Séance du vendredi 30 mai 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 6e session - 24e séance

M 1122
8. Proposition de motion de Mmes et M. Liliane Charrière Urben, Mireille Gossauer-Zurcher, Sylvia Leuenberger, Pierre Vanek et Erica Deuber-Pauli pour un moratoire sur toute modification du fonctionnement actuel des activités d'encadrement éducatif, psychosocial et d'orientation (scolaire et professionnelle) des élèves du cycle d'orientation. ( )M1122

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- que l'adolescence est un passage difficile de l'existence en raison des bouleversements physiques et psychologiques qui traversent l'adulte en devenir;

- que, depuis sa création, le cycle d'orientation met à disposition des élèves, de leurs parents et des enseignants un encadrement assuré notamment par des conseillers en orientation scolaire, des conseillers en orientation professionnelle et des conseillers sociaux;

- que par ailleurs le service médico-pédagogique est à disposition des élèves qui ont besoin d'une thérapie;

- qu'actuellement le département de l'instruction publique (DIP) a l'intention de mettre en place très rapidement une nouvelle organisation de cet encadrement qui ne satisfait aucun des intéressés: ni les conseillers (psychologues) en orientation scolaire, ni les conseillers sociaux, ni les parents, ni les enseignants, ni la quasi-totalité des directeurs de collège du cycle d'orientation;

- que les deux expertises commandées par le DIP confirment la qualité des prestations servies, tout en émettant également de judicieux conseils assortis de propositions intéressantes pour l'avenir;

- que, pour des raisons que l'on ignore, ces rapports n'ont pas été discutés avec les principaux intéressés - conseillers en orientation scolaire et professionnelle, enseignants, parents - pas plus que ceux-ci n'ont eu l'occasion de s'exprimer sur une éventuelle nouvelle organisation ni de soumettre des propositions,

invite le Conseil d'Etat

à mettre sur pied une véritable concertation de toutes les parties concernées avant toute modification du fonctionnement actuel des activités d'encadrement psychosocial et d'orientation des élèves du cvcle d'orientation, et par conséquent

à surseoir à toute décision concernant l'organisation future des activités d'encadrement psychosocial et d'orientation des élèves du cycle d'orientation, entre autres points quant au rattachement hiérarchique du personnel concerné.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis sa création, le cycle d'orientation met à disposition des élèves, de leurs familles et des enseignants, des conseillers dit d'orientation scolaire (COS), qui ont une formation de psychologues. Leur tâche, aussi délicate que variée, va du conseil ponctuel aux élèves et aux parents lors d'un changement d'école, d'une réorientation, d'un redoublement, d'un choix d'avenir, jusqu'à des aides plus soutenues auprès d'élèves qui vivent des situations d'échecs ou des difficultés psychologiques et relationnelles susceptibles de retentir sur leur apprentissage ou d'empêcher une bonne orientation.

L'aide apportée a un caractère préventif et de dépistage. Bon nombre d'adolescents adressés au psychologue inquiètent à juste titre parents ou enseignants, parfois débordés. Ce sont des élèves en risque de rupture dans leur développement pubertaire, parfois en situation d'échapper à leur encadrement familial et scolaire, pour lesquels un travail de préparation à la reconnaissance de la nécessité d'un soin est indispensable avant de pouvoir les adresser vers des lieux thérapeutiques adéquats.

Le psychologue peut être amené à assumer lui-même l'aide psychologique lorsqu'il n'est pas possible de diriger l'élève sur une personne extérieure. Ce travail nécessite des collaborations et un fonctionnement en réseau avec les autres intervenants dans l'école et hors de celle-ci. Bien entendu, les familles peuvent s'adresser également à ce conseiller, tout comme les enseignants qui s'interrogent quant au comportement, à l'orientation d'un élève, au climat d'une classe.

Les COS dépendent du cycle d'orientation; ils sont placés sous la responsabilité d'un chef de groupe, lui-même psychologue clinicien et psychothérapeute, garant de la formation continue, de la rigueur professionnelle, de la supervision de leur travail par des thérapeutes médecins ou psychologues. Les COS sont bien connus des élèves, ils sont basés dans les collèges, vivent les événements de leur bâtiment et participent aux conseils de classe et d'école.

