Séance du jeudi 20 mars 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 4e session - 12e séance

PL 7571
6. Projet de loi de MM. Jean Spielmann et Christian Grobet modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 05). ( )PL7571

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit:

Art. 4, 4A et 4B (abrogés)

Art. 459 (nouveau)

Les forfaits fiscaux accordés en vertu des articles 4, 4A et 4B abrogés par la loi du ................. prennent fin le 31 décembre 1998. Le Conseil d'Etat peut accorder à titre exceptionnel des réductions d'impôts diminuant progressivement pour les exercices 1999, 2000 et 2001 dans les cas de rigueur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La possibilité pour l'administration fiscale d'accorder des forfaits fiscaux, telle qu'elle est prévue à l'article 4 de la loi générale sur les contributions publiques, au profit de certains résidents étrangers, en général des personnes fortunées, a quelque chose de choquant devant le principe fondamental de l'égalité des citoyens face à l'impôt. En effet, ces forfaits sont bien plus avantageux pour le contribuable mis au bénéfice de cet avantage que l'imposition ordinaire à laquelle chaque habitant de notre canton est soumis.

Le contribuable est particulièrement sensible à la justice fiscale et le principe de l'égalité de traitement face à la loi est d'autant plus important. Certes, l'existence de forfaits fiscaux a pu susciter la venue de personnes fortunées dans notre canton, mais cet avantage est obtenu au détriment non seulement du principe rappelé ci-dessus, mais également d'un autre Etat, victime d'une sous-enchère fiscale, laquelle est une gangrène qui s'étend de plus en plus du fait des efforts déployés par certains Etats pour s'attirer les contribuables les plus fortunés.

L'Union européenne est, du reste, en train d'étudier des mesures d'harmonisation fiscale pour lutter contre ce phénomène qualifié pudiquement de «délocalisation fiscale» et qui a pour conséquence que les intérêts de certains particuliers finissent par porter atteinte à l'intérêt général. Au lieu de continuer à user du forfait fiscal pour attirer quelques riches étrangers dans notre canton et ce faisant de scier la branche sur laquelle nous sommes assis avec les autres Etats, notre canton doit faire preuve de solidarité et mener une politique cohérente sur le plan fiscal. Il doit cesser de jouer le jeu des personnes les plus fortunées qui cherchent à payer le moins d'impôts possible et qui cherchent à négocier leur statut de contribuable aux conditions les plus favorables. Ces avantages fiscaux sont d'autant plus choquants dans la situation économique actuelle et dans une société où les écarts entre les privilégiés et les démunis ne font que s'accentuer.

Celles et ceux qui déclarent venir séjourner à Genève en raison de la qualité de vie ou des écoles ou les autres avantages de notre canton, avantages qui n'existeraient pas sans l'effort des contribuables genevois, devraient certainement accepter de payer les mêmes impôts que ces derniers, ce d'autant plus que ces impôts, même pour les personnes fortunées, sont souvent moins élevés que ceux applicables dans les pays qui nous entourent. C'est la raison pour laquelle le présent projet de loi vise à la suppression d'ici le 31 décembre 1997 de la possibilité d'accorder des forfaits fiscaux à des étrangers résidant dans notre canton, tout en laissant au Conseil d'Etat la possibilité, dans le cadre d'une disposition transitoire (art. 459 nouveau), d'accorder à titre exceptionnel des abattements fiscaux permettant, dans les cas de rigueur, le passage progressif du régime du forfait au régime ordinaire. Cette disposition pourrait être complétée dans l'hypothèse où l'administration fiscale aurait conclu des forfaits fiscaux pour une certaine durée de temps. Le Grand Conseil pourrait, de plus, voter une résolution invitant les cantons connaissant également le régime du forfait fiscal à procéder de même.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil au présent projet de loi.

Préconsultation

M. Jean Spielmann (AdG). On peut procéder rapidement s'il n'y a pas d'opposition au renvoi en commission. Je me bornerai à donner quelques précisions... (Exclamations.)

La présidente. Monsieur le député Ducommun, vous aurez la parole ultérieurement !

M. Jean Spielmann. En ce qui concerne le fisc, il y a une série de problèmes posés par les forfaits et l'inégalité face à la loi que nous souhaitons examiner dans ce projet de loi. Il serait intelligent de renvoyer en commission la proposition que nous formulons.

Nous sommes prêts à en débattre si vous le souhaitez, mais ce projet de loi mérite un examen à la commission fiscale.

Mme Anne Chevalley (L). La lecture de l'exposé des motifs à l'appui de la demande de suppression des forfaits fiscaux laisse pantois, quoique l'Alliance de gauche nous ait habitués depuis longtemps à ce genre de discours !

Sur quelle planète vivent-ils, ces députés ? Pleins de bonnes intentions, ont-ils pris la peine de s'informer sur la manière dont a évolué le traitement de ces forfaits ? Et puis, ils sont touchants lorsqu'ils se préoccupent des Etats qui sont, par notre législation, les victimes d'une - je cite - «sous-enchère fiscale».

J'aimerais rappeler que le forfait fiscal est issu de la loi Gampert de 1930. C'est dire que son principe est entré dans nos moeurs depuis plus de soixante ans et que nos finances cantonales ont toujours été satisfaites de ce régime.

Je ne puis éviter de reprendre ici quelques arguments fondés parus dans la presse et qui apportent un éclairage sur l'évolution de ces forfaits fiscaux.

A l'origine, ils étaient accordés relativement facilement à des personnes d'un certain âge, n'ayant jamais exercé d'activité lucrative en Suisse, et qui n'avaient pas l'intention de le faire après leur installation. Cette condition subsiste. L'assiette fiscale d'au moins 100 000 F de l'époque, qui représentait un revenu confortable, a beaucoup évolué, et atteint actuellement une moyenne de 230 000 F. Comme chacun le sait, elle est calculée sur la base des dépenses de ces contribuables, soit de leur train de vie, et notamment en multipliant par cinq le coût de leur logement, qu'il soit loué ou acquis. Ce calcul est revu tous les quatre ans.

Aujourd'hui, quelque cinq cent deux personnes bénéficient de forfaits dans notre canton, pour une recette fiscale d'environ 55 millions ! Leur moyenne d'âge est de septante-trois ans, parmi elles quelques stars et sportifs auxquels les mêmes conditions de non-activité lucrative en Suisse sont appliquées, et sans qui la moyenne d'âge serait sensiblement plus élevée.

A ma connaissance, quelques-uns de ces «privilégiés» ont quitté notre canton à la suite de l'adaptation récente de leur forfait qui a entraîné une forte augmentation de leurs contributions, ce qui prouve que les impôts des pays qui nous entourent ne sont pas forcément plus élevés que les nôtres.

Par ailleurs, il y a fort à parier que la suppression des forfaits entraînerait le départ des bénéficiaires et, par la même occasion, le non-encaissement d'impôts importants.

Comment, Messieurs les auteurs du projet de loi, osez-vous parler de «gangrène» et «d'atteinte à l'intérêt général» à propos des traitements de faveur accordés à certains particuliers fortunés, alors que vous savez pertinemment dans quelle proportion ils contribuent ! 55 millions pour cinq cent deux contribuables, est-ce si négligeable ? Les forfaits sont des montants fixes, quels que soient les revenus de ces personnes, et, comme je l'ai déjà souligné, la révision intervenant tous les quatre ans est de nature à empêcher des abus.

Enfin, le comportement de ces étrangers qui contribuent par le payement d'impôts importants - même forfaitaires - au bien-être de notre canton, dans lequel ils ont choisi d'élire domicile pour toute une série d'attraits bien connus, n'est-il pas plus honnête que celui de quelques bons Genevois ayant fait la même démarche sous d'autres cieux - fiscalement plus cléments - mais qui n'en passent pas moins de temps dans notre ville, en franchise d'impôts ? A chacun de juger !

