Séance du
vendredi 21 mars 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
4e
session -
14e
séance
IN 108-B
La commission législative s'est réunie le 7 février 1997 pour examiner la validité et plus particulièrement la recevabilité formelle et matérielle de l'initiative 108, qui avait été présentée au Grand Conseil en sa séance du 5 décembre 1996 (Mémorial 1996, pages 6946 à 6958) et renvoyée sans débat devant la commission (Mémorial 1966, pages 7540-7542).
1. Sur le plan de la recevabilité formelle, la commission s'est rangée au point de vue du Conseil d'Etat et a admis que cette initiative respectait tant l'unité de matière que l'unité de forme et de genre.
2. En ce qui concerne la recevabilité matérielle, la commission a considéré elle aussi que l'article 1 du projet n'était pas conforme au droit supérieur, ce dernier visant à exclure du champ d'application de la loi les eaux privées n'entrant pas en communication directe avec celles du domaine public, distinction qui n'est pas faite par la loi fédérale. Elle estime donc que l'article 1 doit être annulé, vu son incompatibilité avec la loi fédérale sur la pêche, du 21 juin 1991.
A l'occasion de l'examen sur la conformité au droit supérieur, la commission s'est posé la question de savoir si les articles déléguant à la Fédération genevoise des sociétés de pêche de nombreux pouvoirs étaient compatibles avec le droit supérieur. En effet, on peut se demander si le principe de l'égalité des citoyens devant la loi comme l'équité permettent de donner à une unique société cantonale de pêche des pouvoirs concernant d'autres assujettis qui n'auraient ainsi pas voix au chapitre. La commission a considéré que ce problème devait être soulevé et porté à la connaissance du Grand Conseil, mais n'est pas arrivée à établir si oui ou non cette exclusivité était contraire au droit supérieur. Elle laisse donc la question ouverte, tout en reconnaissant la conformité au droit supérieur.
La commission a examiné ensuite l'exécutabilité de l'initiative. Pour ce point aussi, et bien que le Conseil d'Etat n'en parle pas, la commission s'est demandé si, en accordant à une fédération privée de nombreux pouvoirs de gestion, les autorités cantonales ne risquaient pas, un beau jour, de se retrouver devant une fédération évanescente (comme par exemple dans le cas où ses organes ne seraient pas renouvelés). Les statuts de la fédération en question échappent complètement au pouvoir de surveillance ou de vérification de l'Etat. Il pourrait donc fort bien se trouver que, pour diverses raisons (mésentente au sein de la fédération ou impossibilité de trouver des membres acceptant leur élection au comité), la fédération ne soit plus en mesure de prendre des décisions et par conséquent de procéder à la gestion des tâches qui lui incomberaient selon l'initiative. Il en résulterait un blocage complet du système, contre lequel ni l'Etat ni le département n'auraient de pouvoir et par conséquent de possibilité de remettre la machine en marche.
Sur ce point aussi, la commission admet l'exécutabilité, mais entendait soulever ce problème sans le trancher et le soumettre ainsi à l'appréciation du Grand Conseil.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, la commission a admis la recevabilité formelle et matérielle de l'initiative 108, à l'exception de l'article 1 et sous les réserves rappelées ci-dessus.
Annexe: IN 108
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
IN 108
LANCEMENT D'UNE INITIATIVE
La Fédération genevoise des sociétés de pêche a lancé l'initiative populaire suivante intitulée «Pour une gestion de la pêche par les pêcheurs», qui a abouti.
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
27 septembre 1996
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
27 décembre 1996
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le
27 juin 1997
4.
Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contreprojet, au plus tard le
27 mars 1998
5.
En cas d'opposition d'un contreprojet, adoption par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard le
27 mars 1999
INITIATIVE POPULAIRE
«Pour une gestion de la pêche par les pêcheurs»
Les soussignés, électeurs et électrices dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65B de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 94 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, proposent les modifications suivantes de la loi sur la pêche, du 20 octobre 1994 (M 4 06).
