Séance du
vendredi 21 février 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
3e
session -
8e
séance
No 8/I
Vendredi 21 février 1997,
nuit
Présidence :
Mme Christine Sayegh,présidente
La séance est ouverte à 21 h 30.
Assistent à la séance : MM. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat, Olivier Vodoz, Guy-Olivier Segond et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Philippe Joye, Claude Haegi, Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Boesch, Anita Cuénod, Erica Deuber-Pauli, Michel Ducret, Laurette Dupuis, Michel Halpérin, Alain-Dominique Mauris, Geneviève Mottet-Durand, Jean-Pierre Rigotti, Martine Roset, Evelyne Strubin et Olivier Vaucher, députés.
3. Déclarations du Conseil d'Etat et communications.
La La présidente. Sur la table de la salle des Pas Perdus, vous pouvez prendre connaissance d'une communication du conseiller d'Etat Claude Haegi relative à Creys-Malville. Un exemplaire par député est à votre disposition.
4. Annonces et dépôts :
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
Néant.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le développement de comportements socialement inacceptables dans certaines entreprises;
- les risques d'explosion sociale liés à ces comportements qui ne sont imposés ni par la compétitivité, ni par une économie de marché bien comprise, ni par une restructuration imposée par la situation de l'entreprise;
- l'urgence politique à intervenir pour mettre en valeur les entreprises dont le comportement social est respectueux aussi bien des travailleurs que des consommateurs,
invite le Conseil d'Etat
à établir et à diffuser un guide permettant de classer les entreprises en fonction de leur comportement économique et social, tenant compte tant de leur respect pour leurs travailleurs, les consommateurs, que de leur compétitivité, y compris d'une juste rétribution des actionnaires et investisseurs. Les critères devant notamment être pris en compte pourraient être l'application des conventions collectives, la création d'emplois, la formation et la compétitivité.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La crise économique que traversent les pays occidentaux est la plus importante que nous ayons connue depuis la guerre. Celle-ci a entraîné des difficultés pour nombre d'entreprises, auxquelles s'est ajoutée une véritable révolution liée aux accords du GATT et, partant, à la mondialisation.
Un certain nombre d'entreprises se sont restructurées en raison de la crise, au prix de décisions souvent difficiles, mais compréhensibles dans le contexte actuel. Ces restructurations se sont avérées nécessaires, et le rôle de l'Etat est de les anticiper et de les accompagner, sans pour autant se substituer à l'entreprise elle-même dans un modèle d'économie planifiée qui a largement fait la démonstration de ses échecs.
Il est cependant notoire que si certaines restructurations se sont révélées utiles, d'autres ne se sont faites que dans le but de rechercher une rentabilité à court terme, ne prenant pas en compte la dimension humaine, sociale et politique de l'entreprise.
De tels comportements sont susceptibles de nuire gravement au tissu économique et social de notre pays et auront des conséquences à long terme dont la portée n'est, hélas, pas encore mesurable, mais qui seront, à n'en pas douter, préjudiciables pour les générations futures.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que les autorités reconnaissent et valorisent, par l'établissement et la diffusion d'un guide, les entreprises qui adoptent un comportement respectueux de leur environnement économique et social, contribuant ainsi au bien-être commun.
L'établissement d'un tel guide doit avoir un effet incitatif vis-à-vis des entreprises et encourager les autres entreprises, les consommateurs et l'Etat à traiter de préférence avec les acteurs économiques qui prennent leurs responsabilités vis-à-vis de la communauté dont ils sont issus.
Débat
M. Pierre-François Unger (PDC). En introduction à mon petit topo, je me permets de vous rappeler que M. Moutinot avait demandé lecture d'une lettre de M. Edouard Dommen concernant le comité de la CANES.
La présidente. Tout à fait !
M. Pierre-François Unger. Si cela pouvait être fait ultérieurement, je vous en saurais gré.
La présidente. En souhaitez-vous la lecture ou l'annexion au Mémorial ?
M. Pierre-François Unger. M. Moutinot en avait souhaité la lecture, et je l'appuie évidemment.
La présidente. Nous allons procéder à la lecture de cette lettre. Je vous prie, Madame la secrétaire, de bien vouloir y procéder.
Annexe LETTRE canes
M. Pierre-François Unger (PDC). Rappelons-nous l'affaire «Cardinal» qui nous avait scandalisés voilà quelques mois. (Brouhaha.)
La présidente. Vous êtes très bruyant, vraiment très bruyant, Monsieur Ducommun !
M. Pierre-François Unger. La finesse des radicaux est désormais proverbiale !
A cette occasion, nous avions adopté une résolution condamnant le comportement inacceptable des responsables de l'entreprise Feldschlössen. Malheureusement, l'affaire «Cardinal» n'est pas la seule du genre; au point que le simple mot «entreprise» déclenche souvent des réactions très négatives parmi nos concitoyens.
Or - et tout le monde en conviendra - les entreprises constituent le noyau de la vie économique et, par là même, le ciment indispensable à la vie de la société dans son ensemble. S'il est important de condamner les comportements qui «dépassent les bornes», notre groupe trouve plus important encore de mettre en évidence les entreprises, Dieu merci majoritaires, dont le comportement social est convenable ! C'est ainsi que nous vous soumettons un projet de motion qui invite le Conseil d'Etat à établir et à diffuser un guide permettant à chacun d'apprécier le comportement économique et social des entreprises, ainsi que le respect des consommateurs.
La tâche n'est certes pas aisée, mais il apparaît qu'un certain nombre de critères peuvent être retenus. S'agissant des travailleurs, il convient de prendre en compte le comportement de l'entreprise face à la création ou à l'application de conventions collectives de travail et face à la formation, par exemple. S'agissant de l'entreprise, sa capacité à être dynamique, son potentiel d'innovation et de création d'emplois peuvent également constituer des critères positifs d'appréciation.
Un tel guide est susceptible d'intéresser tout le monde. Tout d'abord, les entreprises, ensuite, les travailleurs et, bien entendu, les consommateurs qui, ultimement, pourront être amenés à privilégier les entreprises les plus responsables, tuant ainsi dans l'oeuf les velléités spéculatrices de certains managers obnubilés par la rentabilité à court terme et peu soucieux des dégâts sociaux qu'ils engendrent. Je vous remercie d'accueillir cette motion favorablement.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). L'entreprise citoyenne, évoquée dans cette motion, n'est pas une nouveauté. En France, le patron des patrons, Jean Gandois, la prône depuis quelques années.
En effet, la persistance de la récession nous confirme que nous sommes en train de vivre des changements structurels profonds, allant bien au-delà des phénomènes conjoncturels.
Quelles réponses donner à ce changement de société ? Une d'elles est d'imaginer de nouveaux modes d'organisation du travail, de répartition des richesses et d'un certain nombre de changements dans l'ordre et l'importance des valeurs. Dans ce contexte, l'entreprise peut jouer un rôle clé, car elle est souvent le moteur du développement de la société.
L'entreprise dite «citoyenne» peut prendre une part importante de responsabilités en signant une charte d'éthique de la gestion des ressources humaines, en ayant une politique pour un environnement de qualité et en ancrant son action économique dans la vie de la cité qui l'abrite.
Certaines de ces entreprises se sont déjà engagées sur ce chemin difficile, garant d'une gestion non pas orientée uniquement vers le profit mais aussi pour l'intérêt commun. Par ailleurs, la proposition de cette motion d'éditer un guide et un classement nous paraît extrêmement délicate.
En effet, quels sont les critères d'évaluation qui détermineront ce label ? Quel accueil fera-t-on à des entreprises qui appartiennent à des cartels internationaux ? Comment tiendrons-nous compte des freins au changement dus aux réglementations cantonales ou fédérales ? Quelles seront les personnes susceptibles d'accorder des bons points aux entreprises ? Les économistes, les sociaux ou le personnel concerné ? Toutes ces questions nous montrent que l'entreprise citoyenne ne peut être classée comme un Gault et Millau.