De leur côté, les conseillers en orientation professionnelle (COP) délégués par l'office d'orientation professionnelle s'occupent plus particulièrement du choix scolaire ou professionnel ultérieur des élèves et sont présents 2 ou 3 demi-journées dans les collèges, leurs activités s'étendant également à l'orientation professionnelle d'autres catégories de population, jeunes adultes, chômeurs de tous âges. Jusqu'à récemment ils participaient aussi aux conseils de classe. Ils ont dû y renoncer pour des questions de rigidité d'horaire et de budget.

Quant au service médico-pédagogique, responsable de la santé mentale de la population mineure, son activité couvre un large champ. particulièrement en matière de thérapie et de suivi sur de longues durées.

Les deux rapports concernant les activités des conseillers intervenant au cycle d'orientation sont élogieux. Ils émanent, pour l'un, daté de 1993, de la commission de contrôle de gestion du Conseil d'Etat; pour l'autre, de 1996, de deux experts éminents désignés par le DIP, MM. Duruz et Jeammet. Ces derniers soulignent en particulier que «la nature de l'intervention et de l'action du COS découle de sa position originale au sein du CO. Il fait partie du corps des experts du cycle et à ce titre participe pleinement aux objectifs de celui-ci: enseigner et orienter les élèves au mieux de leurs capacités. Sa fonction d'expertise est de prévenir, déceler et évaluer les obstacles essentiellement d'ordre psychologique, susceptibles d'entraver le bon déroulement de ces objectifs et de proposer des réponses pour surmonter ces obstacles».

Aussi la décision prise abruptement le 16 décembre dernier par le DIP de remettre la gestion de ces activités pour part au service médico-pédagogique, pour part à l'office d'orientation professionnelle, ne manque-t-elle pas d'étonner, d'autant plus que l'information transmise le 16 décembre 1996 ne laisse aucun doute quant à l'aspect univoque et irrévocable de la décision. Seules les modalités d'application sont susceptibles de faire l'objet d'une consultation au sein d'un groupe dit de pilotage.

A noter que cette décision a réussi à faire la quasi-unanimité contre elle. Enseignants, psychologues, conseillers sociaux, parents, directeurs de collèges s'y sont opposés.

D'assemblées en prises de position, de conférences de presse en lettres diverses, la situation s'est dégradée, l'animosité s'installe. Il est temps que le dialogue reprenne dans l'intérêt même de ce qui importe le plus: la sérénité de l'enseignement et le bien des élèves. Cela vaut bien que l'on prenne le temps nécessaire à rétablir le climat, d'autant plus que, pour ce qui les concerne, les COS ont des propositions à faire, qu'ils ne sont pas - comme on l'a dit trop vite - accrochés comme mules à leur piquet, au statut qui les régit, et qu'ils sont prêts à redéfinir leur champ d'activité et leur place au sein du cycle d'orientation. Ce qui les motive, c'est la reconnaissance de leur travail, c'est la collaboration avec le corps enseignant, c'est la confiance que leur accordent élèves et parents, c'est d'accomplir dans le calme une tâche parfois complexe, à laquelle ils croient fermement et qui est un des fleurons de l'école publique genevoise. Il y a de part et d'autre, nous en sommes certains, assez d'intelligence et de sens de la concertation pour qu'on arrive à trouver une ou des solutions, satisfaisantes.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous prions d'accueillir favorablement cette motion.

Débat

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Notre société traverse actuellement une phase de transformation profonde, de rupture, d'ébranlements gigantesques. Comme lors d'un tremblement de terre, les configurations sont changées, les cartes doivent être remises à jour. C'est le comment qui nous divise, en particulier en fonction de notre degré d'acceptation des dégâts causés par le séisme et de notre volonté d'y remédier.

Le seul mérite de la proposition du département de l'instruction publique du 16 décembre de remanier l'assistance psychosociale et d'orientation scolaire et professionnelle dans les cycles d'orientation aura été de mettre en valeur cette activité discrètement menée à l'abri des établissements scolaires, de l'analyser publiquement, de réfléchir à son importance, à son fonctionnement et de conduire massivement tous les protagonistes impliqués, opposés à ce remaniement, à souhaiter qu'au lieu d'être affaiblie cette activité soit renforcée, améliorée, et qu'on trouve des solutions propres à faire fonctionner mieux, avec toutes les instances concernées, les activités qui sont impliquées.

