Séance du
jeudi 24 avril 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
5e
session -
15e
séance
RD 272 et objet(s) lié(s)
Annexe en entier
couverture
2 (sommaire)
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(R 328)
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- la décision populaire d'auditer l'Etat et l'administration;
- la nécessité pour le parlement d'analyser les documents produits,
décide
de renvoyer aux commissions parlementaires l'ensemble des rapports de l'audit selon la répartition suivante:
- Rapport final parties I et II (toutes les commissions)
1. Gestions des ressources humaines (finances)
2. Processus d'élaboration budgétaire (finances)
3. Principes comptables (finances)
4. Tableaux de bord (finances)
5. Projet d'application informatique de comptabilité unique intégrée (finances)
6. Moyens de l'inspection cantonale des finances (finances)
7. Gestion du parc de véhicules (finances)
8. Gestion du patrimoine foncier et immobilier (travaux)
9. Fonction achat (travaux)
10. Gestion de projet (travaux)
11. Gestions des risques délégués (subventions) (toutes les commissions)
12. Service des votations (droits politiques)
13. Gestion des débiteurs (finances)
14. Flux de trésorerie (finances)
15. Guichets de l'administration fiscale cantonale (finances)
16. Gestion de la trésorerie (finances)
17. Projets d'impôts assistés par ordinateur (finances)
18. Réseau sanitaire : fonctionnement et rôle de l'Etat (santé)
19. Réorganisation et fonctionnement des établissements publics médicaux (santé)
20. Nombre de lits universitaires (santé)
21. Formation continue du personnel enseignant du département de l'instruction publique (enseignement)
22. Structure du département de l'instruction publique (enseignement)
23. Conseilleurs d'orientation scolaire (enseignement)
24. Outils de gestion du département de l'instruction publique (enseignement)
25. Indemnités pour les enseignants du primaire (enseignement)
26. Décharges horaires dans l'enseignement secondaire obligatoire et postobligatoire (enseignement)
27. Service de l'information, office d'orientation et de formation professionnelle (économie)
28. Maîtres spécialistes au primaire (enseignement)
29. Planification de l'infrastructure scolaire (enseignement)
30. Gestion au sein des établissements scolaires (enseignement)
31. Service du tuteur général (sociale)
32. Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (sociale)
33. Activités du personnel académique, administratif et technique de l'université (université)
34. Structures d'accueil, d'insertion et de raccordement (sociale)
35. Heures supplémentaires et mission de la police (judiciaire)
36. Recettes de stationnement et d'amendes (transports)
37. Office cantonal de la population (judiciaire)
38. Coordination de l'action sociale (sociale)
39. Organisation du logement (logement)
40. Octroi des autorisations de commerce (économie)
41. Organisation des offices des poursuites et faillites (judiciaire)
42. Procédures de réduction d'horaires de travail (économie)
43. Office cantonal de l'emploi (économie)
44. Aménagement du territoire (aménagement)
45. Système d'information du territoire genevois (aménagement)
46. Procédure d'autorisation de construire (travaux)
47. Gestion de l'environnement (environnement)
48. Organisation en matière d'équipements de signalisation (transport)
49. Groupement de moyens communaux et cantonaux (affaires régionales)
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'audit a été voulu par le peuple ; ses résultats doivent donc faire l'objet d'un vaste débat et non être confisqués par le Conseil d'Etat. Le parlement est le lieu adéquat de ce débat qui, pour être concret, doit reposer sur une étude détaillée à mener en commission.
Le groupe socialiste vous propose de renvoyer l'analyse globale et tous les cahiers d'analyse détaillée en fonction des matières traitées aux commissions parlementaires appropriées. Les commissions seront ainsi à même de faire toutes les propositions qui leur sembleront appropriées.
Il est évident que le parti socialiste n'adhère pas à l'idéologie sous-jacente véhiculée dans ce rapport. Il s'agira, en commission, de séparer le bon grain de l'ivraie.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs qui nous conduisent à soumettre la présente proposition de résolution.
Débat
M. Pierre Vanek (AdG). J'ai été surpris de la rapidité avec laquelle ce document a été - ou allait être - renvoyé sans discussion à la commission ad hoc. Apparemment, cette assemblée souhaiterait attendre les travaux de cette commission pour traiter cet objet.
