Séance du vendredi 13 juin 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 7e session - 30e séance

RD 277
7. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil communiquant l'opposition formée le 14 janvier 1997 par la commune de Vernier au projet de plan localisé de quartier n° 28760-540, situé rue Jean-Simonet, sur le territoire de la commune de Vernier. ( )RD277

1. Au début des années 1990, une réflexion urbanistique s'est engagée, tendant à une meilleure utilisation du sol d'un secteur, sis en 5e zone de développement 3, sur le territoire de la commune de Vernier, en forme de triangle, compris entre les voies CFF et l'avenue de l'Ain, à proximité du pont de l'Ecu et desservi par la rue Jean-Simonet.

2. En date du 19 décembre 1994, le département des travaux publics et de l'énergie (ci-après: département) a finalement été saisi d'une demande de renseignement no 17024, ayant pour objet l'édification de deux immeubles sur, d'une part, la parcelle no 3155, propriété de la Fondation d'habitation à bon marché (ci-après: FHBM), requérante, et d'autre part, la parcelle no 3158, propriété de l'Etat de Genève.

 La réalisation de ce projet impliquerait, pour l'essentiel, la destruction d'un immeuble existant comportant 12 logements HBM de 4 pièces, au profit de 2 immeubles comportant 63 logements HBM, soit la création de 51 nouveaux logements de ce type.

4. Le 23 octobre 1995, cette requête no 17024 a reçu une réponse positive, nonobstant le préavis négatif du conseil administratif de la commune de Vernier. Peu auparavant, dans le cadre de l'instruction de cette requête, une audition du conseil administratif de cette commune avait eu lieu au siège du département des travaux publics et de l'énergie en présence des conseillers d'Etat MM. Philippe Joye et Claude Haegi. Un consensus sur l'objectif principal n'avait cependant pas pu être trouvé. Les motifs de la position adoptée par la commune de Vernier ne seront, à ce stade, pas explicités plus avant, afin d'éviter d'inutiles redites.

3. La réalisation des immeubles envisagés par cette requête supposant, en raison de l'inclusion dans la zone de développement des terrains concernés, qu'un plan de localisé de quartier régissant le secteur soit préalablement adopté avant la délivrance de toute autorisation selon les normes de cette zone, le département des travaux publics et de l'énergie a, en date du 24 novembre 1995, élaboré le projet de plan localisé de quartier cité en titre, qui modifie pour partie le plan d'aménagementno 27760-540, adopté le 24 juin 1987 par le Conseil d'Etat et aujourd'hui réalisé.

 Au fond, ce plan tend à la réalisation de deux immeubles sur les terrains précités, l'un de 3, l'autre de 4 niveaux sur rez + rez inférieur. Si, dans l'ensemble, les immeubles prévus sont affectés au logement, des activités sont toutefois possibles au rez-de-chaussée. Enfin, 94 nouvelles places de parc sont envisagées, dont 82 en sous-sol. L'indice d'utilisation du sol pour l'ensemble du périmètre est de 0,9.

5. Le projet de plan localisé de quatier no 28760-540 a été soumis à l'enquête publique de préconsultation du 22 avril au 22 mai 1996. Il a suscité deux observations. L'une émanant de l'Association pour les intérêts des cyclistes (ASPIC), qui demandait la création d'une liaison cyclable le long des voies CFF. Le projet de plan a été amendé en ce sens.

6. Le conseil administratif de la commune de Vernier est l'auteur de la seconde observation.

 En résumé, la commune de Vernier soulignait tout d'abord ses grands efforts dans le domaine de l'accueil, sur son territoire, des logements de type HBM, raison pour laquelle elle se refusait «absolument à accroître le parc d'immeubles HBM sur son territoire». Elle s'opposait ensuite au principe même de la densification de son territoire à cet endroit précis, destiné, à son avis, à devenir «un espace de dégagement» en fonction du développement prévisible du quartier. Enfin, le projet de plan précité ne mentionnait aucun type précis de mesures propres à protéger efficacement l'endroit des nuisances sonores, le secteur étant déjà particulièrement défavorisé de ce point de vue.

