Séance du
vendredi 25 avril 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
5e
session -
18e
séance
M 1120
EXPOSÉ DES MOTIFS
La nécessité de préserver le patrimoine mondial arboricole n'est plus à démontrer. Nous sommes aussi toutes et tous sensibles à garantir une bonne conservation des vins et celle-ci est liée à la qualité des bouchons de liège. Si ceux-ci sont indispensables pour assurer la conservation du précieux breuvage, nous devons nous préoccuper de leur fabrication qui, de toute évidence, nécessite plus de temps que nous n'en mettons pour déguster une bonne bouteille !
Il faut compter 25 ans depuis la plantation du chêne-liège jusqu'à la première récolte; puis 10 ans supplémentaires avant qu'une nouvelle écorce utilisable se soit reformée. Les pays cultivant encore le chêne-liège sont l'Espagne, le Portugal, l'Italie, l'Afrique du Nord et la France. Abandonner la production de cet arbre ne représenterait pas seulement une catastrophe écologique pour ces pays, mais priverait de nombreux palais d'un élément indispensable à la conservation du vin.
Comment garantir que cette précieuse récolte soit prioritairement destinée à la production de bouchons ? Le ramassage séparé des bouchons de liège par les ménages a un intérêt tout relatif: tout dépend de la quantité consommée journellement ! Par contre, la récupération se justifierait au niveau des hôtels et des restaurants. C'est ainsi que l'Association suisse des maîtres d'hôtels diplômés (ASMD) collecte les bouchons de liège en vue d'un recyclage. La Suisse utilise quelque 150 millions de pièces et le recyclage organisé par cette association a permis de récolter 1,5 milion de pièces. Le recyclage se fait dans un moulin du canton de Glaris. Les bouts d'écorce sont réduits en granulats: le 90% du matériau est pressé et transformé en plaques d'isolation, le reste étant utilisé dans la production de chaussures de santé, dessous-de-plat, bouchons de champagnes, bouées, etc.
La Suisse, et le canton de Genève, ont tout intérêt à éviter le gaspillage des bouchons de liège, puisque la production viticole est un élément, certes modeste mais apprécié, de notre économie.
Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à cette motion.
Débat
Mme Alexandra Gobet (S). Voilà une proposition nouvelle de tri à la source, telle que MM. Genecand et Grobet la réclamaient, tout à l'heure, alors que l'on parlait de la fermeture de l'un des fours des Cheneviers.
Devrons-nous nous résigner, Madame la présidente, à trouver un jour pour couronner nos vins fins, ceci ou même cela, et rien d'autre ? (La députée montre différents opercules.) Les Suisses sont - il faut tout de même le savoir - de puissants demandeurs de vins de qualité qui appellent le vieillissement. Or, pour vieillir, le vin a besoin d'une obturation de liège.
Dans notre texte, vous avez vu que les chênes-lièges poussent principalement dans le bassin méditerranéen. Il est vrai que le Portugal, l'Espagne ou même l'Afrique du Nord ont consenti de gros investissements pour satisfaire à nos demandes. Mais là n'est pas la question ! Il faut vingt-cinq ans - depuis la plantation d'un chêne-liège jusqu'à la récolte - pour obtenir l'épaisseur et la qualité voulue du liège. Une fois récolté, il faut au moins dix ans encore pour obtenir une nouvelle couche de liège qui puisse être utilisée, comme celle-là.
On comprend alors que, avec un usage unique du bouchon, on gaspille le liège. Ces pays ne pourront bientôt plus faire face à la demande sans lésiner sur la qualité ou procéder à des défrichements pour installer des plantations qui ne serviront à rien, puisqu'il faudra attendre encore vingt-cinq ans avant la récolte.
L'idée évoquée aujourd'hui a vu le jour en 1993, sous l'impulsion de l'Association suisse des maîtres d'hôtel avec la participation des «Free Evergreens» de Zurich. Il s'agit d'une association de personnes à la retraite, favorables à l'environnement.
Les bouchons collectés sont recyclés à 100% et connaissent une seconde vie : de bouchons agglomérés, cette fois, qui sont tout à fait adaptés pour les vins de faible ou moyenne garde; ou alors, vous appréciez peut-être de porter l'été des chaussures orthopédiques ou des nu-pieds avec une semelle de liège compensé, recyclé lui aussi...
La présidente. Un peu de silence !
Mme Alexandra Gobet. ...ou, pour les constructeurs, les matériaux d'isolation composés de granulés de liège.
On trouve, parmi les membres qui soutiennent cette action, plus de trois cents collectivités publiques ou privées, qui sont toutes, il est vrai, situées de l'autre côté de la Sarine.
Pour les responsables politiques que nous sommes, appelés plus à la sensibilisation qu'à la récolte - encore que plusieurs d'entre nous pourraient y contribuer - quel est l'intérêt à se remuer, à informer, à convaincre les communes, les ménages, les restaurants, les vignerons, les entreprises et, finalement, la population en général ?