Enfin, et même s'il est peu convenable d'anticiper dans un tel domaine, les successions de ces personnes âgées bénéficiaires d'un forfait et installées depuis des décennies à Genève s'ouvriront dans notre canton.

Moralité : ce projet de loi est absurde, et, de plus, la suppression des articles 4, 4 A et 4 B, contreviendrait à la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes dont l'article 6 prévoit expressément l'imposition d'après la dépense.

Pour toutes ces raisons, le groupe libéral vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser catégoriquement ce projet de loi.

M. Daniel Ducommun (R). Le groupe radical ne soutiendra pas ce projet de loi considéré... (Exclamations.) Monsieur Balestra, s'il vous plaît ! ...comme une action démagogique aux conséquences désastreuses !

Si le forfait accordé rompt réellement la justice fiscale, nous nous étonnons que l'un des signataires n'ait pas réagi lorsqu'il était au Conseil d'Etat ! (Rires.) La raison en est fort simple : le montant des forfaits accordés s'élève à 40 millions, plus quelque 15 millions au titre de l'impôt fédéral. Cela représente une part appréciable des recettes, et permet à l'Etat de remplir ses engagements sociaux ! Si Genève n'accorde plus cette prestation, les entrées disparaîtront, les contribuables concernés ayant tous des facilités de mobilité pour se rendre dans un endroit plus accueillant; c'est tellement logique ! (Rires.)

Relevons aussi que bien que la loi fixe le maximum de l'assiette fiscale à 100 000 F le Conseil d'Etat l'a porté à 200 000 F, montrant ainsi sa volonté de ne pas accorder de forfait au rabais !

Malheureusement, cette équipe fait des dégâts : cette proposition de modification entraîne déjà quelques inquiétudes néfastes pour notre canton auprès des contribuables concernés, et - nous le déplorons - fait plus de mal que de bien.

Mesdames et Messieurs les députés, nous refuserons le vote de ce projet, et nous demandons la discussion immédiate.

M. Bénédict Fontanet (PDC). (Rires.) Je n'ai encore rien dit, mais ils rigolent déjà ! (L'orateur est interpellé par M. Balestra.) Non, je n'ai jamais été taxé au forfait, Balestra !

Mesdames et Messieurs les députés, au nom des autorités vaudoises, fribourgeoises, valaisannes et neuchâteloises, je tiens à remercier chaleureusement les députés Spielmann et Grobet pour le dépôt de leur projet de loi ! (Applaudissements.)

J'estime que MM. Spielmann et Grobet sont de dangereux agents qui travaillent au profit de la puissance vaudoise toute proche, afin que cette puissance qui connaît, hélas, également un déficit budgétaire important puisse le combler ! (Brouhaha.) Grâce aux efforts de ces deux députés, les contribuables au bénéfice d'un forfait à Genève déménageront vers les belles cités de Nyon et de Morges ! Eh, oui, Balestra, on s'arrangera après pour les déménagements, je te prendrai une commission ! (Exclamations.) J'en ai quarante-huit ! Au-delà d'un certain chiffre, tu ne sais plus compter !

Plus sérieusement, Mesdames et Messieurs les députés, notre canton est cher au plan fiscal et, donc, peu attractif. Aussi je ressens ce projet de loi comme néfaste, nuisible et inutile. Si nous décidons de ne plus taxer les gens au forfait comme c'est le cas aujourd'hui, nous n'encaisserons plus les 50 millions de recettes que rapportent ces forfaits.

Soit ces gens ne viendront pas - et M. Ducommun conviendra avec moi que dans ces circonstances ils ne payeront pas d'impôts à Genève - soit ils quitteront le canton pour s'acquitter de leurs impôts ailleurs. C'est un magnifique autogoal !

Ce projet ne mérite pas d'être renvoyé en commission, car il donnerait un signe nuisible aux étrangers qui contribuent à la bonne santé financière, toute relative, de notre canton. Nous vous invitons donc à le rejeter en discussion immédiate, comme l'a suggéré à juste titre le groupe radical. (Applaudissements.)

M. Pierre-Alain Champod (S). (Brouhaha. La présidente demande le silence.) Contrairement aux personnes qui sont déjà intervenues, le groupe socialiste a pris connaissance avec intérêt de ce projet de loi. (Brouhaha.)

La proposition de nos amis de l'Alliance de gauche nous semble parfaitement pertinente. L'égalité devant l'impôt est un principe de base de toute démocratie : chaque habitant de ce canton doit contribuer selon ses moyens au financement des tâches de l'Etat.

Il est effectivement choquant que des personnes, soumises à un autre régime, ne paient pas d'impôts selon leurs revenus et leur fortune, mais négocient un forfait.

Une récente émission de la Télévision romande sur l'application du principe du forfait dans le canton Vaud a mis en évidence le privilège fiscal dont bénéficient les personnes soumises à ce régime. Parmi elles, on trouve un coureur automobile connu. Pour les personnes au budget modeste, payant leurs impôts jusqu'au dernier sou, obligées de déclarer leur salaire et n'ayant pas la possibilité de soustraire une partie de leurs revenus dans leur déclaration fiscale, il est particulièrement choquant de savoir que certaines personnes peuvent obtenir un forfait. Le fait qu'elles paient un impôt relativement important ne change rien au problème.

A voir les réactions sur les bancs d'en face, il semble que si ces gens étaient taxés selon les mêmes règles que ceux ne bénéficiant pas du forfait, l'impôt serait plus élevé, sinon les gens n'auraient aucune raison de quitter le canton.

Nous pensons donc que le principe de ce projet est juste. Nous soutenons son renvoi à la commission fiscale, afin que le département puisse donner toutes les explications concernant le régime particulier des forfaits.

Un certain nombre de députés ont demandé la discussion immédiate, mais le groupe socialiste s'y oppose. En effet, on ne doit y recourir que rarement. Par exemple, lorsqu'il s'agit d'ajouter une virgule oubliée lors d'un débat sur un projet de loi ou lorsqu'il y a urgence, notamment pour les projets de lois destinés à verser une aide lors d'un tremblement de terre.

Nous venons de consacrer deux heures à une discussion dont la qualité n'était pas très bonne, le travail en commission ayant été refusé. Or ce n'est pas le rôle des séances plénières de conduire des discussions article par article et d'étudier des projets; c'est le travail de la commission. C'est un signe de dysfonctionnement... (Brouhaha. L'orateur est interrompu.) ...de passer deux heures sur chaque projet inscrit à l'ordre du jour en procédant à des discussions immédiates.

C'est ainsi que l'on obtient des ordres du jour de nonante-cinq à cent dix points. Pour permettre à notre parlement de conserver un fonctionnement digne de ce nom, nous vous proposons de renvoyer ce projet en commission.

Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.

Premier débat

M. Jean Spielmann (AdG). Après les interventions sur les bancs d'en face qui témoignent d'un repas bien arrosé, comme le veut la coutume... (Exclamations.) Oui, Monsieur Ducommun, vous en êtes certainement l'exemple le plus frappant !

Le problème est celui de l'égalité des citoyens face à la loi et, notamment, face aux impôts. En tant que représentant du parti radical, vous êtes particulièrement bien placé, Monsieur Ducommun, pour intervenir comme vous l'avez fait. Si la population pouvait vous voir... (Exclamations.)

Une voix. Espèce d'ivrogne !

La présidente. Monsieur Ducommun ! Nous n'avons fait que deux points, nous n'en sommes qu'au point 13 ! Je peux suspendre la séance pour calmer les esprits. (Brouhaha. Remarques.) J'aimerais que les débats concernent le projet de loi, non pas les députés et leurs éventuelles compétences.