 Pour ces trois motifs, la commune de Vernier concluait à ce qu'il soit renoncé à la réalisation de ce plan.

7. En date du 18 juin 1996, le conseil municipal de la commune de Vernier, par 31 voix et 2 abstentions, a décidé de délivrer un préavis défavorable à ce projet de plan.

 Dans sa lettre d'accompagnement communiquant cette décision au département, le conseil administratif de cette commune a résumé les motifs à l'appui de cette position de la manière suivante:

«- refus total de voir implanter de nouveaux immeubles dans une zone particulièrement désavantagée au point de vue des nuisances sonores (route de Vernier, avenue de l'Ain, viaduc de l'Ecu, liaison CFF Cornavin-Cointrin);

- refus d'une implantation supplémentaire d'immeubles HBM, car contraire au désir d'une mixité réelle des types de population au sein de la commune.»

 Ces griefs rejoignaient donc ceux invoqués à l'encontre de la demande de renseignement no 17024.

8. La procédure d'opposition a été ouverte du 16 décembre 1996 au 16 janvier 1997.

9. Le 14 janvier 1997, la commune de Vernier a déclaré former opposition au projet de plan susvisé.

 La commune de Vernier reprenait ses arguments plus haut évoqués, soulignant en particulier qu'elle accueillait sur son territoire plus de 40% de la population totale HBM du canton. Elle relevait notamment que «les populations résidant dans les logements HBM ont des répercussions non négligeables sur le tissu social de leur quartier et nécessitent la mise en place de réseaux de solidarité et d'aide beaucoup plus importants que d'autres types de population» et qu'à ce titre, le quartier de Châtelaine-Libellules serait «complètement saturé».

10. L'article 6 de la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957 (L 1 11; ci-après: LGZD), traite de la procédure d'adoption des plans localisés de quatier en zone de développement. L'alinéa 9 de cette disposition stipule ce qui suit:

 «Toutefois, dans l'hypothèse où une commune a formé une opposition au projet et que le Conseil d'Etat entend la rejeter, il en saisit préalablement le Grand Conseil qui statue sous forme de résolution. Si l'opposition est acceptée, le Conseil d'Etat doit modifier le plan en conséquence. Il est ensuite procédé conformément à l'alinéa 8.»

 Le présent rapport a pour objet de vous communiquer le texte de l'opposition de la commune de Vernier et de vous expliciter les motifs pour lesquels cette opposition nous paraît devoir être écartée.

11. De l'avis de notre Conseil, ces griefs sont, en effet, mal fondés pour les motifs qui suivent.

- Les terrains compris à l'intérieur du périmètre du projet de plan contesté sont sis en zone de développement 3 depuis le 29 juin 1957, date d'adoption de l'ancienne loi sur le développement de l'agglomération urbaine genevoise, devenue loi générale sur les zones de développement. Cette zone permet l'édification de constructions dont la hauteur de la ligne verticale du gabarit peut atteindre 21 m. Le plan directeur cantonal, adopté le 15 septembre 1989 par le Grand Conseil et approuvé le 22 mai 1991 par le Conseil fédéral, préconise, pour une telle zone, une densité minimale de 1,2 (voir page 131 de ce document).

 Le projet de plan localisé de quatier querellé vise à permettre la construction de 63 nouveaux logements HBM. Il s'inscrit dans le cadre de la loi pour un plan d'urgence-logements, du 21 juin 1991 (I 4 40), en particulier en prévoyant un indice d'utilisation du sol et des gabarits tenant compte de l'environnement bâti et préservant des espaces libres en suffisance, conformément aux critères de qualité définis à l'article 8, alinéa 2. Les terrains de l'Etat se prêtant à la réalisation de tels logements (art. 2, al. 2) ne sont pas si nombreux que l'on puisse se permettre de les sous-utiliser, compromettant ici l'objectif principal poursuivi par la loi précitée de 1991, à savoir la création de 3 000 logements HBM d'icil'an 2000.

