Séance du jeudi 12 juin 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 7e session - 27e séance

PL 7368-A-I
22. Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit complémentaire pour le bouclement du compte de construction d'une galerie souterraine de décharge des eaux de crue de l'Aire et de son endiguement partiel. ( -) PL7368
Mémorial 1995 : Projet, 6341. Renvoi en commission, 6544.
Rapport de majorité de M. Hervé Burdet (L), commission des travaux
Rapport de minorité de M. Pierre Meyll (AG), commission des travaux

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Ce projet de loi déposé le 27 novembre 1995 a été renvoyé à la commission des travaux par le Grand Conseil. La commission des travaux l'a examiné avec le train de 75 projets de bouclement présentés à la même date et constituant ce que le Conseil d'Etat appelle pudiquement «un apurement d'une exceptionnelle ampleur de comptes d'ouvrages d'utilité publique», un euphémisme de taille pour désigner un train de crédits destinés à couvrir des excédents de dépenses dont le département des travaux publics et de l'énergie (DTPE) est responsable devant le Grand Conseil, qu'il motive très tardivement de diverses façons et dont le total se monte à quelque 175 millions de francs, pas moins !

Lors de nombreuses séances en 1995 et 1996, plus particulièrement les 21 et 28 mai, 25 juin 1996 et finalement lors des séances des 4, 18 et 25 février 1997 sous les présidences successives de MM. Hervé Burdet, puis Henri Duvillard, députés, la commission a déposé ses conclusions sur le projet de loi 7368. Elle a bénéficié, au fil de ses travaux, de l'aide, des conseils et des avis des représentants du DTPE, soit de MM. Philippe Joye, conseiller d'Etat, chef du DTPE, Denis Dufey, secrétaire général de ce département, François Reinhard, directeur des bâtiments, Arthur Harmann, ingénieur cantonal, et Jacques Charpié, chef du service du lac et des cours d'eau.

Démarche de la commission

Dans un premier temps, la commission des travaux a procédé à un examen général de ces 75 projets de loi. Elle a constaté que, quelle que puisse avoir été la date à laquelle les projets de loi originaux ont été approuvés par le Grand Conseil, ils ont été gérés par le DTPE pendant les 12 ans du «règne» sous la rude férule du «tsar» des travaux publics genevois que futM. Christian Grobet (1981-1993). Personne n'a oublié le style gouverne-mental très autoritaire qui fut le sien. Les députés de la commission des travaux en particulier n'ont pas oublié les longues heures de séances de leur commission au fil desquelles, sans avoir l'air d'écouter les débats, Christian Grobet, manque instinctif de courtoisie ou volonté de marquer son mépris du pouvoir législatif, relisait, corrigeait et signait des dizaines de documents issus de «signataires» rebondis, apportés en pleine séance de commission par ses secrétaires diverses. Il corrigeait, rédigeait, signait ou biffait chaque pièce de correspondance devant sortir de «son» département, mais toujours l'oreille aux aguets, prêt à bondir dans la conversation de la commission des travaux, à la moindre alerte. C'est aujourd'hui seulement - et l'on peut déplorer l'extraordinaire faiblesse du pouvoir législatif qu'on a ainsi «baladé» - qu'il devient possible au Grand Conseil d'apprécier les «beaux» résultats de ces attitudes présidentielles aussi tyranniques qu'insolentes ou mesquines. C'est aujourd'hui seulement que le Grand Conseil genevois prend connaissance des désastres urbanistiques, architecturaux, techniques et financiers que le «règne Grobet» lui a préparé.

La commission des travaux a pris l'initiative de trois démarches dès l'automne 1995 ou au cours de l'année 1996.

A) Elle a procédé au tri des projets de loi de bouclement qui lui étaient soumis pour les répartir en trois lots selon leur degré de gravité (voir ci-dessous).

B) Elle a décidé de confier les cas les plus graves à des experts techniques et financiers neutres et extérieurs, de façon à sortir, dans la mesure du possible, la problématique des crédits de bouclement tardivement présentés et celle des frais illégalement engagés soit (sans l'aval du Grand Conseil) par le DTPE des querelles partisanes pour tenter de les placer sur un plan plus strictement technique ou légal, voire constitutionnel.

C) Elle a désigné en son sein une sous-commission chargée de revoir et de préparer les modifications les plus adéquates à la loi D 1 05. La loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique, du 11 janvier 1964 (D 3 17) a été modifiée une première fois afin de permettre, tant au Grand Conseil qu'au Conseil d'Etat, une plus grande clarté des procédures, une meilleure gestion des crédits de toutes sortes que le Grand Conseil débloque et que gère le Conseil d'Etat. Il s'agit de la «loi de finances»: loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993 (D 1 05) à laquelle la sous-commission ici évoquée, puis la commission des travaux proposent d'apporter certaines modifications, refonte nécessaire de cette loi pour tenter d'éviter de refaire les erreurs du passé et de déboucher désormais sur un fonctionnement plus harmonieux des voies et moyens par lesquels le Grand Conseil décide d'engager des travaux, d'une part ; par lesquels il organise leur financement, d'autre part, et par lesquels il entend en exercer le contrôle en définitive. Un rapport de la commission des travaux sur les modifications proposées sera inscrit dans un proche avenir à l'ordre du jour du Grand Conseil.

Travaux de la commission

La commission des travaux a donc commencé par procéder au tri des 75 projets de loi libellant des crédits de bouclement, pour les regrouper en trois lots:

Lot 1

Projets de loi n'entraînant pas de décaissements supplémentaires de la part de l'Etat; projets de loi d'incidence financière mineure; projets de loi expliquant à satisfaction «prima facie» les raisons pour lesquelles un dépassement du crédit voté par le Grand Conseil est survenu: hausses conjoncturelles légitimes, incidents fortuits lors du déroulement du chantier dont les conséquences financières sont inévitables et restent mineures. Le Grand Conseil a déjà pris connaissance, il y a quelques mois, de ces crédits de bouclement sur la base d'un rapport de M. Chaïm Nissim. Il les a approuvés.

Lot 2

Projets de loi de bouclement laissant apparaître des dépassements de dépenses substantiels, mais situations dans lesquelles les commissaires ont estimé être à même de comprendre les motifs des responsables des chantiers et de l'administration qui ont engagé des frais, certes non couverts par une autorisation du Grand Conseil, mais qui, ce faisant, ont pris des initiatives judicieuses. Les commissaires, dans de tels cas, ont déploré que l'on n'ait pas jugé bon au moins d'informer le Grand Conseil ou sa commission des travaux, mais ils ont fait l'effort de comprendre qu'aussi regrettables que puissent être de telles situations, il était de leur devoir d'en juger à la lueur des circonstances et de considérer que nul, maître d'oeuvre, fonctionnaire ou député, n'est totalement maître des aléas techniques susceptibles de survenir sur un chantier, et donc que nul n'est maître non plus des conséquences financières qui peuvent en découler. Les rapports au Grand Conseil sur chacun de ces cas lui ont déjà été présentés, respectivement lui seront présentés lors de ses prochaines séances.

La commission des travaux pense donc que, dans les cas du lot 2, une bonne explication au Grand Conseil, cas par cas, des circonstances et des faits devrait suffire. La commission persiste cependant à considérer que, dans de telles situations, la pratique du DTPE a été inutilement opaque, longue et secrète, pendant l'«ère Grobet». On a sciemment voulu cacher aux députés que ce département ne maîtrisait plus certaines situations géologiques, techniques et économiques. On a délibérément choisi, à la tête du département, de maintenir un secret rigoureux sur de telles situations (des années, parfois des décennies !). On a délibérément spéculé, à la tête de ce département, sur la faible capacité de mémoire d'un parlement renouvelé tous les 4 ans... On a compté sur la bonne santé économique du canton qui semblait tout autoriser, sur l'eau qui passe sous les ponts, etc.

Les hauts fonctionnaires du DTPE s'en excusent aujourd'hui en prétextant le manque de personnel apte à contrôler les nombreux chantiers de l'époque et le peu d'enthousiasme des fonctionnaires à rédiger des documents aussi déprimants que des crédits de bouclement dont ils ne maîtrisent que difficilement les tenants et aboutissants... Questions de députés : Qui était le représentant du DTPE pour le projet abc ?: Monsieur le fonctionnaire X, mais il est aujourd'hui en retraite. Qui était l'architecte responsable du chantier def ? : M. l'architecte Y, mais aujourd'hui il a fermé son bureau, etc.

Lot 3

Lors de sa séance du 25 juin 1996, la commission des travaux, dans les limites malheureusement assez étroites de ses compétences, a sélectionné 6 cas «pendables» qui, à son sens, ne peuvent en aucune façon entrer dans les lots 1 ou 2 décrits ci-dessus. Elle a pris la décision de prier le Conseil d'Etat, respectivement le DTPE (nouvelle présidence), de confier à des experts extérieurs neutres une expertise technique et financière permettant aux députés de comprendre, dans un délai de trois mois, les causes, les mécanismes, les circonstances et les responsabilités qui amènent le Grand Conseil à devoir aujourd'hui approuver les crédits de bouclement suivants :

- projet de loi 7308... étude de l'adaptation des installations de l'aéroport de Genève-Cointrin (dépassement: 3 081 518 F);

- projet de loi 7319... construction d'une halle de fret à l'aéroport de Genève-Cointrin (dépassement: 35 455 104 F);

- projet de loi 7325... construction de nouveaux bâtiments à l'usage des collèges Calvin et de Candolle (dépassement: 3 720 777 F);

- projet de loi 7368... construction d'une galerie souterraine de décharge des eaux de crue de l'Aire et de son endiguement partiel (dépassement: 10 807 688 F). Voir ce rapport;

- projet de loi 7374... construction d'un parking d'échange à Pré-Bois (dépassement: 156 261 F);

- projet de loi 7382... pose d'une glissière et... construction de pistes cyclables sur la route du Pont-Butin, entre les routes de Chancy (RC 4) et de Saint-Georges (RC 30) (dépassement: 2 350 000 F).

Dans chacun de ces cas, au-delà du dépassement du montant des dépenses autorisées par le Grand Conseil, la commission des travaux s'est attachée en particulier à déterminer:

- quelle autorité a autorisé formellement les décaissements au-delà de la limite de crédit votée;

- si la commission des travaux a été informée régulièrement de tout dépassement;

- l'origine et la justification des dépassements présentés au Grand Conseil «avec ou sans explication»;

- si les dépassements sont conformes à la loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique, du 11 janvier 1964, en vigueur à l'époque.