M. Jean Spielmann. J'aurais voulu débattre des arguments développés par M. Ducommun, mais, malheureusement, il n'en avait pas d'autres que son attitude lamentable. Il essaie de continuer d'en faire la démonstration au cours des débats. Je suis effectivement persuadé que si la population le voyait, en plus de l'attitude du parti et de ses représentants les plus éminents - je pense bien sûr à la famille Kopp et à la manière dont ils sont traités au niveau du fisc... (Brouhaha. Remarques.)

La présidente. J'aimerais que les débats se déroulent avec un peu plus de sérénité et de sérieux. Essayez de continuer, Monsieur Spielmann !

M. Jean Spielmann. Chacun ses arguments ! Certains n'ont que les relents de chiroubles, mais je trouverais plus intéressant d'avoir d'autres types de débats.

Si la population voyait les représentants du parti radical intervenir... (Brouhaha.)

Des voix. Ça ne peut pas continuer, Madame ! Un fil et une aiguille ! Amène-lui la bouteille !

M. Jean Spielmann. La manière avec laquelle ils interviennent correspond au niveau des arguments qu'ils ont développés...

La présidente. Je compte sur vous pour élever le débat, Monsieur Spielmann ! (Rires.)

M. Jean Spielmann. Madame la présidente, vous devriez vous contenter de présider et de rappeler à l'ordre ceux qui troublent cette séance, plutôt que de faire des remarques à ceux qui essaient de développer des arguments dans une situation particulièrement difficile, étant donné la manière dont se conduisent les députés des bancs d'en face. C'est malheureusement une attitude lamentable.

Si la presse et ceux qui sont chargés de transmettre la nature des débats et la manière dont se déroulent les interventions faisaient leur travail, on hésiterait un peu, sur les bancs d'en face, à intervenir de cette façon.

J'étais en train d'expliquer tranquillement que les citoyens sont de plus en plus choqués de voir les disparités extraordinaires par rapport au fisc, ainsi que la manière dont certains échappent totalement à l'impôt malgré des revenus substantiels. C'est d'autant plus intolérable que de nombreux concitoyens se trouvent dans une situation difficile. On l'a constaté, au cours de ces dernières semaines, lors de l'intervention des personnes âgées auxquelles on a réduit les subventions pour l'assurance-maladie. Ces dernières n'ont aucune possibilité d'intervenir et d'avoir une quelconque influence sur la manière dont on impose leurs revenus. Ces personnes-là paient jusqu'au dernier centime, alors qu'en face on essaie par tous les moyens de protéger et de soustraire au fisc les revenus les plus élevés.

Certaines personnalités appartenant au monde des nantis, des riches et des puissants échappent aux lois fiscales en toute impunité. Cela frappe beaucoup l'imagination des gens et influence leur capacité d'accepter cette situation socioéconomique et la fiscalité.

Parallèlement, les mêmes partis ont proposé une série de mesures qui accroissent cette inégalité face au fisc. Il s'agit de la mise en place de la loi destinée, selon les représentants des partis qui me font face, à instaurer une législation plus cohérente pour l'application de la TVA. Au cours des dernières semaines et dans la session du Conseil national, ils ont proposé des abattements fiscaux en faveur de leurs amis politiques.

Cela représente environ 425 millions en moins de recettes fédérales; il faudra bien les reprendre dans la poche de ceux qui subissent cette inégalité que je dénonçais tout à l'heure. La réduction des subventions aux caisses maladie, l'augmentation d'une série de taxes et l'imposition de la population la plus démunie en seront les conséquences.

Ces 425 millions font suite aux 500 millions économisés sur les droits de timbre ainsi qu'aux millions économisés sur l'imposition des hôteliers, des restaurateurs et des personnes exerçant dans d'autres secteurs, qui auraient les moyens de payer des impôts. Toutes ces décisions, ajoutées à la volonté - projet heureusement abandonné - de supprimer l'impôt fédéral direct, engendrent des trous considérables dans la caisse publique et créent des inégalités choquantes signalées par la presse. Les gens les perçoivent chaque jour davantage. Ils ont l'impression d'être véritablement pressurés. Ce sont les victimes de la politique conduite au niveau communal, cantonal et fédéral.

Il est nécessaire de rectifier la situation; c'est l'objectif de notre projet de loi qui propose simplement une égalité de traitement devant le fisc. Je n'ai entendu aucun argument militant en faveur de ces forfaits fiscaux pour des gens qui ont les moyens financiers de présenter leurs comptes. Je ne vois pas pourquoi un certain nombre d'entre eux, notamment les plus nantis, pourraient échapper aux lois fiscales et bénéficier de forfaits, alors que la plus grande majorité de la population doit faire face à des difficultés croissantes.

Un autre problème est venu amplifier - et amplifiera encore - le fossé que vous êtes en train de creuser entre vos amis, les nantis, et la majorité de la population confrontée à des difficultés économiques considérables. Les décisions prises par le Conseil fédéral pour trouver d'un seul coup 7 milliards sortis d'un chapeau démontrent qu'il existe, dans ce pays, les moyens financiers pour conduire une autre politique que celle que vous préconisez. Vous élargissez le fossé de l'incompréhension entre les nantis que vous défendez malheureusement mal et... (Exclamations.) Vous utilisez des possibilités qui nuisent considérablement à l'ensemble de la population. Malheureusement les victimes de votre politique doivent passer à la caisse.

On a donc trouvé 7 milliards pour financer des activités que nous développons depuis des années. Mais vous prétendez que cette couverture en or est beaucoup trop grande et qu'on doit utiliser les moyens de la collectivité publique pour développer une autre politique que celle que vous conduisez, aussi bien au niveau de l'emploi, de la politique sociale, du développement et de la formation. Les moyens financiers existent, mais doivent être complétés pour permettre le développement d'une politique beaucoup plus cohérente, plus sociale et plus juste.

Nous proposons aujourd'hui une mesure légère pour assurer l'égalité face au fisc. Du haut de votre arrogance, vous allez la refuser en discussion immédiate. Nous en prenons acte, mais la population comprendra un peu mieux, après cette décision, quels sont les intérêts que vous défendez dans ce parlement : ce sont ceux de vos amis les nantis. Vous augmentez l'inégalité face à la fiscalité qui devient de plus en plus pesante pour des milliers de contribuables de ce canton, qui n'ont pas les possibilités et les appuis de vos amis.

Cette situation sera bien sûr dénoncée, et chacun assumera ses responsabilités. Continuez votre politique, je suis sûr qu'un jour ou l'autre le retour de manivelle va permettre de rétablir la justice et l'équité fiscale dans ce canton !

M. Christian Grobet (AdG). A vrai dire, nous ne sommes pas étonnés de la prise de position entendue tout à l'heure sur les bancs d'en face. Leur politique, ces dernières années, a été constamment axée sur la volonté d'accorder des avantages fiscaux aux personnes jouissant de situations financières très favorables.

C'est ainsi que le parti libéral nous proposait, il y peu de temps, une baisse des impôts. Nous aurons le privilège de discuter demain - ou lors d'une prochaine séance, vu les débats que vous souhaitez provoquer - d'un projet de loi du Conseil d'Etat assez extraordinaire. Il vise, en effet, à verser des subventions aux spéculateurs immobiliers pour faciliter la vente d'objets immobiliers grevés de dettes et à venir ainsi en aide aux pauvres banques ayant trop prêté pour des affaires spéculatives !

Monsieur Haegi, si ce projet de loi est voté, il y aura un référendum de plus dans ce canton... (Exclamations.) Accorder une subvention aux spéculateurs immobiliers et aux banques, il faut le faire ! Nous aurons l'occasion d'en débattre ! Ainsi, alors que nous sommes confrontés à des difficultés considérables sur le plan des finances publiques, on constate une politique constante de votre part pour réduire les recettes fiscales, particulièrement en faveur de ceux qui gagnent le plus. On connaît vos cadeaux fiscaux sur les bénéfices immobiliers !