- L'indice de 0,9, au lieu de 1,2 comme le prévoit en principe le plan directeur cantonal pour les terrains sis en zone de développement, est tout à fait raisonnable. On ne saurait, en particulier, parler d'«entassement des gens», comme l'affirme sans autre l'opposante.

- La question du bruit a été examinée avec beaucoup d'attention par le service de l'écotoxicologue cantonal (section d'acoustique environnementale), service spécialisé en la maitère, qui, en date du 7 décembre 1995, a délivré un préavis favorable à ce plan. Ce dernier attribue le degré de sensibilité au bruit III aux terrains compris dans son périmètre et sa légende indique ce qui suit:

«Autant que possible, les mesures nécessaires seront prises pour protéger de manière suffisante des nuisances sonores l'ensemble du périmètre et les constructions existantes maintenues. Par ailleurs et conformément aux articles 31 et 32 de l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, les typologies des appartements projetés devront tenir compte de l'exposition au bruit et toutes les dispositions constructives adéquates seront prévues prioritairement au niveau des façades».

 C'est donc au stade de l'autorisation de construire que seront prises les mesures adéquates pour que les valeurs limites d'immission du degré III soient respectées, ce qui laisse une certaine marge de manoeuvre aux architectes pour trouver les meilleures solutions. Le projet de plan querellé n'a pas entendu fixer, à ce stade de la procédure, les mesures architecturales de détail indispensables à la protection contre le bruit. Il y a lieu de souligner, à ce propos, que si l'article 25, alinéa 1, de la loi fédérale sur l'environnement, du 7 octobre 1983, ne s'applique pas exclusivement à la phase de la procédure où l'autorité compétente se prononce sur l'autorisation de construire, «cela ne signifie pas pour autant que toutes les mesures de limitation des émissions - en matière de construction, d'équipement et d'exploitation (voir art. 12, al. 1, lettres b et c LPE) - doivent être étudiées en détail par l'autorité de planification et ordonnées par elle; celle-ci peut, suivant la nature du projet, se borner à examiner de façon générale si l'implantation à l'endruit prévu est admissible ou non au regard des prescriptions du droit fédéral de la portection de l'environnement» (ATF du 28 novembre 1996, Dames P. c/Conseil d'Etat genevois, pages 8 et 9, relatif au plan localisé de quatierno 28693-540, situé chemin de Montfleury sur le territoire de la commune de Vernier).

 Il résulte clairement du préavis du service précité que les exigences posées par l'article 25, alinéa 1, LPE pourront être respectées par la prise de mesures adéquates lors de la phase de la délivrance des autorisations de construire. L'opposante ne fait qu'alléguer des considérations générales, selon lesquelles, en substance, le secteur concerné serait «sinistré» en matière de bruit et le projet de plan querellé ne comporte pas de mesures conscrètes permettant de résoudre cette question. Elle n'apporte cependant aucun motif objectif et d'intérêt public supérieur, de nature à amener le Conseil d'Etat à ne pas suivre le préavis du service de l'écotoxicologue cantonal, spécialisé en la matière.

- Enfin, l'ensemble des mesures antibruit à charge des constructeurs aura pour conséquence un certain renchérissement du coût de construction des immeubles en cause, ce qui aura immanquablement des répercussions sur le prix des loyers. Il est ainsi clair qu'une partie non négligeable des logements HBM envisagés devront l'être au loyer le plus élevé, par exemple à 3 200 F/pièce. A titre indicatif l'office financier du logement signale que le barème d'entrée s'élève, dans ce cas, à 94 165 F de revenu brut maximum pour une famille de 4 personnes occupant un logement de 5 pièces. En cours de bail, ce revenu pourra même augmenter d'environ 20 000 F au maximum, avant le paiement d'une surtaxe.

 C'est dire que le revenu familial des futurs locataires qui pourront loger dans ces immeubles sera loin d'être insignifiant et que le principe d'une certaine mixité de la population recherché par la commune de Vernier sera ménagé.