L'Aire, rivière genevoise et la «galerie de l'Aire»

Plusieurs députés ont souhaité, à l'occasion de l'examen de ce crédit de bouclement, faire état de leur totale désapprobation du choix technologique fait en 1980 (loi 5178) lors du vote par le Grand Conseil de ce projet de gestion d'une rivière genevoise. On avait alors décidé de poursuivre et de perfectionner l'endiguement et la mise «sous tuyau» de l'Aire afin de préserver les terres agricoles avoisinantes et d'éviter d'éventuels débordements de ce cours d'eau en accélérant son écoulement vers l'aval malgré les avis les mieux autorisés (professeur Bernard Lachavanne, université de Genève, par exemple). Malgré l'intérêt de cette appréciation critique - 17 ans plus tard, les résultats sont loin d'être reluisants, que l'on se place sur le plan hydrologique, agricole, environnemental, économique ou financier - la commission des travaux a compris qu'il s'agit là d'un domaine distinct de l'appréciation financière, technique et légale qui lui est soumise dans le cadre de son examen du projet de loi 7368. Elle a renoncé à entrer en matière sur le sujet du bien-fondé ou du mal-fondé du projet original d'endiguement de cette rivière genevoise à propos du projet de loi 7368, qui ne concerne qu'un dépassement de crédit, ses dimensions énormes et sa légitimité très discutable.

Tout en manifestant son opposition à toute tentative du DTPE de renouveler ses erreurs de gestion hydrologique, telles que celles qu'il a commises dans le bassin de l'Aire, au fil des projets qu'il nourrit sournoisement dans les bassins de la Seymaz et du Foron, la commission des travaux, pour l'heure, choisit de se concentrer sur les démarches techniques et financières qu'il lui revient d'examiner dans le cadre du projet de loi 7368. Elle se borne à relever, comme en passant, que le service du lac et des cours d'eau est malencontreusement resté, dans le nouvel organigramme des services de l'Etat (1993), attaché au DTPE où il n'a rien à faire, tous les services voisins ou parents étant désormais au DIEAR. La commission note également que la mentalité rigide et quasi stalinienne de ce service n'a pas varié, qu'il n'est à l'écoute d'aucun avis extérieur, surtout pas de ceux des députés et qu'il continue à appliquer sa philosophie propre qui consiste à éliminer le plus rapidement possible les eaux de ruissellement du bassin genevois vers l'aval, coûte que coûte (!), à coups de bétonnages plutôt mal que bien inspirés. L'idéal pour ce service semble être de mettre les eaux encore libres et naturelles du canton sous tuyau pour s'en débarrasser le plus vite possible vers l'aval. C'est une religion de la tuyauterie que ce service attaché au DTPE, le grand département constructeur de l'Etat, pratique insolemment et isolément, conduisant ses études aberrantes dans le plus grand secret, sans tenir le moindre compte de l'avis des experts des services parents rattachés au DIEAR, qui, eux, s'efforcent au contraire de rendre aux rivières genevoises leur aspect et leur fonctionnement original et naturel.

En clair, pendant que le service du lac et des cours d'eau étudie et parfois réalise selon sa religion ou sa manie la mise des rivières genevoises «sous tuyau» au DTPE, le DIEAR étudie, à la demande des députés qui insistent, le contraire, soit la renaturation des rivières genevoises. Il n'y a qu'un dindon dans cette farce: le contribuable genevois qui paie (deux fois !).

Le projet de loi 7368, bouclement comptable d'une galerie souterrainede décharge et endiguement partiel d'une rivière genevoise

Le projet de loi 7368 «galerie de l'Aire» selon la procédure décrite ci-dessus, plus particulièrement celle applicable aux cas graves du «lot 3», a fait l'objet d'une expertise confiée à M. Bernard Ott, docteur ès sciences techniques, ingénieur civil EPFL. Le rapport de ce spécialiste a été rendu le 23 décembre 1996. Il figure en annexe du présent rapport.

L'expert cité ci-dessus souligne bien les démarches successives et abusives du DTPE:

Septembre 1980: vote par le Grand Conseil d'un crédit de construction pour une galerie souterraine de «décharge des crues de l'Aire»: 16 200 000 F.

Mai 1982: adjudication des travaux pour un montant de 15 500 000 F.

Juillet 1982: acquisition d'une parcelle jouxtant celle prévue pour la prise d'eau de la galerie en vue de la création des bassins de finition de la STEP de Confignon. «Pour des raisons de simplification (comprendre: pour éviter de consulter le Grand Conseil...), cette acquisition a été imputée sur le compte de la galerie...»

Juin 1983: abandon du projet de bassins de finition de la STEP de Confignon au profit d'une autre solution... (Comprendre : nouvelle et importante modification du programme voté par le Grand Conseil). La parcelle (acquise sans autorisation du Grand Conseil sur un crédit débloqué pour un but différent) devenant libre, celle-ci fut utilisée en partie pour l'aménagement d'une prise d'eau, le solde a été aménagé en zone de délassement sur ordre du chef du DTP(E).

Novembre 1984 - octobre 1985: graves problèmes géologiques et surcoûts divers. On ne parvient à excaver que 90 m de galerie en 23 mois. Le coût du projet explose. Le Grand Conseil et sa commission des travaux sont maintenus dans l'ignorance totale de la réalité.

Juin 1989 (année électorale): fin des aménagements extérieurs de la zone de délassement. Inauguration triomphale par le chef du DTP(E). Le Grand Conseil ignore toujours aussi bien l'utilisation faite des crédits qu'il a votés que l'énorme surcoût qu'il lui incombera de couvrir.

Novembre 1995 - 15 ans après le vote du crédit initial - le Grand Conseil est prié de couvrir par le projet de loi 7368 un dépassement de 10 807 688 F,soit un excédent de dépenses de 66,7%. Cette proposition passe comme chat sur braise sur les acquisitions de terrain sans autorisation du Grand Conseil, les aménagements d'une zone de délassement non prévue dans le projet de loi initial, etc.

L'exposé des motifs se borne à proposer au Grand Conseil de légaliser «le fait du prince», sa grave impéritie en matière de technique géologique, sa vision hydrolico-bucolico-mécaniste des cours d'eau et son amour des petits oiseaux aux frais du contribuable. L'amour des petits oiseaux du chef du DTP(E) semble croître en période électorale, la facture pour le contribuable aussi ! L'administration évoque dans le jargon opaque qui est toute la richesse linguistique du DTPE «un important dépassement (on ne saurait mieux dire) dû aux difficultés rencontrées lors de l'exécution du dernier tronçon de la galerie, long d'environ 90 m, dans un secteur limono-argileux qui a nécessité le recours à des techniques spéciales et coûteuses, telles que congélation de terrain avec de l'azote liquide et injection chimique, en raison des matériaux fluents rencontrés». Ce charabia en langue de bois de la meilleure veine n'explique, au mieux, que la moitié de la réalité des dépenses effectuées.

Le rédacteur de ce rapport au Grand Conseil souhaite aux auteurs mal inspirés de cette demande de crédit de bouclement ruineuse pour notre République de parvenir à l'avenir à mieux éviter les secteurs limono-argileux des projets mégalomanes aberrants qu'ils conçoivent pour les rivières genevoises. Il espère qu'ils sauront désormais naviguer au large des zones de matériaux fluents (?) et qu'ils sauront recourir à des techniques moins spéciales et surtout moins coûteuses, en s'abstenant de congeler le terrain à l'azote liquide ou à l'aide d'injections chimiques. Il ose, enfin, espérer que dans les hautes sphères des techniciens du DTPE on parvienne progressivement à considérer une rivière comme un phénomène naturel qu'on peut laisser couler, qu'il n'est pas forcément nécessaire d'endiguer, de canaliser et, à vrai dire, de massacrer, comme on fait piquer son chien en prétendant qu'il a la rage.

Conséquences du rejet d'une loi de bouclement par le Grand Conseil (extraits d'un avis de droit de Me Pascale Vuillod, juriste au DTPE)

Conséquences légales

La loi est muette au sujet des conséquences d'un rejet par le Grand Conseil d'une loi de bouclement. Le législateur n'a jamais envisagé ou a délibérément exclu toute conséquence légale d'une telle décision.

Le vote négatif du Grand Conseil n'aura, sur le plan légal, aucun effet, sauf s'il est assorti d'une autre décision exigeant, par exemple, du Conseil d'Etat qu'il engage une action contre un tiers ou qu'il ouvre une enquête administrative contre un fonctionnaire, si leur responsabilité respective est mise en cause.

Conséquences pratiques

La dépense ayant déjà été effectuée au moment du bouclement, elle est inscrite comme telle dans le compte d'Etat et amortie dans sa totalité, y compris la partie dépassant le crédit octroyé.

Conséquences politiques

Par le rejet d'une loi de bouclement, le Grand Conseil désavoue le Conseil d'Etat ou, plus particulièrement, un chef de département, ce qui constitue une sanction politique évidente.

Conclusions

Au terme de l'examen de ce crédit de bouclement, la commission des travaux constate, en se référant aux quatre axes de réflexion qu'elle s'est fixés (voir ci-dessus):

- qu'une seule autorité a autorisé formellement les décaissements au-delà de la limite de crédit votée : le chef du DTP(E), M. Christian Grobet, alors conseiller d'Etat;

- que la commission des travaux n'a jamais été informée, en 15 ans, de la probabilité ou de la réalité d'un dépassement du crédit voté;

- que l'origine et la justification des dépassements présentés au Grand Conseil relèvent (achat de parcelles diverses, réalisation de zones de délassement) de la seule initiative du chef du département, M. Christian Grobet, alors conseiller d'Etat, et/ou du défaut de maîtrise ou d'anticipation de phénomènes géologiques classiques dans le bassin genevois;

- que les dépassements que l'on demande aujourd'hui au Grand Conseil de couvrir ne sont absolument pas conformes à la loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique, du 11 janvier 1964, en vigueur à l'époque, qui a été violée par le chef du DTP(E), M. Christian Grobet, alors conseiller d'Etat.

Signalons pour faire «bon poids» que la loi actuelle (D 1 05, de 1993) qui ne diffère guère, dans son esprit et sur ce point, de l'ancienne législation (D 3 17, de 1964) prévoit à l'alinéa 5 de son article 52 qu'«un crédit d'investissement est bouclé immédiatement après l'achèvement du projet». Attendre 15 ans pour boucler un crédit d'investissement que l'on a manipulé à sa guise, c'est non seulement violer la loi, mais ruser avec le législatif genevois et, pour tout dire, se moquer du monde.

Face à une situation désormais irrémédiable (l'argent est dépensé), pour marquer son profond mécontentement et sa réprobation totale des pratiques illégales du DTPE de l'«ère Grobet», la commission des travaux a refusé d'entrer en matière sur le projet de loi 7368 par 8 voix (3 L, 2 R, 2 PDC et 1 Ve) contre 3 avis contraires (AdG) et 2 abstentions (S). Elle a reconduit ce vote dans les mêmes termes en mettant fin à ses travaux, suggérant ainsi au Grand Conseil d'enterrer de façon définitive le projet de loi 7368, en laissant au Conseil d'Etat le soin de trouver un biais constitutionnel qui lui permette de justifier, s'il le peut, les dépenses qu'il a effectuées sans autorisation du Grand Conseil.

Vous trouverez, Mesdames et Messieurs les députés, les termes du projet de loi 7368, tel que présenté au Grand Conseil par le Conseil d'Etat, ci après. C'est en ces termes que la commission des travaux a refusé d'entrer en matière sur ce projet de loi (voir ci-dessus) en vous suggérant d'en faire de même.