On sait, par ailleurs, qu'il existe à Genève des situations comparables à celle des époux Kopp. Certaines personnes, ayant amassé d'importantes fortunes au cours des années de spéculation immobilière, ne paient pas d'impôts. Ils peuvent évidemment invoquer de grandes ardoises, car on fait facilement des dizaines de millions de dettes. M. Ducommun sait combien on prêtait facilement aux gens portant beau dans certaines banques... (Exclamations.) Vous avez perdu l'occasion de vous taire, car vous auriez effectivement mieux fait de suivre l'exemple de la Banque Migros ! Ces gens-là ont de belles demeures et roulent en limousine appartenant, bien entendu, à leurs sociétés qui ne paient pas d'impôts.

Aujourd'hui, nous mettons le doigt sur une situation fiscale particulièrement injuste, comme le député Champod l'a relevé tout à l'heure. Le fait qu'il existe une petite catégorie de contribuables jouissant d'un statut particulier les dispensant de payer des impôts en fonction de leur fortune et de leurs revenus réels, comme tout autre contribuable, relève d'une inégalité de traitement particulièrement choquante.

Je m'étonne que certains se gaussent d'un sujet aussi grave. Nous ne craignons pas, Monsieur Fontanet, de faire partie des contribuables ordinaires. En changeant de système, nous savons que la plupart... (Exclamations.) Retournez à votre place, Monsieur Haegi, vous avez perdu l'occasion de vous taire ! ...des gens fortunés installés à Genève ont acheté un bien immobilier. Je doute fort que ces gens-là, aujourd'hui, soient prêts à le revendre pour s'installer dans le canton de Fribourg, comme vous le dites si bien. Certains y ont fait des passages, mais ils sont vite revenus à Genève, en tout cas officiellement. Ils ont peut-être gardé leur domicile fiscal à Fribourg, comme un conseiller d'Etat qui vient d'y installer sa société anonyme !

Cette politique de concurrence fiscale est absolument destructrice pour tout le monde. Dans une certaine mesure, nous sommes les «agents» de ces autres cantons. Nous souhaitons, en effet, les convaincre de renoncer à ce système. En tant qu'avocat d'affaires, Monsieur Fontanet, vous devez être au courant de ce qui se passe sur le plan européen : à Bruxelles, on s'occupe actuellement du problème des régimes fiscaux spéciaux en vigueur dans certains pays de l'Union européenne. Quand on se gargarise, dans cette enceinte, et dans vos rangs en particulier, d'eurocompatibilité, on ferait bien d'y songer sur le plan fiscal, et d'arrêter d'être l'exemple montré du doigt par un certain nombre de pays.

Nous n'avons pas de quoi être fiers au sujet de certains événements que d'autres pays nous rappellent... (Exclamations.) Ces mêmes pays observent aujourd'hui les privilèges fiscaux que nous accordons à certaines personnes fortunées quittant des pays voisins pour le paradis fiscal helvétique. Au demeurant, quelques personnalités de chez nous - je ne pense pas que cela fasse plaisir à M. Vodoz - vont rechercher un paradis fiscal à Monte-Carlo, mais, lorsqu'ils ont un problème de santé, ils se rendent certainement à l'hôpital cantonal !

Ce genre de paradis fiscal est profondément choquant vis-à-vis du citoyen ordinaire. Dans le cas le plus récent, à l'origine de ce projet de loi, une personne est venue s'installer à Genève non pour des raisons fiscales, a-t-elle dit, mais pour toutes sortes d'avantages et, en premier lieu, pour des raisons de santé. Il semble qu'à Paris le climat ne soit pas favorable à ses enfants. Elle vient donc à Genève pour son climat, pour ses écoles - mais oui, Madame la conseillère d'Etat - pour ses excellents hôpitaux ! Tout cela coûte de l'argent aux contribuables.

Alors je ne comprends pas comment il se fait que l'on soit entré en matière pour octroyer un forfait fiscal à une personne souhaitant bénéficier de tous les avantages payés par les contribuables genevois. Je n'arrive pas à imaginer, Monsieur Fontanet, qu'elle s'installe dans le canton de Fribourg, malgré toute la beauté de la Gruyère ! Voilà l'exemple typique d'un forfait fiscal qui ne devait pas être négocié, puisque cette personne, dont je ne doute pas de la bonne foi, a proclamé dans la presse pour quelles raisons très précises elle venait s'installer à Genève avec sa famille. Cela a été tellement pris au sérieux que la mairie de Paris a téléphoné, semble-t-il, à l'écotoxicologue cantonal pour savoir si véritablement le climat genevois était meilleur que celui de Paris ! Ils ont été rassurés sur ce point, cette personne n'a pas quitté Paris pour des raisons fiscales, mais pour des raisons de santé ! (Brouhaha.)

Vous conviendrez tout de même que de telles situations sont scandaleuses. Nous estimons qu'il n'est pas normal vis-à-vis de nos voisins de faire de la sous-enchère fiscale. De même, il n'est pas normal que d'autres cantons suisses le fassent. Si nous n'arrivons pas à harmoniser nos barèmes fiscaux, d'abord en Suisse, puis sur le plan européen, les pouvoirs publics rencontreront de grandes difficultés pour réussir à établir une fiscalité équitable et demander à chacun, et particulièrement à ceux qui ont beaucoup de moyens, de payer correctement leurs impôts.

A part quelques cas isolés, nous sommes convaincus que ce projet de loi ne fera pas partir ceux qui sont installés. Il est possible que cela ne fasse pas venir de nouveaux contribuables de ce type à Genève, mais cela ne nous gêne pas, Monsieur Fontanet ! Faire venir des gens à de telles conditions est non seulement inadmissible, mais nous le payerons très cher au moment où il faudra discuter de notre adhésion à l'Union européenne.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Je déduis des motifs qui ont poussé le député Grobet à déposer ce projet de loi qu'il n'aime pas Isabelle Adjani et ses films ! Par-dessus le marché, il ignore que les artistes sont des indépendants qui paient l'impôt à la source sur les revenus perçus dans les différents pays européens où ils travaillent. (Exclamations.) Ce n'est pas le cas de Mme Adjani, je tiens à le dire. Ayant eu l'occasion de m'occuper d'un certain nombre d'acteurs, Monsieur Grobet, je connais par coeur l'article 24 ! La plupart de ces gens paient l'impôt à la source.

M. Spielmann a fait tout à l'heure un amalgame redoutable : il a successivement parlé de l'impôt sur le droit de timbre, des fonds juifs, de l'impôt fédéral direct et de beaucoup d'autres choses intéressantes. Mais nous, contrairement à ce que vous pensez, Monsieur Spielmann, nous sommes aussi là pour défendre les intérêts de la population.

En effet, si ces gens qui paient aujourd'hui des impôts sur la base d'un forfait n'étaient pas là, compte tenu de l'état de nos finances cantonales, tous les autres citoyens, y compris les plus démunis, devraient combler la différence. Par voie de conséquence, en défendant ce système, nous ne défendons pas les intérêts d'une tranche bien particulière de la population, mais ceux de la population en général.

L'équité fiscale est un bien grand mot, comme l'équité dans toute une série de secteurs de la vie : il y a des gens intelligents et des gens bêtes. Certains sont beaux, comme M. Ducommun, d'autres le sont moins... (Rires.) Certains sont habiles, d'autres malhabiles. C'est la même chose en ce qui concerne l'impôt sur le revenu qui est par définition inégalitaire, puisqu'il frappe différemment suivant le revenu. Les gens fortunés paient plus d'impôts que ceux aux revenus modestes. En matière d'imposition, Monsieur Spielmann, le canton de Genève a l'échelle fiscale la plus sociale de Suisse.