Convaincu, par ailleurs, que l'entreprise citoyenne doit constituer la base de la société de demain, le groupe radical vous propose de renvoyer cette motion à la commission de l'économie pour en étudier sa faisabilité.
M. Laurent Moutinot (S). Cette motion a pour but d'encourager une certaine éthique économique. Il s'agit d'une noble tâche à laquelle nous souscrivons volontiers.
Comme vient de le dire Mme de Tassigny, le rôle de l'Etat dans la promotion de l'éthique économique est, en revanche, beaucoup plus délicat. L'Etat intervient d'ailleurs déjà dans ce domaine, mais de manière limitée : il s'agit des conditions que doivent remplir les entreprises entendant participer aux adjudications de travaux publics, mais cela se limite à des critères techniques bien précis tels que le paiement à jour des cotisations sociales.
L'idée de la motion est de permettre au public, aux consommateurs, aux salariés, aux actionnaires, aux investisseurs de connaître non pas uniquement le résultat comptable des entreprises mais leur mode de fonctionnement, donc les conditions qu'elles réservent à leurs employés, les domaines dans lesquels elles travaillent. Il est juste qu'un outil permettant l'appréciation du comportement des entreprises sur le plan de l'éthique soit à la disposition de tous ceux qui interviennent sur le marché du travail.
Toutefois, la méthode d'un guide édité par l'Etat ne me paraît pas crédible. Je vois mal l'Etat s'ériger en arbitre et en juge des entreprises qui sont ses contribuables et ses administrées. En revanche, on pourrait élargir considérablement le champ de la motion en faisant, par exemple, la promotion des fonds de placement éthiques.
Aux Etats-Unis, depuis les années 60, existent des fonds de placement importants et influents par le truchement desquels les entreprises, qui y ont recours, acceptent de modifier leur comportement. Parmi leurs propositions, celles, par exemple, d'investissements dont les entreprises bénéficiaires garantissent qu'elles n'investiront pas dans le nucléaire ou dans le militaire, ou s'engagent à respecter l'égalité entre noirs et blancs, dans le cas des Etats-Unis.
Nous pourrions demander à la Banque cantonale de Genève, dont nous réclamons qu'elle ait une éthique bancaire au-dessus de tout soupçon, qu'elle prenne l'initiative d'offrir de tels fonds de placement. Dès lors, ces fonds pourraient être proposés au public et aux investisseurs institutionnels que sont, notamment, les caisses de pension.
Vue sous cet angle, une appréciation plus fine de ce qu'est une certaine éthique au plan économique devrait nous parvenir. Toutefois, et bien que le but de la motion soit bon, la méthode pour y arriver, consistant à charger l'Etat de ce rôle d'arbitre, me paraît extrêmement difficile à réaliser.
M. Armand Lombard (L). Cette motion nous paraît extrêmement intéressante, mais je n'en apprécie guère le ton.
En effet, la problématique y est abordée sous un angle négatif. Partir d'un considérant tel qu'une réaction à des comportements épars dans la société, considérés comme inacceptables, ne me semble pas constituer la base saine d'une discussion. Comme vient de le dire M. Moutinot, l'entreprise doit ajouter quelques éléments à son code du comportement social et définir ses critères de jugement. Mais, ce n'est pas en partant d'exemples négatifs qu'on y parviendra.
Il s'agit de disposer d'une éthique sur le plan économique, de critères de jugement et d'avoir un comportement social en rapport. Cette manière de procéder est extrêmement positive, toutefois, je déplore que nous partions d'un pied «très gauche» - si vous me permettez l'expression - au lieu de faire une analyse positive !
La demande de transparence est une idée très répandue dans notre société, et il devient nécessaire de l'appliquer. On exige une analyse et une connaissance des comportements de chacun. En bref, on ne vit plus sans transparence dans notre société, sans quoi, on y vit mal. Ceci est valable pour le monde économique et ses entreprises, pour l'Etat et ses institutions politiques, pour la société civile et ses associations, ses syndicats, ses groupements patronaux.
Sur le plan de l'Etat, un certain effort est fait. En ce qui concerne Genève, Arthur Andersen a développé une analyse du gouvernement - apprécié ou non - que le vote des citoyens sanctionne. La société civile s'autocensure par de nombreux moyens : associations, journaux, syndicats, télévision. C'est bien.
Quels sont les critères de jugement de l'éthique des entreprises ? Le marché - lorsqu'il fonctionne - est une des formes les plus démocratiques et les plus informatives d'un système. Malheureusement, il est basé sur des données financières qui semblent ne plus composer un éventail assez complet. Le bilan et le rapport annuel, qui sont demandés et exigés, publiés et lisibles par n'importe qui, pourraient aussi être critiqués, car ils ne donnent, en général, qu'une image purement financière de l'entreprise. La presse financière analyse et critique les entreprises; elle les évalue et les fait connaître. C'est le meilleur porteur de la connaissance de l'entreprise, mais peut-être que cela n'est toujours pas suffisant.
Je désire ouvrir une parenthèse concernant la remarque de M. Moutinot sur les fonds de placement éthiques. D'abord, Monsieur Moutinot, ces fonds existent. La Banque cantonale n'en a peut-être pas, mais vous pourriez leur en parler si vous le souhaitez.
La création de tels fonds est organisée par des gens compétents. Mais il est très important qu'ils ne soient pas basés sur des considérants négatifs, comme, par exemple : pas de nucléaire, pas d'armement - je me réfère à la remarque de M. Hiler disant : «On ne veut pas ceci ou cela...». Ces fonds éthiques sont intéressants dans la mesure où ils servent à des projets favorisant la création d'emplois ou à des entreprises qui innovent. Vous me direz que je prêche pour ma paroisse ! Il ne s'agit pas de cela, mais de l'expression d'une éthique positive.
L'Etat ne doit pas jouer un rôle d'arbitre ou de juge face à ses partenaires sociaux. Si c'était le cas cette étude serait partielle, puisque l'évaluation se ferait sur le comportement économique et social des entreprises; les éléments financiers de l'analyse manqueraient. L'Etat peut étudier l'abstentionnisme, régler les questions d'élection, analyser ses institutions, classer ses contribuables, énumérer ses services publics, mais il n'est pas de sa compétence de juger les entreprises ou, pire, de les classer selon leur comportement.
Sur le plan du système démocratique, ce serait une erreur d'empiéter sur le territoire de partenaires qui, d'eux-mêmes, doivent s'équiper pour informer la société. L'Etat n'a pas un rôle de préséance dans l'évaluation de ses autres partenaires.
Je souhaite que cette motion soit renvoyée en commission...
La présidente. Un peu d'attention, s'il vous plaît !
M. Armand Lombard. Mon attention ou mon silence !
La présidente. J'ai demandé un peu d'attention !
M. Armand Lombard. Merci beaucoup, Madame la présidente !
La présidente. Eh bien, c'est la même chose ! Quand on est attentif, on ne parle plus ! On vous écoute, Monsieur Lombard !
M. Claude Blanc. C'est trop long !
M. Armand Lombard. Merci, Madame la présidente. Je continue mon discours, même si M. Blanc le trouve trop long. Effectivement, ce sujet ne concerne ni la commune, ni les logements, ni la moindre critique au Conseil d'Etat, alors...
Par le truchement de cette motion, le Conseil d'Etat devrait inciter le secteur économique - les chambres de commerce, les associations patronales et syndicales - à publier une meilleure information. Elles devraient être tenues, et surtout la presse, pour responsables de la transparence du secteur économique privé. Ce procédé serait certainement plus efficace et moins onéreux. Il serait plus sûr et plus conforme à l'Etat démocratique.
Pour ces raisons, je vous prie de renvoyer cette motion en commission.
M. David Hiler (Ve). A plusieurs reprises, j'ai été surpris d'entendre, utilisés par les orateurs, des termes qui ne figurent pas dans la motion.
En effet, cette motion ne traite ni d'éthique ni d'environnement, mais de comportement économique et social. En commission, nous essaierons d'inclure un certain nombre de ces éléments nouveaux dont il est question dans cette discussion. Pour ce qui est du volet économique et social, les nouvelles manières de diriger les entreprises, exclusivement dirigées vers le profit des actionnaires, posent un problème.