Nous nous réjouissons d'entrer en matière sur les problèmes de la réforme de l'Etat, mais il ne s'agit pas simplement d'être pour ou contre. L'article défini «LA» figurant en tête du titre de l'opuscule du Conseil d'Etat est trompeur. Il laisse entendre qu'il y a une seule réforme qui va malheureusement dans le sens de la pensée unique.
A l'Alliance de gauche, nous prouvons régulièrement que nous sommes en faveur d'une réforme de l'Etat, une réforme qui le rende plus démocratique. Lors d'une interpellation urgente, ce soir, j'ai évoqué l'un des aspects, modestes, des conditions d'exercice de la démocratie par les citoyens et les citoyennes. Il s'agit pour nous d'aller vers un Etat qui aurait les moyens et les ressources nécessaires pour remplir ses indispensables tâches sociales et même les renforcer dans la situation de crise que nous connaissons, en particulier en faveur des plus démunis.
A cet effet, il faut que cessent un certain nombre de dysfonctionnements que nous avons relevés systématiquement, notamment dans la perception des impôts. Pour une imposition plus juste, nous avons fait des propositions en vue d'égaliser le taux d'imposition des communes, et cela fera l'objet de l'un des débats prévus à l'ordre du jour de cette session. A ce titre, nous nous sommes bien sûr aussi opposés aux propositions - irresponsables - libérales de réduction des impôts. M. Vodoz ne me contredira pas sur le qualificatif que j'ai employé.
Nous sommes pour un Etat plus efficace où existent des liens de confiance et de collaboration entre les autorités et les agents de la fonction publique, liens qui se sont particulièrement distendus lors de cette législature. Nous sommes pour un Etat mieux organisé, avec moins de lourdeur au sommet, moins de hiérarchie et une direction plus participative non seulement des travailleurs mais également des usagers. Ces éléments ne sont pas nouveaux, c'est le pain quotidien des interventions de l'Alliance de gauche dans ce parlement.
L'Etat doit maintenir comme axe directeur une notion du service public qui n'attribue pas ses prestations en fonction du porte-monnaie des usagers-citoyens qui ne doivent pas devenir des «clients». Le porte-monnaie ne doit pas jouer un rôle essentiel non plus dans le rapport avec le personnel en ce qui concerne le développement du salaire au mérite. En bloquant une privatisation pilote, celle du SAN, nous avons prouvé notre opposition à la transformation du service public en entreprise soumise aux lois du marché. Ce que je dis ici, ce sont des raccourcis, mais ils se fondent sur la pratique de notre groupe dans ce parlement depuis bientôt quatre ans.
Les problèmes essentiels de cet Etat ne sont pas forcément liés à des questions complexes de fonctionnement que l'audit aurait relevées. D'ailleurs, rappelons que dans la brochure d'explication, au moment du vote sur la réalisation de l'audit, le Conseil d'Etat déclare que celui-ci n'est pas un bon moyen pour réformer l'Etat. Mais, dans le rapport qui nous est soumis maintenant, il dit que c'est «le levier nécessaire» pour réaliser des réformes indispensables. Là aussi, l'article défini est évidemment de trop. Nous devons certes étudier et critiquer les conclusions de cet audit, car il a été voté et payé.
Mais on fait trop rapidement l'amalgame suivant : les citoyens ont voté en faveur de sa réalisation, donc ses conclusions correspondent à leur volonté. C'est faux ! Elles relèvent bien sûr de la pensée d'Arthur Andersen, et l'on est en droit d'exprimer les réserves que j'ai déjà développées à ce sujet et que je ne répéterai pas ce soir, à la suite des premières déclarations de M. Maitre sur l'audit.
Nous avons une conception des réformes de l'Etat. C'est une conception de gauche que l'on pourrait qualifier de NPM, mais pas dans le sens de New Public Management. C'est du NPM dans le sens de New Parliamentary Majority, c'est-à-dire une nouvelle majorité parlementaire. En effet, on occulte les problèmes politiques pour se perdre dans les détails. Or il faut au contraire avoir le courage de les affronter, même si elles sont escamotées dans ce document. On lit, dans l'introduction, que l'on n'est pas pour un système majoritaire de style anglo-saxon, trop différent de notre culture politique. Mesdames et Messieurs les députés, rappelez-vous votre enthousiasme à l'époque de l'élection de votre nouvelle majorité ! Vous avez conçu un système majoritaire destiné à tout débloquer. Vous avez effectivement passablement «débloqué», mais pas dans le sens initialement envisagé.