On peut tenter d'harmoniser sur les plans national et européen à notre détriment, mais je trouve votre raisonnement curieux, Monsieur Grobet. Si je vous ai bien compris, il s'agirait de s'autopénaliser en premier, afin que les autres fassent de même.

M. Christian Grobet. Absolument ! (Rires.)

M. Bénédict Fontanet. Inutile d'installer Mme Adjani à Fribourg, ville qu'elle n'aimerait peut-être pas; on peut le faire à quinze kilomètres de notre beau canton, à Nyon, pour l'instant encore sous souveraineté vaudoise, bien que nous puissions chercher à reconquérir cette belle partie du canton de Vaud ! Ainsi, Nyon offre à peu près les mêmes avantages sociaux et les mêmes écoles, il ne s'agit pas d'un endroit sinistré.

Parler, à propos de la problématique des forfaits fiscaux en particulier, de la problématique générale de l'égalité face à l'impôt et de celle, dépassant largement ce cadre, de la déduction des intérêts sur les têtes et de l'endettement serait un amalgame douteux. Les autres cantons nous remercieraient si nous adoptions ces dispositions.

Sur le plan européen, laissez-moi rigoler, Monsieur Grobet ! Vous êtes trop intelligent et vous savez trop de choses pour ignorer que vous dites des choses inexactes ! La principauté de Monaco n'est pas la seule à présenter des dispositions particulières permettant de ne pas payer d'impôts sur le revenu. En Angleterre, vous connaissez sûrement une belle ville qui s'appelle Londres...

M. Christian Grobet. Vous connaissez la Suède, Monsieur ?

M. Bénédict Fontanet. Oui... En Angleterre et en Irlande, on peut négocier des conditions fiscales particulières. Ainsi, vous imaginez que les Anglais, du seul fait du parlement genevois, vont accepter que les Allemands et les Français les contraignent à abandonner leur système fiscal, Monsieur Grobet ? J'en serais bien surpris ! Pensez-vous que l'Irlande, le Luxembourg ou quatre ou cinq autres pays européens se feront un plaisir d'adopter le même système ? Je vous parle, Monsieur Grobet, mais ça ne vous intéresse manifestement pas. Vous ne voulez pas entendre !

Mesdames et Messieurs les députés, nous vous suggérons, ce soir, non pas de maintenir un système injuste mais un système en vigueur depuis plusieurs décennies. Il permet des rentrées fiscales à bon compte. Nous refusons donc d'entrer en matière sur ce texte.

M. Jean Spielmann (AdG). Le problème posé est celui de l'acceptation face à l'impôt et, également, celui de l'égalité de traitement des citoyens face aux lois fiscales.

Selon vous, je serais loin du problème qui nous préoccupe en développant différents arguments par rapport à la TVA et aux allégements successifs consentis à ceux qui, actuellement, profitent de la crise au détriment d'une grande partie de la population. Dans mon analyse, j'évoquais également les différentes décisions de ce Grand Conseil et l'orientation choisie par le parlement et l'exécutif en ce qui concerne l'impôt.

L'acceptation de l'impôt pose un problème, et ce sera de plus en plus difficile de faire accepter aux citoyens les mesures prises concernant la fiscalité. Il s'agit également de l'égalité de traitement : celui qui gagne sa vie en offrant sa force de travail est imposé jusqu'au dernier centime. Il trouve de plus en plus injuste cette situation qui offre des possibilités d'évasion fiscale toujours plus importantes à ceux qui profitent d'activités spéculatives, d'échanges économiques et de situations leur permettant d'empocher toujours plus d'argent en payant toujours moins d'impôts.

Si l'on examine les différents tableaux des recettes fiscales qui ont été publiés - bien que la documentation livrée par l'Etat soit de moins en moins significative et précise, ce qui n'est pas le fait du hasard - on peut tirer des conclusions concernant cette évolution.

La part des recettes fiscales de l'impôt direct sur le revenu des personnes physiques augmente en proportion de façon toujours plus évidente. En une dizaine d'années, elle a augmenté de manière spectaculaire, alors que les autres recettes ont été réduites quasiment dans les mêmes proportions. Je pense bien sûr aux recettes sur le bénéfice des entreprises, compte tenu de la situation économique et, également, aux revenus provenant d'activités autres que le travail. Cette réalité politique et économique découle directement de votre position face à la fiscalité.

Grâce, par exemple, au projet de loi que nous déposons, les gens se rendront compte de l'inégalité devant l'impôt. Les différentes propositions formulées par les partis qui me font face ont été proclamées à grand renfort de publicité. Il est question de baisse d'impôts - il même question de réduction spectaculaire de la fiscalité - mais, parallèlement, sans que l'on en parle, et avec la complicité de tous ceux qui sont chargés d'informer la population, on vote des dispositions allant exactement dans le sens contraire.

On vote, ainsi, des augmentations déguisées d'impôts : à deux reprises, vous avez décidé la remise en place de la progression à froid... (Rires.)

M. Michel Balestra. C'est pas possible... Ça fait un quart d'heure que tu parles, et t'as rien dit !

M. Jean Spielmann. C'est hallucinant. Monsieur Balestra, vous ne comprenez probablement pas tout, mais vous allez sûrement comprendre ce que je vais vous dire. (Exclamations.)

A grand renfort de publicité dans la presse, vous annonciez une baisse d'impôts. (Applaudissements.) Au dernier budget, Monsieur Balestra, non seulement vous ne proposiez pas de baisse d'impôts et vous étiez incapables de faire une quelconque proposition allant dans cette direction mais vous avez voté une augmentation en remettant en place la progression à froid, que vous aviez vous-même dénoncée et combattue. Vous l'avez votée dans le principe.

Il existe donc un écart considérable entre ce que vous dites et ce que vous faites. (Brouhaha.) Vous proposez des baisses d'impôts à la population, mais vous votez des augmentations. C'est clair que ça vous dérange que l'on vous dise cela. Vous mentez avec l'appui d'une presse complice... (Brouhaha.) Personne n'explique à la population que vous faites le contraire, mais, à force de maintenir un tel écart entre vos propositions et la réalité, les gens s'aperçoivent quand même qu'ils paient relativement plus d'impôts à Genève.

La situation économique et politique de ce canton n'a jamais été aussi difficile pour les gens les plus démunis. Vous continuez sur la voie d'une politique fiscale qui fait des cadeaux aux nantis en maintenant le poids de la fiscalité sur les plus défavorisés. Des exemples concrets nous permettent de l'affirmer de la manière la plus claire.

Le projet de loi que nous proposons vient témoigner une fois de plus de votre volonté de continuer à accentuer les inégalités face au fisc en privilégiant des personnes ayant les moyens financiers de payer des impôts et en leur proposant des forfaits. Cette possibilité de ne pas déclarer ses revenus, de ne pas remplir de déclarations, vous la refusez aux autres citoyens. Pour cela, vous déployez une activité extraordinairement compliquée. Nous, nous disons les choses simplement : nous sommes contre l'inégalité face au fisc, contre le fait que des gens qui ont des ressources ne soient pas obligés de respecter la loi et contre le fait que vous offriez à vos amis politiques les moyens d'échapper à la fiscalité, tout en imposant avec la dernière énergie les plus démunis de ce canton et en refusant la subvention de 60 F par mois pour l'assurance-maladie des personnes âgées.

