Séance du
vendredi 13 juin 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
7e
session -
30e
séance
M 1134
EXPOSÉ DES MOTIFS
La patrimoine bâti est un élément essentiel de notre société, de notre mémoire, dont nous sommes tous dépositaires.
Les Journées du patrimoine organisées par l'Etat et la Ville de Genève démontrent, par leur succès, l'intérêt des Genevois pour leur passé et leurs bâtiments.
Aujourd'hui, dans le contexte de crise économique que nous vivons, les pouvoirs publics sont contraints de diminuer les crédits attribués à l'entretien des bâtiments. De nombreux immeubles publics ou privés mériteraient une rénovation ou restauration, non réalisée faute de ressources.
Il y a des bâtiments historiques, classés et protégés. Mais il y a aussi ce qu'on appelle «le patrimoine de proximité», c'est-à-dire celui que nous côtoyons tous et qui nous est cher: une vieille église, une ferme, un ancien bâtiment. Il s'agit d'édifices divers, non classés et qui se dégradent. Ni l'Etat, ni les communes, ni les propriétaires n'ont les moyens de les entretenir seuls. Que faire?
Une réponse pourrait consister en la création d'une Fondation pour le patrimoine, de droit public ou de droit privé, sur le modèle de celle mise en oeuvre pour les arts et la culture, mais donc dédiée aux bâtiments anciens.
Quelles seraient les ambitions de cette Fondation pour le patrimoine?
- d'abord que tout Genevois s'approprie son patrimoine. Il s'agit d'un héritage commun, porté d'ailleurs par les Journées du patrimoine;
- ensuite participer à la relance d'un secteur économique profondément touché par la crise et, par là, recréer des emplois dans le bâtiment;
- développer un savoir-faire, notamment par la mise en oeuvre de métiers qui tendent à la disparition (par exemple: ferronnerie, ébénisterie, tailleur de pierre, crépissage, etc.);
- associer les écoles de formation professionnelle avec toutes les facettes et tous les métiers que ces projets de rénovation permettront d'initier;
- intéresser les historiens de l'art, les photographes et autres métiers du graphisme, de l'édition.
Comment le système pourrait-il fonctionner?
En leur qualité de principaux propriétaires du patrimoine, l'Etat et les communes auraient la responsabilité de proposer des projets de rénovation ou restauration susceptibles de s'incrire dans une démarche globale d'animation.
Pour les propriétés privées (plafonnées par exemple à 40% des interventions de la fondation), les choix s'effectueraient au sein d'un comité qui travaillera en symbiose avec les collectivités publiques.
Les préavis pour les projets retenus tant publics que privés seront transmis au Conseil de la Fondation qui décidera.
La place des associations de défense et de mise en valeur du patrimoine devra être déterminée.
Quel intérêt les entreprises peuvent-elles trouver dans la réhabilitation du patrimoine «de proximité»?
Depuis longtemps, les sponsors aux Etats-Unis mettent à disposition des sommes pour la construction, la transformation ou la rénovation d'un monument, d'un musée, d'une façade de rue, qui profitent à tout le monde. En Grande-Bretagne, il existe la «National Trust britannique», institution nationale privée dont s'inspire ce projet, et qui a ouvert la porte à des dizaines de milliers d'adhérents. Elle existe depuis plus d'un siècle.
A Genève, des entreprises pourraient être intéressées à un partenariat, en faisant connaître ce parrainage associé à un mécénat populaire et social. Des exemples peuvent déjà être cités à Genève, telles la rénovation des façades d'Uni-Dufour, de la salle Arditi-Wilsdorf, ou encore la fondation créée à l'époque pour la rénovation de la barque «Neptune».
Quelles seraient les retombées économiques de cette initiative?
La fondation nouvellement créée permettrait l'ouverture de nouveaux chantiers de restauration dans le domaine du bâtiment, durement touché par la crise économique, et assurerait la création de nouveaux emplois. Toute initiative ayant ces objectifs devrait être étudiée et mise en oeuvre.
De plus, alors que nous sommes en perte de sens, le retour aux symboles forts que véhicule le patrimoine de proximité, avec ses traditions artisanales et culturelles, s'inscrit dans ce courant de pensée.
Afin de concrétiser ce projet, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de transmettre cette proposition de motion au Conseil d'Etat.
