Séance du vendredi 2 mai 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 5e session - 20e séance

M 1095
8. Proposition de motion de Mmes et MM. Elisabeth Reusse-Decrey, Nicole Castioni-Jaquet, Mireille Gossauer-Zurcher, Liliane Charrière Urben, Dominique Hausser et René Longet concernant les activités parascolaires. ( )M1095

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- la loi votée par le Grand Conseil en 1994 instaurant un groupe intercommunal pour les activités parascolaires et une participation financière des parents à ces activités;

- les diminutions constatées de la fréquentation du parascolaire l'après-midi et dans les quartiers les plus défavorisés depuis l'introduction d'un paiement;

- le transfert de nombre d'enfants sur des prises en charge gratuites, telles que les centres de loisirs par exemple;

- le flou entourant la question des devoirs à domicile dans l'enseignement primaire et rendant souvent inadéquate l'offre parascolaire;

- le changement d'horaire prévu pour la rentrée 1997, entraînant à son tour un changement prévisible de l'horaire des activités parascolaires,

invite le Conseil d'Etat

à fournir au Grand Conseil un rapport portant sur:

a) l'évolution des fréquentations du parascolaire ces dernières années, en particulier suite à:

1. la mise à l'écart des enfants de 4P des activités surveillées;

2. l'obligation de paiement faite aux parents;

b) les coûts administratifs engendrés par la nouvelle gestion mise en place par le groupement intercommunal pour les activités parascolaires;

c) les montants versés par les parents,

à mener une étude comparative entre les communes quant aux prestations qu'elles offrent aux enfants

à élaborer une véritable approche globale de «l'aménagement du temps libre de l'enfant», entre autres en:

1. redéfinissant la place et le rôle des activités parascolaires en lien avec les autres types d'activités (périscolaires, centre de loisirs, jardins Robinson, etc.);

2. clarifiant sa politique en matière de devoirs à domicile;

3. réévaluant sa décision de limiter la fréquentation des activités surveillées aux élèves jusqu'en 3P seulement.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il y a un peu plus de deux ans, la majorité de ce Grand Conseil votait une modification de la loi sur l'instruction publique visant à déléguer une partie de la prise en charge des activités parascolaires aux communes et instaurant une participation financière des parents auxdites activités. Vu la rapidité avec laquelle évolue notre société, la place qui y est octroyée à l'enfant et le rôle en constante mutation du système éducatif, il s'avère nécessaire de dresser un premier bilan du nouveau fonctionnement des structures du parascolaire.

Historique

C'est en 1888 que le conseiller d'Etat radical Alexandre Gavard crée la première structure étatique des prise en charge des enfants en dehors de l'école: «les classes gardiennes».

Plusieurs aménagements de cette structure interviennent au cours de ce siècle, mais les principes de départ sont maintenus: la charge incombe à l'Etat et les prestations offertes sont gratuites.

En 1994, une nouvelle loi est votée, modifiant ces principes de base: un groupement intercommunal pour les activités parascolaires (GIAP) est créé et une participation financière des parents est instaurée.

Rôle du parascolaire

L'équilibre de la famille est un des éléments essentiels à la bonne marche de notre société et cet équilibre est dépendant d'un ensemble de mesures propres à favoriser la vie de famille. Le parascolaire, même si l'on a tendance à minimiser son importance par rapport à l'école, en est l'un d'eux. L'enfant est un tout. Chaque moment de sa journée présente la même valeur et participe à la construction de sa personnalité.

Le nombre de femmes qui exercent une activité professionnelle est en constante augmentation. En outre, les horaires peu flexibles, les distances entre le lieu de travail et celui du domicile, les nécessités financières, l'accroissement du nombre de familles monoparentales sont autant d'éléments qui rendent indispensable une prise en charge des enfants après l'école et l'offre d'un relais éducatif.

Enfin, pour les familles étrangères, le parascolaire est un atout supplémentaire facilitant et améliorant l'intégration de leurs enfants, tant sur le plan culturel que linguistique ou encore social. Le rôle essentiel de prévention qui incombe au parascolaire ne fait donc aucun doute.

