Séance du jeudi 24 avril 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 5e session - 15e séance

GR 162-1
a) M. B. R.( -)GR162
Rapport de M. Jean Opériol (DC), commission de grâce
GR 163-1
b) M. M. A.( -)GR163
Rapport de M. Chaïm Nissim (Ve), commission de grâce

11. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :

M. B. R. .

M. Jean Opériol (PDC), rapporteur. J'ai dû en effet étudier le recours en grâce de M. B. R., né le 18 février 1918, originaire de Genève. Aujourd'hui âgé de 79 ans, il est marié et il a une fille.

Le cas de M. B. R. est particulièrement douloureux : marié, il occupait un appartement situé sur le même palier qu'une famille composée d'un couple et de deux fillettes. Un lien d'amitié s'est rapidement noué entre ces deux familles de sorte que les fillettes passaient d'un appartement à l'autre pour un oui pour un non : chercher du sucre, rapporter du beurre, etc.

M. B. R. s'est intéressé, en 1975, à la petite N. qui avait 5 ans à l'époque. Il a commencé à l'inviter à faire la sieste avec lui et, de fil en aiguille, il en est arrivé à des attouchements sexuels pour finir, alors que la fillette avait 11 ans, à des relations sexuelles complètes.

Si je me trouvais dans un corps de garde, je vous ferais part, peut-être sans trop de retenue, des détails sur le comportement, les activités et les exercices auxquels cette fillette a été contrainte sous la menace. Elle a même été payée; en effet, M. B. R. lui donnait de l'argent. Elle a été largement et régulièrement menacée de maison de correction, M. B. R. allant même jusqu'à brandir un pistolet sous son nez en lui demandant si elle savait ce qui pouvait lui arriver si un jour elle parlait.

Pour son grand malheur, la petite N. est née dans une famille où la question sexuelle a toujours fait l'objet des plus stricts tabous. Il n'était pas possible, dans cette famille, sous peine de gêne collective, d'aborder les sujets sexuels et la petite N. a donc été complètement empêchée de s'en ouvrir à ses parents ainsi qu'à sa soeur, de quatre ans son aînée. De 8 ans à 14 ans, N. a développé des tendances suicidaires qui l'ont considérablement marquée aux dires de la psychothérapeute qui a été ensuite mandatée pour s'en occuper.

A l'âge de 18 ans, N. a enfin connu un ami, avec lequel elle s'est d'ailleurs mariée sept ans plus tard. Par bonheur, il était avocat et, grâce à ses conseils, elle a enfin pu s'ouvrir, lui confier ses malheurs et porter plainte. L'instruction a duré assez longtemps et, finalement, le ci-devant M. B. R. a été condamné à quatre ans de prison ferme.

Mme H., psychothérapeute, dans ses interventions et dans ses témoignages au tribunal, a dit une chose qui m'a grandement inspiré pour mon appréciation du cas : le dépôt de la plainte et la condamnation du coupable représentent une part essentielle dans la guérison de la victime. Autant dire - j'ai pris contact avec Mme H. - que l'octroi d'une grâce irait exactement à fin contraire de la thérapie.

C'est donc pour ces raisons que pour ma part - c'est aussi l'avis de l'unanimité de la commission - je vous prie de rejeter cette demande de grâce.

D'autre part, j'ai pris la peine d'aller voir les conditions de détention de M. B. R., parce que son avocat a plaidé l'octroi de la grâce en évoquant l'état de santé de l'intéressé. Je suis allé à la Maison du Vallon et quand bien même ce que je vais vous dire n'a rien à voir avec la grâce, je veux quand même que vous sachiez ce qui suit. M. B. R. n'a pas personnellement demandé sa grâce, parce qu'il se plaît à reconnaître que dans cette maison «il est comme un coq en pâte».

D'autre part, quant à sa santé, l'administration de la Maison du Vallon a décidé, dès son incarcération en janvier 1997 de lui faire subir une visite médicale mensuelle. Le médecin a rapidement conclu qu'une visite médicale tous les deux mois était largement suffisante, la santé de M. B. R. ne nécessitant pas d'interventions plus rapprochées.

Par ailleurs, il faut savoir qu'à la Maison du Vallon M. B. R. dispose d'une chambre de 25 m2 environ avec un cabinet de toilette privatif, douche, W.-C., lavabo, télévision privée. Je n'ai pas vu de mini-bar, car je crois qu'il n'en existe pas...

Sur l'étage où se trouve sa chambre, il y a une salle de billard. Au rez-de-chaussée, une bibliothèque avec salon de télévision attenant. Au sous-sol, une salle de fitness et un atelier de bricolage. Dans un jardin d'environ 10 000 m2, les bancs sont intelligemment orientés du côté du mont Blanc pour profiter de la belle vue tout en se reposant. Il y a un terrain de pétanque et M. B. R. peut recevoir des visites tous les jours...

La question que je me pose - elle est paradoxale et à la limite de la plaisanterie, mais, finalement, je resterai en deçà de cette plaisanterie - est de savoir s'il ne faudrait pas lui accorder la grâce pour qu'il se retrouve, vu son état et vu l'instance en divorce en cours, à Loëx, dans une chambre commune avec deux fois moins de commodités qu'il n'en a actuellement dans sa «prison».

C'était simplement pour l'anecdote; j'en ai terminé avec mon rapport en vous confirmant que la commission vous recommande le rejet de la grâce à l'unanimité.

Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.

M. M. .

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur. Le cas de M. M. - il faut savoir prononcer son nom, Madame ! - est beaucoup moins grave que le cas précédent.

Il s'agit d'un monsieur qui a simplement laissé s'accumuler toute une série d'amendes qu'il ne peut pas payer parce qu'il est au chômage. Il gagne en gros 3 400 F par mois. Il a deux enfants et vit en couple. Entre le loyer, les assurances et le reste, il arrive juste à payer ses frais. Avec les rappels, le montant de ses amendes se monte à 8 000 F : deux ou trois excès de vitesse, parkings, sans parler d'une histoire d'ivresse au volant suite à une fête de laquelle il est revenu un peu «bourré».

Pour pouvoir repartir dans une situation financière assainie - de toute façon il est incapable de payer ces 8 000 F d'amendes - la commission, à l'unanimité, vous propose de réduire son amende de 4000 F, soit de moitié.

Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction des amendes à 4 000 F avec paiement échelonné du solde) est adopté.