Sans entrer dans trop de détails, j'aimerais relever encore qu'au bas de la première page de cette introduction, vous vous référez au NPM, au New Public Management. Ne lisant pas seulement «Le Courrier», j'aimerais vous renvoyer à un excellent article paru dans le «Nouveau Quotidien» d'hier. Son auteur, respectable professeur de la faculté des sciences sociales et politiques de Lausanne, dresse un bilan assez critique : «Les succès du New Public Management sont aussi rares que les miracles dans l'église», titre-t-il. «Après dix-sept ans d'application au Royaume-Uni, les services de l'Etat ne sont pas plus performants. - y lit-on encore ! - Par contre, le parti conservateur ayant mis en oeuvre cette politique est passablement discrédité et en passe d'être battu aux élections.» J'aurais voulu entrer plus profondément dans le débat, mais, comme personne ne voulait, semble-t-il, en discuter ce soir, nous le poursuivrons à la commission ad hoc qui sera mise sur pied à cette fin.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Le rapport sur l'audit qui nous est soumis par le Conseil d'Etat ressemble à une plate-forme électorale. On y trouve une vision de l'avenir d'une Genève idyllique, ouverte sur la région, sur l'Europe, sur le monde. Une ville où l'on privilégie la protection de la vie, des droits de l'homme et de l'environnement, ainsi que la promotion de la paix et du droit, les échanges commerciaux, la communication, etc. Avec une promesse à la clé : réélu, le Conseil d'Etat exploitera systématiquement toutes les pistes et identifiera toutes les synergies.
S'égrènent ensuite des échantillons de projets pilotes et, enfin, les réformes qui seront entreprises. Il n'est pas possible, dans ce débat de préconsultation, de détailler chacune des propositions de réformes contenues dans ce rapport. Ce sera le travail de la commission ad hoc dont les Verts soutiennent la mise sur pied. Je me contenterai d'en relever quelques points.
Il s'agit d'abord d'un soulagement : le Conseil d'Etat reconnaît lui aussi que l'audit n'apporte ni réponse ni proposition dans les domaines de l'enseignement, de la santé et du social. Force est, en effet, de constater que l'audit n'apporte aucun élément d'analyse ou de solution nouvelle au problème posé par l'augmentation vertigineuse des coûts de la santé. Dans le domaine de l'enseignement, l'audit fait preuve d'une méconnaissance totale du terrain en appliquant mécaniquement des méthodes de gestion d'entreprise.
Concernant les autres départements, le rapport du Conseil d'Etat propose certaines pistes intéressantes, notamment l'abandon de doublons et une meilleure collaboration à l'intérieur des départements. Proposition que nous saluons, évidemment, puisque les Verts ont souvent dénoncé le manque de collaboration au sein de l'administration.
Mais nous divergeons clairement lorsque le Conseil d'Etat annonce sa vison de la nouvelle gestion publique qu'il entend mettre en place. Les Verts rejettent la version néolibérale de la gestion publique fondée principalement sur des stimulants matériels, tels que salaire au mérite ou mesures coercitives, de même qu'une réforme purement technocratique qui consisterait à développer les outils informatiques à l'extrême.
Nous, les Verts, nous avons une tout autre vision de la gestion publique. Nous proposons une démarche fondée sur la simplification des hiérarchies, sur la responsabilisation de chaque salarié du service public et l'introduction d'une véritable participation dans la fonction publique. Il ne s'agit pas de parler d'autogestion, mais le Conseil d'Etat doit comprendre que sans une participation active, démocratique et volontaire des salariés, les réformes, aussi bonnes soient-elles, ne pourront jamais aboutir.
Pour conclure, je relèverai que ce rapport constitue une base de discussion. Pour une fois, le Conseil d'Etat a répondu aux voeux populaires dans un délai raisonnable, même si l'on doit constater avec un peu d'ironie que les différentes échéances annoncées par le Conseil d'Etat, lignes téléphoniques à l'appui, ressemblent plutôt à un calendrier électoral. Les Verts sont conscients que l'Etat doit se réformer; ils l'ont dit à plusieurs occasions. Ils participeront donc, dans le cadre de la commission ad hoc, à la concrétisation de certaines réformes. Mais ils le feront selon leur vision de la gestion publique, telle que je viens de la décrire.