Des choix de ces dernières années et leurs conséquences

En 1992, première baisse de la fréquentation du parascolaire. Les élèves de 4P sont en effet écartés des activités surveillées et la prise en charge des devoirs pour les plus petits n'est plus assurée.

Conséquences: des enfants de 7 à 8 ans se retrouvent le soir, pour certains après une journée de presque 10 heures, au sein de la «structure école», fatigués et seuls pour faire leurs devoirs (ce problème touche particulièrement les familles étrangères). Quant aux enfants de 4P, qui ont, eux, la possibilité de faire leurs devoirs aux études surveillées, ils ne bénéficient plus de la prise en charge du parascolaire. Dès les devoirs terminés, ils rentrent chez eux: 9 ans, c'est pourtant bien jeune pour attendre seul le retour des parents.

En 1994, nouvelle modification importante: l'Etat se dessaisit de la gestion du parascolaire et la loi reporte une partie des charges sur les communes. Depuis quelques années, les communes sont appelées à «reprendre» un certain nombre de tâches supportées jusque-là par l'Etat, et ce processus ne semble pas terminé. Dès lors, on est en droit de s'inquiéter. Jusqu'où certaines communes pourront-elles assumer des charges financières de plus en plus lourdes sans porter atteinte à la qualité des prestations ? Et dans ce cas, le parascolaire restera-t-il une priorité ? Il serait déjà intéressant de voir aujourd'hui si des inégalités existent entre les communes concernant les activités offertes aux enfants (coordination du parascolaire avec d'autres activités locales par exemple).

Au sein du parascolaire, aucun enfant ne devrait être pénalisé d'habiter une commune moins favorisée qu'une autre.

Lors de cette même modification de loi en 1994, le principe d'une participation financière des parents a été instauré.

Jean-Jacques Richiardi et Elisabeth Bertchy-Gutierrez ont mené une étude dont il est intéressant de relever quelques points.

L'augmentation du nombre d'élèves dans l'enseignement primaire a occasionné assez logiquement une augmentation de la fréquentation du parascolaire durant la pause de midi.

Par contre, de manière contradictoire, on a constaté une baisse de participation aux activités surveillées de l'après-midi. Il est relativement aisé d'analyser les raisons de cette contradiction. Si les parents doivent faire un choix, pour des raisons financières, dans le cadre de la prise en charge de leur enfant, la priorité sera bien évidemment donnée au repas.

En outre, on constate aussi que la baisse de fréquentation concerne en priorité les enfants les plus «âgés» (7 et 8 ans). Là aussi, en cas de choix nécessaire, il est moins difficile de se résigner à laisser son enfant de 8 ans la clé autour du cou, plutôt qu'un bambin de 4 ou 5 ans.

Enfin, il semble, selon l'étude menée, que les quartiers les moins favorisés (Pâquis, Eaux-Vives) soient plus touchés par le phénomène.

Le paiement demandé aux parents aurait-il donc des conséquences incompatibles avec la mission de prévention essentielle du parascolaire, mission qui doit être assumée par la collectivité à l'intention de tous les enfants, quelles que soient la situation financière de leurs parents et leur origine ?

Cette question doit être posée.

Conclusion

Il semble que trois catégories d'enfants n'aient pas un accès libre aux activités parascolaires:

1. les enfants de 4P pourtant encore bien jeunes;

2. les enfants dont les parents ne veulent pas payer et/ou ne peuvent pas payer, n'osant pas ou ne sachant pas solliciter les exonérations possibles;

3. les enfants de clandestins qui craignent toute démarche officielle.

Il est donc important aujourd'hui d'analyser la situation et de faire une évaluation des choix posés ces dernières années.

Il est tout aussi important de mener simultanément une réflexion sur l'enfant, sa place dans notre société et la responsabilité de la collectivité quant à son éducation.

Enfin, la «gestion du temps libre de l'enfant» doit être prise dans sa globalité.

A quelques mois de l'entrée en vigueur d'un nouvel horaire de l'écolier qui aura inévitablement des incidences sur le parascolaire, il est temps d'avoir une réponse à toutes ces questions et préoccupations.

C'est pourquoi nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement cette motion et à la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation.