entendre la position de nos voisins français à ce sujet. Nous y avons appris des choses très intéressantes.
Malheureusement, c'est dans ce Grand Conseil que l'on peut constater un déficit démocratique. En effet, notre Grand Conseil a eu de la peine à avoir connaissance des interventions de M. Ramseyer qui datent de la fin de l'année dernière - du 28 novembre 1996, sauf erreur. C'est là que se niche ce déficit démocratique qui n'est plus soutenable. J'espère qu'à la prochaine législature des députés seront représentés au Comité régional franco-genevois et que le conseiller d'Etat et un haut fonctionnaire ne seront plus les seuls à représenter Genève, même si nous leur faisons confiance. C'est fondamental. En effet, si des députés, un représentant par parti, suivent ces dossiers, cela évitera de faire les débats en plénière. Il serait tout de même plus judicieux que ces débats aient lieu en commission, notamment en commission des affaires régionales franco-genevoises. Ce sera le défi pour les députés de la prochaine législature.
M. Louis Besson, conseiller général et maire de Chambéry, vous a déjà posé les mêmes questions que nous, Monsieur Ramseyer ! D'où viennent ces fonds ? Comment sera assurée la rémunération - je cite M. Besson - des capitaux privés, alors que le taux de rentabilité de la ligne est de 50% inférieur à ce qu'il faudrait pour équilibrer les comptes d'exploitation ? Les Français se posent ces questions. Cela explique également le blocage de ce dossier. Vous avez promis, au nom de Genève, 20 millions pour réactualiser les études, mais cela n'a pas suffit à rassurer nos amis et voisins français. Tout cela concerne la Savoie.
Mais maintenant nous allons parler de l'Ain, car c'est le département concerné par ce projet. Et dans cette affaire ce n'est pas Berne qui bloquera. Des maires de l'Ain, tenus à l'écart, manifesteront leur opposition le jour où vous voudrez tirer une ligne sur leur commune. Je peux déjà vous le garantir. En 1993, nous avons eu une réunion informelle avec le Conseil régional pour savoir quelle était sa position sur le nouveau tracé proposé en son temps par M. Maitre. En effet, M. Maitre signait aussi des résolutions au Conseil du Léman, puis vous y êtes allé et maintenant c'est M. Haegi qui s'y rend. Il faut savoir que les Français prennent au sérieux toutes ces résolutions, et le Conseil régional de Lyon - cela figure dans le p.-v. de la dernière réunion du 28 novembre 1996 - n'est pas favorable à la ligne directe Genève-Mâcon mais bien à la ligne des Carpates.
Lors de notre réunion à Chambéry, il y a une semaine, Mme Passaplan a demandé pourquoi il fallait deux jours pour aller en train à Chambéry alors qu'une heure en voiture suffit. C'est pourquoi, à mon avis, le Conseil d'Etat devrait s'atteler non pas à des projets grandioses concernant de longs trajets mais à des lignes régionales. Nous souhaitons - nous l'avons répété à plusieurs reprises lors de la législature précédente et celle en cours - avoir des liaisons rapides entre Genève et Chambéry. Le trajet Lyon/Lille prend 3 heures; Lyon/Bruxelles, 4 heures et Genève/Lyon, 2 heures. Cela n'est pas normal : nous devons agir en cohérence avec nos amis français.
Monsieur le président Ramseyer, je voulais vous rendre attentif au fait qu'en maintenant votre ligne Genève-Mâcon en passant par les communes vous rencontrerez de fortes oppositions de leurs représentants.
M. René Longet (S). En tant que motionnaire, je tiens à dire deux mots à M. Ramseyer.
Vous nous dites que cela ne vaut pas la peine de gagner un quart d'heure pour 300 millions. Mais il ne faut pas oublier les nouveaux véhicules dont a parlé M. Spielmann. On peut le voir à la gare de Genève : le Pendolino existe, il roule et nous fait gagner du temps sur le trajet Genève-Milan. Pour vous, cela reste ringard tant que nous ne sommes pas connectés correctement avec Paris... Le fait de gagner un quart d'heure pour un coût de 3 milliards vous semble essentiel... Monsieur Ramseyer, si c'est ça votre avis, nous n'y arriverons jamais ! Notre idée n'est pas du tout de contrer le passage par Mâcon, au contraire, c'est d'y mettre le pied, pas à pas. Dans un tel dossier, le mieux est vraiment l'ennemi du bien. Alors, si voulez le «tout ou rien», Monsieur Ramseyer et ceux qui sont du même avis, vous n'aurez rien ! Si vous voulez tout, tout de suite, il faudra des années avant de trouver le financement.