Article unique
La loi sur la pêche, du 20 octobre 1994, est modifiée comme suit:
Article 1 (nouvelle teneur)
Champ d'application
La présente loi régit, dans les eaux du domaine public, ainsi que dans celles du domaine privé qui entrent en communication directe avec celles du domaine public, la conservation et la capture des poissons et des organismes leur servant de pâture.
Art. 7, al. 4 (nouveau)
4 Il nomme le comité élu au sein de la Fédération genevoise des sociétés de pêche (ci-après fédération) chargé d'assister le département dans sa tâche.
Art. 17 (nouvelle teneur)
Moyens
Le département en collaboration avec la fédération, après avoir requis le préavis de la commission, arrête les mesures d'application destinées à atteindre les buts.
Art. 18, al. 1 (nouvelle teneur)
Plan directeur
1 Le service établit en collaboration avec la fédération un plan directeur pour le repeuplement des cours d'eau et du lac.
Art. 19, al. 3 (nouvelle teneur)
3 Le service et la fédération peuvent procéder à tous contrôles utiles.
Art. 24, al. 1 (nouvelle teneur)
Interventions spéciales
1 Dans un but scientifique ou d'aménagement piscicole, le département, en collaboration avec la fédération, peut prendre des mesures dérogeant aux dispositions légales.
Art. 26 (nouvelle teneur)
Fonds
aménage- ments
1 Il est créé un fonds affecté au financement de mesures d'aménagement piscicole notamment celles destinées à l'aménagement de biotopes, abris, installations, amélioration et protection des habitats naturels en faveur de la faune aquatique.
piscicole
2 Il est créé un fonds affecté aux mesures d'empoissonnement, d'élevage et de gestion administrative de la pêche.
Art. 28, lettre c (nouvelle)
c) aux associations oeuvrant bénévolement dans le domaine piscicole.
Art. 36, al. 2 et 4 (nouvelle teneur)
2 Le Conseil d'Etat fixe par voie réglementaire le coût des permis valables pour la pêche en rivière.
4 Il peut également introduire des surtaxes à l'égard des pêcheurs non domiciliés dans le canton ou n'ayant pas restitué dans les délais les feuilles de statistiques ou carnets de contrôle.
Art. 48 (nouvelle teneur)
Concours
Lors de l'organisation de concours de pêche, la fédération peut octroyer des dérogations aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.
Art. 51, al. 2, lettre a (nouvelle teneur)
lettres d et e (abrogées)
a) 8 représentants des pêcheurs proposés par la fédération;
Art. 52, al. 1, lettres a et b (abrogées)
al. 2 et 3 (nouvelle teneur)
2 Elle propose toute mesure relative à la protection et à l'aménagement des biotopes aquatiques.
3 Elle veille à la bonne utilisation du fonds tel que défini à l'article 26, alinéa 1.
CHAPITRE VIIA
Fédération genevoise des sociétés de pêche(nouveau, comprenant les art. 53A à 53C)
Art. 53A (nouveau)
Composition
Les membres du comité de la fédération sont nommés pour une période de 4 ans, au début de chaque législature. Ils peuvent être remplacés en tous temps sur proposition de la fédération.
Art. 53B (nouveau)
Compétences
1 La fédération propose:
a) toutes les dispositions relatives à l'exercice de la pêche, particulièrement dans les rivières;
b) le coût des permis;
c) toute mesure technique relative à la pêche.
2 Elle gère le fonds piscicole, achète les poissons destinés au repeuplement ainsi que le matériel ou la nourriture nécessaire à l'élevage des poissons.
3 Elle assume la gestion administrative de la pêche, notamment la délivrance des permis de pêche.
4 Elle tient le département informé de l'utilisation du fonds piscicole.
Art. 53C (nouveau)
Bureau
La fédération organise librement son bureau.
Art. 54, lettre e (nouvelle)
e) les personnes nommées par la fédération.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Depuis toujours, les pêcheurs genevois ont géré notre patrimoine piscicole notamment par leur participation financière (coût du permis de pêche, participation à l'achat de la pisciculture cantonale de Richelien, etc.), leurs efforts d'élevage et leurs mesures de rempoissonnement de nos cours d'eaux, ainsi que par leur constant bénévolat.