PROJET DE LOI

ouvrant un crédit complémentaire pour le bouclement du compte de construction d'une galerie souterraine de décharge des eaux de crue de l'Aireet de son endiguement partiel

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

Crédit complémentaire

Un crédit complémentaire de 10 807 688 F est ouvert au Conseil d'Etat pour couvrir le dépassement du compte de construction d'une galerie souterraine de décharge des eaux de l'Aire et de son endiguement partiel.

Art. 2

Subvention fédérale

Les subventions fédérales versées ont été de4 208 925 F et la participation des routes nationales de2 189 560 F.

Art. 3

Financement complémentaire par l'emprunt

Le financement complémentaire par rapport au montant voté, soit 4 409 203 F, sera assuré par le recours à l'emprunt.

Art. 4

Amortissement

Le montant annuel des intérêts et amortissements est pris en charge par l'Etat de Genève.

Art. 5

Loi générale surle financementdes travauxd'utilité publique

La présente loi est soumise aux dispositions de la loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique, du 11 janvier 1964.

ANNEXE

p 13

p 14

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p 16

p 17

p 18

p 19

p 20

p 21

p 22

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Depuis que la commission des travaux examine les crédits de bouclement, la tension est montée d'un cran, ce qui n'est pas peu après la «Rade» et les «Charmilles».

La majorité de la commission s'adonne à la chasse aux sorcières avec victime expiatoire désignée.

Reprocher un choix technique de 1980, accepté sans débat par le Grand Conseil dans sa séance du 19 septembre 1980 sur la recommandation unanime de la commission, reprocher l'achat d'une parcelle en 1981, à l'ancien chef du département des travaux publics, dont le mandat débutait en décembre 1981, tient de l'idée fixe délirante.

Tous les commissaires de la commission des travaux actuelle ont reçu de nombreux documents et explications de la part des spécialistes du DTPE qui ont répondu avec précision et compétence à toutes les questions, techniques, écologiques, administratives au sujet de ce chantier.

La majorité de la commission n'arrivant pas à trouver la faille plaça son espoir de revanche dans une demande d'expertise. Celle-ci, comme toutes les autres, soit six, fut confiée à un expert désigné par M. Philippe Joye. Candidement je pensais qu'une association professionnelle était plus indiquée pour ces choix (SIA - Interassar, Association ingénieurs civils, etc.)

Or, au rendu de l'expert de ce projet de loi, qui a travaillé sur les mêmes documents que la commission, plus quelques renseignements complé-mentaires obtenus auprès du DTPE et de spécialistes, on constate, et je cite le rapport pages 8 et 9:

Page 8

«A la question posée par la commission: les dépassements sont-ils conformes à la loi du 11 janvier 1964, en vigueur à l'époque?

Au moment de l'adjudication des travaux, il était déjà apparu qu'un dépassement de l'ordre de 15% (sans compter les hausses) du crédit autorisé était prévisible (voir chapitre 3, points I et II).

A ce stade, poussé par le caractère urgent qu'a pris le projet suite aux inondations de 1979, le DTP a décidé de poursuivre le projet sans demander de crédit complémentaire.

Ce faisant, il a parfaitement respecté la loi du 11 janvier 1964, article 5, alinéa 5, dans la mesure où le projet n'a pas subi de modification.

Pour le solde des dépassements, liés aux difficultés en cours de travaux, nous estimons qu'il s'agit d'adaptation de méthode d'exécution et non de modification du projet et par conséquent, que la loi de 1964 a été respectée.»

Page 9

«En conclusion, on peut admettre qu'une petite part du dépassement constaté provient d'un manque d'études préalables et d'une mauvaise appréciation conjoncturelle et qu'une grosse part de ce dépassement est imputable aux aléas géologiques, toujours élevés dans les travaux souterrains.

L'évolution des difficultés rencontrées et des dépassements qui leur sont liées n'ont jamais fait l'objet d'une information claire à la commission. Tous les dépassements ont fait l'objet d'engagements complémentaires par le chef du DTPE, en conformité avec la loi du11 janvier 1964, sur le financement des travaux d'utilité publique.»

Pour les trois commissaires de l'AdG, le rapport d'expertise, l'étude des documents et les explications reçues nous ont convaincus d'accepter ce projet de loi qui justifiait pleinement les dépassements et la méthode employée compte tenu des circonstances et de l'époque et en conformité avec la loi en vigueur. Il faut encore noter que l'office fédéral des eaux a approuvé et subventionné ces dépassements.

En augmentation des frais de ces dépassements il faudra ajouter les honoraires des experts, plusieurs centaines de milliers de francs pour six expertises, ainsi que le temps perdu par les hauts fonctionnaires.

Seul avantage, la loi de 1964, déjà modifiée il y a quelques années, a été revue et un nouveau projet de loi émanant de la commission des travaux est devant la commission des finances.

Les minoritaires demandent au Grand Conseil de faire preuve de sagesse et d'accepter ce projet de loi en toute objectivité et souhaitent que les crédits complémentaires définitifs parviennent plus vite au Grand Conseil.

Annexes: Loi D 3 17, du 11 janvier 1964.

 2 justificatifs du DTPE.

 Rapport de gestion.

ANNEXE

p 27

p 28

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p 31

p 32

ANNEXE

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p 35

ANNEXE

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p 38

Premier débat

La présidente. Il a été demandé que la lettre suivante figure au Mémorial :

C 564 Lettre de M. Christian Grobet

2

3

4

5

M. Hervé Burdet (L), rapporteur de majorité. Que n'a-t-on pas dit et surtout écrit au sujet de ce rapport qui ne fait que refléter la volonté exprimée par la commission des travaux !

La commission des travaux souhaite que le Grand Conseil jouisse d'un contrôle parlementaire renforcé. Elle souhaite aussi modifier la loi sur la législation administrative et financière de l'Etat. Un projet a été soumis au Grand Conseil aux fins de la rendre plus rigoureuse. La commission des finances rendra son rapport au Grand Conseil à fin juin.

La commission des travaux entend être informée de l'évolution des crédits qu'elle débloque, ainsi que des incidents de chantier susceptibles d'entraîner des coûts supplémentaires. Enfin, elle souhaite que des comptes, éventuellement des crédits de bouclement, lui soient présentés dès la fin des chantiers.

Je rappelle les démarches suivies par la commission avant d'aboutir à ce premier rapport. Les suivants vous seront présentés soit à la fin de cette séance soit au cours de la prochaine. La commission des travaux a constaté que les projets de travaux en cause, quelles que soient les dates de leur approbation par le Grand Conseil, ont été gérés, pendant douze ans, par le département des travaux publics, alors dirigé par son précédent président et conseiller d'Etat. C'est un fait incontestable ! Il n'est pas possible de passer sommairement, par profits et pertes, cette responsabilité gouvernementale qui a duré douze ans.

La commission des travaux a entrepris trois démarches. Tout d'abord, elle a procédé au tri des septante-cinq projets de lois que le Grand Conseil lui avait renvoyés. Elle les a groupés en trois lots selon leur caractère de gravité. Sa deuxième démarche a consisté à soumettre les six cas les plus graves à une expertise technique et financière. Enfin, elle a désigné, en son sein, une commission chargée de revoir la loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique du 11 janvier 1964, modifiée en 1993, puis en 1994. Elle a requis des modifications dont nous aurons à débattre d'ici fin juin.

Le premier lot des projets de lois de bouclement vous a, d'ores et déjà, été présenté par M. Chaïm Nissim au nom de la commission des finances. Tous entraînent des décaissements supplémentaires de la part de l'Etat. Il s'agit d'incidences financières mineures et M. le député Nissim s'est exprimé à leur sujet. Le Grand Conseil a admis les explications de la commission des finances. Je n'y reviens donc pas.

Le second lot de projets de bouclement fait apparaître des crédits non couverts par des autorisations du Grand Conseil. Néanmoins, la commission a considéré que les explications fournies - qu'elle a transmises, cas par cas, au Grand Conseil - suffisaient et qu'il n'y avait pas lieu d'émettre des protestations ou de «protracter» plus avant le bouclement de ces crédits. La commission considère, cependant, que la pratique du département des travaux publics, sous son ancienne présidence, a été inutilement opaque, longue et secrète, pour ne pas dire que l'on a voulu sciemment cacher aux députés que le département ne maîtrisait plus certaines situations géologiques, techniques et financières.

Les six projets, que je me suis permis de décrire comme «pendables», concernent l'adaptation des installations de l'aéroport, avec un dépassement de plus de 3 millions; la construction de la halle de fret de l'aéroport, avec un dépassement de plus de 35 millions; la construction de nouveaux bâtiments à l'usage des collèges Calvin et de Candolle, avec un dépassement de 3,7 millions ou plus; le projet de la galerie souterraine de décharge des eaux de crue de l'Aire, avec un dépassement de 10,8 millions et quelque. La commission a également relevé le cas du parking d'échange de Pré-Bois, avec un dépassement mineur, dont nous discuterons plus tard, ainsi que celui de la glissière et la construction de pistes cyclables au pont Butin, avec un dépassement de 2 350 000 F.

La commission des travaux a souhaité que certaines questions soient posées à ses propres experts ou à ceux mandatés par le département, dont celles-ci : quelle autorité a autorisé formellement les décaissements au-delà de la limite des crédits votés ? La commission des travaux a-t-elle été informée régulièrement de tout dépassement ? Nous avons également demandé à ces experts de nous expliquer l'origine et la justification des dépassements présentés au Grand Conseil et de se prononcer sur leur conformité ou leur non-conformité, avec la teneur de la loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique, quitte à ce que les députés expriment, le cas échéant, un avis différent.

J'en viens au projet 7368 sur lequel je rapporte ce soir. Dès 1981, le Grand Conseil avait décidé de poursuivre et de perfectionner l'endiguement de l'Aire, afin de préserver les terres agricoles avoisinantes et d'éviter d'éventuels débordements de ce cours d'eau. Je ne minimise absolument pas cette décision du Grand Conseil. La commission des travaux a compris qu'il s'agissait d'apprécier la manière de gérer l'hydrologie du canton, en particulier dans le bassin de l'Aire. Ce que la majorité de ce Grand Conseil considère, aujourd'hui, comme des erreurs de gestion hydrologique, pouvaient ne pas en être en 1981. La commission n'entend donc pas juger du bien-fondé ou du «mal-fondé» du projet original, mais elle entend se prononcer sur l'énorme dépassement de crédit, d'une légitimité extrêmement discutable, qui vous est soumis ce soir.

J'ai cru bon d'ajouter à mon rapport, peut-être par erreur, que la commission n'apprécie pas particulièrement le comportement «secrétif», pour ne pas dire plus, du département du lac et des cours d'eau. J'ai employé le terme «sournois», et je suis prêt à le soutenir, dictionnaire en main !

Je ne prends qu'un exemple, celui de la plaine de la Seymaz. Les gens du cru, pour ne pas parler du Grand Conseil, ne sont même pas prévenus de l'abandon du projet mammouth de déversement des eaux du Foron dans celles de la Seymaz, puis de leur déchargement direct dans le Léman, via une galerie de décharge. Aujourd'hui, le département parle d'un deuxième projet, peut-être pendant devant le Conseil d'Etat. Ce projet n'a jamais été mis à l'enquête, ni présenté à une commission ou au Grand Conseil. Nous ignorons absolument ce que l'on ne fait peut-être plus dans le cas du Foron, ce que l'on fera peut-être dans le cas de la Seymaz, avec ou sans galerie de décharge. C'est ce que j'appelle le comportement opaque et «secrétif» du département du lac et des cours d'eau. Venant d'un service de l'Etat, ce comportement est inadmissible.