La seule solution pour aller de l'avant dans cette affaire, c'est d'y aller progressivement en réhabilitant une ligne déjà existante. Cela fait gagner environ 20 minutes pour un coût raisonnable en utilisant des véhicules modernes. Nous ne renonçons pas pour autant à envisager un autre projet à l'avenir; au contraire, un jalon aura déjà été placé, nous verrons quelque chose bouger, ce qui est mieux que rien.
Monsieur Ramseyer, cela fait dix ans - tout est une question de financement - que plusieurs conseillers d'Etat, M. Maitre a également été en charge du dossier, nous parlent de financements privés : les financiers se presseraient au portillon et seraient intéressés. Pourtant, je n'ai jamais pu obtenir le moindre renseignement sur un éventuel nom, ni de votre part ni des responsables de la Chambre de commerce. On a parlé de «mythe» : moi j'appelle ça une chimère ! Et j'estime que le vrai danger c'est justement de s'accrocher aux chimères. Vous dites, Monsieur Ramseyer, que notre motion est dangereuse... Je vous dis qu'un certain aveuglement - sans parler de la division au sein du Conseil d'Etat - est réellement beaucoup plus dangereux !
Nous sommes contre le «tout ou rien». Nous voulons faire vite et bien ce que nous pouvons faire. Ce soir, renvoyons cette motion en commission pour clarifier le débat ! Prenons une option sur la réhabilitation d'une ligne pour montrer que Genève est prête à aller de l'avant dans ce dossier !
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je vais poser une question à M. Schneider, mais il est dispensé de me répondre...
Pour quelle raison voudriez-vous, Monsieur le député, qu'il y ait des oppositions sur une ligne TGV utilisant le parcours d'une ligne SNCF existante, et pourquoi n'y en aurait-il pas si, sur cette même ligne, passent des trains autres que des TGV ? Je ne crois purement et simplement pas à une opposition des communes concernées ! En effet, la ligne TGV Genève-Mâcon emploie un fuseau SNCF existant; ces communes se sont exprimées dans leur région et l'appui maximum français vient précisément de cette région. Je crois donc que nous pouvons ne pas nous attarder sur ce point.
Mais pourquoi voulez-vous que les Genevois aillent à Chambéry, alors que 80% d'entre eux veulent - c'est clair - aller à Paris ? (Exclamations.) Ce n'est quand même pas ma faute si l'axe scientifique, diplomatique et économique est l'axe Genève/Paris/Bruxelles/Londres ! Personne ne va à Chambéry... Alors pour quelle raison voulez-vous absolument développer une liaison sur Chambéry ? Si les gens préfèrent aller à Paris, c'est leur droit !
Monsieur Longet, le dossier des privés a été transmis à Berne et à Paris, et il y a été examiné. Les privés ont simplement dit qu'ils ne pouvaient pas affirmer le maintien de leur offre tant que l'étude n'était pas réactualisée. C'est là que réside le problème. J'aurais été ravi qu'ils obtiennent cette réactualisation, mais le Conseil fédéral a répondu à M. Spielmann que la réactualisation des études avait été intégrée dans une discussion et qu'un groupe franco-suisse y travaillait, groupe que nous avons réanimé ici, à Bellevue, en 1994. Mais les choses progressent trop lentement.