Ces méthodes - au cas où l'un ou l'autre d'entre vous l'ignorerait - ont été enseignées dans des universités publiques. C'est par le biais de la formation... (Mme Brunschwig Graf proteste.) Oui, Madame Brunschwig Graf, allez à Saint-Gall et vous verrez que l'enseignement y est extrêmement dur de ce point de vue et que l'on enseigne ces principes. L'une des premières choses à faire est de veiller à ce que, de manière générale, les directives relatives n'aillent pas dans le sens exactement opposé à celui de la motion.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Et la liberté académique, Monsieur Hiler ?
M. David Hiler. La liberté académique est relative. Elle dépend de l'intitulé du cours ! En tant que pouvoir politique accordant des subventions, vous pouvez décider - vous ne le ferez pas pour d'autres raisons, Madame Brunschwig Graf - qu'il est important de présenter certaines considérations dans les facultés de sciences économiques et sociales - comme celles de la motion, par exemple - plutôt que de développer la notion de rentabilité à court terme au profit d'un petit groupe. Vous avez parfaitement le droit de faire ce choix politique, car il est faux de croire que l'université se situe en dehors de la politique. Ceci est d'autant plus regrettable que nous avons de véritables usines à produire des managers, dont la tâche est de ne pas tenir compte de l'emploi ni des critères généraux. Il convient de revoir cet aspect du problème, Madame Brunschwig Graf, sans que cela ne se fasse par des mesures administratives; un simple débat public - comme vous ne l'ignorez pas - suffit, en général, à refroidir certains enthousiasmes mal placés...
Si ce qui se dit dans les universités - le genre de cours qui y sont donnés - apparaissait dans la presse, un certain nombre de gens très à l'aise et vivant en vase clos seraient un tout petit peu plus embêtés, à chaque apparition de ce que l'on peut appeler un «gros problème économique», c'est-à-dire les suppressions d'emplois.
De ce point de vue, nous soutiendrons cette motion. Nous partageons un certain nombre de réticences sur la formule du Gault et Millau, et il est vrai que son application paraît un peu difficile. En ce qui concerne l'évaluation, il existe des fonds éthiques, certes, mais il existe également, en Suisse, une banque alternative qu'il serait bon de consulter sur ces objets.
M. Bernard Clerc (AdG). J'ai l'impression que cette motion est empreinte de la nostalgie d'une époque où tout allait bien; les entreprises faisaient du profit et avaient un certain comportement social. Elles accordaient des augmentations de salaire. Bref, tout «baignait» ! A l'époque, nul n'était besoin d'établir un registre du comportement social des entreprises.
Aujourd'hui, la réalité fait que les conditions d'existence d'un certain nombre d'entreprises déterminent leur comportement antisocial. Cette logique est fondamentale, inhérente à notre système social, celle du profit. En période de crise économique, pour maintenir une telle logique, les individus qui dirigent les entreprises ont un comportement antisocial, non par volonté mais par nécessité. Il est important de le rappeler, afin de ne pas nous bercer d'illusions. D'ailleurs, je ne suis pas sûr qu'un registre tenu par l'Etat puisse améliorer quoi que ce soit en la matière.
Par contre, l'Etat peut poser un certain nombre de conditions minimales par la voie de la législation, afin de limiter les dégâts. Dans ce registre, je regrette que les auteurs de cette motion, le parti démocrate-chrétien, en particulier, ne nous suivent pas dans la défense d'un certain nombre de garde-fous. C'est sur ce terrain que j'aurais aimé les voir, plutôt que sur une motion assez illusoire.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.
(M 1101)
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que l'emploi reste une préoccupation primordiale des politiques actuelles;
- que s'il est vrai que l'Etat n'est pas le principal maître de l'emploi, il est cependant utile d'explorer les pistes grâces auxquelles il peut favoriser la prise d'emploi plutôt que de pérenniser le chômage,
invite le Conseil d'Etat
- à considérer la possibilité de faciliter, pour les chômeurs qui trouveraient un emploi dans un autre canton, leur déménagement et leur installation, cela en collaboration avec la Confédération, et dans un contexte de réciprocité et de collaboration intercantonale;
- à considérer la possibilité d'une participation de l'Etat, en collaboration avec la Confédération, pour le financement de stages pour jeunes chômeurs dans un autre canton ou à l'étranger;
- à améliorer la formation des chômeurs non seulement en fonction de leurs qualifications mais en fonction de leurs possibilités de réinsertion.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le chômage est le mal socio-économique actuel majeur des pays occidentaux et européens en particulier. Nous sommes convaincus que la meilleure façon de résoudre le problème du chômage à terme est d'investir tous les efforts possibles dans la relance économique et donc la création d'emplois. Cependant, à Genève, il paraît probable que le chômage restera un problème de longue durée, un chômage qui découle aujourd'hui de dysfonctions avant tout structurelles, plus que conjoncturelles. Ces dysfonctions justifient que les moyens pour y remédier bénéficient de l'appui équilibré de tous les intervenants. La solidarité et l'ouverture vis-à vis d'une politique de l'emploi doivent donc inclure tous les partenaires impliqués: les entreprises, l'Etat et les citoyens; chacun doit être prêt à contribuer à la mise en oeuvre de mesures aptes à créer des emplois et toutes les mesures susceptibles de contribuer à la prise d'emploi doivent être considérées. De nombreuses mesures ont été récemment mises en place par le Conseil d'Etat; les propositions faites ici ont pour but d'optimiser encore cet ensemble de mesures.
En ce qui concerne tout d'abord la possibilité que l'Etat, en collaboration avec la Confédération, facilite le déménagement et l'installation de chômeurs qui trouveraient un emploi dans un autre canton, il s'agit ici d'adapter les systèmes mis au point avec succès par certaines sociétés multinationales pour leurs collaborateurs expatriés. Il ne s'agit bien sûr pas d'«expatrier» les chômeurs, mais de favoriser la mobilité intercantonale, à l'intérieur de nos «micromarchés», et cela non seulement par une meilleure coopération entre les bureaux de placement, mais aussi par des mesures incitatives, telle une aide financière ponctuelle, pour le chômeur lui-même qui trouverait un emploi répondant à son attente dans un autre canton. Le marché local du travail n'est pas en mesure d'offrir immédiatement à toutes les personnes à la recherche d'un emploi un poste adéquat. Il faut donc valoriser la mobilité géographique, car l'extension du bassin potentiel d'employeurs et d'employés et la maximalisation des possibilités de déplacement, y compris l'installation, le cas échéant, dans un autre canton, ne peuvent que favoriser la prise d'emploi du plus grand nombre.
Notre deuxième proposition de considérer la possibilité d'une participation de l'Etat, en collaboration avec la Confédération, pour des montants de l'ordre de 33 à 50% et pour une période déterminée d'environ 3 à 6 mois, pour les jeunes chômeurs qui trouvent un stage dans un autre canton ou à l'étranger. Cette proposition rentre dans le même cadre de préoccupations de maximaliser les possibilités de prise d'emploi grâce à la mobilité géographique et au multilinguisme. Il existe d'ores et déjà la possibilité d'effectuer des stages pratiques en Suisse alémanique, d'une durée de 6 mois, stages pratiques qui ont pour objectif de pallier le manque d'expérience professionnelle. Le succès est exemplaire: 55% des jeunes qui effectuent un stage sont engagés directement par l'entreprise concernée. La généralisation de ce type de stage, son extension à l'étranger, la contribution de l'Etat dans un concept de partenariat pour l'emploi, devraient permettre de généraliser ses effets positifs.