Bien sûr, pour vous c'est abstrait, comme lorsque l'on parle aux pauvres de millions ou de milliards ! Mais reprendre ces 60 F c'est inacceptable pour ceux qui sont confrontés à de réelles difficultés, qui remplissent leurs obligations, qui n'ont aucun moyen de frauder le fisc, qui ont payé toute leur vie leurs impôts jusqu'au dernier centime. Vous leur faites assumer les difficultés économiques dont vous êtes responsables tout en favorisant parallèlement les privilégiés en leur accordant des forfaits fiscaux. Quels que soient les arguments que vous développerez, nous essayerons de le faire comprendre à la population, afin qu'elle sache qui défend quoi dans ce parlement et dans ce canton.

M. Max Schneider (Ve). Comme mon groupe, je regrette que ce débat ait lieu en plénière, car cela aurait été intéressant en commission. J'aimerais demander à M. Vodoz combien de citoyens bénéficient actuellement de ce régime fiscal - on m'a parlé d'environ cinq cents personnes - et quel est le pourcentage de citoyens venant de la communauté européenne, des pays de l'Est, voire d'Afrique.

En regardant ce qui se passe, lorsque l'on voyage en dehors de nos frontières, c'est un peu fort de voir la Suisse accueillir n'importe qui, n'importe comment... (Rires.) Il s'agit souvent de gens fortunés...

Une voix. Raciste !

M. Max Schneider. Aujourd'hui, on renforce les frontières au Tessin vu les derniers événements survenus en Albanie. C'est choquant de voir des gens souvent très riches obtenir des privilèges fiscaux. Ces gens fortunés quittent de petits pays de 3,5 millions d'habitants où le revenu moyen est de 140 F par mois pour vivre en sécurité chez nous.

Pour cette raison, je trouve le projet de loi de l'Alliance de gauche très intéressant. Sur le plan de la libre-économie de marché, c'est peut-être avantageux d'avoir une telle fiscalité, mais, sur le plan moral, on peut se poser des questions.

L'image de la Suisse en Europe et dans le monde entier en souffre beaucoup. Je recommande à M. Grobet qui a beaucoup parlé du Parlement européen, ce soir, de demander une audition pour expliquer ce qui se passe dans notre pays, afin d'améliorer la situation. Si l'Europe change sa fiscalité, j'espère que notre canton suivra. Je souhaite que M. Vodoz puisse répondre à ces questions.

M. Michel Halpérin (L). Ce qu'il y a de bien sur les bancs d'en face, Madame la présidente, c'est le goût de la nuance, l'esprit de finesse, la dentelle oratoire... (Rires.)

La présidente. Calmez-vous, Monsieur Ducommun ! (Rires.)

M. Michel Halpérin. Il ne me dérangeait pas, Madame !

J'ai eu le plaisir d'entendre des débats contradictoires au sein même des auteurs du projet de loi. M. Spielmann nous expliquait à quel point la population croulait sous le fardeau fiscal, et M. Grobet de lui rétorquer qu'il ne fallait pas suivre l'exemple libéral qui proposait la baisse d'impôts. Je les laisserai choisir entre eux le discours qu'ils préfèrent !

Mais le point commun de ce discours, celui qui lui donnait sa beauté et son sel, était emprunté très directement aux «Mystères de Paris» du regretté Eugène Sue qui, au siècle dernier, a su nous expliquer sur le mode feuilletonesque toute la misère du monde avec des accents qui en renforçaient la détresse...

Le discours de M. Spielmann en était tout empreint. Il y avait, certes, un petit mélange emprunté à d'autres lectures plus récentes... (Exclamations.) ...probablement au maire de Champignac pour la tournure de la phrase, l'ampoulé de la pensée et l'image forte qu'il a su suggérer.

Vous souhaitiez que l'on parlât de l'égalité devant l'impôt et vous évoquiez le destin tragique de la population la moins favorisée par rapport à la plus favorisée. C'est un discours commode ! Mais si l'on veut véritablement comparer ce qui doit l'être, alors, Monsieur le député, 30% de nos amis les plus nantis paient à Genève 75% de l'impôt sur le revenu. (Exclamations.) Tandis que les moins nantis, les 30% du bas de l'échelle, qui ont droit à ce titre à un peu de votre compassion et également à la mienne, paient ensemble 1,5% de l'impôt.

De sorte, Monsieur le député, que si vous n'avez pas cet appoint indispensable de «l'étranger» - qui n'est pas un citoyen, Monsieur Schneider, car aucun citoyen ne peut bénéficier du statut forfaitaire - qui, sans consommer grand-chose de notre économie et de nos infrastructures, vient y apporter sa contribution, ce seront vos malheureux, Monsieur Spielmann, qui en payeront le prix. (Exclamations.)

Il paraît que je suis du côté des nantis et que, sur votre banc, il y a toute la souffrance du monde. Alors je vous abandonne cette souffrance et je fais la comparaison. Vous voulez l'égalité devant l'impôt ? Alors, Monsieur le député, il faudra que chaque citoyen de cette République paie 30% d'impôts, comme en Angleterre, par exemple, où l'on paie entre 25 et 30% d'impôts au total sur le revenu ou comme en France et en Allemagne, où on y vient. Vous voulez nous expliquer que cela c'est l'égalité ? Très franchement, je préfère notre système proportionnel, où les riches paient plus et les pauvres moins. C'est également une inégalité, et il faudra choisir celle des inégalités que vous préférez. Moi j'ai choisi la mienne, et je rejetterai sans hésitation votre mauvais, démagogique et voluptueux projet de loi. (Applaudissements.)

M. Michel Balestra (L). Dans l'étude économique qui a servi de base à la conception du «Projet pour Genève» que nous vous avons présenté, nous pouvions affirmer, identifier et prouver que le problème principal de notre canton provient de l'augmentation continuelle des actifs non-résidents.

Pourtant le député Grobet, alors au Conseil d'Etat, n'avait rien trouvé de plus intelligent à administrer comme potion que d'adapter le nombre d'emplois au nombre de logements !

Le député Longet, lui, désirait exporter les activités industrielles polluantes en France voisine !

Quant à M. Spielmann, il comptait nous administrer le totalitarisme égalitaire des pays où il allait aux ordres, une fois par année, un mois pendant les vacances payées ! (Exclamations.)

Seuls les écologistes, appelant de leurs voeux la croissance zéro qui nous étouffe depuis cinq ans, ont gagné leur combat !

Notre proposition fiscale, Monsieur Spielmann, c'est le marketing fiscal. Mais cela n'a jamais été le fort des doctrines que l'on vous a enseignées. La Trabant n'est pas la voiture la plus vendue dans le monde ! (Rires.) Le marketing fiscal, c'est taxer moins pour gagner plus.

Les projets de baisse des impôts que nous avons proposés sont devant la commission fiscale. Ce Grand Conseil est bastant pour les accepter. Il ne tiendra qu'à vous, Monsieur le député, de nous appuyer dans notre démarche pour que tous les Genevois puissent en profiter.

Que vous ne nous suiviez pas dans nos projets progressistes, nous pourrions le comprendre, mais que vous reveniez en arrière avec tout ce que nous vous avons expliqué et que vous savez, ça nous ne pouvons pas le comprendre ! C'est pourquoi nous ne voterons pas votre projet. (Applaudissements.)

M. Laurent Moutinot (S). Je ne pensais pas que ce projet allait être traité en discussion immédiate, et je souhaiterais connaître les autres projets à l'ordre du jour que vous envisagez de traiter de la même manière.

M. Michel Balestra. Maintenant, on travaille «efficace» !

M. Laurent Moutinot. C'est un peu la réponse que j'attendais ! Si vous me donniez la liste exacte, je pourrais intervenir de façon plus précise. (Exclamations.) Vous m'obligez à faire du droit fiscal sans filet à 11 h du soir !