M. Daniel Ducommun (R). Bien que nous restions sceptiques quant aux résultats et aux conséquences de l'audit global d'Arthur Andersen, nous devons reconnaître que le rapport du Conseil d'Etat est d'une grande qualité. Il permet à une commission ad hoc à laquelle nous adhérons de travailler avec clarté et cohérence. En cela, nous sommes beaucoup plus positifs que les représentants de l'Alliance de gauche ou les Verts.
Chaque secteur audité est bien structuré, tout d'abord par les constats de l'audit, puis par les actions prévues à court terme. Ils sont au nombre de deux cents et s'accompagnent d'un calendrier précis. Il nous est difficile d'entrer dans le débat de fond, ce soir. Bornons-nous à relever que ceux qui attendent des économies en référence au budget 1998 seront déçus ! Bien au contraire, toute une série de réformes entraîneront des surcoûts temporaires devant - nous l'espérons - se répercuter favorablement sur la caisse publique à moyen terme.
Autre référence paradoxale, il nous semble que les recommandations les plus pertinentes du consultant dépassent le cadre de son mandat. Tant pis, si c'est pour le bien ! En l'occurrence, il s'agit de la volonté du gouvernement d'instaurer un nouveau dialogue entre l'Etat et le citoyen, et de redéfinir son rôle exact qui est celui de gouverner; l'administration se chargeant d'exécuter.
Pour l'heure, vivant l'événement avec optimisme, je profite de l'occasion pour dire que la résolution du groupe socialiste est, du point de vue méthodologique, un enterrement de première classe. Pensez donc ! Renvoyer quarante-neuf rapports séparés à une dizaine de commissions, alors que les grands principes de base de la réforme sont identiques dans chaque rapport ! A notre avis, ce serait une aberration. Nous refuserons donc cette résolution, et nous acceptons le renvoi du rapport du Conseil d'Etat en une seule commission de référence. Nous souhaitons vivement que le groupe socialiste retire son projet.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Que n'a-t-on pas dit sur le fonctionnement de l'Etat, sur ses faiblesses et sur les lenteurs de la démocratie ! Il faut bien avouer que l'action étatique n'est pas, aujourd'hui, en mesure de répondre aux transformations économiques et sociales des dernières décennies. Par conséquent, vouloir en rester là ne ferait qu'aggraver la division de notre société entre les bénéficiaires et les exclus de la croissance.
Le rapport sur le logement social récemment rendu par la commission d'évaluation des politiques publiques illustre bien ces constats : cherté de l'intervention et non-adéquation aux objectifs visés. Pour les socialistes, réformer l'Etat devient une condition sine qua non de son renforcement en termes de champ de couverture et de qualité des prestations offertes.
Ceci étant précisé, j'en viens au projet de réforme du Conseil d'Etat qui ne nous propose pas seulement une réforme administrative mais également une réforme des institutions. Le gouvernement, nous dit-on, prendra de la hauteur. C'est-à-dire qu'il se déchargera des tâches de gestion en déléguant des compétences et des responsabilités accrues aux secrétaires généraux des départements, ainsi qu'aux différents services qui fonctionneront de façon plus indépendante.
Le législatif, notre parlement, est implicitement cantonné dans les concepts ou, autrement dit, dans la vision stratégique. Le parlement, au travers d'une commission de contrôle de gestion qui reste encore à mettre en place, se prononcera aussi sur les rapports de gestion et les comptes de l'Etat. Il devient en quelque sorte un système final qui se limite à l'élaboration de modèles politiques et de programmes, ainsi que de plans financiers et de prestations dans le cadre desquels le gouvernement et l'administration auraient la liberté d'exécuter via des enveloppes budgétaires globales.
Je ne vous apprends rien en vous disant que ce système renforce la fonction directrice du Conseil d'Etat. Dans l'absolu, ce serait certainement nécessaire si ce renforcement n'était envisagé conjointement avec une délégation de compétences du législatif à l'exécutif. Un tel transfert n'affaiblit pas seulement la position du parlement, elle rétrécit automatiquement les droits populaires et, en ce sens, elle est inacceptable pour nous.