Je rappelle maintenant, brièvement, les étapes qui ont conduit au crédit de bouclement 7368.

Comme dit et répété à maintes reprises, le Grand Conseil a débloqué un crédit de 16 200 000 F en 1980. L'adjudication des travaux a eu lieu en mai 1982. Ces dates s'insèrent dans les douze ans de fonctionnement du précédent chef du département des travaux publics. C'est à ce moment-là que les dérapages et les abus commencent. En juillet 1982, on nous donne à comprendre que «pour des raisons de simplification, une acquisition a été imputée sur le compte de la galerie.» En clair, pour éviter de consulter le Grand Conseil. Il s'agit de l'acquisition du terrain prévu pour la prise d'eau et la finition de la STEP de Confignon. En juin 1983, une nouvelle démarche est entreprise, impliquant une nouvelle et importante modification du programme voté par le Grand Conseil, en 1980. La parcelle, qui vient d'être acquise sans autorisation du Grand Conseil, sur un crédit débloqué dans un but différent, se libère. Une partie de cette parcelle a été utilisée pour l'installation d'une prise d'eau, et le solde aménagé en zone de délassement, sur ordre du chef du département des travaux publics. Ce n'est pas moi qui l'affirme. Cette démarche est mentionnée à la page 17 du rapport d'expert que vous avez certainement sous les yeux. De novembre 1984 à octobre 1985, de graves problèmes géologiques surgissent et des surcoûts divers sont à escompter. Le Grand Conseil et sa commission des travaux sont maintenus dans l'ignorance totale de cette réalité. En 1989, le Grand Conseil ignore toujours l'utilisation faite des crédits qu'il a votés, ainsi que l'énorme surcoût qu'il lui incombe, aujourd'hui, de couvrir. En novembre 1995, soit quinze ans après le vote du crédit initial, le Grand Conseil est finalement prié de couvrir, par le projet de loi 7368 dont nous discutons ce soir, un dépassement de 10 807 688 F, soit un excédent de dépenses de près de 67% !

J'ai ajouté à mon rapport ce qui a fait l'objet d'une correspondance avec l'actuel chef du département des travaux publics. Il s'agit d'une note juridique évoquant l'éventualité d'une enquête administrative. Je crois à un malentendu de la part de M. Philippe Joye, puisque je n'ai fait que citer, quasiment mot à mot, l'avis de droit de Mme Pascale Vuillod, transmis à la commission des travaux. Mme Pascale Vuillod est le juriste mandaté par le département des travaux publics lui-même.

Quoi qu'il en soit, cette note nous apprend qu'il n'y a guère de conséquences légales, qu'il n'y a pas de conséquences pratiques, le crédit ayant été dépensé, et que c'est aux politiciens d'apprécier les conséquences politiques. C'est donc à vous de le faire, Mesdames et Messieurs les députés, puisque vous êtes des experts !

La conclusion de mon rapport, la même que celle du rapport de l'expert, est qu'une seule autorité a autorisé formellement les décaissements au-delà de la limite du crédit voté : le chef du département des travaux publics de l'époque. Cette conclusion figure sous lettre a), en page 20 du rapport de l'expert.

Autre conclusion. La commission des travaux n'a jamais été informée, en quinze ans, de la probabilité ou de la réalité d'un dépassement du crédit voté - voir le rapport de l'expert, page 20, lettre b).

L'origine et la justification des dépassements présentés au Grand Conseil - achat de parcelles diverses, réalisation de zones de délassement - sont dues à la seule initiative du chef du département des travaux publics de l'époque.

La commission émet un avis divergent de celui de l'expert mandaté quant au fait de savoir si, oui ou non, la loi a été violée. Il s'agit de la loi D 3 17, actuellement en voie de remaniement. Une simple relecture suffit à nous la rendre particulièrement claire. L'article 5, alinéa 4, stipule : «Si, après le vote du crédit d'exécution, un projet subit une transformation importante, entraînant une dépense supérieure au montant voté, celle-ci ne peut être engagée qu'après l'octroi par le Grand Conseil d'un crédit complémentaire demandé dans les formes prévues au présent article.» Cet alinéa 4 de l'article 5 de la loi n'a pas été respecté.

A l'article 5, alinéa 5, nous lisons  : «Si l'exécution des travaux, tels qu'ils ont été étudiés avant la demande d'ouverture de crédit, rend indispensable une dépense supérieure au montant voté, le dépassement fait l'objet, au moment de l'achèvement des travaux, d'une demande complémentaire au Grand Conseil dans les formes prévues au présent article.» Jamais cet alinéa 5 n'a été respecté. La loi a donc été violée par le chef du département des travaux publics.

Pour terminer, j'affirme que la commission des travaux ne s'est nullement préoccupée, comme on essaie de le faire croire par polémique et voie de presse, de la candidature éventuelle de M. Grobet, cet automne, au Grand Conseil d'abord, au Conseil d'Etat peut-être. Elle ne s'est pas non plus préoccupée de savoir si M. Grobet occupera de nouveau un poste à responsabilités au département des travaux publics. La commission des travaux entend simplement dire au Grand Conseil qu'il conviendrait que les chantiers de l'Etat soient gérés par des spécialistes et non par des fonctionnaires, en sus de leur travail de routine qu'ils parviennent déjà difficilement à assumer.

La commission des travaux entend vous dire encore, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il serait logique que vous soyez informés et que vous receviez régulièrement les situations des engagements de l'Etat. Elle trouve aussi que des informations précises, sur les difficultés rencontrées et les frais supplémentaires encourus, devraient vous être communiquées dans les plus brefs délais. Elle considère, enfin, que les comptes de bouclement doivent être présentés dès la fin des travaux et la fermeture des chantiers.

En proposant de refuser d'entrer en matière sur le projet 7368, la commission des travaux fait état de sa frustration et manifeste son indignation pour la manière avec laquelle le Grand Conseil a été roulé dans la farine. Elle veut souligner que le respect des lois est dû aussi par le Conseil d'Etat, voire par le chef du département des travaux publics. Autrement dit, les lois sont faites pour tout le monde.

La commission des travaux, et j'espère qu'elle sera suivie par le Grand Conseil, souhaite plus de rigueur dans l'engagement des deniers publics, notamment en matière de travaux publics.

M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. Je ne sais pas aussi bien que M. Burdet... (Interruption de M. Claude Blanc.) J'ai beaucoup de choses à dire, Monsieur Blanc, et vous en apprendrez de bien plus belles que vous ne supposez !

Des experts ont été nommés par le DTPE. Sans faire de procès à M. Joye, j'aurais préféré qu'ils le fussent par une chambre professionnelle, plus à même de désigner des spécialistes parfaitement neutres. Je ne doute pas de votre honnêteté dans cette affaire, Monsieur Joye, mais il aurait été plus net et plus clair que les experts soient mandatés par des professionnels de la branche.

M. Burdet nous a donné une lecture très fragmentaire de l'expertise de M. Bernard Ott. Je me contente de citer in extenso un paragraphe de ses «résumé et conclusions» : «L'origine de ce surcoût s'explique par des raisons financières liées à la conjoncture, des raisons d'adaptation du projet et des raisons techniques liées à la nature des sols rencontrés.» J'en viens aux deux derniers paragraphes que je cite mot à mot :

«En conclusion, on peut admettre qu'une petite part du dépassement constaté provient d'un manque d'études préalables et d'une mauvaise appréciation conjoncturelle, et qu'une grosse part de ce dépassement est imputable aux aléas géologiques, toujours élevés dans les travaux souterrains.»

Permettez à votre serviteur de vous faire remarquer que les crédits prévus datent de la fin des années 70 et que M. Grobet n'était pas conseiller d'Etat à l'époque. Je termine ma citation :

«L'évolution des difficultés rencontrées et des dépassements qui leur sont liés n'a jamais fait l'objet d'une information claire à la commission des travaux du Grand Conseil. Tous les dépassements ont fait l'objet d'engagements complémentaires par le chef du DTP, en conformité avec la loi du 11 janvier 1964 sur le financement des travaux d'utilité publique.» C'est clair et net : la loi n'a pas été violée !

Madame la présidente, j'ignore si tous les députés ont reçu la réponse de M. Philippe Joye à M. Burdet. Si tel n'était pas le cas, je vous prierais de la faire lire. Merci !

La présidente. Elle a été distribuée à tous les chefs de groupe, mais je ne sais pas si tous les députés en ont eu connaissance. A la demande du conseiller d'Etat, elle sera annexée au Mémorial, tout comme la lettre de M. Christian Grobet.

M. Pierre Meyll, rapporteur de minorité. La lecture serait plus convaincante. Madame la présidente, je réitère ma demande.

M. Claude Blanc (PDC). Cette lettre n'étant pas adressée au Grand Conseil, elle n'a pas à être lue.

La présidente. Copie nous en est parvenue.

M. Claude Blanc. Cette lettre de M. Joye est adressée à M. Burdet. Même si les députés en ont reçu la copie, on n'a pas à la lire ici.

La présidente. Monsieur le député Meyll ?

M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. Voilà bien les us et coutumes de la commission des travaux ! Elle ne voit que ce qu'elle veut bien voir, mais entend ignorer ce qui lui fait mal ! Cette lettre doit être lue pour le bien de chacun.

La présidente. Votre demande est-elle appuyée ? (Réponse affirmative de M. Pierre Meyll, rapporteur de minorité.) Madame la secrétaire, veuillez donner lecture de cette lettre dont le Grand Conseil a reçu copie.

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M. Christian Grobet (AdG). Le premier jour de mon entrée en fonctions au département des travaux publics, en décembre 1981, j'ai eu la surprise d'apprendre que le soir même je devais inaugurer le tunnel routier de Carouge à la place de mon prédécesseur, M. Jaques Vernet, qui avait mené à bien cette délicate opération. Aussi lui ai-je téléphoné pour lui dire que je considérais que c'était à lui que revenait cet honneur. Avec l'humour qu'on lui connaît, M. Vernet m'a répondu : «Sache, Christian, que tu passeras ton temps à inaugurer, puis à réaliser les ouvrages conçus par ton prédécesseur, durant les premières années de ton mandat. Quand tu quitteras le département, ton successeur fera de même !». Sur ce, il m'a instamment prié de le remplacer à l'inauguration du tunnel de Carouge.

Effectivement, je me suis très vite aperçu que ma tâche première consistait à réaliser d'importants projets conçus avant mon arrivée au département, et dont je n'avais aucune connaissance. Cela a demandé un investissement considérable. Certains projets ont dû être entièrement repris.