Actuellement, en France - cela me frappe particulièrement - dans tous les établissements d'enseignement destinés aux adolescents se font jour les grandes lacunes du dispositif d'encadrement éducatif psychosocial et d'orientation; se manifestent également des demandes de mesures d'appui urgentes pour lutter contre la violence, contre le désarroi, contre la perte d'orientation et la chute des valeurs. Nous avons eu la chance à Genève, depuis trente-cinq ans, c'est-à-dire depuis la création des cycles d'orientation, que ces dispositifs aient été conçus au départ, mis en place et qu'ils aient fonctionné pendant toutes ces années.

Notre présente action, à travers la motion que nous vous présentons, ne vise donc pas autre chose que de trouver des solutions issues d'une véritable concertation entre tous les protagonistes de cette activité, ceux qui l'ont conduite, qui l'ont soutenue et qui entendent aujourd'hui la renforcer et la promouvoir.

Notre communauté scolaire, cantonale, urbaine, a tout à gagner du plus grand soin qui sera apporté à cette motion, parce qu'elle touche à l'encadrement de nos concitoyens à l'âge de la construction la plus périlleuse de la personnalité; cela vaut bien un moratoire pour une réflexion sympathique.

Merci d'accepter cette motion.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Au moment du budget 1997, la rumeur courait que les conseillers sociaux et du cycle d'orientation allaient être rattachés au SMP pour les uns et, par transfert, à l'office d'orientation professionnelle pour les autres.

Devant l'étonnement qu'une telle rumeur suscitait, je vous avais interpellée, Madame Brunschwig Graf, et vous aviez répondu ceci : «Il ne suffit pas de déloger manu militari les conseillers en orientation scolaire, mais de définir au préalable les besoins et les rôles des uns et des autres et de déterminer leur hiérarchie. Nous n'avons pas encore pris de mesures. Nous n'allons pas tout chambouler du jour au lendemain. Nous collaborerons avec les acteurs concernés.»

Depuis lors, la situation a évolué, de rebondissements en coups de colère, de pas en avant et de pas en arrière, tant et si bien que plus personne ne sait très bien ce qui va advenir dans les cycles d'orientation.

La meilleure solution consiste dès lors à prendre le temps de consulter les différents partenaires concernés. C'est le sens de cette motion que notre groupe appuie. Il y a plusieurs partenaires : le département de l'instruction publique, bien sûr, les conseillers et les usagers que sont les parents et les enfants et, enfin, le monde politique.

En tant que politicienne et mère d'adolescents, je peux vous dire que je m'opposerai avec vigueur aux mesures proposées. Les conseillers doivent absolument se trouver dans le lieu où peuvent surgir les problèmes, c'est-à-dire au cycle d'orientation, donc certainement pas dans des locaux administratifs éloignés géographiquement.

La motion dit - je n'y reviendrai pas - que la période de l'adolescence est souvent troublée, et que le meilleur effort de prévention que nous puissions offrir à ces jeunes c'est d'être à leur écoute par le biais de personnes formées à cette écoute. Le fait que leur bureau soit très proche et leur visage familier en facilite l'accès, pour certains jeunes notamment qui ne feraient pas la démarche de prendre un rendez-vous à l'extérieur en dehors des heures d'école; un rendez-vous qui peut être pour certains confidentiel et dont ils ne souhaitent pas forcément parler à leurs parents.

De plus, les conseillers ont également un rôle de prévention des conflits en étant sur place. Ce rôle serait ramené à néant s'ils étaient à l'extérieur du bâtiment.

Je pourrai encore développer un certain nombre d'arguments, mais c'est davantage le lieu de le faire en commission.

Pour terminer, le moment me semble particulièrement mal choisi, car la situation dans les cycles d'orientation ne me semble pas justifier l'abandon du soutien psychologique à ces adolescents.

Je me permettrai, Madame Brunschwig Graf, de vous rappeler un courrier datant du 27 avril 1995 dans lequel, à propos des médiateurs scolaires, vous faisiez la déclaration suivante : «Les cycles d'orientation bénéficient chacun d'un ou plusieurs conseillers sociaux et d'un ou plusieurs conseillers d'orientation psychologues, et les établissements de l'enseignement secondaire supérieur bénéficient pour leur part d'un assistant social. Tous sont intégrés dans les établissements. Ces deux groupes de personnes collaborent entre elles, ainsi qu'avec d'autres intervenants extérieurs. Ils mettent de plus en plus souvent sur pied des actions ponctuelles dans les collèges et les cycles, actions de santé communautaire auxquelles participent les acteurs du terrain, dont les enseignants.