Fondamentalement, le projet de l'Alliance de gauche se réclame d'une justice fiscale qui entend que l'on traite de manière égale les situations égales, et de manière inégale les situations inégales, car il n'est pire inégalité, Monsieur Halpérin, que de traiter de manière égale des situations inégales.

M. Michel Halpérin. C'est tellement clair !

M. Laurent Moutinot. Je pensais que ce problème serait abordé en commission, mais je suis obligé de l'aborder en plénière. La loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs fixe un certain nombre de limites au système des forfaits fiscaux.

Depuis que je sais que nous sommes en discussion immédiate, j'ai essayé de comparer le texte fédéral et le texte cantonal. Mais je ne suis pas sûr que la législation genevoise actuelle soit conforme à la législation fédérale.

Pour résoudre un problème de cette nature, la séance plénière du Grand Conseil n'est pas l'endroit adéquat. Il faudra bien aborder ce sujet en commission. Je ne vous demande pas de voter, j'ai compris que votre combat n'a rien à voir avec le fond de ce projet. Vous avez décidé de démontrer l'unité de l'Entente. C'est une unité de façade, et je regrette qu'elle se manifeste sur un sujet de cette importance. (Applaudissements.)

M. Jean Spielmann (AdG). (Brouhaha.) Au nom du parti libéral, M. Balestra a énoncé un certain nombre d'affirmations. Il a évoqué notamment les propositions qui avaient été formulées et la manière dont nous les avons traitées. Je me permettrai de lui rappeler certaines réalités, car il semble avoir la mémoire courte en ce qui concerne les projets qu'il a défendus avec le plus d'acharnement, avant les élections bien sûr !

Il s'agissait alors de faire de belles promesses, Monsieur Halpérin, pour pouvoir siéger ici et faire ensuite le contraire... Vous êtes des spécialistes en la matière ! (Exclamations.)

Pour en revenir à vos propositions concernant la fiscalité, je rappelle que nous avons combattu pendant plusieurs années, voire des dizaines d'années, le problème de la progression à froid. Puis, lors d'une votation, vous avez proposé une loi pour la supprimer, mais sans proposer la contrepartie nécessaire permettant de maintenir les recettes fiscales. Vous avez agi de manière démagogique. (Exclamations.) Relisez le Mémorial ! Comme vous ne proposiez aucune couverture financière, nous avions dit que cela était irréalisable, et que vous corrigeriez rapidement vos propositions démagogiques.

Voilà trois ans que vous avez les pleins pouvoirs, et vous avez déjà rectifié deux fois ce que vous dénonciez avec tant de virulence. Cette première contradiction est importante, car elle concerne un problème essentiel. C'est grâce à de telles promesses que vous avez été élus.

Vous avez également proposé à grand renfort de publicité le fameux bonus-loyer. Dans un rapport de minorité, je vous avais mis au défi de l'appliquer. Par le biais d'un amendement, j'exposais les conséquences financières découlant des propositions que vous aviez formulées avec hardiesse et de façon précise. Messieurs les libéraux et vous, Monsieur Balestra, vous avez été les premiers à voter contre vos propres propositions ! Vous avez enterré le projet de loi grâce auquel vous vous êtes fait élire. C'est frappant de constater de quelle manière vous traitez les problèmes politiques au niveau de la fiscalité.

Vous avez fait une troisième proposition à grand renfort de publicité... (Le député est interrompu.) La démocratie exige que l'on tienne ses promesses, ce que vous ne faites pas ! Vous avez proposé la suppression de l'impôt fédéral direct. Quoi de plus simple que de faire signer aux gens une initiative pour supprimer un impôt ! Ce fut une vaste opération publicitaire à l'échelle nationale. Je suis intervenu à plusieurs reprises pour demander comment vous comptiez trouver les contreparties financières. Vous avez répondu en retirant votre initiative peu de temps après les discussions aux Chambres fédérales. Vaste opération d'escroquerie, c'est la troisième que je dénonce... (L'orateur est interpellé.) ...et il y en a encore beaucoup ! Il s'agit de vos propositions, de votre politique, et nous essayons d'en informer la population.

Lors des discussions au sujet des baisses d'impôts dans le cadre du budget et de l'évolution de la fiscalité à la suite des prises de position de ce parlement, on repère quels sont les gens que vous défendez et quelle est la politique que vous entendez instaurer.

Il s'agit en premier lieu de l'imposition des bénéfices liés à la spéculation foncière. On pourrait chiffrer les dégâts sur le budget du canton. L'Etat perd quelques dizaines de millions au profit de vos amis spéculateurs, qui peuvent compter sur vous pour défendre de façon fidèle et zélée leurs intérêts. Ils pourront ainsi continuer à nuire aux activités économiques de ce canton. Un autre exemple concerne les proportions entre les différentes recettes fiscales que je viens d'énumérer.

Tout cela démontre que vous faites le contraire de ce que vous proposez. Je fais le pari que vous entrerez en campagne avec cette proposition de baisse d'impôts, de marketing fiscal et autres flonflons orchestrés par des publicitaires à grand renfort d'argent. Cela vous permettra de conforter votre position dans ce parlement, mais vous retirerez ces propositions irréalisables. Ce n'est qu'une escroquerie !

La proposition que nous formulons est simple. Elle consiste à demander que l'ensemble des citoyens de ce canton soient traités de la même manière. (L'orateur voit un député faire des signes.) Monsieur, ne vous faites aucun souci, je me préoccupe de l'heure ! Inutile de faire signe à la présidente. Je sais que cela vous dérange d'écouter !

La présidente. Vous avez encore quatre minutes.

M. Michel Halpérin. Que M. Spielmann nous présente des excuses pour nous avoir traités d'escrocs. Ça commence à dépasser les bornes !

M. Jean Spielmann. Mais, Monsieur Halpérin, les escrocs, c'est vous qui en faites la démonstration ! Ce sont les faits. (Remarque de M. Halpérin.) Expliquez-nous pourquoi vous avez voté contre le bonus-loyer après l'avoir proposé ! Pourquoi vous avez retiré l'initiative pour la suppression de l'impôt fédéral direct après l'avoir fait signer ! Pourquoi vous votez des augmentations d'impôts après avoir proposé de les baisser ! Ça c'est de l'escroquerie ! Vous devriez développer d'autres arguments que les lectures d'Eugène Sue. C'est la réalité, et, même si cela vous gêne, les faits sont têtus ! Un jour ou l'autre, les gens comprendront à qui ils ont affaire malgré vos belles envolées !

Pour conclure, nous n'avons que l'ambition de rétablir l'égalité des gens face au fisc. Ceux qui ont les moyens financiers doivent également se soumettre à la loi, déclarer leurs revenus et payer en proportion de leurs revenus. Mais ça dépasse votre entendement. Vous préférez proposer des forfaits aux privilégiés et continuer à faire payer les dégâts de votre mauvaise politique libérale à la population.

M. Dominique Hausser (S). Nous devrions faire de ce projet une loi expérimentale. Comme les bourgeois de Genève et du monde entier prétendent depuis des décennies que la fiscalité fait fuir les riches contribuables, je vous propose de tenter l'expérience sur ces cinq cent deux personnes. Mais étant donné la difficulté d'adapter cette loi pour en faire une loi expérimentale, je vous suggère de renvoyer ce projet en commission.

M. Michel Balestra (L). La lutte contre la progression à froid permettait, en période... (Le député est interrompu.) Je suis obligé de répondre à M. Spielmann qui nous a traités d'escrocs ! Contrairement à M. Halpérin, je ne lui demanderai pas d'excuses, mais j'aimerais lui expliquer en trois minutes - je suis plus concis que lui - exactement ce que nous avons fait.