Comme seuls exemples, je citerai le projet de la zone sud de l'hôpital, le bâtiment Opéra, et celui de la maternité, votés par le Grand Conseil en 1980. Deux ou trois jours après mon entrée au département des travaux publics, M. Widmer, le responsable des constructions nouvelles, m'a informé que l'on attendait mon arrivée depuis six mois, en tant que conseiller d'Etat devant décider de ce dossier : tenter de réaliser les projets votés par le Grand Conseil ou les reprendre complètement, vu que nous nous étions fait «retoquer» par l'autorité fédérale de subventionnement. Il a fallu reprendre entièrement ces deux projets qui, en 1984, ont été votés une deuxième fois par le Grand Conseil. Les études ont donc été faites deux fois, et je n'indiquerai même pas ici les millions qu'elles ont coûtés. Il en a été de même pour le projet du collège Calvin, bientôt inscrit à l'ordre du jour du Grand Conseil. Suite à la décision du Conseil d'Etat, ce projet, lui aussi, a dû être entièrement repris.

Je n'ai jamais - et je défie quiconque de prouver le contraire - mis en cause mon prédécesseur au sujet de projets que j'ai dû exécuter et qui ont nécessité d'importants changements. Pour avoir dirigé le département des travaux publics pendant douze ans, je ne ferai jamais le moindre reproche à M. Vernet, notamment sur ce projet dont il a suivi l'étude et la mise au point. Durant ces douze ans, je me suis rendu compte de la difficulté de cette charge, les projets devant être revus constamment et des faits nouveaux ou inconnus devant être sans cesse considérés.

Monsieur Burdet, vous avez tenu des propos qui m'ont profondément choqué. Ce disant, je ne parle même pas de ce que vous avez écrit sur mon compte, car je n'ai pas de temps à perdre ! Vous avez déclaré les fonctionnaires du département des travaux publics inaptes à leur tâche. Je vous réponds que j'ai vu les responsables des constructions publiques à l'oeuvre. Ils constituent une équipe que mon prédécesseur souhaitait réduite. J'ai respecté son voeu. De plus, vous réclamez ce qui se pratique depuis que le département a été réorganisé par M. Vernet, à savoir mandater des spécialistes extérieurs - ingénieurs, architectes, etc. Seule la petite équipe désignée plus haut exerçait au sein du gouvernement. Pour preuve, dès mon arrivée au département des travaux publics, l'Association des ingénieurs et des architectes a voulu s'assurer que je n'engagerai pas, à l'instar de la Ville de Genève, des homologues qui enlèveraient le pain de la bouche de ses membres ! Ce sont donc les mandataires, désignés par le maître d'ouvrage, qui sont responsables, en premier chef, de l'exécution d'un ouvrage.

Que s'est-il passé dans cette affaire ? En cours de chantier, une inondation épouvantable s'est produite dans le tunnel. Il a fallu agir d'urgence. Le tunnel étant envahi par un torrent, le moment était mal choisi pour venir devant le Grand Conseil solliciter un crédit complémentaire... Hypothèse absurde ! Nous devions parer au plus pressé. Il est ressorti des études - menées quand je n'étais pas encore en charge du département - que des sondages plus importants auraient peut-être - j'insiste sur le mot «peut-être» - permis de localiser la poche d'eau, constituée de limons fluant en provenance d'un coteau de Confignon. Je ne reproche rien à quiconque, même si j'ai modifié la pratique de mon prédécesseur sur un point, à savoir des demandes de crédits adressées à la commission des travaux, crédits limités à 300 000 F pour éviter de présenter des projets de lois au Grand Conseil. Pour un ouvrage devisé à 16 millions, un crédit d'étude de 300 000 F était, à l'évidence, insuffisant, d'où, sans doute, des sondages pas assez importants. Quand bien même ils l'auraient été, il n'est pas dit que cette fameuse poche aurait pu être localisée !

Aujourd'hui, vous me reprochez d'avoir pris des engagements supplémentaires sans en référer au Grand Conseil. Ce qui, au demeurant, est de la responsabilité du Conseil d'Etat, le département des travaux publics, en tant que tel, ne pouvant saisir le Grand Conseil d'un projet de loi. Je reviendrai sur ce point quand nous discuterons de la halle de fret.

Mesdames et Messieurs de la commission des travaux, vous avez demandé l'avis d'un expert. Et je comprends que cet avis vous dérange profondément, Monsieur Burdet ! En effet, l'expert a écrit, noir sur blanc, que tout était conforme à la loi sur les travaux d'utilité publique, telle qu'elle était applicable à l'époque. Elle n'a d'ailleurs pas été grandement modifiée depuis.

Quand on sollicite l'avis d'un expert qui conclut à la conformité totale avec la loi, je trouve que c'est un sacré culot de prétendre le contraire. Vous faites une gymnastique intellectuelle assez remarquable en prétendant que l'ouvrage aurait été modifié, alors que le tunnel est rigoureusement le même que celui voté par le Grand Conseil, en 1980, c'est-à-dire quinze mois avant mon arrivée au Conseil d'Etat. Vous allez donc chercher une histoire de terrain acheté au prix de 200 000 F, qui a fait l'objet de négociations bien avant ma venue au Conseil d'Etat, Monsieur Burdet. Et vous dites que le prix d'achat de ce terrain aurait dû être approuvé par le Grand Conseil, ce qui est ridicule ! En tant que député siégeant depuis seize ans dans cette enceinte, vous devriez savoir que ce parlement n'a jamais voté l'acquisition d'un terrain.

Il est vrai que depuis 1985 ou 1986, à la demande de M. Ducret, des montants ont été alloués sous forme de crédits au Conseil d'Etat, mais c'est toujours ce dernier qui a décidé seul de l'achat des terrains. L'acquisition de cette parcelle à 200 000 F n'avait pas à être soumise au Grand Conseil, et vous le savez pertinemment bien. C'est à juste titre que ce prix a été inséré dans le crédit de bouclement, les collaborateurs du département s'étant rendu compte qu'en agissant ainsi cet achat bénéficierait des subventions fédérales. Si nous avions tenu votre raisonnement et appliqué usuellement la loi, c'est-à-dire en faisant passer cet achat par les acquisitions de terrains qui ne sont pas soumises à approbation du Grand Conseil, nous aurions perdu la part équivalente de la subvention fédérale.

Vous me faites un procès d'intention quant à l'aménagement de la parcelle achetée. Tout d'abord, je tiens à dire la raison de l'achat de cette parcelle : c'était pour y faire du lagunage, ce que vous savez aussi. Ce projet a été abandonné. Ayant servi aux installations de chantier, ce terrain a été remis en ordre et il a fallu trouver une solution...

La présidente. Monsieur le député, le temps est limité...

M. Christian Grobet. Madame la présidente, je tiens à m'exprimer complètement, ayant été mis en cause. Et je vous assure que je ne prendrai pas trois fois la parole.

L'expert a donc affirmé qu'il n'y avait pas eu violation de la loi. Mais le plus grave, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que dans son rapport, et oralement maintenant, M. Burdet a porté contre votre serviteur une accusation particulièrement... (Interruption de M. Annen.) Monsieur Annen, vous pouvez peut-être prendre ce genre de chose à la légère. Personnellement, je considère que mon honneur est atteint quand on dit que j'ai sciemment occulté - ce sont vos termes, Monsieur Burdet - la situation géologique et caché la vérité à la commission des travaux.

J'ai spécifié ceci dans ma lettre que vous voulez bien annexer au Mémorial, Madame la présidente : le Conseil d'Etat n'a pas d'obligation à donner une information, en cours de travaux, au Grand Conseil sur ce qui peut se passer en marge d'un chantier, mais il doit chaque année, selon la loi, faire rapport sur les crédits «grands travaux», lors des comptes rendus. Le Conseil d'Etat l'a fait et j'ai indiqué dans cette lettre les deux comptes rendus où l'affaire de la galerie technique de l'Aire a été expressément évoquée. De plus, j'ai expliqué que deux fois l'an, à l'occasion du budget et des comptes rendus, une séance spéciale de la commission des travaux était consacrée à l'examen de la grille des investissements «grands travaux», et les membres de la commission, dont vous faisiez partie, Monsieur Burdet, n'en ignoraient rien. Cette grille affiche le montant des crédits et leurs dépassements, et il va sans dire que les députés sont en droit de demander des explications quand les crédits votés sont dépassés.

Je déclare ici, sur mon honneur, que j'ai informé la commission des travaux. J'ai indiqué dans ma lettre que nous l'avions invitée sur place, à l'occasion du bouquet, pour qu'elle se rende compte de la situation. Monsieur Burdet, j'ai retrouvé la date de cette invitation : c'était le 17 octobre 1986 ! J'en ai reçu confirmation de députés qui s'en souvenaient, car ce n'est pas tous les jours que l'on va dans une galerie technique pour m'entendre évoquer les difficultés rencontrées et les conditions épouvantables dans lesquelles les ouvriers avaient dû travailler. Et je me demande bien si vous n'étiez pas présent, Monsieur Burdet !

La présidente. Je vous laisse encore deux minutes pour terminer.

M. Christian Grobet. Permettez, Madame la présidente, que je donne lecture d'un texte qui confirme l'examen, par la commission des travaux, des comptes portant sur les travaux d'utilité publique. Il concerne précisément la galerie souterraine de l'Aire et figure dans le rapport de la commission des travaux, lui-même reproduit dans le Mémorial du Grand Conseil du 19 juin 1987. Voici ce qu'on peut lire à la page 3167 - écoutez bien, Monsieur Burdet ! -  : «Les travaux ont été interrompus pendant un an à cause de difficultés liées à la nature du sous-sol. Le percement est, aujourd'hui, achevé. La commune de Confignon a été invitée à faire ses remarques sur l'aménagement paysager prévu. Elle n'est pas favorable à la mise en place d'un local d'entretien et de quelques places de stationnement. Le département des travaux publics va réexaminer son projet.» D'où la modification de la parcelle !

Monsieur Burdet, en tant que membre de la commission des travaux, ne vous souvenez-vous pas de ce rapport de la commission ?

M. Hervé Burdet, rapporteur de majorité. Je me souviens du bouquet, mais...

M. Christian Grobet. Je parle du rapport de la commission des travaux ! De plus, j'ai toujours invité les députés aux bouquets et aux inaugurations. Je vous pose une autre question...

La présidente. Ce n'est pas le lieu, Monsieur Grobet !

M. Christian Grobet. Madame la présidente, je tiens à ce que vous sachiez qui est l'auteur de ce texte !

La présidente. Vous n'avez pas à interroger le rapporteur.

M. Christian Grobet. Madame la présidente, M. Burdet m'a accusé de forfaiture, mais c'est lui l'auteur du texte que je viens de lire ! C'est vous, Monsieur ! (M. Christian Grobet se dirige vers M. Hervé Burdet pour lui remettre le texte.) Et ce rapport de commission, c'est vous qui l'avez signé ! Vous êtes donc un menteur !

La présidente. C'est votre conclusion, je pense.

M. Chaïm Nissim (Ve). Je voudrais dénoncer la diabolisation émanant du rapport de M. Burdet.

Monsieur Burdet, si le diable existe - je vous avoue qu'il m'arrive d'en douter - il se nomme Belzébuth ou Lucifer. Il illustre peut-être notre partie mauvaise, mais ne s'incarne pas en un seul homme et surtout pas en M. Christian Grobet, qui ne s'appelle ni Belzébuth, ni Lucifer.

Monsieur Burdet, un seul homme ne peut être responsable des désastres urbanistiques, architecturaux, techniques et financiers que vous dénoncez à la page 2 de votre rapport. A l'époque, tous les partis du Grand Conseil étaient d'accord avec M. Grobet. Ce sont eux qui ont voté ce que vous définissez, aujourd'hui, comme des désastres financiers.

Je vous rappelle, Monsieur Burdet, le surdimensionnement de 30% des Cheneviers que l'on pourrait, aujourd'hui, taxer de désastre financier. A l'exception des écologistes, vous, comme les représentants de tous les partis du Grand Conseil, avez voté ce désastre financier, après vous être rendus aux arguments des fonctionnaires, de M. Grobet et d'autres chefs du DTP, qui s'étaient trompés en toute bonne foi.

Voici trois mois, M. Segond nous lisait la liste, absolument étonnante, des projets mammouths que nous ne referions pas aujourd'hui. Il nous a parlé de la zone sud de l'hôpital, évoquée par mon collègue Grobet. Aujourd'hui, jamais nous ne referions ce machin à 225 millions !

Monsieur Burdet, vos promoteurs libéraux étaient, pour le moins, de connivence avec les technocrates de tous bords, dont des socialistes, durant les «trente glorieuses».

Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne le service du lac et des cours d'eau. Il fut, trop souvent, le service du bétonnage des cours d'eau. Pas plus tard qu'hier j'ai appris que son dirigeant venait de prendre le PLEND et que son successeur, plus écologiste, comprendra qu'il faut ralentir, et non accélérer, le cycle de l'eau. Nous le disons depuis quinze ans. Je suis donc d'accord avec vous sur ce point, Monsieur Burdet. Il faut, autant que possible, ralentir le cycle de l'eau, encore que la lettre de M. Joye défendant M. Charpié est justifiée dans le cas de l'Aire. Il n'était pas aisé de ralentir le cycle de l'eau, une grande partie de la rivière ayant été bétonnée en amont, c'est-à-dire du côté français. Dès lors, il nous était difficile d'intervenir sur des parkings construits en France.

Mais nous ne sommes pas là pour parler du service du lac et des cours d'eau, mais pour débattre du respect ou du non-respect de la loi à l'occasion d'un dépassement de crédit.

Monsieur Burdet, l'appréciation est hautement politique sur le fond. M. Meyll a eu parfaitement raison de citer l'expert qui conclut que M. Grobet n'a pas outrepassé la loi. Mais en faisant une appréciation politique différente, nous avons aussi raison, vous et moi.

En fait, la question tient à un seul mot, publié à la page 27 du rapport de M. Meyll. C'est le mot «importante», qui figure dans l'alinéa 4 de l'article 5, cité par M. Meyll : «Si, après le vote du crédit d'exécution, un projet subit une transformation importante...» Tout est là ! Nous devons savoir s'il s'agit d'une transformation importante, et là je suis d'accord avec vous, Monsieur Burdet.

Monsieur Grobet, vous avez lu un extrait d'un texte paru dans le Mémorial, apparemment signé de M. Burdet, et datant de 1987. Je n'ai pas vérifié. Aujourd'hui, nous sommes en 1997. C'est en se basant sur cet intervalle de dix ans et en déterminant les modifications «importantes» que la majorité de la commission a conclu au rejet de ce projet de loi. Mais, encore une fois, nous pouvons admettre que M. Meyll a raison. Du reste, mon excellent collègue Saurer fait la même analyse.

Je serai clair sur les modifications, Monsieur Grobet. Le projet a été modifié deux fois, comme rappelé en pages 16-17 du rapport.

La première modification figure au bas de la page 16. Elle est introduite ainsi : « - modification du projet : suite aux essais sur modèle hydraulique, etc.» En l'occurrence, le chantier a traîné à cause des problèmes survenus en cours de travaux, problèmes qui ne vous incombent nullement, Monsieur Grobet, des géologues s'étant avisés de la présence d'une poche d'eau.

Nous disons simplement qu'il fallait revenir devant le Grand Conseil à partir du moment où cette modification a entraîné un surcoût.

La deuxième modification, mentionnée à la page 17 du rapport, est celle de cette fameuse parcelle du Paradis. Je cite : «Ce poste, non budgétisé dans le devis, comprend les travaux d'aménagement, etc.» Monsieur Grobet, vous avez inclus ces 200 000 F dans le projet de loi pour récupérer une partie des subventions fédérales mais, le projet ayant été transformé, vous auriez dû revenir devant le Grand Conseil. Quant à l'appréciation de cette modification, je vous accorde qu'elle tient de la subjectivité et du politique.

Encore une fois, Monsieur Burdet, ce n'est pas la faute d'un seul diable ! En voici la preuve : M. Joye appartient au Conseil d'Etat depuis quatre ans et peu de projets ont été bouclés. Il en est un pour lequel, Monsieur Joye, vous avez passé outre l'article 5, pour autant que cela soit toujours le même article, la législation ayant changé entre-temps. Toujours est-il que la loi 6936, du 12 février 1993, sur l'extension Palexpo, halle 7 et restaurant, a été adoptée. Total voté : 46,4 millions; coût final présumé : 59 millions, donc un peu plus de 13 millions de dépassement ! En commission, M. Reinhardt nous a annoncé deux modifications du projet, la première étant la construction du restaurant panoramique, non prévue initialement, et remboursée par le musée de l'automobile...

Des voix. Cela a été refusé !

M. Chaïm Nissim. Peut-être, mais le rapport ne le signale pas. Une deuxième modification est inscrite sous «Travaux complémentaires», soit  : «Aménagement de bureaux en mezzanine, passerelle d'accès au restaurant, etc.» Ces deux modifications expliquent peut-être l'augmentation du crédit voté, mais jamais, Monsieur Joye, nous n'en avons été saisis. Pourtant, la loi actuelle prévoit la soumission d'un tel crédit au Grand Conseil dans l'année qui suit la fin des travaux. Si je suis bien renseigné, il semble bien que vous ayez laissé «glisser», vous aussi, un certain nombre de projets.

Ces glissements seront, sans doute, moins fréquents et moins importants à l'avenir, le Grand Conseil étant, faute d'argent, plus attentif à la gestion.

Comme vous, Monsieur Burdet, je refuserai ce projet de loi, mais pas pour les mêmes raisons. Ma décision se fonde sur la nécessité absolue de veiller à ces glissements, dont la responsabilité ne saurait incomber, je le répète, à une seule personne, et encore moins à M. Grobet.

M. Dominique Hausser (S). Le ton et l'attitude inqualifiables de M. Burdet ont profondément choqué le groupe socialiste.

Cela dit, j'insisterai sur l'inadmissibilité du rapport de M. Burdet. Hormis les oui, les non et les abstentions des commissaires, il ne reflète que l'état d'esprit de son auteur et pas celui de la commission. Celle-ci a travaillé sur l'ensemble des septante-cinq crédits de bouclement et, dans sa grande majorité, n'a jamais cherché à noyer systématiquement un seul et même individu, bien que certains commissaires, je dois l'admettre, ont régulièrement fait montre de cette velléité.

Des septante-cinq crédits de bouclement examinés, nous en avons retenu six, non parce qu'ils étaient «pendables», au sens strict du terme, mais parce qu'ils reflétaient les dérapages divers et multiples, observés lors de la réalisation de constructions importantes.

Finalement, ils ont été choisis pour servir d'illustration et d'argumentaire au projet de loi sur la modification de la gestion financière et administrative de l'Etat, dont nous débattrons la semaine prochaine. Ce projet nous permettra de disposer, à l'avenir, d'une meilleure information, tout en évitant que des lourdeurs de procédure ralentissent le cours des travaux.

J'en viens à ce passage des conclusions de M. Burdet : «...une seule autorité a autorisé formellement les décaissements au-delà de la limite de crédit votée : le chef du DTP(E)... ». Cela est faux pour la simple raison que dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat, en 1985, il est dit, à la page 118 : «que la construction des galeries d'évacuation des eaux de l'Aire et de l'Avanchet se poursuit avec quelques retards, dus aux difficultés rencontrées de par la nature du sous-sol.» Ces quelques lignes auraient dû inspirer des questions aux députés d'alors. Il n'est pas toujours facile - et je le constate depuis quatre ans - de décortiquer toute l'information des rapports de gestion. C'est pourquoi il est nécessaire de l'améliorer.

Il est également faux de dire que la commission des travaux n'a jamais été mise au courant. Dès 1985, elle a reçu une information sur les problèmes survenus.

Globalement, la loi de 1964 a été respectée. Néanmoins, il est clair que le Conseil d'Etat aurait dû, de manière formelle, présenter une demande de crédit au Grand Conseil dès l'instant où il a été décidé de l'aménagement de la parcelle Paradis en zone de détente, le projet de loi de décharge des eaux de crue de l'Aire ne l'ayant pas prévu.

Le groupe socialiste s'abstiendra sur ce projet de loi, comme il s'abstiendra sur les cinq suivants. Il entend marquer ainsi sa désapprobation quant à la gestion de certains dossiers et aux dérapages dus, tout à la fois, au Conseil d'Etat, au Grand Conseil, parfois aux maîtres d'ouvrage, aux utilisateurs et aux architectes.

Nous signifions ainsi notre volonté d'un changement qui permettra, ces prochaines années, d'éviter de tels dérapages.

M. Hervé Burdet (L), rapporteur de majorité. Je n'allongerai pas, concevant la nécessité, pour M. Grobet, de se défendre autant qu'il le peut et comme il le peut.

Il me peine quand il essaie de me faire dire que je m'en prends aux fonctionnaires du département des travaux publics. Ce n'est pas ce que j'ai dit et ce n'est pas ce que je pense. J'ai dit que les grands chantiers de l'Etat doivent être gérés par des spécialistes et non par des fonctionnaires qui assument cette tâche en plus de leur travail. Je n'invente rien. Cela nous a été communiqué par les hauts fonctionnaires auditionnés en commission. Ils ont mis en avant, à propos de la préparation des crédits de bouclement, le fait que cet exercice n'est guère stimulant ainsi que le manque de temps. En plus des fonctionnaires devant assumer leur propre travail quotidien, il faut des spécialistes pour gérer les chantiers et, ceux-ci terminés, pour présenter les comptes.

Certains malentendus découlent de la lettre qui a été lue. Je laisserai M. Joye s'exprimer à ce sujet. Mais quand je parle de l'Aire comme d'une rivière genevoise, je parle, bien entendu, de son tronçon genevois. Je ne suis pas stupide au point d'ignorer qu'elle prend sa source en France.

Quand je relève que, dans ce pays, on a mis et on continue à mettre sous tuyau un certain nombre de cours d'eau et de rivières, je parle de ce que M. Grobet nomme «une galerie souterraine de décharge». Pour ma part, je pense qu'une galerie de décharge est un très gros tuyau; le principe est donc le même.

La fonction de ce tuyau est d'accélérer l'écoulement des eaux. M. Nissim l'a compris, d'autres ne veulent pas le comprendre. Pour moi, une galerie de décharge est construite pour éviter que l'eau ne s'accumule en amont, autrement dit pour accélérer son débit.