»Le système que nous avons élaboré au fil des années nous semble répondre aux besoins et nous permet de nous adapter à l'évolution de ceux-ci. Nous serions heureux qu'ils soient pris en compte dans les réflexions qui ont lieu dans les cantons romands et à l'OFSP à propos des médiateurs scolaires. Il nous apparaît que chacun pourrait bénéficier des expériences des autres et que les dispositions prises à Genève mériteraient, elles aussi, d'être soutenues par la Confédération.»

Je ne pense pas que vous ayez changé d'avis, Madame Brunschwig Graf... Je pense donc que ce moratoire a tout lieu d'être !

Mme Nelly Guichard (PDC). Je suis bien consciente que les psychologues conseillers en orientation sociaux ou scolaires ont leur place à l'intérieur des cycles d'orientation; consciente aussi que leur rôle est particulièrement important aujourd'hui - comme mes préopinantes l'ont souligné.

Pour la plupart d'entre eux, en effet, que ce soit par négligence et surtout pour ne pas se singulariser, je pense que les élèves ne feraient pas le déplacement pour se rendre à un rendez-vous à l'extérieur. Le rôle d'une écoute, d'une aide, d'un soutien de proximité est absolument indéniable. On parle souvent de violence, d'exclusion des grandes banlieues françaises ou autres. Je suis persuadée que tout ce qui a été mis en place à Genève, que ce soit le parascolaire, les centres de loisirs, les jardins Robinson, les classes d'accueil, etc., contribue à éviter que des enfants en âge de scolarité obligatoire ne se retrouvent déjà en marge de la société.

Mais je tiens tout de même à préciser que la commission de l'enseignement traite déjà de ce sujet. Si elle a momentanément suspendu ses travaux à ce propos, c'est pour attendre les résultats des travaux de la commission du département de l'instruction publique. Commission dans laquelle des représentants des conseillers en orientation et des associations de parents étaient invités à siéger.

Il me paraît indispensable de trouver avec tous les partenaires une solution satisfaisante pour les intervenants et les élèves. Mais, Mesdames et Monsieur les motionnaires, notre groupe est opposé à votre idée de moratoire sur toute modification de fonctionnement. En effet, ce qui était bien il y a vingt ans est perfectible. C'est dans cette optique que nous entendons renvoyer la motion en commission de l'enseignement.

M. Armand Lombard (L). A l'évidence, les problèmes psychologiques des jeunes et leur orientation dans la vie sont un sujet d'intérêt pour tous et une source d'inquiétude quasiment générale. Ce n'est pas une chasse gardée de certains membres de ce Grand Conseil ni des motionnaires, même si l'on considère que cette motion est malvenue.

Je ne suis pas un spécialiste de ces problèmes. Je tiens à en parler en tant que gestionnaire face à un conflit ou comme député qui constate un dysfonctionnement dans le service public.

La réflexion de notre groupe est basée sur deux principes de fonctionnement. Il est tout d'abord nécessaire, dans un conflit ou dans l'organisation d'un certain nombre de services, de coordonner, de partager les idées, de partager les griefs et de fixer des objectifs, afin que les personnes concernées puissent écouter d'abord et échanger ensuite pour aboutir à une solution.

Depuis des mois, en particulier depuis le 3 mars, date à laquelle cette motion a été déposée, de nombreux contacts ont eu lieu entre le département de l'instruction publique et les différentes parties concernées.

Deuxième principe. Un service composite et divers, avec de nombreuses spécialités, nécessite une évaluation et une réorganisation dans un contexte et des besoins qui évoluent. A un moment, il faut, après la phase d'écoute et de partage, une gestion décidée et intelligente. Le responsable de l'opération doit mettre de l'ordre et donner, sur la base des discussions, son opinion et décider de la gestion à appliquer.

Notre groupe pense que l'idée, avec ces deux principes, est de faire avancer un service et d'améliorer l'accompagnement aux jeunes. Tout le monde n'est pas d'accord, puisque les motionnaires proposent de discuter encore, alors que Mme Brunschwig Graf le fait depuis plusieurs semaines déjà.

Mais la solution proposée pour gérer cette évolution consiste à fermer la porte en proposant un moratoire. Mesdames et Messieurs les députés, nous pensons qu'il y a mieux à faire dans ce Grand Conseil que de faire des moratoires... Les projets méritent mieux que de se boucher les yeux et les oreilles en attendant que ça passe ! Vous les motionnaires, vous avez peur du changement, du New Public Management - ce dernier mot vous inquiète. Mais si l'on remplace cette expression par «gestion de bon sens», ce qui signifie tenter de remettre les choses en place, cela vous inquiète également.