C'est, en premier lieu, l'occasion de réaffirmer que Genève est l'un des berceaux de la protection de l'environnement mondial. Ce n'est pas parce que cela a l'air d'une plaisanterie qu'il faut imaginer ce type de recyclage comme un phénomène isolé. Cela existe ailleurs dans le monde.
En second lieu et sur le plan interne, c'est l'occasion de donner une image différente aux viticulteurs genevois et au secteur de la restauration, de les désigner comme porteurs, eux aussi, de la préoccupation environnementale et d'ajouter une touche d'or un peu différente pour redorer leur blason.
Georges-André Chevallaz, conseiller fédéral bien connu - tant comme conseiller fédéral que comme supporter actif de la viticulture suisse - est l'un des parrains romands de cette opération. Mais il n'est pas seul : il y a aussi Peter Standelmann, président de la Société suisse de l'hôtellerie, ainsi que Moritz Sutter, notre directeur bien-aimé de Crossair, qu'on ne peut tout de même pas suspecter de faire partie de ces fadas extrémistes de la protection de la planète. Je n'allongerai pas la liste des nombreuses autres personnalités.
La présidente. Oui, vu l'heure tardive !
Mme Alexandra Gobet. En troisième lieu, cette action aurait le mérite de diminuer cette montagne de déchets, dont nous parlions tout à l'heure et qui, sans cela, seraient brûlés.
Concrètement, les contacts constants du DEP avec les milieux économiques, le savoir-faire des services de M. Haegi - tant en matière de recyclage, que pour favoriser le contact avec les communes - constituent un sérieux atout pour que Genève puisse piloter cette action.
Toutes les filières sont déjà prêtes; les opérations centralisées en Suisse alémanique. Nous n'avons plus qu'à envoyer nos sacs-poubelle pleins de bouchons. Toutefois, il est précisé que ces sacs-poubelle doivent être noirs et d'une contenance de 110 litres, munis d'un fil compostable. Les bénévoles du troisième âge pour la planète feront le tri à la source.
A Genève, il suffirait d'investir peu de moyens. En effet, l'Association suisse des maîtres d'hôtel a financé le moulin de recyclage, tandis que les bénévoles font le reste.
La présidente. Vous parlez depuis dix minutes, Madame la députée !
Mme Alexandra Gobet. Oui, je termine ! Bien sûr, il conviendrait de convertir «à la sauce romande» le matériel de propagande alémanique existant. Nous tenons à la disposition de chacun les précisions supplémentaires qui nous ont été communiquées, et vous remercions du bon accueil que vous réserverez à cette proposition.
La présidente. Nous vous remercions de vos explications. Monsieur Lorenzini, soyez concis !
M. Claude Blanc. Circoncis !
La présidente. Ah, je pensais bien que vous feriez une plaisanterie à ce sujet !
M. Olivier Lorenzini (PDC). Lors de notre caucus, cette motion a retenu toute l'attention du parti démocrate-chrétien. Il était relativement divisé ! (Rires.) Finalement, la minorité se ralliera à la majorité et le parti démocrate-chrétien soutiendra le renvoi de cette excellente motion au Conseil d'Etat.
Nous attendons tout de même un bon rapport de la part du Conseil d'Etat, car la présentation de Mme Alexandra Gobet a été un petit peu trop synthétique. (Rires.) Nous nous réjouissons que, avant la fin de la législature, ce projet soit traité avec l'intérêt qu'on doit lui porter.
La présidente. Puis-je mettre aux voix le renvoi en commission ou la parole est-elle encore demandée ? Ah, je vois que vous êtes tous tentés de parler du bouchon !
M. Hervé Burdet (L). Vu la qualité d'écoute, ce soir, je serai très bref. Je reconnais que recycler les matières premières est un acte moral et cette raison est suffisante pour que nous réfléchissions à cette motion.
Il faut également penser à la valorisation que nous entendons donner au travail des gens des régions défavorisées, comme le Portugal, l'Espagne ou le Chili, où le liège n'est pas une industrie ridicule.
Pour terminer, et puisque tout le monde a envie de rigoler : je connaissais la «gauche caviar», je viens de découvrir la «gauche champagne !» (Rires.) Dans ce pays, tant que le seul souci des délégués syndicaux sera de proposer de recycler les bouchons de champagne, tout ira très bien ! (Rires.)
La présidente. Merci de cet optimisme !
M. Roger Beer (R). Après les très importants sujets traités ce soir - comme, par exemple, celui de l'eau - j'apprécie que l'on en vienne aussi à des thèmes quelque peu annexes. Il est vrai que le problème de la récolte des bouchons de liège me paraît moins fondamental que d'autres pour la République.
Toutefois, pour moi qui suis ici une des rares personnes à planter du chêne-liège au nord des Alpes, cette motion a le mérite d'avoir un certain intérêt. M. Burdet a raison, ces économies «pastorales» justifient-elles la concurrence que nous pourrions faire avec le recyclage du liège dans le Sud-Ouest où cette culture est très importante ?
