Séance du jeudi 29 mai 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 6e session - 21e séance

PL 7656
38. Projet de loi de Mmes et MM. Armand Lombard, Pierre Kunz, Jean-Claude Vaudroz, Jean-Philippe de Tolédo, Geneviève Mottet-Durand, Micheline Spoerri, Jacques Boesch, Marie-Françoise de Tassigny, Nelly Guichard, Elisabeth Häusermann, David Hiler, Micheline Calmy-Rey, Fabienne Blanc-Kühn et Janine Hagmann instituant une Société d'encouragement au démarrage d'entreprises innovantes. ( )PL7656

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La présente loi a pour but:

a) de permettre par le truchement d'une société d'encouragement à l'innovation le lancement d'entreprises, qui doivent faire naître des emplois et des possibilités de formation et de perfectionnement professionnel, et qui favorisent le renouvellement du tissu économique régional. Les fonds visent à augmenter la production de départ de l'entreprise créée ou à mener ses premières ventes à maturité;

b) de mettre sur pied dans les 3 ans, par le truchement d'un Conseil régional partenarial, une structure régionale et intercantonale de démarrage de petites entreprises;

c) de compléter par une action préliminaire et ciblée destinée à des projets en phase de création, les supports prévus ou déjà existants de capital-risque.

Art. 2

1 Le canton établit une «Société d'encouragement au démarrage d'entreprises innovantes».

2 Il met à disposition de la société un capital de dotation et un fonds annuel à l'innovation.

3 Dans les 5 ans cette institution doit être intégrée à un réseau régional.

4 Les charges d'exploitation de la société sont couvertes par le revenu de son capital de dotation.

5 La société travaille en étroite collaboration avec la Banque cantonale et la ou les institutions en charge de programmes de capital-risque.

Art. 3

1 La Société cantonale est gérée par un Conseil de direction de 6 à 9 personnes.

2 La moitié au moins d'entre elles sont désignées par le Conseil d'Etat pour leur compétence professionnelle dans les domaines du management, de la vente et de l'innovation. 2 à 4 sont désignées par le Conseil selon des critères de compétence technique.

3 Ce dernier délègue 2 de ses membres au Conseil régional de démarrage d'entreprises.

4 Le Conseil de direction:

a) coordonne son action avec les structures existantes, en particulier avec la Banque cantonale;

b) sélectionne les projets;

c) s'adjoint les services d'une équipe de gestion qui:

 1° reçoit les projets,

 2° prépare les dossiers pour la sélection du conseil,

 3° veille au suivi de leur gestion pendant 3 ans par des institutions compétentes.

5 Pour le surplus, l'organisation de la société est précisée par son règlement.

Art. 4

1 Il est établi par les partenaires économiques régionaux.

2 Le Conseil régional de démarrage d'entreprise veille:

a) à faire profiter les entreprises sélectionnées, d'une structure régionale de commercialisation, d'une meilleure diversification et d'une valeur ajoutée plus grande;

b) à établir une coordination pratique étroite avec les autres instances;

3 L'administration du Conseil régional dispose d'un budget proposé par les délégués cantonaux aux différentes fondations cantonales.

4 La part genevoise des charges d'exploitation du conseil est couverte par le capital de dotation.

Art. 5

La société dispose de fonds d'innovation alimentés par:

a) le revenu du capital de dotation, en tant qu'il excède le coût de fonctionnement de la Fondation;

b) la dotation annuelle du canton, telle que déterminée à l'article 8;

c) les participations directes ou indirectes d'investisseurs privés, institutionnels ou autres;

d) les dons, legs et toute autre ressource.

Art. 6

L'aide peut être accordée aux conditions cumulatives suivantes:

a) le créateur d'entreprise dispose d'un produit et/ou d'un service précis ainsi que d'un concept global de développement;

b) l'entreprise en formation ou de création de moins de trois ans;

c) elle prévoit une croissance marquée;

d) elle est innovatrice, que ce soit en matière de recherche et de développement, de technologie de produit ou de processus, de marketing ou d'organisation;

e) elle vise à s'assurer un avantage compétitif clairement identifiable sur le marché national, voire international.

Art. 7

1 L'aide financière est accordée une fois, pour un maximum de 80 000 F, sous la forme:

a) d'un prêt sans intérêt ou à intérêt croissant pour la phase de démarrage;

b) d'une participation non rémunérée au démarrage d'un projet, avec option sur un capital-action futur.