L'évolution de la gestion dans quelque domaine que ce soit vous est étrangère. Mais, alors, pourquoi la bloquer ? Laissez faire, et faites confiance à ceux qui savent !

En bloquant ce fonctionnement, Mesdames et Messieurs les députés d'en face, vous dressez une ligne Maginot, une barrière de fortune avec un coeur de Cassandre complètement éplorée ne sachant plus à quel saint se vouer... (Brouhaha.) Vous êtes saisis de la maladie de la «tchatche» et de la «discutaille». Vous ne prévoyez rien, vous vous contentez d'utiliser des moyens dilatoires.

L'objectif est de réorganiser trois services. Le Conseil d'Etat - sans vous, puisque vous figez et éludez les choses - est capable de le faire sereinement, avec la volonté de mieux gérer l'accompagnement des adolescents, non émotionnellement et au-dessus du panier des crabes qui se pincent.

Nous sommes donc totalement opposés à cette motion.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey. C'était pas très bon !

M. Pierre Vanek (AdG). Je serai bref. Je suis tout à fait affligé par le niveau de l'intervention de M. Lombard. (Rires.)

Une voix. On t'a connu meilleur, Lombard !

M. Pierre Vanek. Je ne suis certainement pas le seul à le penser : c'était du pur baratin, sans référence aux questions concrètes posées par cette motion !

Je ne reviendrai pas sur le fond du problème. Cette motion invite tout simplement le Conseil d'Etat à mettre sur pied une réelle concertation pour discuter et réfléchir à un problème important, ainsi qu'à surseoir à toute décision définitive avant de mener une telle réflexion. Monsieur Lombard, ce sont des mesures de simple bon sens que vous devriez être capable d'accepter.

Dans toute cette opération, Mme Brunschwig Graf s'est manifestement complètement «plantée». Je ne veux pas retourner le couteau dans la plaie : votre conseillère d'Etat libérale a réussi à dresser contre elle toutes les parties concernées, depuis les directeurs du cycle d'orientation jusqu'aux praticiens de terrain, en passant par les associations de parents d'élèves et les organisations syndicales; bref, tout le monde !

J'en viens à la concertation en cours et à l'absence de proposition. Le document que j'ai ici a été élaboré par la délégation de toutes les organisations concernées : la Fédération des parents d'élèves du CO, le GAPP, la FAMCO, le SIT, le SSP, l'association des psychologues, en vue de la rencontre du 14 mai avec Mme Brunschwig Graf. Elle connaît ce document de quatre pages qui porte sur le fond du problème et sur un certain nombre de propositions sur la question fondamentale de l'organisation du service des psychologues scolaires au cycle d'orientation.

La motion ne demande même pas cela. Elle demande simplement qu'on se donne le temps de tenir compte sérieusement des propositions élaborées par des gens qui ont manifestement quelque chose à dire sur ce dossier, et qu'on n'a pas voulu entendre jusqu'ici. Mme Brunschwig Graf a parfaitement le droit de se tromper; elle en use d'ailleurs assez souvent... Ce qui est grave c'est de persévérer dans l'erreur quand l'erreur est aussi manifeste !

Maintenant j'ai également entendu dire que Mme la conseillère d'Etat, présidente du département de l'instruction publique, avait décidé de surseoir, donc de repousser la mise en oeuvre effective de tout ce train de mesures qu'elle avait prévues - je ne veux pas non plus approfondir ce point - à l'année suivante, à septembre 98. Nous avons donc le temps d'un réel moratoire. J'ai aussi entendu a contrario qu'elle voulait dès la rentrée, mais de façon virtuelle, que la répartition des praticiens concernés se fasse entre les différents services, entre le SMP et l'OOFP. Ces indications sont un peu surprenantes et indiquent qu'elle a décidé, face à la levée de boucliers, de mettre la «pédale douce», la pratique, mais qu'elle a tout de même l'intention de persévérer, en principe, et de ne pas reconnaître qu'il y a quelque chose de bon à prendre dans les propositions des autres parties. Elle accepte simplement de différer la mise en oeuvre de ces décisions.