Monsieur Longet, je conclurai comme suit. J'aimerais vous faire remarquer respectueusement que votre groupe ne dit pas la même chose que les motionnaires ni que M. Spielmann. Vous dites en parlant de la ligne des Carpates - la ligne des Carpates est sur le parcours Genève-Mâcon - que vous êtes d'accord, mais en y allant pas à pas. Si votre propos, mais cela ne ressort pas de votre texte, consiste à dire qu'il faut réaliser en priorité un tronçon «Carpates» permettant ensuite de faire progresser le projet global correspondant aux voeux de la population, je peux être d'accord avec cette motion. Mais je ne le suis pas si le but de cette motion consiste à se contenter de gagner 15 minutes sur le trajet Genève-Mâcon, car ce serait un enterrement de première classe de l'ouverture de Genève sur la France.
Si vous, les motionnaires, n'êtes pas d'accord entre vous, commencez par essayer de l'être ! Pour l'instant, je constate que votre demande contient un but en soi et que ce but est politiquement faux. Elle pourrait, à la limite, être prise en considération si elle est une étape dans un projet global qui s'appelle «TGV Léman/Mont-Blanc».
M. Christian Grobet (AdG). Vous pensez bien... (L'orateur est interpellé par M. Vaucher.) Oh, Monsieur Vaucher, je sais que vous passez votre temps à interrompre les autres, mais le débat parlementaire... (La présidente agite la cloche.) ...est quand même à un autre niveau que vos grognements !
Je ne peux pourtant pas laisser passer les propos tenus par M. Ramseyer qui tente de faire croire que les motionnaires seraient divisés, alors qu'en fait c'est le Conseil d'Etat qui a donné l'illustration d'une division la plus totale dans l'opinion publique... Mais à la limite ce sont vos affaires, et cette division ne nous étonne pas !
Monsieur Ramseyer, je tiens à préciser que la motion dont nous discutons ce soir a bel et bien été rédigée par l'ensemble de ses auteurs représentant trois composantes de ce Grand Conseil et que nous sommes parfaitement unis... (Manifestation.) ...sur cette question-là en tout cas, ne vous en déplaise, Monsieur Blanc ! Notre discours est très simple : nous demandons aujourd'hui que l'on examine la possibilité de réaliser ce que les Français ont recommandé il y a dix ans, c'est-à-dire un tronçon de TGV entre Bellegarde et Nantua - qui figure du reste dans votre projet. Ce projet est tout à fait réaliste; il ne coûte pas 3,5 milliards, prix totalement sous-estimé du projet complet, mais seulement le dixième de cette somme.
Le but de notre motion, Monsieur Ramseyer, n'est pas de réaliser le tronçon des Carpates et ne rien faire d'autre. Je ne sais pas où vous avez pu lire une telle affirmation dans la motion. (L'orateur est interpellé par M. Ramseyer.) Nous n'avons pas dit cela, Monsieur Ramseyer ! Nous avons dit qu'aujourd'hui il faut arrêter de bercer la population avec des illusions; arrêter de prétendre que c'est la faute des autres, parce que M. Leuenberger aurait soi-disant bloqué ce dossier, alors que nous faisons du surplace depuis dix ans.
Nous disons simplement qu'il existe une possibilité éventuelle de bénéficier de l'aide de la Confédération pour un montant limité, afin d'améliorer la desserte Genève/Paris. Nous demandons que cette question soit étudiée sérieusement et qu'on arrête de nous mener en bateau. Et nous n'avons en tout cas pas exclu d'autres améliorations dans le futur. Alors, Monsieur Ramseyer, arrêtez de reporter la faute sur les autres ! Arrêtez d'entretenir des illusions ! Soyez réaliste ! En général, vous êtes un homme de terrain, alors acceptez que cette motion soit renvoyée en commission ! (L'orateur est interpellé par M. Ramseyer.) On peut modifier le texte, Monsieur Ramseyer ! (Commentaires et exclamations.) Ne faites pas d'obstruction inutile !
La présidente. Nous allons tout d'abord voter le renvoi en commission.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des transports.
M. Max Schneider (Ve). Puisque cette motion est renvoyée en commission, je souhaite ardemment que l'on écoute et que l'on entende nos partenaires français sur ce sujet !
La présidente. Avant que cette séance ne prenne fin, je voulais saluer à la tribune le jeune Arnaud Moutinot qui aura pris une belle leçon de parlement !