Finalement, l'amélioration de la formation des chômeurs devrait encore maximaliser les possibilités de prise d'emploi. Cette formation devrait être conçue non seulement en fonction des qualifications des chômeurs mais surtout en fonction de leur possibilités de réinsertion. En effet, quelles que soient les qualifications des chômeurs, elles ne leur permettent pas nécessairement de retrouver un travail, et ils devraient pouvoir bénéficier d'une formation le plus en rapport possible avec les besoins du marché de l'emploi. Le Conseil économique et social pourrait être impliqué dans les choix et les définitions des formations à offrir aux chômeurs, afin d'assurer que ce type de formation se fasse au mieux en fonction des besoins réels de l'économie, et cela en particulier pour les chômeurs de longue durée. Certaines entreprises pourraient ainsi accueillir des chômeurs (en particulier de longue durée) pour des formations spécifiques, ce qui contribuerait à leur intégration et favoriserait la solidarité. En effet, l'emploi des chômeurs de longue durée pose des problèmes spécifiques qui, s'ils ne sont pas résolus, sont susceptibles d'entraîner l'exclusion individuelle et de mettre en cause la cohésion sociale. Il y a donc lieu de fournir un effort particulier dans ce domaine, car l'augmentation des prestations dans la durée ne peut être en tant que telle une solution au problème de chômage de longue durée. La qualité de la formation des chômeurs ne peut que compléter efficacement les autres mesures incitatives déjà proposées par le Conseil d'Etat pour l'emploi de cette catégorie de chômeurs.
Pour tous les motifs exposés ci-dessus, les proposants de la présente motion vous invitent, Mesdames et Messieurs les députés, à lui réserver bon accueil.
(M 1102)
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- que l'emploi reste une préoccupation primordiale des politiques actuelles;
- que le marché de l'emploi local n'est pas en mesure d'offrir immédiatement un poste adéquat à toutes les personnes à la recherche d'un emploi;
- que l'extension du bassin géographique concerné par les recherches d'emploi augmente les chances de trouver un tel poste;
- que la nouvelle législation sur le chômage implique, le cas échéant, que le chômeur accepte un poste de travail justifiant un déplacement quotidien potentiellement important
invite le Conseil d'Etat
à développer rapidement un système de collaboration performant entre bureaux de placement publics par-dessus les frontières cantonales.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le chômage est le mal socio-économique actuel majeur des pays occidentaux et européens en particulier. En Suisse romande, il paraît probable que le chômage restera un problème de longue durée, et le marché local du travail n'est pas en mesure d'offrir immédiatement à toutes les personnes à la recherche d'un emploi un poste adéquat. Il faut donc favoriser la mobilité géographique. La nouvelle loi sur le chômage va dans ce sens, puisqu'elle prévoit, le cas échéant, que le chômeur accepte un poste de travail justifiant un déplacement quotidien potentiellement important. Mais encore faut-il favoriser l'applicabilité de la loi en augmentant la qualité de l'information de l'ensemble des acteurs concernés, personnels des services de l'emploi et chômeurs. Il semble fort possible que Genève compte parmi ses chômeurs la personne qui a la qualification précise recherchée par un employeur dans le canton de Vaud par exemple, et réciproquement. L'extension du bassin potentiel d'employeurs et d'employés et la fluidité de l'information ne peuvent que favoriser la prise d'emploi du plus grand nombre.
Pour les motifs exposés ci-dessus, les proposants de la présente motion vous invitent, Mesdames et Messieurs les députés, à lui réserver le meilleur accueil.
Débat
Mme Barbara Polla (L). Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je souhaite vous proposer, dans le but d'être concis, que nous traitions dans un même temps les motions 1101 et 1102, dans la mesure où les considérants sont de la même veine et leurs invites complémentaires.
La présidente. Je mets aux voix la proposition de traiter ces deux motions ensemble.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Mme Barbara Polla (L). Le chômage, comme nous le savons tous, est un des problèmes majeurs des pays européens, et du nôtre en particulier.
Plus que jamais, nous sommes convaincus que la meilleure façon de résoudre ce problème à long terme est la relance économique. Cela ne nous empêche pas de contribuer, dans la mesure du possible et par les moyens les plus divers, à la prise d'emploi.
Nous ne pouvons pas espérer régler les problèmes du chômage par nos actions seules, mais nous sommes convaincus que nos propositions d'action, en corrélation avec celles mises en place par le Conseil d'Etat en général, et par le département de l'économie en particulier, indiquent des pistes complémentaires pour la prise d'emploi.
Les propositions sur lesquelles nous travaillons appartiennent à quatre domaines différents :
Premièrement, il s'agit des actions fiscales. A ce titre, l'Entente a déposé plusieurs projets de lois devant ce parlement, actuellement à l'étude à la commission de l'économie. Deuxièmement, des actions favorisant la formation et sur lesquelles nous reviendrons avec les motions 1096 et 1103. Troisièmement, celles en faveur d'une meilleure gestion interne du problème du chômage - ces deux motions se situent dans ce cadre. Quatrièmement, les actions concernant la création, l'innovation, le crédit, la promotion, le financement et la pérennité des entreprises, sujets dont nous avons abondamment parlé hier, et sur lesquels nous reviendrons.
Pour revenir aux propositions de motions 1101 et 1102, il nous paraît évident que le marché local du travail n'est pas en mesure d'offrir immédiatement un poste adéquat à toutes les personnes à la recherche d'un emploi. Par contre, le poste recherché existe peut-être dans un autre canton. Dans ce cas, nous proposons que le Conseil d'Etat prenne en considération la possibilité de faciliter le déménagement et l'installation des chômeurs désirant se déplacer et trouver un emploi ailleurs. Par voie de conséquence, leur prise d'emploi serait facilitée. Naturellement, ce procédé serait réalisable dans un contexte de collaboration intercantonale et de réciprocité.
S'agissant de la motion 1102, nous proposons une meilleure collaboration entre les bureaux de placement publics intercantonaux, en particulier dans la région lémanique. L'extension du bassin potentiel d'employeurs et d'employés, le développement d'un système performant de communications et d'interactions entre ces bureaux de placement devraient favoriser la prise d'emploi du plus grand nombre. Cette mobilité n'est pas seulement importante pour rendre maximales les chances des chômeurs de trouver un emploi, elle est aussi essentielle pour la qualité de la formation des jeunes. Nous y reviendrons.
Nous désirons que le Conseil d'Etat considère la possibilité de financer partiellement des stages, dans d'autres cantons, en Suisse alémanique ou à l'étranger, pour les jeunes. L'adaptabilité et le multilinguisme qui découlent de cette mobilité favoriseront la prise d'emploi des jeunes. Il est établi que ce type de démarches, par exemple en entreprise, favorise leur prise d'emploi. Dans un contexte de partenariat, nous souhaitons généraliser les effets positifs de ce type de stages en vue de favoriser l'emploi.
Finalement, la dernière invite de la motion 1101 concerne la formation des chômeurs et, plus spécifiquement, celle des chômeurs de longue durée. Nous proposons que cette formation se fasse au moins autant sur la base des besoins du marché que sur celle de la formation antérieure des chômeurs.
Le Conseil économique et social pourrait contribuer à définir les besoins et les formations à offrir à cette catégorie de chômeurs, de façon qu'elles soient le plus possible en rapport avec les besoins du marché de l'emploi et que les occupations temporaires deviennent plus souvent des occupations définitives et, à proprement parler, un travail.
En conclusion, ces différentes mesures sont susceptibles de contribuer à améliorer la prise d'emploi. Je vous remercie de bien vouloir renvoyer les deux motions à la commission de l'économie où elles pourront certainement être améliorées et concrétisées par ses excellents commissaires.
Mme Claire Chalut (AdG). En prenant connaissance de cette motion, on se souvient d'un passé pas si éloigné. J'ai l'impression que l'on veut instaurer une sorte de marché, je ne dirai pas «d'esclaves» pour être polie, mais tout de même... Dans les années 70, au début de la crise économique, la première action de la Suisse fut de renvoyer les étrangers. Elle pensait résoudre ainsi le problème du chômage. Malheureusement, tel n'a pas été le cas.
Ces deux motions me font penser que, si Genève veut résoudre son problème de chômage, elle demandera au canton d'accepter ses chômeurs ou, sinon, elle les invitera à aller chercher du travail ailleurs...