Nous devons être fiers du travail accompli par les pêcheurs de la Fédération genevoise des sociétés de pêche qui ont su gérer et exploiter notre cheptel sans qu'il en coûte à la population genevoise, ce qui est plutôt rare de nos jours.
Ils ont oeuvré sans compter pour la survie de la pêche. Depuis quelques années, le département a conjugué les effets d'une très mauvaise exploitation de la pisciculture cantonale, des mesures de rempoissonnement inadaptées aux conditions actuelles, d'une gestion catastrophique du fonds piscicole alimenté uniquement par les pêcheurs (pas de participation de la population genevoise), des mesures techniques inefficaces et impopulaires concernant l'exercice de la pêche.
Dès lors, les pêcheurs de la Fédération genevoise des sociétés de pêche se sont distancés d'une gestion incohérente imposée par le département et soumise à l'autorité d'un seul fonctionnaire (selon la loi actuellement en vigueur), contrairement à l'Europe qui libéralise la gestion de la pêche au lieu de l'étatiser.
Huit années seulement ont suffi à une poignée d'individus pour annihiler tout rendement et détruire le travail et les efforts considérables de 4 générations de pêcheurs.
En effet, une brève analyse de la situation piscicole de notre canton nous confirme qu'il n'existe plus un seul cours d'eau ou une installation (pisciculture) dans notre canton qui puisse garantir la survie de notre cheptel piscicole et que nous avons plus que jamais besoin de l'expérience ancestrale des pêcheurs genevois.
La Fédération genevoise des sociétés de pêche souhaite une pêche à Genève qui soit régionale et euro-compatible selon l'exemple de nos voisins français dont les sociétés de pêche locales assument officiellement toute la gestion de la pêche.
Pour que nos enfants et nos générations futures puissent aussi jouir des plaisirs issus d'une des premières sensations de l'être humain, nous vous recommandons de soutenir les présentes modifications apportées à notre loi cantonale sur la pêche.
Pourquoi?
- Pour sauvegarder et reconstituer le cheptel piscicole qui est à l'abandon.
- Pour mettre toute l'expérience et toutes les connaissances des pêcheurs à la disposition de la population.
- Pour permettre à nos enfants d'exercer un loisir sain et non violent.
- Pour que l'argent des pêcheurs soit géré par les pêcheurs et veiller à ce qu'il ne soit utilisé que dans l'intérêt piscicole.
- Pour qu'il soit établi un plan directeur de gestion de notre patrimoine piscicole.
- Pour éviter la disparition des poissons menacés d'extinction.
- Pour veiller à l'application sur le terrain des lois en vigueur.
- Pour permettre à tous les pêcheurs de s'exprimer, et de décider de quelle manière ils veulent exercer leur loisir dans le respect des lois et de la nature.
Tous les pêcheurs titulaires du permis de pêche genevois doivent pouvoir s'exprimer sans distinction de nationalité.
Pour une gestion européenne de la pêche.
Notre action est notre héritage.
Débat
M. Christian Grobet (AdG). M. Lacour a posé un certain nombre de questions dans son rapport, auxquelles, à vrai dire, on ne trouve pas les réponses...
Personnellement, je pense que certaines de ces questions sont pertinentes. Je regrette de ne pas avoir été présent à la commission législative, mais j'avoue avoir des doutes concernant la constitutionnalité d'un ou deux éléments de cette initiative. Notamment, je ne vois pas comment, s'agissant de l'article 53A, l'Etat pourrait intervenir dans les statuts d'une association privée. Je tiens à dire que l'on ne connaît même pas les statuts de la Fédération genevoise des sociétés de pêche, qui ne sont pas annexés à l'initiative. Cet article fixe une règle purement statutaire, ce qui pose un véritable problème juridique.
D'autre part, un problème juridique se pose également pour savoir si une association privée - dont on n'est pas assuré de la pérennité - est habilitée à délivrer des permis de pêche. J'ai beaucoup de doutes juridiques sur cette question.
