Séance du
vendredi 21 février 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
3e
session -
8e
séance
R 329
EXPOSÉ DES MOTIFS
Parmi les formes d'exploitation les plus odieuses se trouve certainement l'exploitation des enfants par le travail, dans des conditions souvent dangereuses, presque toujours mauvaises, pour des horaires interminables, et des tâches sans aucun intérêt formatif, de main d'oeuvre enfantine.
Ce travail des enfants compose de tout temps un élément de l'économie informelle qui caractérise le sous-développement de nombreuses parties du monde. On le croyait en régression, peu à peu vaincu par les progrès économiques et sociaux. Voilà qu'à la lumière des chiffres on s'aperçoit qu'il n'en est rien, voire même que la persistance de la crise dans les pays industrialisés, du moins de vastes zones de précarité, a amené parmi d'autres reculs un retour de fléau contre lequel les pionniers de la législation sociale du XIXe siècle avaient engagé leurs premiers combats.
Le rapport cité dans les considérants de la présente résolution a été publié au début du mois de novembre par le BIT, et nous nous référons ci-après à la présentation qu'en a faite la «Tribune de Genève» en date du 12 novembre (article de Federico Camponovo). Selon ce rapport, 120 millions d'enfants travaillent à plein temps à travers le monde, et 130 à temps partiel. 61% d'entre eux vivent en Asie, 32% en Afrique et 7% en Amérique latine. De nombreux cas de travaux dangereux sont signalés dans cet article, ainsi:
- aux Philippines, 60% des enfants qui travaillent sont exposés à des risques chimiques et biologiques;
- en Indonésie, Birmanie, Thaïlande et aux Philippines l'industrie de la pêche contraint des jeunes garçons de 10 à 15 ans à plonger sans équipement adéquat, et des dizaines d'entre eux meurent chaque année de ce fait;
- en Inde, une étude portant sur plusieurs années montre que des enfants employés dans l'industrie et l'agriculture ont généralement des retards de croissance.
D'autres cas concernent les enfants employés dans mines et empoisonnés au mercure, ou dans des verreries aux aménagements de sécurité rudimentaires. Naturellement aucun de ces enfants ne sera scolarisé. Et certains d'entre eux vivent ce qui est probablement le pire, à savoir l'exploitation sexuelle. Le rapport du BIT dénonce cinq réseaux internationaux de traite d'enfants. Un million d'enfants seraient en Asie victimes du commerce du sexe, et cette forme particulièrement odieuse de traite commence à se répandre aussi dans les anciens pays de l'Est. Nos pays industrialisés ne sont pas non plus à l'abri.
Outre l'action du BIT, des efforts sont accomplis au niveau international pour maîtriser cette situation et abolir le travail des enfants. Le Programme international pour l'abolition du travail des enfants est opérationnel dans une trentaine de pays, près de 13 conventions de l'OIT traitent de la question. De plus en plus, malgré la crise, les consommateurs se soucient des modes de production des marchandises offertes sur le marché, et ne souhaitent pas acquérir de biens produits par des mains d'enfants. Diverses ONG lancent des campagnes et des actions.
Nous sommes naturellement conscients que ce thème dépasse largement le ressort de notre canton. Il est cependant important, quand des valeurs fondamentales de civilisation sont en jeu, de ne rien négliger qui puisse soutenir les efforts mis en place, et également, de rappeler au passage aux autorités fédérales que notre pays n'a pas non plus fait tout ce qu'il pouvait faire dans le sens du renforcement des instruments internationaux, puisque la Suisse n'a pas encore ratifié la convention No 138 du BIT, adoptée en 1973, et qui fixe l'âge minimum d'admission à un travail à 15 ans, et pour les travaux dangereux à 18 ans. De son côté, le parlement jurassien a voté à l'unanimité, en septembre de cette année, une résolution analogue à celle que nous vous proposons.
Au bénéfice de ces explications, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir adopter la présente proposition de résolution.
Débat
M. René Longet (S). Vu l'heure tardive, je serai bref.
Nous exprimons régulièrement, dans ce Grand Conseil, un souci de solidarité pour marquer notre soutien lorsque les droits de l'homme sont particulièrement atteints.
C'est le cas avec le travail des enfants. De nombreux efforts sont faits, notamment par le BIT, organisation internationale bien établie dans notre canton, en vue de réglementer et de réduire l'une des formes d'oppression et de discrimination les plus choquantes.
Malheureusement, comme le démontrent les chiffres de l'exposé des motifs, le travail des enfants reste très répandu dans le monde. Il me semble important, lors de campagnes mondiales, que Genève, siège du BIT, soit particulièrement attentive et apporte son soutien. C'est une cause à défendre, et nous voulons supprimer progressivement cette situation.
Nous ne sommes pas le seul parlement cantonal à nous préoccuper de cette question. Voilà quelques mois, le parlement jurassien a voté une résolution dans les mêmes termes et à l'unanimité.
J'espère qu'il en sera de même, ce soir, dans ce parlement.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée aux Chambres fédérales.
Elle est ainsi conçue :
RESOLUTION
concernant le travail des enfants
considérant:
- les derniers chiffres publiés par le BIT selon lesquels plus de 250 millions d'enfants sont contraints de travailler de par le monde,
- que le nombre des enfants astreints à travailler est en progression constante, signe d'une détérioration des conditions sociales dans le monde,
- l'engagement du canton de Genève pour les droits des enfants et les droits de l'Homme en général,
LE GRAND CONSEIL,
- dénonce le scandale du travail des enfants
- demande au Conseil fédéral et au Parlement fédéral en particulier de signer et ratifier avec diligence tout engagement pertinent, notamment la convention No 138 de l'OIT et d'exprimer avec force la voix de la Suisse dans les forums internationaux dans le sens de l'interdiction du travail des enfants.