On se demande si les chômeurs auront l'obligation de se livrer à cette opération, car, si tel était le cas, on se poserait la question de la libre circulation, du libre choix de prospecter d'abord ici avant d'aller ailleurs.
Je ne sais pas si vous voulez renvoyer ces motions en commission, mais, pour ma part, je les mettrais bien ailleurs !
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Madame Polla, je n'aime pas vos motions !
Une voix. Oh !
Mme Fabienne Blanc-Kühn. Je ne les aime pas, car elles me rappellent un débat en commission de l'économie où vous nous avez fait un grand laïus pour nous expliquer que les chômeurs étaient comme des cellules biologiques qui manquaient de stimulation et qu'une des stimulations possibles était, notamment, de couper les indemnités. Alors, Madame Polla, je n'aime pas vos motions, et je vais vous expliquer pourquoi !
Vous défendez la mobilité professionnelle, l'ouverture sur d'autres horizons et vous nous proposez des mesures qui sont pour le moins discutables. C'est ainsi, selon vous et les autres motionnaires, qu'une aide ponctuelle pourrait être envisagée si la personne, préalablement au chômage, trouve un emploi dans un autre canton.
Le problème majeur n'est pas celui du déplacement - pour cela, on pourrait demander à votre collègue Balestra de procéder au déménagement ! - mais bien de trouver un emploi. Hélas, si je me réfère aux statistiques suisses, je suis bien obligée de remarquer qu'une personne francophone souhaitant travailler dans l'arc lémanique aura bien peu de chances.
Je vous renvoie aux dernières statistiques suisses de chômage, en ce qui concerne les cantons : Vaud : 8,3% de chômage; Valais : 8,9%; Neuchâtel : 6,3% et Jura : 7,4%... J'imagine que vous connaissez le taux de chômage à Genève qui est de 7,8% !
A mon avis, Madame Polla, si, en plus, vous voulez développer les échanges linguistiques, il ne vous reste plus qu'Appenzell Rhodes-Extérieures avec 2,7% ou Appenzell Rhodes intérieures où vous ferez réellement une percée, car le taux de chômage ne s'élève qu'à 2%. Voilà pour l'échange linguistique !
La difficulté rencontrée par ces personnes est donc bien de trouver un poste de travail, et cette difficulté est bien réelle. Quant aux stages dans les entreprises, auxquels vous faites allusion, je vous renvoie à une lecture attentive de la loi fédérale sur l'assurance-chômage, dans laquelle vous trouverez toutes les réponses aux questions que vous posez dans cette motion.
En ce qui concerne la formation, là encore, même si les motionnaires invoquent des raisons structurelles à la crise, les moyens qu'ils nous proposent restent ponctuels et inadéquats. Bien entendu, une bonne formation professionnelle et un solide perfectionnement favorisent l'emploi, mais - et les statistiques de chômage, encore elles, le démontrent - il manque des postes de travail. Le travail existe, bel et bien, mais, par contre, les postes manquent.
Donc, la politique incitative doit aussi être menée par le patronat en engageant du personnel. Le seul moyen possible est certainement de diminuer le temps de travail, afin de garantir à chacun le droit au travail et à l'existence, le droit à la stimulation, direz-vous !
Le groupe socialiste, au vu de l'inadéquation des mesures qui sont proposées, vous propose de rejeter cette motion.
M. Pierre-Alain Champod (S). Nous ne sommes d'accord qu'avec un seul des considérants, soit que le problème de l'emploi est actuellement le plus grave des problèmes sociaux et économiques.
En ce qui concerne l'invite de la deuxième motion, la 1102, nous ne serions pas opposés à une meilleure collaboration entre les bureaux de placement de Genève et ceux des cantons voisins, mais encore faudrait-il que l'office cantonal de l'emploi fonctionne de manière satisfaisante à Genève !
En revanche, comme l'a dit ma collègue, nous avons des doutes sur l'efficacité de ces mesures, compte tenu du taux élevé de chômage dans l'ensemble de la Suisse romande.
Un autre point relève d'une incohérence dans vos rangs. A travers ces motions, votre discours est d'encourager la mobilité. Il convient que, en fonction des emplois qu'ils trouvent, les gens puissent passer d'un canton à l'autre. Or, dans beaucoup de lois, votre groupe freine la mobilité en augmentant la durée des délais de séjour donnant droit à des prestations.
Par exemple, dans le domaine du logement social, vous proposez que les gens résident non plus deux ans, comme c'est le cas actuellement, mais cinq ans pour pouvoir bénéficier d'une aide au logement ou d'un logement subventionné. Imaginons le cas d'une personne au chômage, trouvant un emploi dans le canton de Neuchâtel et bénéficiant, grâce aux dispositions de la LACI, d'une aide pour son déplacement dans le canton de Neuchâtel. Cette personne y travaille une année et perd son emploi. Compte tenu des liens sociaux qu'elle a à Genève, elle décide d'y revenir. Durant cinq ans, elle n'aura pas droit à bénéficier d'un HLM ou d'une allocation logement. Idem pour les mesures cantonales d'aide aux chômeurs. Le délai est actuellement d'une année et vous proposiez, en commission, de le porter à deux ans.
Ou on est pour la mobilité, et on encourage les gens par tous les moyens à passer facilement d'un canton à l'autre, ou on est contre. Mais on ne peut pas être une fois pour et une fois contre.
Sur ce point, vous manquez de cohérence, car votre vision des problèmes de notre société n'est pas globale. C'est pourquoi le groupe socialiste ne soutiendra pas ces motions.
M. Hervé Dessimoz (R). Mesdames et Messieurs les députés...
La présidente. Je ne vous entends pas, Monsieur Dessimoz, car M. Ducommun rit trop fort.
M. Hervé Dessimoz. Je suis très déçu de la position de la gauche sur ces motions. J'ai le désagréable sentiment d'un règlement de compte par rapport au débat précédent. En effet, les choses que j'ai entendues m'étonnent de la part de personnes qui, jusqu'à ce jour, m'avaient habitué à une honnêteté intellectuelle que je respectais. (Rires.) J'ai entendu parler de «marché d'esclaves». M. Clerc, tout à l'heure, dans son discours sur la logique du profit, a parlé de «motions empreintes de nostalgie» ainsi que de «logique de survie». Comme chef d'entreprise, tous ces propos me paraissent... vraiment nostalgiques.
Aujourd'hui, il convient de veiller à la survie de l'entreprise. Le chef d'entreprise, ses collaborateurs et ses employés essaient de trouver des solutions pour assurer sa pérennité. Ils veulent sauvegarder l'emploi pour préserver la dignité de chacun dans son droit au travail. On parle du droit au logement, mais personne ne veut défendre le droit au travail.
Ce n'est pas avec des lois ou des règlements que le droit au travail sera donné, mais grâce à la volonté de chacun de prendre la responsabilité d'assumer l'engagement collectif pour faire front à des conditions qui ne sont pas dépendantes de la politique locale, mais de la compétition internationale. Dans tous les cas, nous ne pourrons pas combattre cette compétition à l'aide de ce genre de débats, ni même en votant des lois au Parlement fédéral. Il nous faut compter sur la seule volonté de survivre, car, en ce moment, on parle de «survie» !
Mme Polla, qui s'est exprimée en premier lieu sur ce sujet, a porté le débat sur le problème de la mobilité. Dans une autre motion, qui sera traitée au chapitre du département de l'instruction publique, nous parlerons des plans de carrière pour jeunes diplômés universitaires. Cela peut paraître un peu fragmentaire - nous sommes d'accord - mais c'est une hérésie de dire aux gens sans emploi à Genève que l'Etat et les entreprises sont les seuls à pouvoir solutionner leurs problèmes.
La solution est dans la mobilité, dans la volonté de trouver, par soi-même aussi, des possibilités de travailler. D'ailleurs, cette solution n'est pas nouvelle, puisque nos ancêtres acceptaient déjà de s'expatrier. Je me rappelle que de nombreuses familles de la Suisse romande sont parties en Amérique du Sud pour y chercher des emplois, car leur dignité n'était pas garantie en Suisse.