Je crois, Madame la présidente, qu'il n'est pas possible d'en débattre à 23 h 20. Rien ne s'oppose au renvoi de cette initiative à la commission de l'environnement pour examiner le contenu d'un contreprojet. Il ne faut pas prendre définitivement position sur la recevabilité intégrale de cette initiative, car, à mon avis, un ou deux articles devraient être déclarés irrecevables. Après le débat fatigant que nous avons eu, il me semble que ce n'est plus le moment de mener un débat juridique sur cette question. Je préférerais donc que l'on renvoie cette initiative à la commission de l'environnement et que l'on fixe la discussion sur la recevabilité à la prochaine séance du Grand Conseil. Notre honorable président de la commission de l'environnement...
La présidente. Monsieur le député, je ne peux pas scinder l'initiative !
M. Christian Grobet. Pourquoi ?
La présidente. Il faut d'abord discuter le rapport sur la recevabilité et, ensuite, renvoyer l'initiative à la commission de l'environnement, parce qu'il y a un rapport d'un côté et l'initiative de l'autre. (M. Claude Haegi conteste.)
M. Christian Grobet. Monsieur Haegi, cela ne pose pas de problème : si l'initiative est acceptée le contreprojet sera refusé ! Je constate que cette initiative comporte un ou deux articles qui sont irrecevables, voire inapplicables. Le devoir de notre Grand Conseil consiste à sauver tout ce qui peut l'être dans une initiative, mais son devoir est également d'éliminer l'un ou l'autre des articles si nécessaire - du reste, le Conseil d'Etat l'a proposé !
La présidente. Alors, proposez son renvoi à la commission législative, afin d'examiner le complément de la recevabilité !
M. Christian Grobet. Monsieur Lacour, vous avez vous-même posé certaines questions dans votre rapport, donnant l'impression que ce texte n'était pas tout à fait satisfaisant. Alors, est-il le moment, à 23 h 20, d'entamer un débat juridique ou est-il plus sage de reporter cette décision à la prochaine séance ? La commission de l'environnement peut très bien travailler sur un contreprojet sans être officiellement saisie du texte et la commission législative se réunir entre-temps. Cela nous permettra de prendre une décision définitive à la prochaine séance.
M. Claude Lacour (L), rapporteur. Les problèmes soulevés par M. Grobet ont été examinés par la commission. Il s'agit de problèmes mixtes qui touchent autant le fond que la forme. Le problème qui se pose est donc plutôt de savoir si nous voulons les traiter à la forme ou au fond. Il a paru à la commission que - ne serait-ce que par respect pour les initiants - il valait mieux les traiter au fond. C'est la raison pour laquelle nous avons admis la recevabilité de cette initiative.
M. Laurent Moutinot (S). Il me semble que le problème provient d'une certaine imprécision de votre rapport, je suis navré de vous le dire, Monsieur Lacour ! En effet, vous dites que la commission législative a laissé la question ouverte. Ce n'est pas tout à fait exact. Je présidais la commission législative, lorsque nous avons examiné cette initiative, et nous avons conclu catégoriquement à sa conformité.
Par contre, nous avons soulevé cette question, ce que n'avait pas fait le Conseil d'Etat. Nous pouvons effectivement imaginer de nous replonger dans cette difficulté. Dans le but de favoriser la recevabilité des initiatives et de les traiter sur le fond, nous avions voté clairement la recevabilité de cette initiative. Seul le texte du rapport prétend que cette question est restée ouverte...
La présidente. Quelle est votre conclusion, Monsieur Moutinot ?
M. Laurent Moutinot. Il faut accepter les conclusions du rapport de la commission qui l'a voté unanimement !
M. Michel Balestra (L). Je fais partie de cette commission, et je confirme les dires de notre président.
Toutefois, je tiens à remarquer que certains députés de cet hémicycle sont plus à cheval sur la recevabilité formelle et matérielle lorsqu'ils n'apprécient pas une initiative que lorsqu'ils la déposent...
Pour la commission législative, cette initiative est recevable. C'est maintenant à la commission de l'environnement de décider si elle la soutient ou non.
Mises aux voix, les conclusions de la commission législative (recevabilité formelle et matérielle de l'initiative 108) sont adoptées.
Ce rapport est renvoyé à la commission de l'environnement et de l'agriculture.