Or, le problème posé par la motion porte sur ce point unique : faut-il reprendre cette réflexion de manière sérieuse et concertée ou le rouleau compresseur de la proposition initiale doit-il continuer à avancer ? Il continue, mais un peu plus lentement que prévu. Il serait plus intelligent de le stopper pour se donner le temps de discuter. Cette proposition ne porte pas sur le fond, même si par la suite nous pourrons avoir des débats à ce sujet; c'est une mesure de simple bon sens, comme vous avez demandé qu'on en ait... Monsieur Lombard, je crois que c'était vous qui étiez «à côté de la plaque» avec vos grandes déclarations !

Il est absurde de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement, alors qu'elle demande seulement l'arrêt momentané de cette opération et la mise sur pied de cette concertation. On est pour ou contre ces deux invites, et il inutile d'en discuter en commission pour prendre position.

Mme Liliane Charrière Urben (S). Une chose me fait plaisir par rapport à cette motion : tout le monde est d'accord sur le fait qu'à l'âge de l'adolescence les enfants ont besoin d'une aide telle celle que peuvent apporter les psychologues du cycle d'orientation.

Je ne reviendrai donc pas sur ce point, les préopinants l'ayant très bien présenté. Je me contenterai de m'associer à leurs explications.

A propos de la décision prise au mois de décembre, car c'est bien de cela qu'il s'agit, vous dites, Monsieur Lombard... (M. Lombard discute en aparté.) Ce n'est pas la peine d'écouter, Monsieur Lombard, je m'adresserai aux autres ! Vous dites qu'un gestionnaire doit dire à ses interlocuteurs quels sont les projets et en discuter. Je suis tout à fait d'accord sur ce point. Mais la différence est que la décision a été prise de manière irrévocable le 16 décembre et que les modalités seront discutées... ensuite ! C'est un peu comme si l'on demandait à quelqu'un à qui on a coupé la jambe s'il préfère une prothèse en bois ou en plastique...

Nous demandons tout simplement que les parties se rencontrent et que, suite aux discussions, des projets soient élaborés imaginant une autre manière de fonctionner. Je ne crois pas que les conseillers du cycle d'orientation soient accrochés à leur manière de fonctionner actuelle. Ils veulent juste - comme le disait M. Lombard - puisque la révision de ce fonctionnement est envisagée, que l'on en discute ensemble avant que la décision ne soit prise. C'est une drôle de forme de concertation que de dire aux gens que la décision est prise et de se contenter de leur demander s'ils veulent un peu plus de cerises ou un peu moins de kirsch dans le gâteau... Ce n'est pas une concertation digne de ce nom.

Par ailleurs, un consensus s'est fait, c'est vrai, mais il est négatif. C'est le consensus de toutes les parties qui sont opposées à cette décision : tous les usagers, les directeurs de cycle d'orientation dans leur très grande majorité, les parents, les enseignants qui travaillent avec les psychologues scolaires et les psychologues scolaires eux-mêmes. C'est vraiment extraordinaire d'avoir réussi à dresser tout le monde contre un projet ! Est-ce véritablement la clé de la réussite ? Il me semble au contraire que pour faire aboutir un projet on essaye de rallier à ses idées un maximum de personnes.

Nous demandons que la discussion soit entamée non pas sur les modalités d'application d'une décision, mais en retournant en amont pour discuter du fonctionnement, et pour examiner s'il y a lieu de modifier cette décision et dans quel sens.

La pétition... La motion, excusez-moi ! Si la langue m'a fourché, c'est qu'une pétition a été déposée, qui va dans le même sens. Si cette motion n'est pas traitée par le parlement ou par le Conseil d'Etat, le sujet reviendra de toute façon sur le tapis, puisque nous sommes saisis d'une pétition qui a été déposée le 21 mars sur le même objet.

Mesdames et Messieurs les députés, la motion est d'une rare «tendresse». Elle demande seulement de se mettre autour d'une table - faisant abstraction d'une décision déjà prise - pour envisager des possibilités de fonctionner mieux en tenant compte des difficultés actuelles rencontrées par les élèves, en coordonnant les actions avec le corps enseignant présent, en prenant la peine d'écouter ce qu'en pensent les parents et en essayant de réduire la tension qui règne actuellement. On se demande d'ailleurs bien pourquoi on maintient ce climat de conflit.

A en croire les informations de ce jour, le moratoire semble avoir été accepté, puisque l'application de cette décision n'entrera en vigueur que l'année prochaine. Mais ce n'est qu'une apparence, puisque de toute façon la décision est prise. A nos yeux, un moratoire ne consiste pas seulement à rallonger le délai d'application d'une mesure mais bien à remettre les choses à plat, en faisant abstraction d'une décision prise six mois auparavant et en essayant de trouver des solutions qui soient acceptables pour tous.

M. Roger Beer (R). Pour paraphraser M. Vanek, je serai bref... Mais je le serai vraiment !

La présidente. La notion de brièveté des députés est tout à fait aléatoire !

M. Roger Beer. Mme Charrière Urben trouve de la tendresse à cette motion... Eh bien, je dois dire que j'ai personnellement une autre notion de la tendresse ! (Rires et remarques.)

La présidente. Et moi qui voulais du silence !

M. Roger Beer. Le fond de cette motion ne pose pas de grand problème, car tout ce qui a été dit par les différents préopinants est juste.

Mesdames et Monsieur les motionnaires, nous ne pouvons pas accepter un moratoire à chaque fois que des discussions s'engagent plus ou moins bien. En commission de l'enseignement et de l'éducation, nous avons déjà eu l'occasion d'aborder ce problème. Nous avons entendu Mme Brunschwig Graf et différents groupes de psychologues et de conseillers sociaux. Sont apparus rapidement un problème de communication - le temps peut arranger les choses dans ce genre de difficulté - mais aussi un problème de statut de ces psychologues. Je m'étonne du reste que personne n'ait évoqué ce point concernant les statuts, sans parler des salaires, de l'encadrement, de l'emplacement et des postes de travail.

Ce n'est certainement pas en séance du Grand Conseil, à 22 h... (Manifestation.) ...à 23 h, que nous allons régler ce problème. C'est la raison pour laquelle je suggère, au nom du groupe radical, de renvoyer cette motion en commission de l'enseignement pour examiner le problème en profondeur, entendre les explications de Mme Brunschwig Graf - même si j'imagine qu'elle va nous en donner ici - les conseillers en orientation et les conseillers sociaux. Cela permettra d'étudier cette problématique par rapport à l'évolution de la situation sans se bloquer sur un statu quo.

M. Gilles Godinat (AdG). Je serai extrêmement bref. (Rires.)

Je lance un appel solennel. Vu les enjeux concernant l'avenir scolaire et professionnel de beaucoup d'adolescents et en tant que praticien sur le terrain, je vous assure qu'une réflexion pour prendre des mesures préventives doit être menée par rapport aux coûts de la santé, ce que vous réclamez régulièrement sur vos bancs. Réfléchissez à ces enjeux ! Pour moi cette motion offre les conditions d'un dialogue serein sur un enjeu fondamental : la formation des jeunes et leur avenir. Si vous désirez discuter sereinement, sans précipiter aucune décision, de la mise en place d'une saine gestion et d'une vision d'avenir, comme le souhaite M. Lombard, donnez-nous les conditions pour le faire !

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'espère avoir l'occasion de donner des explications plus approfondies en commission.

Mais tout d'abord je tiens à dire deux choses. Madame Bugnon, je le répète, quelle que soit la façon dont il est prévu d'organiser le rattachement des psychologues conseillers en orientation, il n'a jamais été question, il n'est pas question et il ne sera pas question d'empêcher ou d'enlever la présence des conseillers sur le terrain. Ce n'est pas mon intention; je l'ai écrit, je l'ai dit et je le confirme.

Les prestations en tant que telles devaient être définies non pour les supprimer mais pour les préciser; il s'agissait, en l'occurrence, de donner deux types de responsabilités : une d'ordre médical pour les thérapies et l'autre plus spécifique pour l'orientation. Ces deux décisions donnent le cadre. L'enjeu fondamental était de savoir ce qui se passe dans un cycle d'orientation, qui intervient et comment, comment la permanence est assurée, de même que l'identification des personnes présentes dans les cycles. Cela a été l'objet de nos discussions, depuis le mois de février.

Après une première phase de non-discussion, a suivi une phase de discussions approfondies, avec une proposition à la clé évoquée par M. Vanek. Mais celle-ci fige la situation au lieu d'apporter des solutions par rapport aux éléments demandés.

A la dernière séance du 14 mai, après avoir reçu les informations - le projet est sorti le 25 avril si j'ai bonne mémoire - j'ai effectivement dit que cette proposition n'apportait aucune garantie par rapport à un rattachement de responsabilité médicale; que l'objectif de cette proposition était de sortir les conseillers en orientation professionnelle du cycle d'orientation et que le projet n'était donc pas acceptable tel quel.

En revanche, par rapport aux décisions de principe s'agissant du rattachement administratif et hiérarchique, j'ai dit qu'il y avait un certain nombre de possibilités, d'ailleurs confirmées par les services, de négociations du contrat de prestations. J'ai donc proposé que cette décision soit maintenue, que la décision de rattachement soit décidée avec clarté d'ici la fin septembre, mais que la mise en application entre en vigueur à la rentrée 1998, ne serait-ce que par égard pour celles et ceux qui devront ensuite fonctionner différemment.

Mesdames et Messieurs les députés, à un moment, les discussions doivent aboutir à une vision sur les objectifs et la réalisation de ceux-ci, même si on n'arrive pas à une vision commune en termes d'organisation. Je suis persuadée - j'ai observé qu'en dehors des séances des terrains d'entente pouvaient être trouvés - qu'il est possible de trouver des solutions en tenant compte des besoins de chacun.

Monsieur Vanek, le but n'est pas de savoir si je me trompe ou non, mais de donner enfin une suite à un problème qui est loin d'être nouveau. En effet, les premières discussions datent de 1975 et les travaux n'ont pas cessé depuis : groupes de travail, concertations, etc. A un moment donné, il faut bien prendre une décision concrète.

Comme d'habitude je me rendrai à la commission pour vous donner les explications que vous attendez, et vous auditionnerez qui vous souhaitez. Mais, pour moi, le moratoire demandé est la pire des solutions qui pourrait intervenir.

La présidente. Je vais mettre aux voix... Monsieur Vanek, persistez-vous à demander la parole ? Bien, allez-y !

M. Pierre Vanek (AdG). Excusez-moi, mais je me suis exprimé très modérément !

M. Olivier Vaucher. Tu parleras en commission !

M. Pierre Vanek. Ce sujet mérite qu'on s'y attarde. (Brouhaha, rires et remarques.)

M. Armand Lombard. On est là pour ça !

M. Pierre Vanek. Finalement, comme dit Lombard, on est là pour ça ! (M. Lombard conteste.) Eh bien, tiens-toi comme un monsieur et on t'appellera Monsieur !

Une voix. Et c'est toi qui dit ça !

M. Pierre Vanek. Mme Brunschwig Graf vient de me dire que le fond du problème n'était pas de savoir si elle se trompait ou non. C'est surprenant. Pour moi, il est évident, Madame la présidente du département de l'instruction publique, qu'il faut se poser cette question. Vous avez le droit d'avoir un autre avis que le mien, mais je veux ramener le débat sur le fond par rapport aux mesures prises. Je ne me prononcerai pas au sujet de votre opinion selon laquelle toutes les propositions faites figeraient la situation et qu'il y a moyen de s'arranger en dehors des séances, mais pas collectivement.

Mme Brunschwig Graf persiste dans son incapacité à se concerter et à dialoguer... (Brouhaha.) C'est dommage !

J'en viens au fait. Mme Brunschwig Graf dit...

Une voix. Madame la présidente !

M. Pierre Vanek. Madame la présidente du département de l'instruction publique dit que ces mesures seront reportées à la rentrée suivante, quant au déploiement de leurs effets. Mais pour ne pas perdre la face ou pour un autre motif que j'ignore, elle précise que ces mesures seront maintenues, mises en oeuvre «administrativement» avant fin septembre, tout en étant reportées «pratiquement» à l'échéance de la rentrée suivante. Ne serait-il pas plus intelligent...

Des voix. Non !

M. Pierre Vanek. ...de faire coïncider ces deux échéances en les fixant à la rentrée 98 et de profiter de ce laps de temps pour examiner si ces mesures sont judicieuses ou non ! Affirmer que ces mesures seront maintenues ne me semble pas la meilleure façon d'ouvrir le dialogue que nous réclamons. Il n'est évidemment pas utile de renvoyer les deux invites de cette motion à la commission de l'enseignement. La question est toute simple : faut-il maintenir aujourd'hui une décision ou un moratoire peut-il être mis en place, afin de permettre la discussion sur une hypothétique autre décision ! C'est tout simple !

La présidente. Je mets aux voix le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée par 41 non contre 34 oui.

La présidente. Je mets maintenant aux voix cette proposition de motion.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 41 non contre 37 oui.

 

La séance est levée à 23 h 20.