Je ne comprends donc pas votre langage réducteur. Au fond, cette motion n'est pas du tout politique, mais montre la volonté affirmée d'un parlement d'aider des gens à trouver un emploi, même si cet emploi se trouve ailleurs que dans le petit cocon bien confortable de notre République.
Si le taux de chômage est élevé en Suisse, c'est en raison de la passivité de ses ressortissants. Ces derniers sont passifs, parce qu'on leur promet monts et merveilles : le partage du temps de travail, donc. Par expérience, je sais que le fossé s'élargit entre ceux qui ont du travail et ceux qui n'en ont pas. Les conditions économiques font que les employés doivent travailler deux fois plus qu'avant et, malheureusement, au détriment des désoeuvrés.
Mais cela, Madame Blanc-Kühn, vous ne le changerez pas ! Il s'agit d'un réseau économique international qui ne répond à aucune logique. Nous n'avons pas la capacité de lutter contre cette situation. Je ne dis pas que cette dérive est acceptable, mais je ne vois pas encore comment la maîtriser et nous réorienter.
C'est pourquoi chaque contribution apportée à la recherche d'un poste de travail, même si ce dernier se trouve à une longue distance, m'apparaît être une chose positive. C'est pourquoi, en dehors de toute appréciation politique, je vous demande d'accepter le renvoi de ces motions à la commission de l'économie.
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. C'est un bien curieux débat ! Du côté des motionnaires, on manque singulièrement d'informations, tandis que, de l'autre, on fait montre d'un bel amalgame de sophismes.
Il faut renvoyer ces objets en commission, car la première motion concernant les mesures dites de «responsabilisation collective» en faveur de l'emploi touche un dispositif existant dans la LACI, dont il faut que vous preniez connaissance. Dans sa nouvelle version, le droit fédéral prévoit l'ensemble des dispositions que vous suggérez, sauf une : celle de l'indemnité de déménagement. A ce propos, nous sommes intervenus auprès de l'OFIAMT pour savoir si l'on pouvait transformer des frais de déplacement, possibles sur une durée de six mois, en une indemnité de déplacement. Cette administration s'y refuse.
Quant à la coopération entre les offices de placement, sachez que des systèmes de communications extrêmement poussés existent entre eux ! Le vrai problème n'est pas là. Vous pouvez développer toute la coopération que vous voudrez entre les offices de placement de tous les cantons possibles et imaginables, si vous n'avez pas plus de «boulot» à offrir que ce que le nombre de chômeurs requiert, vos systèmes informatiques de coopération les plus performants deviennent limités.
Mais, au-delà de toutes ces considérations, nous pourrons approfondir ce débat en commission, de façon que vous ayez les informations nécessaires pour faire une analyse critique du système existant et déterminer s'il fonctionne. Dans le cas contraire, il conviendra de voir si on peut l'améliorer ou si nous avons la capacité, en fonction de nos compétences cantonales, de proposer un système plus performant.
M 1101
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.
M 1102
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.
LE GRAND CONSEIL,
- vu la mise en faillite de la Compagnie Noga d'importation et d'exportation SA;
- vu les conséquences de cette faillite sur les autres sociétés dont M. Nessim Gaon est le propriétaire économique;
- vu les implications qui en résultent pour l'économie locale et la Banque cantonale;
- vu les relations de certaines de ces sociétés avec l'Etat de Genève, la Ville de Genève et d'autres collectivités publiques;
- vu les intérêts publics en cause,
invite le Conseil d'Etat
à lui présenter, en fonction du registre des poursuites des offices de poursuites de notre canton, un rapport sur la situation des diverses sociétés propriété de M. Nessim Gaon et plus particulièrement sur celles concernant directement l'Etat et la Ville de Genève, à savoir:
- la SA du Grand Casino, propriétaire de l'hôtel Noga Hilton construit sur un terrain propriété de la Ville de Genève concédé en droit de superficie;
- la société Noga Invest SA, bénéficiaire de subventions de l'Etat de Genève pour ses frais d'architecte et d'un droit de superficie portant sur un terrain propriété de l'Etat dans le périmètre de la zone industrielle de Sécheron,
à lui présenter un rapport sur le montant des arriérés d'impôts de ces diverses sociétés, notamment la société Noga Invest SA;
à lui présenter un rapport sur le montant des hypothèques consenties par la Banque cantonale grevant des biens immobiliers propriété des sociétés de M. Nessim Gaon ou propriété personnelle de ce dernier, ainsi que le montant des arriérés d'intérêts et d'amortissements dus à la Banque et le relevé des poursuites notifiées par cette dernière pour le recouvrement de ces sommes
EXPOSÉ DES MOTIFS
La Cour de justice vient de prononcer la faillite de la société Noga, propriété de M. Nessim Gaon, dont l'état d'insolvabilité est notoire depuis longtemps et qui a bénéficié de la part du Tribunal de première instance d'une bienveillance incroyable dans le cadre de ses demandes successives d'ajournement de faillite motivées par une prétendue créance contre un Etat étranger contestée par ce dernier. On peut craindre que ces refus successifs du Tribunal de prononcer la faillite n'ait fait qu'accroître le découvert de cette société et son surendettement au détriment de ses créanciers.
Cette faillite interpelle les pouvoirs publics en raison de l'ampleur du découvert et des risques de faillites en résultant pour la douzaine d'autres sociétés du groupe Noga, dont certaines sont également fortement endettées, ou pour d'autres sociétés n'en faisant pas partie et des conséquences en découlant pour l'économie locale, la Banque cantonale et certains intérêts publics liés à l'activité de sociétés telles que la SA du Grand Casino ou Noga Invest SA. Le Conseil d'Etat et la Banque cantonale, établissement public garanti par l'Etat, se doivent - à présent plus que jamais - de donner à ce sujet les éclaircissements demandés à réitérées reprises. Le Conseil d'Etat doit notamment s'expliquer sur les diverses faveurs dont Noga Invest SA a bénéficié pour ses projets immobiliers à Sécheron, sur la restitution du terrain concédé à cette société en droit de superficie pour son «projet bidon» d'usine destinée à Sécheron SA, sur les montants qu'elle a versés en contrepartie de ce droit de superficie, sur les subventions qui lui ont été versées pour ses frais d'architecte alors qu'elle est débitrice d'arriérés d'impôts.
La Banque cantonale, qui porte avec le Conseil d'Etat une lourde responsabilité dans la débacle de l'opération spéculative de Sécheron, doit rendre publique l'importance des crédits hypothécaires consentis par la Banque cantonale et le montant des intérêts et amortissements dus sur ces crédits. Elle doit expliquer les motifs pour lesquels il n'y a pas de poursuites enregistrées à l'office des poursuites pour les importants arriérés d'intérêts et d'amortissements dus par Noga Invest SA, alors que des débiteurs ordinaires sont immédiatement mis aux poursuites en cas de retard dans leurs paiements.
Elle doit dire la vérité sur les conditions de rachat de Sécheron SA puis, une année plus tard, de sa holding, indiquer le prix des rachats sous forme d'abandon de créances au profit de Noga Invest SA (bien que la direction de la Banque ait refusé de rendre public le montant de ce rachat, la presse a articulé à l'époque qu'il s'agissait d'une somme de 50 millions de francs !), faire connaître la situation financière réelle de cette entreprise décrite sous un jour particulièrement favorable lors de son rachat, indiquer notamment si elle a fait l'objet d'une expertise avant son rachat, l'importance de sa production à Genève, la nature et la solidité des liens avec les sociétés jointes («joint ventures») formant la holding, l'état des négociations quant à sa revente (qui devait intervenir dans les mois suivant son rachat), le montant des augmentations de capital-actions pris en charges par la BCG ainsi que le montant des prêts qu'elle a éventuellement consentis ou des fonds propres qu'elle a investis dans cette société, notamment sous forme d'augmentations de capital.
Débat
M. Christian Grobet (AdG). Il n'y a pas si longtemps, la presse publiait un article faisant état du fait que la plupart des banques cantonales de Suisse alémanique pratiquaient un taux d'intérêt hypothécaire à 4,5%, alors que celui des banques cantonales romandes était à 5%; ce qui est un écart relativement important.