Débat
M. Bénédict Fontanet (PDC). A la demande de Daniel Ducommun qui m'a prié de lui expliquer lentement les choses, si tant est que son esprit de banquier averti puisse comprendre quoi que ce soit... Mais je comprends qu'après la pause de 20 h cet exercice soit un peu difficile pour lui ! (Rires et remarques.)
La présidente. Restez sérieux, Monsieur Ducommun !
M. Bénédict Fontanet. On ne se rend pas suffisamment compte des effets nuisibles de la salade lyonnaise du restaurateur d'à côté ! (Rires.)
Le patrimoine bâti - et ce n'est pas M. Lescaze qui me contredira - est un élément essentiel de notre mémoire et de notre vécu collectif...
Une voix. Absolument ! (Rires.)
La présidente. Les rires radicaux sont communicatifs !
M. Bénédict Fontanet. Madame la présidente, tant que je ne les fais pas pleurer et qu'ils rigolent, c'est bon signe ! (L'orateur est pris d'un fou rire. Rires de l'assemblée.)
La présidente. Monsieur Ducommun, retenez-vous !
M. Bénédict Fontanet. Personne, dans mon groupe, ne voulait présenter cet objet. Comme d'habitude, on m'a dit : «Toi qui causes facilement, vas-y !». Résultat des courses : tout le monde rigole ! (Rires.) Et personne ne semble en avoir «rien à battre» de cette motion importante pour l'avenir de la République et de la cité... (Les rires redoublent. Applaudissements.)
La présidente. Je vais donc la mettre au vote immédiatement !
M. Bénédict Fontanet. Madame la présidente, dans ces circonstances, puisque tout le monde rit, et partant du principe que chaque député connaît par coeur chacun des objets qui reviennent pour la douzième fois dans le cadre de notre ordre du jour tant nos débats avancent vite... (Rires.)
La présidente. Absolument !
M. Bénédict Fontanet. La République recule, mais nos débats avancent... (Rires.) Je vous suggère donc de soumettre cette motion au vote de ce Grand Conseil. Je remercie d'ores et déjà mes collègues, qui ont beaucoup de patience et les «zygomatiques» tendus, et dont je ne veux pas abuser davantage, de bien vouloir voter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
concernant la Fondation de Genève pour le patrimoine
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le patrimoine bâti comme un élément essentiel de notre société et de notre mémoire, il s'agit de nos racines, de notre cadre de vie, de notre milieu culturel, de notre héritage commun;
- l'intérêt que porte de plus en plus la population genevoise au patrimoine, preuve à l'appui le succès des Journées du patrimoine organisées par l'Etat et la Ville de Genève;
- les moyens financiers insuffisants pour l'entretien, la restauration et la rénovation de certains bâtiments anciens;
- la crise frappant durement le secteur du bâtiment et la nécessité de créer de nouveaux emplois;
- la volonté de sauvegarder certains anciens métiers du bâtiment,
invite le Conseil d'Etat
à étudier et à proposer la création d'une Fondation de Genève pour le patrimoine, de droit public ou de droit privé, en tenant compte des propositions suvantes:
1. Les ressources de cette fondation devraient être constituées par:
- des contributions volontaires ou extraordinaires des collectivités publiques ou d'autres organismes;
- des sponsors, personnes morales ou physiques, qui pourraient voir leur nom inscrit;
- de dons, de legs et autres cessions;
- d'adhérents individuels.
2. Ces ressources seraient affectées à la réalisation de projets d'entretien, de renouvellement, de restauration de bâtiments anciens.
3. Cette fondation devrait être administrée par un conseil. Sa mission serait d'assurer la bonne gestion de la fondation et des fonds qui lui seraient confiés.
4. Un comité de choix de projets, composé de représentants des milieux professionnels du bâtiment (patronaux et syndicaux) et des collectivités publiques, donnerait des préavis sur les projets à réaliser.
5. Des propositions de projets à soutenir pourraient être formulées par toute personne physique ou morale, ou par un groupement. Sur la base d'un dossier élaboré, le comité de choix de projets déposera sa proposition avec son préavis au Conseil de fondation qui décidera. Grâce aux ressources réunies, la fondation financera le ou les projets retenus. Elle rendra compte publiquement des réalisations, en associant les contributeurs, le public, les milieux professionnels concernés et les autorités.