Il convient, en effet, de faire attention que notre consommation en liège ne dépasse pas le rythme de plantation du chêne-liège. Actuellement, il est possible que la consommation soit trop grande, auquel cas il faut y être attentifs. Mais, d'un autre point de vue, cette culture fait vivre ces gens, ces populations, ces peuplades, cultivateurs d'Espagne, du Portugal, du Sud-Ouest de la France.
Des voix. Raciste, hou ! hou !
La présidente. Il est vrai que lorsque les discours sont concis, c'est plus efficace, allons-y !
M. Roger Beer. Tout ceci pour dire que des gens vivent de la culture du liège ! Nous essayerons de le recycler, car nous vivons du vin et du bouchon !
J'ai toujours été contre la capsule, et je trouve cette motion intéressante et sympathique. On ne peut pas dénigrer l'idée... Euh, que voulais-je dire ? (Rires.)
La présidente. Que vous êtes d'accord avec cette motion !
M. Roger Beer. ...de vouloir faire des économies sur ce plan-là ! Il est nécessaire que nous en parlions en commission.
La présidente. Quelle commission ?
M. Roger Beer. Il existe un dossier à ce sujet et, contrairement au PDC qui se divise et se rallie - on ne comprend pas très bien ce qui se passe ! - le groupe radical soutiendra le renvoi en commission.
La présidente. Dans quelle commission, voulez-vous renvoyer ce bouchon ?
M. Roger Beer. Ecoutez, ce soir nous traitons du département de l'environnement, me semble-t-il, de M. Haegi, alors on va la renvoyer à cette commission.
La présidente. Je vous posais tout de même la question !
Une voix. La commission de grâce !
M. Olivier Lorenzini (PDC). Juste pour revenir dans le débat sur la renaturation des rivières, le député Beer nous a informés du fait qu'il ne restait que six séances jusqu'à la fin de la législature pour traiter de sujets aussi importants que l'initiative sur la pêche, la loi sur les forêts et la loi sur l'environnement. Je trouve donc regrettable de renvoyer cette motion dans une commission déjà surchargée, et je me demande si le Conseil d'Etat ne serait pas à même de l'accepter.
La présidente. Tout d'abord, je mets aux voix la proposition de renvoyer cette motion en commission.
Ecoutez, je vais faire une motion d'ordre, car j'estime que l'on a assez parlé !
Une voix. L'appel nominal !
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejetée.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
sur la récolte du liège à la collecte
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- l'action conduite depuis trois ans par l'ASMD (Association suisse des maîtres d'hôtels diplômés) pour la collecte des bouchons de liège en vue de leur recyclage;
- les 150 millions de pièces tirées chaque année en Suisse tandis que l'Association n'a pu en récolter que 1,5 million, toutes catégories confondues (vin, champagne et huile);
- que 25 ans sont nécessaires de la plantation du chêne-liège à la première récolte, puis 10 ans avant qu'une nouvelle écorce soit reformée;
- que ces cultures alimentent en devises de façon principale l'Espagne, le Portugal et l'Afrique du Nord, sans qu'il puisse être exigé de ces pays des cultures plus extensives;
- que l'Etat de Genève a toujours eu un rôle de pointe en matière de recyclage des déchets,
demande au Conseil d'Etat
qu'il intervienne auprès des cafetiers, des restaurateurs, des viticulteurs et des collectivités privées de Genève pour promouvoir l'action de l'ASMD-Korken recycling, et fournisse, le cas échéant, les moyens et transports nécessaires à la collecte.
12. Ordre du jour.
M. Bernard Lescaze (R). Madame la présidente, je ne pense pas que nous puissions traiter ce soir la motion 1124 concernant les réfugiés durant la Deuxième Guerre mondiale. Ne croyez-vous pas que notre ordre du jour ayant «bouchonné», il soit temps de s'arrêter et de la reporter à une prochaine session ?
La présidente. Non, Monsieur le député ! Je regrette, mais je continue en tout cas jusqu'à minuit, car j'estime que, à toute heure, on perd du temps; alors maintenant soyons sérieux !
M. René Longet (S). Je regrette que l'on traite un sujet pareil à une heure aussi tardive. Il est presque minuit ! Je suggère, comme M. Lescaze, qu'on le reporte à une autre séance, car il ne me paraît pas possible d'en discuter sérieusement ce soir. Je vous propose donc d'arrêter la séance !
Des voix. Bravo !
M. Claude Blanc (PDC). Madame la présidente, nous venons de traiter deux ou trois sujets qui nous ont beaucoup amusés. Par conséquent, il serait tout à fait indécent de passer, juste après, à un sujet aussi important. Je crois, Madame la présidente, qu'il faut avoir la sagesse de s'arrêter à temps avant que le débat ne dégénère.
La présidente. Je précise simplement, Monsieur le député, que nous suivons l'ordre du jour. S'il était 17 h, vous n'auriez pas pu faire cette remarque ! Je vois que vous n'avez plus envie de travailler, et je lève la séance.
M. Claude Blanc. Voilà !
Des voix. Bravo !
La présidente. Ne me félicitez pas !
La séance est levée à 23 h 40.