Voilà quelques jours, on nous a annoncé que la Banque cantonale n'ajusterait pas son taux à celui des banques d'outre-Sarine. Nous ne parlons pas de la banque Migros qui est, sans vouloir faire de la publicité à l'égard de cette grande société coopérative... (M. Maitre sourit.) Oui, on peut toujours sourire, Monsieur Maitre, mais cette banque offre aujourd'hui, en Suisse, le taux d'intérêt hypothécaire le plus bas. D'ailleurs, les analystes financiers expliquent que cette banque a mené une politique raisonnable au niveau des prêts hypothécaires; elle n'a donc pas connu les «bouillons» d'un certain nombre d'autres banques.
Si, aujourd'hui, le taux de l'intérêt est plus élevé à Genève, notamment, qu'en Suisse alémanique, la raison en est que la Banque cantonale doit constituer des provisions pour un certain nombre d'affaires extrêmement malheureuses, ainsi que pour des prêts bancaires consentis, quelques années en arrière, avec énormément de légèreté. C'est le moins que l'on puisse dire !
Au demeurant, nous relevons que des opérations très curieuses continuent à s'effectuer à la Banque cantonale. Récemment, on a pu lire dans la «Feuille d'avis officielle» que des immeubles, propriété de la banque, ont été vendus pour 120 millions à une fondation. Or, quelques jours plus tard, à la suite de certaines interrogations, la Banque cantonale a fait, tout à coup, un communiqué, et on peut se demander pourquoi cette information n'a pas été donnée à l'avance. Il faut dire que, de manière systématique, la Banque cantonale donne soit des informations «à la retirette» ou alors, souvent, des informations erronées. Je ne donnerai qu'un seul exemple :
Lorsque les sociétés du peu intéressant sieur Stäubli commençaient à être mises en faillite dans le canton de Vaud, un porte-parole, bien entendu anonyme de la Banque cantonale - mais cela a été publié dans un grand quotidien au mois de septembre - a déclaré qu'il n'y avait aucun souci à se faire concernant la solidité de la société JS Holding SA. Depuis lors, on sait ce qu'il est advenu de ce holding.
En définitive, nous ne pouvons pas, dans l'intérêt de l'économie genevoise, nous désintéresser de la manière dont la Banque cantonale a géré les fonds, a consenti certains prêts, a accumulé les pertes. Nous prenons acte du fait que la banque a constitué des provisions et que, par voie de conséquence, elle devrait être en mesure de faire face aux difficultés rencontrées par certains de ses débiteurs. Il faut noter que certains d'entre eux sont lourdement endettés et, notamment, M. Gaon et ses sociétés. J'y reviendrai tout à l'heure.
Il n'en demeure pas moins que la nécessité de constituer des provisions fait que la banque ne peut pas offrir les taux d'intérêt que l'on pourrait espérer. En effet, pour relancer l'économie, des prêts à des taux aussi bas que possible seraient souhaitables. Malheureusement, la Banque cantonale ne peut pas fournir ces taux qui amélioreraient la vie d'un certain nombre d'entreprises.
Notre motion parle du cas particulier de la société Noga. Pourquoi ? Je vous rappelle que le groupe socialiste avait déposé, il y a un an ou deux, une motion demandant la mise sur pied d'une commission d'enquête pour examiner un certain nombre d'éléments. Cette motion a été renvoyée en commission pour en discuter l'opportunité. La majorité des membres a estimé qu'aucun élément concret ne permettait de justifier la création d'une telle commission.
Néanmoins, nous étions un certain nombre à faire état de nos préoccupations quant à l'importance des dettes de la société Noga et celles de ses filiales. Quelques députés - libéraux, me semble-t-il - imputaient la responsabilité de cette faillite à ses actionnaires. C'est faux, car une faillite peut mettre l'actionnaire dans une situation difficile, bien que certains grands débiteurs de la République semblent se porter relativement bien et avoir des résidences, pas seulement dans la République ! Par exemple, on voit un notaire félon, installé en Bourgogne, et recherché à Neuchâtel pour dettes spéculatives, commises notamment à Genève ! Cela, simplement pour dire que le failli n'est pas toujours celui qui «trinque» !
Par contre, ceux qui «trinquent», à coup sûr, sont effectivement les créanciers du failli, car ils ne sont pas remboursés et font des pertes énormes. Mais nous ne pouvons pas nous désintéresser de faillites importantes qui portent des coups très durs à notre économie, notamment de faillites de sociétés avec lesquelles soit notre Banque cantonale soit l'Etat ont des relations.
Or, on constate que, depuis le débat qui a eu lieu dans ce Grand Conseil au moment du dépôt de la motion socialiste, la situation du groupe Noga s'est sérieusement détériorée. Certains d'entre nous avaient prétendu, à juste titre, que la créance russe avait été invoquée pour «redorer» un bilan en état de surendettement.
Aujourd'hui, la sentence arbitrale est tombée à New York et il s'avère que, d'après les renseignements que nous avons, Noga n'a bénéficié dans cette sentence arbitrale que d'une créance ramenée à 23 millions. Par ailleurs, certaines dettes, qui ont été jugées dans d'autres arbitrages, ont été retirées de l'arbitrage principal. En rapport avec d'autres sentences, la société Noga devra payer plusieurs dizaines de millions.
En définitive, la créance de 300 millions - ne parlons pas de la prétention de Noga à une créance de près de 700 millions de francs qu'elle invoquait à l'encontre de la Russie - s'avère être, comme nous le présentions, une créance fictive. Par voie de conséquence - la faillite étant prononcée contre cette société et suspendue pour le moment - on ne voit pas comment la société Noga réussirait à éviter le dépôt de son bilan.
A partir de là, une douzaine de sociétés sont imbriquées dans le groupe Noga. Il semble déjà que la société Oléagine ait pris le relais de la société Noga, considérant que Noga - tout le monde le sait - est en état de surendettement total, donc d'incapacité de paiement, sans activités lucratives, et qu'elle n'a, du reste, plus d'activités commerciales.
Mais que se passera-t-il lorsqu'un certain nombre de ces sociétés tomberont en faillite, malgré certaines attitudes pour le moins complaisantes, il faut le dire ? On se le demande, en effet - la société Noga Invest étant probablement l'une des plus endettées du groupe - lorsque l'on constate que, tout récemment encore, aucune poursuite n'était inscrite contre elle à l'office des poursuites, alors qu'elle est débitrice de plusieurs centaines de millions et qu'elle ne paie pas ses intérêts depuis des années. Cela a été admis par M. Joye dans un récent débat.
On croit «halluciner» en pensant qu'aucune banque - semble-t-il - ne met aux poursuites Noga Invest, ni n'est intéressée à récupérer sa créance. Par ailleurs, une opération nous avait beaucoup inquiétés - et nous l'avions indiqué au Conseil d'Etat - il s'agissait du rachat partiel de la société Sécheron SA, par la Banque cantonale. A l'époque, vous nous aviez rassurés, Monsieur Maitre, tout en nous indiquant qu'il fallait sortir cette société du groupe Noga, afin qu'elle ne se laisse pas entraîner dans la faillite éventuelle de Noga Invest, ce qui montre que vous aviez fait la même analyse que nous, celle du château de cartes, qui lorsqu'un élément tombe risque d'entraîner la chute des autres. Et vous aviez salué le sauvetage de la société Sécheron SA.
Mais, outre le fait qu'il n'est pas dans la pratique usuelle qu'une banque devienne propriétaire d'une entreprise industrielle - ce n'est pas tout à fait son rayon d'activités - on a pu lire, dans des publications ultérieures, que le capital de Sécheron SA avait augmenté de manière importante - sauf erreur, d'une quinzaine ou d'une vingtaine de millions - qui ont forcément été souscrits par l'actionnaire actuel, soit la Banque cantonale.