2 Les formes d'aide financière peuvent être soit cumulées soit être accordées séparément.

a) la société est déclarée d'utilité publique;

b) elle est mise au bénéfice d'un arrêté d'exonération du Conseil d'Etat;

c) des aménagements fiscaux (allégement de l'imposition; simplification des procédures) peuvent être accordés aux entreprises bénéficiant de l'aide, en application de la loi fiscale.

Art. 8

a) Le canton souscrit à hauteur de 7 000 000 F au capital de dotation, par le débit de son budget d'investissement;

b) le canton finance la société, par le débit du compte d'investissement, à concurrence de 1 000 000 F par année, destiné à financer les projets directement;

a) tout investisseur peut souscrire au capital de la société. L'objectif des participations à atteindre à 5 ans est de 30% pour les institutions et associations, 35% pour l'Etat, 35% pour les privés;

b) tout investisseur peut investir directement dans un projet déterminé de la société.

Art. 9

Le Conseil d'Etat présente après 5 ans au Grand Conseil une évaluation sur les résultats découlant de la présente loi, sur l'activité du Conseil régional, ainsi que sur l'intégration de la société à un système régional.

Art. 10

Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le présent projet de loi est en phase d'être déposé dans tous les cantons romands sous la forme législative qui leur est propre, et cela à l'instigation du Forum interparlementaire romand (FIR) qui réunit des parlementaires de tous ces cantons.

Le démarrage, un moment délicat

Le démarrage d'une entreprise se situe à un moment délicat. L'idée de base développée par l'inventeur est au point. Le processus de recherche est terminé et un prototype final a été réalisé. L'inventeur doit troquer sa fonction contre celle d'entrepreneur.

Si jusque-là il était en emploi ou s'il était couvert par des fonds de recherche, il doit maintenant s'assumer financièrement, prendre ses responsabilités sur le plan de la gestion, se vêtir en chef d'entreprise. De la «douceur intellectuelle de l'inventeur», il glisse brusquement dans l'action ciblée de l'entrepreneur.

Avant le capital-risque, les outils financiers manquent

Une recherche arrivant à chef, il n'y a plus le soutien des fonds publics de recherche. A part les banques cantonales, il n'y a, bien sûr, pas les banques commerciales qui naviguent sur des eaux planétaires. Il n'y a pas de capital-risque car il est trop tôt pour investir dans quelque chose qui n'a même pas encore démarré. Les proches et la famille ont souvent déjà contribué au développement de l'idée de base, ont soutenu avec des fonds ou des cautions pour permettre la mise au point d'un produit ou d'un service et ils ne souhaitent plus accompagner le projet.

Il n'y a que le capital de proximité, celui des «business angels» clubs comme on les nomme aux Etats-Unis, ces bisanges qu'il s'agit de stimuler chez nous, car ils ne sont pas encore véritablement développés et on ne peut encore compter sur leur apport, quand bien même cela devrait devenir possible en 3 ou 5 ans.

La participation de l'Etat

Il s'agit par conséquent de pallier cette absence de capital, qui précède l'apport de capital-risque, par un apport de l'Etat au démarrage, avant même que n'existe formellement une personne morale. L'Etat remplit ici son rôle de participant à la création ou au maintien du tissu économique de la société. Il sera accompagné par l'engagement des partenaires, institutions, investisseurs privés de proximité. Après tout, l'Etat est un partenaire de la communauté et à ce titre il a mission d'en soutenir les infrastructures de base.

Les investissements qui ne dépasseront pas 80 000 F sont en principe un apport de fonds propres dont l'investisseur public devra se séparer dès la première étape du développement franchie (5 à 8 ans).

Le tissu économique des petites entreprises en création, certes, est une partie importante de l'infrastructure de notre société. Il est vrai que durant les années glorieuses de l'après-guerre, il n'a pas sollicité d'aide, tant fonctionnait bien la machine économique stimulée par les restructurations et reconstructions du monde.

Aujourd'hui, la participation active de l'Etat et celle de l'institution de programmes et du privé est nécessaire.

Une structure régionale en 5 ans

Une activité dynamique doit se développer au niveau régional, appuyée sur un bassin d'emploi de 1 à 2 millions d'habitants. C'est donc la Suisse occidentale qui doit engager un réseau d'action de création d'entreprises. Ce réseau s'appuie sur les cantons. Et à partir d'eux, en 3 à 5 ans, il établit ses circuits, ses relations et ses automatismes de façon à former dans ce laps de temps le tissu de la Silicone Valley de Suisse occidentale !

Société d'encouragement à l'innovation, Conseil régional de démarrage, capital de dotation, ce sont les trois instruments nécessaires à combler un vide dans la chronologie du développement de l'entreprise et de l'emploi.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie sans débat de préconsultation.