De fait, elle est probablement inapplicable. Si l'on considère l'ensemble des projets de lois et des motions produit par les députés, on voit que le parlement traite rarement de problèmes fondamentaux, mais plus souvent de problèmes concrets et de questions d'actualité. Il est difficile d'imaginer, dès lors que la réforme est décrétée, que les parlementaires se limitent aux grandes planifications politiques, à des lois-cadres et à la ratification de programmes gouvernementaux. Il est difficile également d'imaginer qu'ils diminuent d'eux-mêmes leur influence sur les affaires politiques concrètes et de laisser les mains libres à l'administration. S'il n'est pas raisonnable que parlement et gouvernement ne s'occupent que de détails, il n'est pas non plus raisonnable que le parlement soit mis de côté de la façon dont il est envisagé de le faire.
J'en viens maintenant à la réforme de l'administration. La voie choisie jusqu'ici a été celle de l'exclusion des fonctionnaires de la phase décisionnelle, de la très forte centralisation au niveau des prises de décisions et de l'instauration de contrôles juridiques et bureaucratiques sur le travail. On obtient par ce système une rigidité accrue, un ralentissement, la démotivation et la déresponsabilisation. On nous propose aujourd'hui un correctif en accordant plus d'autonomie aux différents services de l'administration, en introduisant des instruments de gestion du privé et en rapprochant l'administration des citoyens et des citoyennes devenus pour l'occasion des clients.
Les socialistes se soucient depuis toujours de la qualité des prestations offertes à la population. Nous souhaitons des services publics plus forts et mieux structurés. Pour la fonction publique, nous souhaitons un autre modèle, axé sur la mobilité et le travail en équipe. Un modèle qui privilégie le dialogue avec les organisations syndicales, la participation aux décisions et une plus grande autonomie dans le travail. Nous souhaitons aussi une attention plus grande aux demandes du public et, dans la mesure où la réforme envisagée va dans ce sens, nous l'approuvons.
Reste que nous doutons fort que la réforme proposée par le Conseil d'Etat s'inspire vraiment de la philosophie que je viens d'évoquer. Un certain nombre de questions importantes restent en tout cas ouvertes.
Mesdames et Messieurs les députés, d'un système orienté prioritairement sur les moyens, c'est-à-dire sur la façon dont sont utilisées les ressources, on passe à un système orienté prioritairement sur les prestations et leurs coûts. Telle qu'elle est présentée, la réforme implique en effet la liquidation de la gestion des ressources financières par une gestion dite output sur la base des prestations. Par conséquent, elle implique théoriquement la suppression de la gestion centralisée des moyens, celle, par exemple, de la politique du personnel.
La compatibilité d'un tel système avec les fonctions et les tâches de l'Etat doit être examinée, l'Etat ne pouvant pas ignorer que les moyens utilisés servent aussi des fins politiques. La question reste donc ouverte. Il s'agit de savoir quelles sont les limites de l'autonomie des services et de définir le degré d'intervention du Grand Conseil et du Conseil d'Etat dans la définition générale d'une politique du personnel, des achats de matériel, des financements par des recettes propres, des reports de crédits, etc. Nous sommes plutôt d'avis qu'il convient aux politiques d'intervenir par le biais de la procédure législative.
Autre question ouverte, le Conseil d'Etat nous propose - ou se propose - d'étendre le modèle d'accords de prestations et d'enveloppes globales en vigueur dans les projets pilotes appliquant les méthodes du nouveau management public. Au préalable, il nous paraît nécessaire de régler le fonctionnement de tels accords et enveloppes, de savoir qui signe les accords, de connaître leurs statuts, de déterminer qui est habilité à effectuer le contrôle de gestion, financier, de l'application du contrat et la définition des indicateurs de performance. Verra-t-on, à la commission des finances, des budgets par groupes de produits remplacer les rubriques traditionnelles ? Le Grand Conseil sera-t-il habilité à intervenir à l'intérieur des budgets de produits, ou ne pourra-t-il qu'accepter ou refuser une enveloppe globale, comme le veut la pratique actuelle ?
Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, pour des raisons de temps, je suppose que les options définitives de la réforme seront décidées par les nouveaux Grand Conseil et Conseil d'Etat. Sans manquer au respect que nous vous devons, nous nous permettons néanmoins de vous faire remarquer que ces options seront d'ores et déjà situées à l'intérieur d'un cadre fini si nous adoptions votre rapport, et ce, par un gouvernement très atypique, en fin de carrière, c'est-à-dire par le gouvernement le moins habilité à lancer une réforme de longue haleine.
