Séance du jeudi 24 avril 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 5e session - 16e séance

PL 7572
12. Projet de loi de Mme et M. Christian Grobet et Liliane Johner modifiant la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 (B 6 05). ( )PL7572

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984, est modifiée comme suit:

Art. 77, al. 2 (nouvelle teneur)(al. 3 abrogé, l'al. 4 ancien devenant l'al. 3)

2 Toutefois, la commune peut adopter un budget comportant un excédent de charges, à concurrence maximale de ses amortissements, pour autant et aussi longtemps que:

a) cet excédent ne dépasse pas de 5% le montant des recettes et soit couvert par sa fortune nette;

b) et que les intérêts annuels de sa dette ne dépassent pas 15% des recettes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'article 77 de la loi sur l'administration des communes impose aux communes d'avoir un budget équilibré. Cet objectif, que l'Etat lui-même n'arrive pas à respecter, est manifestement excessif, notamment en période de crise ou si une commune doit engager des investissements d'équipements importants. Le Grand Conseil a modifié le 1er avril 1993 l'article 77 de la loi sur l'administration des communes en prévoyant une exception à ce principe d'équilibre budgétaire et a admis qu'un budget communal puisse avoir un excédent de charges à concurrence maximale de ses amortissements pour autant que cet excédent soit couvert par sa fortune nette.

Ce droit a, toutefois, été limité dans le règlement d'application de la loi, tel qu'il a été complété le 5 mai 1993 par le Conseil d'Etat. En effet, les articles 52 et 53 dudit règlement imposent l'obligation pour les communes d'adopter un plan financier démontrant un retour à l'équilibre budgétaire dans un délai de 4 ans, de sorte que la Ville de Genève notamment, qui a bénéficié de la dérogation au principe de l'équilibre budgétaire, devrait être arrivée à un retour à l'équilibre de son budget pour l'exercice 1998. Or, un tel équilibre ne pourrait être atteint qu'avec une forte diminution des investissements et des prestations de la Ville de Genève, ce qui serait particulièrement néfaste en période de crise, tout particulièrement en ce qui concerne les investissements plus nécessaires que jamais pour maintenir certaines activités économiques, notamment dans le secteur de la construction particulièrement affecté par la crise.

Outre le fait que l'on peut douter de la validité d'une disposition réglementaire qui limite pareillement le droit consenti aux communes, cette limitation dans le temps est inopportune au vu de la situation actuelle des finances publiques, de la difficulté d'augmenter les impôts en période de crise et des règles usuellement applicables en matière budgétaire des collectivités publiques. Le présent projet de loi vise à supprimer cette restriction, tout en fixant des règles visant à limiter l'importance du déficit du budget des communes, qui ne devrait pas dépasser 5% des recettes, ainsi que l'ampleur de la charge de la dette, dont les intérêts passifs ne devraient pas dépasser 15% des recettes budgétaires.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil au présent projet de loi.

Préconsultation

M. Daniel Ducommun (R). Les signataires de ce projet de loi sont des opportunistes ou alors ils avaient déjà des informations sur l'état des comptes 1996 de la Ville de Genève. Il faut toutefois reconnaître que cette proposition n'est pas dénuée d'intérêt et que le débat en commission des affaires communales et régionales mérite d'être poursuivi.

Je ne vous cache pas que la loi restrictive actuelle nous convient. Elle évite tout laxisme, facilité ou déresponsabilisation. C'est le signe d'une bonne gestion communale que de couvrir ses dépenses de fonctionnement par des recettes. Toutefois, la situation économique du canton de Genève va entraîner toutes sortes de réactions, et une politique communale anticyclique n'est pas, a priori, une solution utopique.

Si nous ouvrons cette brèche, il faut y mettre un garde-fou et inscrire impérativement dans la loi un délai de retour à l'équilibre qui pourrait être une extension du délai de quatre ans, l'actuelle référence.

C'est dans ce sens que nous apporterons notre contribution active aux travaux de commission.

M. Laurent Moutinot (S). Ce projet de loi pose la question de la liberté budgétaire des communes et, par conséquent, de leur rôle dans notre organisation politique et sociale. Il s'inscrit dans une problématique historique particulière.

La Confédération transfère des charges sur les cantons, et les cantons, sur les communes. Malheureusement, ni les cantons ni les communes ne reçoivent forcément les compétences et les moyens de les assumer. Aussi, il conviendra d'étudier ce projet de loi en se souvenant de ce flux de transferts de compétences pas toujours suivi d'un flux de revenus pour y faire face.

Il conviendra également, dans l'examen de ce projet de loi, de tenir compte des différences de taille financières entre les communes ayant des rôles différents à jouer, compte tenu précisément de leurs moyens. En définitive, c'est toujours le même contribuable qui paie, qu'il s'agisse du contribuable fédéral, cantonal ou communal.

L'intérêt d'accroître le rôle des communes est le suivant : les citoyens étant plus proches des communes, ils participent plus et mieux à l'élaboration des budgets. L'inconvénient majeur, en revanche, est le suivant : sur un certain nombre de sujets d'intérêt général, on ne peut pas laisser la politique se faire uniquement ou principalement au niveau des communes.

Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, me semble ouvrir un débat fondamental : avant de savoir quelle liberté financière donner aux communes, il faut déterminer leur rôle et leurs responsabilités.

M. Alain-Dominique Mauris (L). La mode est-elle aux déficits ? Les résultats des rentrées fiscales sonnent le glas des boni budgétaires et annoncent l'ère des déficits, comme on peut s'en rendre compte à la lecture des derniers résultats financiers des communes.

Faut-il céder à cette pression pour banaliser le déficit ? La proposition du projet de loi qui nous est soumis ce soir paraît dangereuse dans la mesure où elle conduirait très rapidement les communes dans une situation financière dont certaines cherchent précisément à se sortir. C'est une porte ouverte aux déficits perpétuels. En ne fixant pas de limite dans le temps, elle risquerait de banaliser les déficits et de s'éloigner des redressements financiers.

Il suffit de prendre l'exemple de la Ville de Genève dont le déficit est en voie d'être chronique. Comme le rappelait mon collègue Ducommun, ce projet est-il fait pour lui permettre de s'accommoder de sa situation ? On peut en douter.

Ce projet de loi s'inspire aussi largement de ce qui se fait déjà à Fribourg. A la nuance près - mais pas des moindres - qu'un déficit de plus de 5% entraîne automatiquement une hausse d'impôts. Il s'agirait d'analyser en commission la possibilité de prolonger le délai pour le retour à l'équilibre.

L'analyse actuelle des déficits publics montre une tendance qui va à l'inverse de ce projet de loi, puisque de plus en plus de voix s'élèvent pour interdire tout déficit. Pour s'en convaincre, il suffit de lire l'article paru dans le journal français «L'Expansion» du 6 mars 1997, à la page 90.

Je vous recommande donc de renvoyer ce projet de loi à la commission des affaires communales et régionales.

M. Christian Grobet (AdG). Je ne vois pas ce qu'il y a «d'opportuniste» - pour reprendre les termes de M. Ducommun - dans ce projet de loi. Au contraire, il vient à son heure face à une réalité que nous n'entendons pas du tout banaliser, soyez-en certain, Monsieur Mauris ! Comme vous, nous sommes préoccupés par l'aggravation de la situation financière des collectivités publiques, mais l'obligation faite actuellement à certaines communes d'arriver immédiatement à l'équilibre budgétaire va poser de très graves problèmes.

Les communes sont également victimes de la réduction des rentrées consécutive à la diminution des recettes fiscales escomptées que M. Vodoz a évoquée. En se fiant aux chiffres certainement donnés de bonne foi par le département des finances, certaines communes ont eu la même désagréable surprise que le Conseil d'Etat. Nous ne pouvons pas les pénaliser.

Nous ne prétendons pas que la solution que nous proposons soit la meilleure, et nous nous réjouissons que vous acceptiez de renvoyer notre projet de loi en commission pour tenter de voir quelles solutions pourraient être adoptées. Cependant, j'aimerais relever, Monsieur Mauris, que si nous n'avons pas prévu une limite dans le temps concernant le déficit des budgets communaux, nous avons néanmoins voulu fixer d'autres limites sur le plan financier. Peut-être ne sont-elles pas les plus adéquates ? Peut-être en existe-t-il de meilleures ?

On proclame dans certains milieux l'équilibre des budgets, mais cela paraît difficile dans la situation conjoncturelle actuelle. Sur le plan européen, des prescriptions ont été fixées. C'est une limite au déficit dont on admet qu'il ne doit pas dépasser un taux de 3% par rapport au revenu national brut. Mais on peut choisir d'autres critères. Nous avons voulu trouver, sur le plan financier, des limites correctes au déficit budgétaire sans que la commune ne se retrouve le couteau sur la gorge.

M. Ducommun nous traite «d'opportunistes», mais je me permets de souligner que nous n'aurions pas déposé ce projet de loi si le Conseil d'Etat - comme cela lui appartenait - l'avait fait. Il était probablement mieux armé que nous pour proposer des solutions. Le mérite de cette proposition est précisément de permettre à notre Grand Conseil de débattre de cette question. Vous conviendrez qu'il faudra quand même trouver une solution d'ici la fin de l'année ! Sinon quelques communes se retrouveront dans une situation très difficile.

Nous espérons voir aboutir rapidement les travaux de la commission et trouver un accord pour une solution raisonnable. Je vous remercie de l'accueil favorable que vous réserverez à ce projet de loi.

Ce projet est renvoyé à la commission des affaires communales et régionales.