Sauf erreur, M. Grobet a dit lui-même que le professeur Lachavanne souhaitait un lagunage à cet endroit. C'est d'ailleurs à cette fin que le terrain avait été acheté. Si l'on a renoncé à cette aire de lagunage, je vous laisse imaginer, tout en étant poli, que le professeur Lachavanne n'a guère été satisfait de la solution finalement adoptée, à savoir la galerie de décharge.

J'ai dit ce que j'entendais par l'adverbe «sournoisement», utilisé vis-à-vis du département du lac et des cours d'eau. J'ai parlé d'emblée de l'enquête administrative. C'est là un autre malentendu sur ce texte émanant du département des travaux publics.

Je n'allongerai pas davantage. J'en ai terminé, Madame la présidente.

M. Christian Grobet (AdG). Peut-être ai-je mal compris M. Burdet. En effet, je ne suis d'accord avec lui que sur un seul point : le département doit disposer d'une équipe plus importante pour établir les bouclements de comptes. C'est un travail qui prend beaucoup de temps, des points non résolus persistant des années après la fin des chantiers.

La pression exercée sur le département des travaux publics, durant les douze ans de ma présidence, faisait que l'équipe en place ne parvenait pas, en plus de son travail, à établir les bouclements de crédits. Je suppose que mon successeur subit une pression semblable, bien que les travaux soient moins nombreux. Je vous remercie de l'avoir dit.

Je reviens sur les modifications, que vous qualifiez d'importantes et qui auraient justifié, selon vous, Monsieur Nissim, une demande de crédits complémentaires en cours de travaux. Je vous ai demandé quelles étaient ces modifications et vous m'en avez cité deux, en tout et pour tout, considérées comme mineures, à juste titre, par l'expert.

A la suite de négociations engagées sous la responsabilité de mon prédécesseur, le terrain a été acheté en vue d'un lagunage, mais pas pour la rivière de l'Aire. Ce lagunage était lié à un autre projet, celui du traitement, en fin de chaîne, des eaux résiduelles sortant de la STEP, la station d'épuration de Confignon. L'achat de ce terrain, engagé par mon prédécesseur, n'avait donc rien à voir avec le projet de galerie de décharge. Vous voudrez bien excuser, Monsieur Burdet, mon usage du terme officiel figurant dans le projet de loi !

Mon prédécesseur a considéré, sur la base d'avis techniques, que ce lagunage n'était pas souhaitable. Je relève qu'à l'époque une autre solution de lagunage, à Monniaz près de Jussy, avait fait l'objet d'une demande de crédits, adressée par simple lettre à la commission des travaux. Ce projet a été refusé, pour les mêmes motifs, par la commission des travaux. Je ne sais si ce fut à tort ou à raison, mais telle est la réalité.

Or, voici ce qui s'est passé en cours de travaux, Monsieur Nissim. Le terrain acquis par le Conseil d'Etat pour un autre projet - cet achat, de la compétence du Conseil d'Etat, n'avait pas à être soumis au Grand Conseil - devenait disponible, et les spécialistes ont jugé bon que la prise d'eau y soit installée. Le projet n'a donc pas été modifié en tant que tel. C'est toujours le même projet, la galerie a toujours la même longueur, la prise d'eau est demeurée la même, bien que déplacée.

Il est vrai que le déplacement de la prise d'eau a occasionné un léger surcoût qui figure dans le rapport de l'expert. Il est de 450 000 F et représente les 2,5% du crédit initial de 16 millions, renchérissement non compris.

Si vous jugez, Monsieur Nissim, qu'un surcoût de 2,5% constitue une modification importante du projet vous feriez bien de demander que le Grand Conseil soit sollicité, en matière de crédits complémentaires, pour tous les projets de construction. Néanmoins, je ne pense pas que ce soit la volonté du législateur.

Ce projet de loi a été voté avant mon arrivée au Conseil d'Etat. Il ne comportait pas les frais de réaménagement du terrain qui a été fortement «chamboulé» pour des travaux de cette nature. Inutile de vous faire un dessin !

Reprenez le tableau annexé au rapport d'expertise ! Vous constaterez qu'aucun poste n'a été prévu pour la remise en état des lieux, dans ce site hautement protégé. En tant qu'écologiste, je présume que vous souhaitiez que les lieux soient restitués dans leur état d'origine.

C'est pour cela, Monsieur Nissim, que tout projet de grands travaux comporte un poste «Divers» et un poste «Imprévus». Si vous consultez attentivement le tableau de la page 36, vous constaterez que sous «Divers» figurent les postes «Aménagement Paradis» et «Collecteurs», celui-ci ayant été omis dans le projet. Si vous additionnez ces deux postes, vous verrez que le montant de 1 304 000 F, initialement prévu sous «Divers», n'a nullement été dépassé.

Il est vrai que nous avons affaire, ici, à une présentation un peu curieuse, mais je n'accuserai personne ! Pour créer une nouvelle rubrique «Divers», on a sorti de la rubrique «Divers» existante les frais de remise en état de cette parcelle. Il n'empêche que 1 304 000 F avaient été prévus à la rubrique «Divers». Aucun changement n'est intervenu, les frais d'aménagement étant entrés dans le poste «Divers».

Contrairement à ce que vous affirmez, Monsieur Nissim, il n'y a pas eu de modifications importantes, et l'expert a eu parfaitement raison de dire qu'il n'y avait pas lieu de solliciter un crédit complémentaire.

Je ne dirai rien sur le fond du projet, Monsieur Burdet. On peut en penser ce qu'on en veut. J'ai réalisé un certain nombre de projets proposés par mes collègues ou votés par le Grand Conseil avant mon arrivée au DTP. Je les ai conduits parfois sans beaucoup d'enthousiasme, sans doute par manque de conviction. Je ne donnerai pas mon avis personnel sur la solution retenue de la galerie de décharge.

Concernant la galerie de la Seymaz que vous avez évoquée, je ne vous dirai que ceci : si vous reprenez le budget 1982 de l'Etat, vous constaterez que, parmi les projets prévus, une galerie de décharge de la Seymaz était devisée à 60 millions. Certains défenseurs de ce projet m'ont dit que, si je ne la construisais pas, j'assumerais la responsabilité d'inondations éventuelles, dues à des crues cinquantenaires ou centenaires de la Seymaz. Néanmoins, et peut-être à tort, je n'ai pas suggéré au Conseil d'Etat la réalisation de ce projet de galerie de décharge de la Seymaz.

Voilà ma philosophie de la problématique des eaux !

M. Michel Halpérin (L). Ce débat a un aspect futile - nous glosons sur des dépenses faites et sur lesquelles nous n'avons plus de prise - un aspect tragique - nous en sommes quasiment aux empoignades - et un côté intéressant, si nous voulons bien nous placer dans l'idée que nous nous faisons de nous-mêmes.

Tout à l'heure, M. le député Nissim disait qu'il ne fallait pas diaboliser. C'est un sujet sur lequel j'ai tendance à être généralement d'accord avec lui. Malheureusement, nous sommes peu nombreux, dans cette salle, à pratiquer cette méthode de travail qui consiste à considérer toute opinion comme légitime et que celui qui ne la partage pas n'est pas forcément un adepte du mal incarné. Nous ne sommes pas assez nombreux, disais-je, dans cette salle, à pratiquer cette discipline.

De M. Grobet - dont je peux comprendre qu'il ait un peu perdu de son self-contrôle en se défendant lui-même, car il est toujours difficile de plaider pour soi - je dirais qu'il a été, dans les années où il était au gouvernement comme dans d'autres, un des pourfendeurs les plus implacables de ses adversaires. Et je n'étonnerai personne en disant que son groupe, aujourd'hui encore, est de loin celui qui pratique le plus volontiers l'invective et la mise à l'index de ceux qui ne partagent pas nécessairement ses opinions.

En matière de diabolisation, vous en connaissez long comme le bras et si, un jour, on vous rend la monnaie de votre pièce, je comprends que cela vous soit désagréable. J'espère que l'exercice vécu vous fera faire preuve d'autant de sensibilité vis-à-vis de vos adversaires, à l'avenir, que vous aimeriez que l'on vous en montrât aujourd'hui.

D'ailleurs, je m'empresse de saluer la lettre extrêmement bienveillante et charitable de l'actuel chef du département des travaux publics et de l'énergie. Je n'ai pas le sentiment qu'il ait toujours été traité avec les mêmes égards depuis qu'il a pris ses fonctions, mais je constate qu'il pratique la charité. C'est bien, je l'en félicite.

Que la République, aujourd'hui, tire le diable par la queue - on le trouve où on peut, Monsieur Nissim ! - est bien naturel, puisque nous avons des problèmes économiques que nous avions oubliés. Que nous ayons eu tendance, dans le passé, à négliger le contrôle de nos propres dépenses, certes ! De là à dire que le petit parlement de milice que nous formons, pas très efficace, pas toujours très intelligent, pas toujours très bien outillé, doit commencer à se munir d'une loupe pour comprendre les propos sibyllins qui sont tenus dans des rapports que les fonctionnaires du Conseil d'Etat sont en mesure d'établir, ne me paraît pas raisonnable, ni répondre à l'esprit des textes.

Nous ne sommes pas chargés de déceler la coquille pour comprendre qu'il y a, peut-être, quelque part un problème ou anguille sous roche. Il serait bon que dans l'esprit des textes, par forcément dans leur lettre, on ait pris l'habitude, dans le passé - et qu'on la garde à l'avenir - de considérer que s'il existe un parlement, ce n'est pas uniquement pour la beauté de l'exercice. Lorsqu'on se rappelle les fonctions essentielles d'un parlement qui consistent à voter des dépenses, il n'y aurait rien que de normal à considérer qu'une modification de projet est considérable, dès lors qu'elle entraîne des dépassements importants et que, par conséquent, l'on s'efforce de le faire comprendre immédiatement à ceux qui en ont la responsabilité.

Que l'on nous explique, quinze ans après, que c'était bien des modifications secondaires pour celles qui ont entraîné des dépassements et que les vraies dépenses, elles, résultaient de circonstances imprévisibles et non voulues, je peux le comprendre. Il n'empêche que nous nous trouvons, quinze ans après, en face de 67% de plus de ce qui avait été budgété, et que nous le découvrons comme ça, un peu à la chandelle, et que peut-être nous aurions pu le voir plus tôt si nous avions été plus attentifs. Mais, je le répète : le déséquilibre entre les moyens de la milice et ceux des professionnels est tel que l'on pourrait s'attendre à un peu plus de transparence, au moins dans les missions essentielles dont nous sommes investis.

C'est la raison pour laquelle, sans état d'âme, sans diabolisation, sans diable au corps, sans diable au coeur, je voterai naturellement le rapport de majorité, avec un certain nombre de ceux siégeant dans ce parlement.

M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. Quand on parle de transformations importantes et que M. Nissim parle d'écologie et de lagunage, je ne puis que citer le rapport de majorité, adressé au Grand Conseil en date du 2 septembre 1980 : «En période de crue, l'Aire sort de son lit, inonde plusieurs hectares de terrains agricoles, bâtis en amont du pont de Lully et sur l'ensemble du secteur compris entre le pont du Sentier et le pont Rouge, provoquant de gros dégâts aux cultures maraîchères et aux habitations.»

Le 10 janvier 1978, le Grand Conseil a voté un crédit d'étude de 300 000 F pour étudier les différentes possibilités de modérer les effets des crues de l'Aire. C'est le résultat de cette étude qui a abouti au projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui.

Trois possibilités s'ouvraient aux spécialistes des travaux publics :

La création d'un immense bassin de rétention pour recueillir les eaux en cas de forts orages. Ce projet a été très rapidement abandonné. D'une part, trente-cinq hectares de cultures maraîchères devaient disparaître de la plaine de l'Aire sous Lully et, d'autre part, les frais d'entretien d'un tel bassin sont très onéreux. Devis estimatif de cette réalisation : 23 617 000 F.

La seconde possibilité consistait à endiguer et corriger le cours naturel de l'Aire. Pour ce faire, plus de deux mille arbres devaient être abattus et l'achat de 19 000 m2 de terrain était nécessaire. Ensuite, le coût d'entretien de ce cours d'eau serait également très élevé. La réalisation de ce projet provoquerait la destruction complète du site du vallon de l'Aire, projet abandonné. Coût de réalisation : 14 600 000 F.

Dernière possibilité, celle qui a été retenue : construction d'une galerie de décharge de l'Aire au Rhône. Ce projet, etc.»

A l'époque, il n'y avait qu'un crédit d'étude de 300 000 F. C'était très peu, comparé aux résultats et aux coûts.

Aujourd'hui, l'équipe qui fonctionne au département des travaux publics et de l'énergie est jugée, à juste titre, trop restreinte. N'oublions pas que la droite s'opposait à ce que l'on «fasse trop d'Etat». Cette limitation a empêché l'engagement de fonctionnaires pour assumer des tâches autres que les travaux courants.

Il faut relever que cette galerie de décharge supplémentaire a été très utile. Le coût de l'autoroute de contournement en a été réduit. Cela, on l'oublie, comme on fait fi des graves problèmes qui, faute de cette construction, auraient pu se poser. De ce fait, la Confédération a octroyé sa subvention.

Il faut accepter ce projet de loi, sinon je ne vois pas comment nous pourrons nous en sortir.

M. Chaïm Nissim (Ve). Un seul mot, Madame la présidente...

La présidente. C'est fait !

M. Chaïm Nissim. Mon collègue Halpérin a dit mieux que moi ce que j'entendais exprimer et je ne reviendrai pas sur ses propos. Néanmoins, je tiens à répondre à mon collègue Grobet.

En tant qu'écologiste, Monsieur Grobet, j'aime les aménagements extérieurs. Je n'ergoterai pas sur les détails des divers dépassements, mais je constate qu'ils totalisent plus de 4 millions.

Juste un truc, Monsieur Grobet. J'ai démontré, tout à l'heure, que vous n'étiez pas le diable. (Rires.) Maintenant, je vais démontrer que vous n'êtes pas parfait : vous tentez trop de vous disculper. Si vous étiez parfait, vous auriez moins «tapé» sur votre successeur, comme l'a dit M. Halpérin.

La présidente. Moins quoi ? Surveillez votre vocabulaire, Monsieur le député !

M. Chaïm Nissim. Votre pauvre successeur a dégusté un excès de rogne qui me ferait mal, en tant qu'être humain.

M. Andreas Saurer (Ve). J'approuve tout à fait les propos apaisants de M. Halpérin. Néanmoins, je ne pourrais qualifier de «salomoniennes» ses conclusions qui ne font que rejoindre celles, assez abruptes, du rapport de majorité.

Je regrette ce rapport et j'en réprouve le ton, Monsieur Burdet. Pour utiliser un langage sportif, je dirais que vous jouez davantage l'homme que le ballon. Vos propos, parfaitement méprisants et cyniques, sont, selon moi, tout à fait indignes pour un ancien président du Grand Conseil.

J'en viens à l'argumentaire de votre exposé des motifs. La première chose qui m'a surpris, c'est que vous n'avez même pas jugé opportun d'auditionner M. Grobet.

Tout à l'heure, M. Grobet nous a fait l'exposé qu'il aurait dû faire en commission. Pourquoi n'avez-vous pas jugé utile de l'entendre ? Je me doute de la raison, sans la connaître exactement.

Ensuite, on a fait appel à un expert. Très bien ! Cet expert tire des conclusions extrêmement claires et la commission n'en tient pas compte ! Je peux l'admettre pour autant qu'elle motive sérieusement son choix !

Qu'il y ait, depuis de nombreuses années, un dysfonctionnement profond entre le Grand Conseil et le département des travaux publics et de l'énergie, je suis entièrement d'accord. Il n'est pas normal que nous ayons à traiter de situations semblables à celle de ce soir.

Il n'en demeure pas moins que la seule question qui se pose est la suivante : ce fonctionnement est-il conforme ou non à la loi ? Par rapport à cette question pertinente posée par la commission, la réponse de l'expert est claire et indiscutable.

Dans ces conditions, je me vois mal ne pas voter l'entrée en matière de ce projet de loi. Il ne s'agit pas de savoir si l'on est d'accord ou pas sur le plan politique. La véritable question est : la loi a-t-elle été respectée ? La réponse donnée est claire.

Par conséquent, je voterai l'entrée en matière de ce projet de loi.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je m'exprimerai d'abord au sujet des fonctionnaires du département des travaux publics et de l'énergie.

Comme je l'ai souvent dit, j'en ai nommé une infime minorité. Ce sont des fonctionnaires attachés au service du lac et des cours d'eau. Les Mouron, les Charpié, bien que n'appartenant pas à mon horizon politique, ont toujours fait preuve d'une fidélité indéfectible.

Vous avez raison, Monsieur Burdet, en ce qui concerne la tendance à mettre les canalisations en souterrain. Très affirmée à une certaine époque, elle tend, maintenant, à s'assouplir. Les responsables chargés de la conduite de l'eau dans l'environnement genevois entretiennent des rapports différents. Le DTPE et le DIER apprennent à collaborer.

C'est avec l'aval de la commission que nous avons nommé les experts, selon le mode usuel du département des travaux publics. Personne, en commission, ne s'est plaint de la nomination d'un seul de ces experts, lorsqu'ils ont été auditionnés ou qu'ils ont rendu leur rapport. Il serait faux d'accuser ces spécialistes réputés après coup. J'ajoute qu'il n'a pas été facile de les trouver. Nous avons essuyé un grand nombre de refus pour diverses raisons que vous comprendrez aisément.

A titre personnel, je me suis toujours refusé à participer aux débats relatifs à la liquidation des cent treize lois de bouclement, afin que l'actuel chef du département des travaux publics ne soit pas soupçonné de vouloir mener une «guéguerre» contre son ou ses prédécesseurs. Ma préoccupation était plus terre-à-terre. Je voulais mettre de l'ordre, au plan administratif, dans un domaine précis : celui des bouclements. Le travail touche à sa fin.

Outre les cent treize premiers projets, dont nous liquidons les derniers, nous devons étudier un nouveau train de vingt-sept projets, auxquels s'ajouteront une vingtaine de projets de lois, le tout relevant des travaux de la législature précédente. J'espère que ces quelque cent soixante projets auront pu être réglés avant la fin de cette législature.

Je renonce à lire l'un ou l'autre extrait d'un rapport d'expert, une phrase non dite pouvant contredire une phrase lue. Cela ne contribuerait qu'à confirmer ou à infirmer les thèses des parties impliquées.

Je ne m'amuserai pas à décerner des bons et des mauvais points aux partenaires du processus de construction. Les habitudes et la surchauffe ont, certes, rendu les contrôles plus difficiles; on a jugé moins sévèrement les fréquents dépassements qui avaient lieu à l'époque. A fortiori, cela diminuait singulièrement les velléités de boucler des comptes dont on connaissait les graves lacunes quant à la conduite de tel ouvrage ou aux résultats financiers.

Contrairement à vous, Monsieur Grobet, j'ai renforcé, dans mon département, les équipes de professionnels qualifiés, afin d'améliorer le processus de construction. C'est une erreur de croire que le département pourrait être doté de personnes qui ne soient pas de haute compétence; celle-ci est indispensable pour «régater» avec nos divers interlocuteurs.

Je n'ai jamais été critiqué, à ce sujet, par la Société des ingénieurs et des architectes, ni par les organes des fédérations et des syndicats des métiers du bâtiment.

Nous engageons des mandataires privés, conformément à une loi votée par ce Grand Conseil. Leur activité n'est pas toujours aisément définissable, mais elle ne nous dispense pas d'avoir des fonctionnaires hautement qualifiés.

Résultat des courses : je suis quasiment certain que nous n'aurons pas des dépassements aussi importants, de plusieurs dizaines de millions, quels qu'en soient les causes et les responsables. Mieux : nous avons économisé entre 80 et 90 millions sur les projets que j'ai eu l'honneur de poursuivre ou de conduire. A cet égard, l'agressivité des milieux ayant voulu descendre le chef actuel du département par le biais de certaines motions se révèle bien plus grave que les phrases de M. Burdet. Il a ses têtes de Turc, comme tout le monde, mais je l'apprécie, nonobstant certains écarts de langage.

Je terminerai avec le seul dossier pratique, celui de Palexo/Arena/Musée de l'automobile. Avant la fin de la législature, et en dépit des contentieux entre les divers partenaires, votre Grand Conseil recevra tous les renseignements sur ces trois objets, y compris la loi de bouclement.

Tous ces objets étaient en cours quand je suis entré au département. Le projet Maurizio/Zschokke/Treyvaud a été conduit en plusieurs étapes, suite à diverses interventions. Dans un processus de construction, il n'y a rien de pire que d'insérer après coup, dans la halle 7 initiale, un musée en sous-sol, une Arena en tête des bâtiments, voire un parking. Les choses ayant été rapidement réalisées, il en est résulté de grands problèmes pratiques. Il fallait que l'Arena, Palexo, le parking et le musée «cohabitent», vicissitudes financières du musée comprises. J'ai terminé le puzzle, après avoir reconstitué les pièces oubliées, cassées ou non prévues, que de nouveaux besoins rendaient indispensables.

Je conclurai en disant que construire est un acte collectif passionnant. Je ferai tout pour que ce processus maîtrisé conduise à des bâtiments réussis et utiles à Genève.

M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur Joye, vous dites que la décision a été prise avec l'approbation de la commission. Ce n'est pas le cas. Une lettre de M. Hervé Burdet, datée du 25 juin, précise : «La commission des travaux du Grand Conseil, que je préside, a pris la décision de prier le Conseil d'Etat, respectivement votre département, de confier à un expert extérieur et neutre, etc.» A quoi vous répondez : «Votre lettre du 27 juin 1996, concernant les dépassements de crédits m'est bien parvenue. Je prends note de la décision de la commission du Grand Conseil, et vous informe que je désignerai prochainement un expert habitué à ce genre de travail.»

C'est donc bien vous qui avez pris cette décision, sans en référer au Conseil d'Etat, sans passer par la commission, mais en passant par son président qui vous demandait de le faire.

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.