Dans ces conditions, il vaut mieux laisser faire les autorités élues cet automne. Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous rallions à la proposition de renvoyer ce projet à une commission ad hoc.
M. Pierre-François Unger (PDC). Il est vrai que cet audit nous a été imposé par le peuple et que l'ensemble des partis présents dans ce Grand Conseil avait proposé le rejet de l'initiative. C'est dire que nous avons vécu cet audit imposé avec le même enthousiasme que l'on peut vivre un déménagement. On recherche des appartements qui nous déplaisent parce qu'ils sont trop petits, trop grands, trop bruyants, trop sombres, et un jour on doit préparer les cartons. A cette occasion, on se rend compte du nombre de choses invraisemblables que l'on a accumulées et que l'on renonce à emmener, car elles ne serviront plus. Ensuite, on découvre avec un certain enthousiasme un nouveau milieu dans lequel on va vivre une vie redimensionnée.
De manière symbolique, je pense réellement que nous devons manifester un certain enthousiasme. Il ne s'agit pas d'appliquer au mot à mot les termes de l'audit, mais de réfléchir ensemble sur la réforme qui nous est proposée. Le Conseil d'Etat a fait un rapport dont les deux grands points sont le volet institutionnel et celui contenant plus de détails.
S'agissant du volet institutionnel, on propose de passer d'un Etat où le gouvernement est représenté par un ensemble de sept personnalités - chaque conseiller d'Etat gérant un département - à un gouvernement élu sur un programme. C'est avec plaisir que j'envisage cette solution, car c'est plus simple de travailler ainsi. Ce n'est pas un hasard si nous avons un gouvernement homogène dans cette législature plutôt que des gens menant des politiques contradictoires.
Pour être clair, je ne suis pas pour une liste à sept bloquée, comme cela a été proposé. Le gouvernement issu des urnes et du scrutin populaire cet automne devra se mettre à la tâche afin de prévoir le programme que le parlement avalisera. Voilà une manière de permettre au gouvernement et au parlement de faire un travail plus efficace. Je ne vois rien de rébarbatif dans cette réforme institutionnelle éminemment souhaitable.
Par ailleurs, il est question d'applications de détails, aussi j'aimerais revenir sur les propos de Mme Bugnon. Si, dans la réforme de l'administration, on arrive à comprimer le nombre de niveaux hiérarchiques, à rendre les services plus autonomes et les collaborateurs plus responsables, alors je ne vois pas de quelle chasse aux sorcières il s'agit.
Mon message est simple. Je pense que cet audit, indépendamment de son contenu, représente une chance extraordinaire. Il nous permet de nous redimensionner sur des priorités de façon consensuelle, et de nous diriger vers un meilleur Etat au service du plus grand nombre.
M. Nicolas Brunschwig (L). Cet audit, qui nous a été en quelque sorte imposé par le peuple, a relevé un certain nombre d'axes tout à fait intéressants.
A cet égard, il apparaît clairement, aujourd'hui, que seule une réforme de l'Etat en profondeur permettrait d'atteindre les objectifs que nous nous sommes tous fixés : un rétablissement des finances publiques, un Etat efficace, une promotion économique plus active.
Les deux axes évoqués dans le cadre de cet audit, l'aspect institutionnel, ainsi que les analyses sectorielles sur les différents départements et services vont dans le bon sens. Même si les objectifs d'un Etat comme le nôtre et des services qu'il doit rendre à sa population ne sont évidemment pas les mêmes que les objectifs qui peuvent exister dans le secteur privé, en ce qui concerne l'organisation et les méthodes de gestion, l'Etat se doit, aujourd'hui, de se rapprocher de ce qui existe souvent dans le secteur privé. C'est-à-dire plus d'autonomie pour les différents départements et services, plus de motivation pour les collaborateurs et plus de flexibilité dans leur statut et leur fonctionnement.
Le Conseil d'Etat doit être remercié pour la rapidité et l'efficacité avec lesquelles il a effectué cet audit et en a apprécié les résultats. Le document qu'il nous a remis servira de base de travail à la commission ad hoc.
Les libéraux travailleront avec volonté, énergie et un a priori tout à fait positif face aux différents éléments figurant dans l'analyse du Conseil d'Etat qui devrait nous permettre de fonctionner plus harmonieusement et de façon plus compatible avec les objectifs que nous devons absolument atteindre.