Au vu des considérations qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à prendre acte du présent rapport et à statuer sous forme de résolution, selon le projet qui figure en annexe au présent rapport, sur l'opposition formée par la commune de Vernier, conformément à l'arti-cle 6, alinéa 9 LGZD.

Annexes: 1. Acte d'opposition de la commune de Vernier du 14 janvier  1997 et projet de plan localisé de quartier no 28760-540.

  2. Projet de résolution concernant l'opposition formée le  14 janvier 1997 par la commune de Vernier au projet de plan  localisé de quartier no 28760-540, situé rue Jean-  Simonet, sur le territoire de cette commune.

PROJET DE RÉSOLUTION

concernant l'opposition formée le 14 janvier 1997 par la communede Vernier au projet de plan localisé de quartier no 28760-540,situé rue Jean-Simonet, sur le territoire de cette commune

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- le projet qui fait l'objet de la demande de renseignement no 17024, tendant à l'édification de deux immeubles sur, d'une part, la parcelle no 3155, propriété de la Fondation d'habitation à bon marché (ci-après: FHBM), requérante, et d'autre part, la parcelle no 3158, propriété de l'Etat de Genève;

- le fait que la réalisation de ce projet permettra la création de 51 nouveaux logements HBM;

- le projet de plan localisé de quatier no 28760-540, dressé le 24 novembre 1995, et modifié à 5 reprises, la dernière fois le 5 juin 1996, par le département des travaux publics et de l'énergie;

- le préavis défavorable à ce projet de plan émis par le conseil municipal de la commune de Vernier, en date du 18 juin 1996;

- l'opposition formée par le conseil administratif de la commune de Vernier à l'encontre de ce projet de plan, en date du 14 janvier 1997;

- l'article 6 de la loi générale sur les zones de développement, du 29 juin 1957, lequel prescrit au Conseil d'Etat, lorsqu'il entend rejeter une opposition formée par la commune, de saisir préalablement le Grand Conseil, qui statue sous forme de résolution;

- les motifs retenus dans le rapport du Conseil d'Etat, communiquant l'opposition formée le 14 janvier 1997 par la commune de Vernier au projet de plan localisé de quartier no 28760-540, situé à la rue Jean-Simonet, sur le territoire de cette commune,

invite le Conseil d'Etat

à rejeter l'opposition formée par la commune de Vernier, en date du 14 janvier 1997, au projet de plan localisé de quartier no 28760-540, situé rue Jean-Simonet, sur le territoire de cette commune.

ANNEXE 1

ANNEXE 2

Débat

M. Christian Ferrazino (AdG). On ne peut prendre acte de ce rapport, après ce que nous avons évoqué hier, à savoir la récente décision du Tribunal fédéral critiquant notre législation, ou plus exactement la législation que nous n'avons pas en matière d'autorité de recours devant connaître des oppositions de ce genre. On ne peut pas traiter à la légère des oppositions faites, en l'occurrence, par une commune contre un plan localisé de quartier. Je suggère de renvoyer ce rapport en commission, pour que nous puissions ne serait-ce qu'entendre les opposants - ils ont tout de même le droit d'être entendus - et nous déterminer sur cette opposition.

On ne peut pas prendre acte de ce rapport comme on envoie une lettre à la poste. Il faut donc tenir compte de la décision du Tribunal fédéral et de la volonté du Conseil d'Etat, annoncée par M. Maitre tout à l'heure, de saisir le Grand Conseil d'un projet de loi sur ces questions. Nous pourrons ainsi réexaminer cette opposition en commission, dans l'attente que ce projet nous parvienne.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Pour des questions formelles, il est bon de ne pas accepter ce rapport maintenant.

Sur le fond, la proposition consistant à modifier une partie des anciens immeubles HBM est tout à fait raisonnable. Elle représente un équilibre entre le désir de garder une partie des logements à des prix très bas et celui de mieux tenir compte des questions liées aux nuisances de bruit pour l'autre partie des logements, à l'emplacement exact de cette parcelle. J'aimerais donc que la commission traite ce projet le plus rapidement possible pour pouvoir enfin liquider une affaire qui date.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission d'aménagement du canton est adoptée.