La lutte contre la progression à froid permettait donc d'indexer les barèmes en période d'inflation, afin de ne pas augmenter artificiellement les impôts sur des salaires n'offrant pas un pouvoir d'achat accru. En période de régression économique et de déflation, l'indexation des barèmes créerait une régression à froid, c'est-à-dire un phénomène totalement inverse.

Pour le bonus-loyer, la partie aide au logement a été réalisée. Bien entendu, pour obtenir l'accord de la majorité de ce parlement nous avons dû avoir l'intelligence d'en changer le nom. En effet, même dans les milieux qui nous sont habituellement proches, c'était devenu totalement obsessionnel. Le programme d'aide au logement a donc été réalisé. Quant aux déductions, nous les réaliserons par les projets fiscaux que nous avons déposés devant la commission fiscale.

Si vous acceptez nos propositions, nous pourrons enfin tenir toutes nos promesses, et nous passerons de l'appellation «d'escrocs» à celle de «politiques progressistes, réalistes et fidèles à leurs promesses».

Pour le reste, nous avons pris nos responsabilités. Nous avons voté les budgets au cours de toutes ces années, afin que la fonction publique touche son salaire et que les plus démunis touchent leurs indemnités.

En revanche, Mesdames et Messieurs, vos propositions de ce soir déséquilibreraient nos budgets, sans avoir aucune chance d'élargir l'assiette fiscale. (Exclamations.) Vous êtes des dinosaures de la politique... Il faut bâcher, Monsieur Spielmann, et nous laisser gérer les affaires de la République ! (Rires.)

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Les dispositions légales concernant la fiscalité dont on demande, ce soir, l'abrogation constituent une exception par rapport au principe de base. Mais il s'agit d'une exception légale, introduite dans la loi fiscale à Genève, en 1924, selon le modèle des lois zurichoises et vaudoises. C'est une exception, car le principe de base, en Suisse, est l'imposition sur les revenus, et non sur la dépense.

J'ai sous les yeux une partie des débats de 1923, année où la loi Gampert a été corrigée pour introduire, au 1er janvier 1924, des dispositions forfaitaires exceptionnelles. A part quelques quolibets, les arguments évoqués de part et d'autre sont à peu près identiques à ceux entendus ce soir. Je vous conseille la lecture de ces Mémoriaux ! Le combat ayant pour objet la concurrence intercantonale a peu changé à Genève, il est toujours aussi vif ! Chacun veut obtenir une petite partie du «gâteau» offert par les résidents étrangers sans activité lucrative en Suisse.

Je vous rappelle également les conditions précises que vous avez évoquées en partie : être étranger - il est impossible d'accorder un forfait à un ressortissant de notre pays - n'avoir jamais travaillé en Suisse et ne pas y travailler. La Confédération a autorisé la délivrance, sous son contrôle, d'un permis particulier - cela peut paraître étrange - autorisant les vedettes à exercer une activité lucrative à l'extérieur de la Suisse. Parmi les cinq cent deux forfaits à Genève, Monsieur Schneider, on compte moins de dix de ces «vedettes», appartenant soit au monde sportif soit au monde des arts.

Cette disposition m'a causé quelques problèmes, lorsque des chanteurs domiciliés à Genève voulaient y donner un concert. Je les ai imposés à la source comme n'importe quel autre artiste étranger. Mais, à part cette poignée de vedettes, les cinq cent deux forfaits recensés au 31 janvier 1997 ont été accordés à des personnes âgées généralement de plus de soixante ans, la moyenne d'âge étant de septante-trois ans.

Pour répondre à M. Moutinot, je précise que la base légale est claire : sur le plan fédéral, il s'agit de l'article 6 LHID, confirmant ce principe de l'imposition exceptionnelle sur la dépense, et de l'article 14 de la LIFD concernant l'impôt fédéral direct et prévoyant le même dispositif. En commission fiscale, nous examinons le projet de loi du Conseil d'Etat sur la LIPP qui harmonise les dispositions, notamment celles dont il est question aujourd'hui.

Impôts communal, cantonal et fédéral réunis, ces cinq cent deux forfaits rapportent entre 53 et 55 millions annuellement. Nos concurrents les plus directs sont les cantons du Valais et de Vaud. En 1991, au nom du Conseil d'Etat, j'ai proposé certains changements fondamentaux concernant l'imposition sur la dépense exceptionnelle. Les dispositions des années 60 prévoyaient une dépense minimum de 36 000 F représentant cinq fois la valeur locative de l'appartement.

Suivant ma proposition, le Conseil d'Etat a accepté de présenter un projet de loi portant l'assiette fiscale minimum à 100 000 F et d'amender une disposition très importante au sujet du taux fixe de 3% sur les biens immobiliers. Accepté à l'unanimité de la commission fiscale, il a permis aux étrangers au bénéfice d'un forfait d'être imposés, comme les citoyens suisses, sur la valeur de leurs biens immobiliers.

Cette disposition est à mettre à l'actif d'une politique de maintien des forfaits fiscaux. Il serait absolument stupide - au-delà du problème moral de l'égalité de traitement - de se priver de ces revenus. Ces personnes, qui iraient bien évidemment s'établir ailleurs, coûtent peu au canton qui les héberge. Ils consomment et sont, en général, généreux à l'égard de la ville ou du canton.

De façon plus cynique, la Suisse, avec des droits de succession en ligne directe de 6% est particulièrement attractive pour les personnes d'un certain âge et fortunées. Dans le Valais ces droits n'existent pas encore. Chez nous, ce pourcentage est jugé important; or il est très bas comparé à la France, par exemple. D'une façon générale, la succession de ces personnes s'ouvre à Genève et porte sur l'ensemble de leurs biens, à part ceux, immobiliers, qui se trouvent à l'étranger. Cela explique le montant de l'impôt de succession relativement important à Genève.

Mesdames et Messieurs les députés, le gouvernement genevois considère qu'indépendamment du problème moral posé par le projet de loi inspiré par la vision de l'égalité de traitement devant l'impôt, sa vision est celle de nos prédécesseurs depuis 1924. A la suite des modifications apportées en 1991, l'administration fiscale exclut toute négociation en dessous d'une assiette fiscale de 200 000 F. Selon ma liste, il n'y a plus que trois forfaits fiscaux inférieurs à 100 000 F. Mais, compte tenu du grand âge des bénéficiaires, ils ne peuvent pas être corrigés aussi facilement qu'on le voudrait.

Cette pratique est raisonnable, elle tient compte des caractéristiques et de l'attractivité de Genève. Les conditions sont différentes de celles du Valais et du canton de Vaud, qui offrent des forfaits fiscaux inférieurs et attirent ainsi quelques vedettes. De plus, les communes vaudoises leur octroient encore d'autres avantages. Certaines vedettes ont ainsi quitté notre canton. Il n'y a aucune raison, au-delà de l'aspect moral, de renoncer à cette possibilité parfaitement légale et confirmée par le droit fédéral.

Je ne peux accepter d'entendre que nous tolérons à Genève des situations semblables à celles de Zurich. Vous savez parfaitement que nous avons introduit, en 1992, une loi contestée devant le Tribunal fédéral, qui sera abrogée si les dispositions de la loi au sujet de l'harmonisation fiscale ne sont pas corrigées. Mme Françoise Saudan, conseillère aux Etats, est intervenue à ce propos. Genève est le seul canton, en effet, à avoir introduit l'obligation de ne pouvoir déduire, à titre privé, plus de 50% des intérêts de dettes. Cette loi s'appliquera jusqu'à l'entrée en vigueur de la LHID à Genève, si le Parlement fédéral n'a pas la sagesse de la corriger.

Notre politique est raisonnable, elle oeuvre dans l'intérêt de ce canton. C'est pourquoi le Conseil d'Etat est opposé à l'abrogation de ces dispositions.

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.

 

La séance est levée à 23 h 35.