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Telle qu'elle vous est proposée et telle qu'elle doit être débattue dans une discussion véritablement approfondie, la réforme de l'Etat de Genève comprend deux grands volets.
Le premier est constitué par l'ensemble des réformes sectorielles, dont un grand nombre avaient été engagées - pour ne pas dire terminées - bien avant la réalisation de l'audit. Certaines ont été engagées dans le contexte de l'audit, d'autres, à la suite du rapport d'expertise Arthur Andersen. Dans certains cas, ces réformes peuvent être conclues par une décision du Conseil d'Etat, dans d'autres cas, par un vote de Grand Conseil, puisqu'il y a des structures législatives à modifier.
Dans tous les cas, ces réformes ne peuvent véritablement aboutir que si nous avons la ferme volonté d'en débattre de manière approfondie et d'éviter de défendre des prés carrés et des territoires idéologiques du type de ceux qui viennent de nous être révélés ou confirmés.
Le deuxième volet de cette réforme de l'Etat est constitué d'un ensemble de réformes appelées «transversales», car elles touchent l'administration tout entière. La gestion des ressources humaines, par exemple.
Nous avons souhaité redéfinir l'administration et son activité en fonction d'objectifs et non de procédures. De même, nous avons souhaité autonomiser, décentraliser, responsabiliser et donner plus de pouvoir aux collaboratrices et collaborateurs de la fonction publique.
Nous voudrions vous rappeler les excellentes paroles prononcées par Bernard Ziegler lorsqu'il avait pris congé de ce parlement. Il avait appelé de ses voeux : «Un Etat plus proche des gens, orienté davantage sur les résultats que sur les règles et les procédures, recourant aux contrats plutôt qu'à la loi - on voit ici les centres autonomes de gestion - cherchant à favoriser l'autonomie des individus dans une société solidaire plutôt qu'à les enrégimenter dans l'univers bureaucratique.»
C'est une critique assez sévère et, en réalité, vous retrouvez en des termes différents certaines analyses semblables dans le rapport Arthur Andersen. Dans la proposition de réformes qui vous est soumise, vous retrouvez un certain nombre d'axes sur lesquels nous nous rejoignons. J'aimerais inviter celles et ceux qui sont décidément animés par la volonté partisane - c'est logique dans l'année qui s'est engagée - de dépasser momentanément le cadre strict et l'horizon limité de leur propre formation politique.
L'enjeu est beaucoup plus important. Il est indispensable de se réunir autour de l'objectif qui consiste à régénérer l'Etat. Nous avons des formes d'organisations, des procédures, des doublons, devenus manifestement obsolètes, qui engendrent des surcoûts sans dégager l'efficacité additionnelle qu'est en droit d'attendre le citoyen.
Nous devons donc régénérer cet Etat, et nous le ferons grâce au service public, car notre ambition est de permettre - avec vous et à la suite d'un débat approfondi - la mise en place d'un service public ouvert, motivé, performant. Il en va de toutes les institutions. Ce n'est pas seulement le problème de l'administration mais aussi celui du gouvernement et du parlement. Nous souhaitons pouvoir nous mettre tous ensemble à la tâche. Dans le cadre de la collectivité, l'enjeu dépasse très largement l'année électorale.
RD 272
Ce rapport est renvoyé à la commission ad hoc - audit de l'Etat - RD 272.
La présidente. Cette commission sera composée de Mmes et MM. : Janine Berberat, Janine Hagmann, Geneviève Mottet-Durand, René Koechlin, Michel Balestra pour le parti libéral, Christian Grobet, Erica Deuber-Pauli, Pierre Vanek pour l'Alliance de gauche, Micheline Calmy-Rey, Pierre Alain Champod pour le parti socialiste, Daniel Ducommun, Pierre Kunz pour le parti radical, Pierre-François Unger, Olivier Lorenzini pour le parti démocrate-chrétien et David Hiler pour le parti des Verts.
R 328
M. Pierre-Alain Champod (S). Nous avions déposé la résolution 328 parce que le groupe socialiste souhaitait vivement que les différentes études détaillées de l'audit d'Andersen puissent être discutées par les députés.
Dans la mesure où une commission ad hoc vient d'être créée pour discuter du rapport Andersen et du rapport du Conseil d'Etat, le groupe socialiste retire sa proposition de résolution.
Le Grand Conseil prend acte du retrait de la proposition de résolution 328.