Alors, comment se fait-il que, un an à peine après son rachat, il faille injecter 15 à 20 millions de francs dans une société, dont on nous a dit qu'elle était si prospère ! Je crois savoir que la Banque cantonale a procédé à d'autres investissements dans l'entreprise Sécheron SA. En effet, en plus de cette augmentation du capital-action, la Banque cantonale a encore prêté de l'argent à la société Sécheron SA.
La présidente. Je vous remercie de bien vouloir conclure, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. J'ai presque terminé, Madame la présidente ! Simplement, nous trouvons certains éléments très préoccupants. Nous sommes persuadés que le groupe Noga ne continuera pas à vivre en état de réanimation artificielle pendant des années encore. A ce sujet, nous devrions, d'ores et déjà, avoir un certain nombre de renseignements.
Je suggère que cette motion soit renvoyée en commission, car il est important que nous puissions entendre les responsables de la Banque. Même si l'Etat a voulu se dégager de sa responsabilité de contrôle en la confiant à la Commission fédérale des banques, il n'en demeure pas moins que la Banque cantonale est un établissement public et que nous avons le droit de connaître son système de gestion. En plus, nous n'acceptons pas le fait que, lorsque l'on demande des explications, la direction de cette banque nous réponde avec une certaine arrogance qu'elle n'a de comptes à rendre à personne et que, de toute façon, elle a provisionné. Cette attitude est inacceptable ! Le fait qu'elle ait constitué des provisions pour des pertes éventuelles n'excuse ni la gravité de certains actes ni les conséquences économiques qu'ils entraînent pour notre canton.
M. Pierre Kunz (R). Comme certains s'en souviennent peut-être, je n'ai jamais été favorable à la création de la BCG, telle qu'elle existe aujourd'hui, c'est-à-dire majoritairement en main de l'Etat. En effet, j'ai toujours pensé qu'un tel statut ne pouvait être que très inconfortable pour la BCG, aussi bien commercialement que politiquement. Je me sens donc particulièrement à l'aise pour dire ce soir l'indignation, Monsieur Grobet, qu'inspire cette motion aux radicaux, autant d'ailleurs que le projet de loi 7554 qui figure au point 98 de notre ordre du jour.
J'ai toujours craint les pressions dangereuses que pourraient exercer sur un établissement public certains milieux peu scrupuleux, dans le but unique d'en tirer un profit politique. Malheureusement, depuis la fondation de la BCG, les faits ne m'ont que trop donné raison.
La gauche, au cours de ces dernières années, n'a cessé d'intriguer en vue de tirer le parti maximum de cette faiblesse structurelle. Cette banque est dangereusement exposée aux assauts de ceux qui, sans aucune préoccupation pour l'intérêt général, ni celui, en particulier, des petits épargnants et des petits clients de la banque, ne visent qu'à l'affaiblir et à la déstabiliser et, au-delà, bien entendu, la majorité politique de ce canton.
Pourtant, la BCG n'est ni meilleure ni pire que les autres banques, même les plus grandes. Comme ces dernières, la BCG souffre de plusieurs boulets : ceux que feu la Banque hypothécaire et feu la Caisse d'épargne ont apporté au bilan de la nouvelle Banque cantonale. Comme les autres banques, la BCG doit gérer certains dossiers pour le moins délicats en parant au plus pressé, parfois en renonçant à tout ou partie de l'intérêt pour espérer sauver le capital. Comme les autres banques, la BCG doit et devra peut-être encore... - mais oui, Monsieur Grobet ! - ...comptabiliser des provisions pour débiteurs insolvables ou en tout cas douteux.
Pourtant, toutes ces mesures ne sont pas prises dans l'incohérence, dans le désordre ou dans le cadre, comme vous le laissez supposer, de «combines» ! Elles sont prises sous la surveillance de la très sévère et sérieuse Commission fédérale des banques qui est chargée de sauvegarder, contrairement à l'Alliance de gauche, les intérêts des déposants et des créanciers de la BCG.
Evidemment, par rapport aux autres banques, la BCG souffre d'un lourd handicap. Elle est confrontée aux attaques incessantes, malhonnêtes et malveillantes de politiciens aussi incompétents que peu scrupuleux et prêts à toutes les infamies pour assurer leur avenir politique.
Ces politiciens cultivent la rumeur, prétextant, successivement : Gaon, Noga SA, Stäubli, JS Holding SA, Sécheron et d'autres encore. Ils flattent bassement la mauvaise humeur compréhensible des petits patrons, cherchent à allumer le doute, puis la peur - mais oui la peur - même chez les petites gens ! Ces politiciens ne poursuivent que des objectifs purement électoralistes et démagogiques. Il sont indignes de nos institutions. D'ailleurs, ils ne sont absolument plus crédibles, et c'est bien pour cela que les radicaux condamnent vigoureusement et sans appel leurs agissements. Ils demandent à cette assemblée que cette motion soit rejetée en discussion immédiate. (Applaudissements.)
Mme Micheline Spoerri (L). Il est probablement vain de s'interroger sur les motivations des motionnaires qui, depuis le début de la législature, s'en sont pris, plusieurs fois par an, par voie de motion, de résolution et même par la proposition de constitution d'une commission d'enquête, aux affaires de M. Nessim Gaon.
Certains des motionnaires agissent, sans doute, pour des motifs idéologiques. Par ce biais, je ne puis m'empêcher de penser que d'autres poursuivent des contentieux personnels. Une chose est certaine, les affaires de M. Gaon auront constitué, tout au long de ces trois années, le principal tremplin politique d'une formation en panne de sujets plus consistants.
Après avoir apporté - avec un certain succès, il faut le dire - toutes les entraves possibles à la réalisation de la Maison de l'Europe et calomnieusement prétendu que M. Gaon ou ses sociétés ont bénéficié d'avantages indus, les signataires nous proposent aujourd'hui une motion sur les conséquences de la faillite de la société Noga.
Contrairement au premier des considérants, la compagnie d'importation et d'exportation Noga SA n'est pas en faillite. Le jugement prononcé en ce sens par la Cour de justice a été suspendu par le Tribunal fédéral; la décision de notre autorité suprême n'est donc pas rendue et pourrait ne pas l'être avant plusieurs semaines.
Il est donc inexact, et en tout cas prématuré, de parler de la faillite de cette société. Par conséquent, il est trop tôt pour parler des conséquences, telles qu'elles sont évoquées dans le deuxième considérant. Personne n'ignore - et M. Grobet en a parlé tout à l'heure - que le devenir du groupe est étroitement lié au résultat d'un arbitrage qui oppose cette société au gouvernement de Russie. Depuis le dépôt de la motion - nos sources ne convergent pas forcément, Monsieur Grobet - une première sentence arbitrale a été rendue en faveur du groupe de M. Gaon pour des montants qui, selon la presse, sont de l'ordre de 100 millions de dollars, sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient être, en outre, octroyés à l'occasion d'une sentence complémentaire. Le spectre de la faillite semble donc s'éloigner.
Nous savons, Mesdames et Messieurs les députés, qu'une faillite entraîne toujours des implications pour l'économie locale. Il serait certainement dommageable pour Genève que la société de M. Gaon doive être liquidée. Des dizaines, peut-être des centaines d'emplois seraient perdus, ce dont Genève n'a pas particulièrement besoin en ce moment.
A propos du troisième considérant, j'observe que, dans les centaines ou même dans les milliers d'entreprises ayant connu des difficultés ces dernières années à Genève, aucune n'a suscité autant d'intérêt de la part des motionnaires que celle dont il est question ce soir, sauf lorsqu'il s'est agi du journal «La Suisse», où, alors même que la conduite de l'entreprise était sujette à caution, chacun dans les rangs d'en face réclamait que tout soit mis en oeuvre pour sauver ce qui pouvait l'être, en particulier, les emplois.
Cela voudrait-il dire qu'il y a deux catégories d'employés : ceux du journal «La Suisse», qui méritent d'être défendus, et ceux de M. Gaon qui ne seraient pas dignes d'intérêt. En effet, on se le demande lorsque l'on voit avec quelle impatience - c'est le moins que l'on puisse dire - les motionnaires attendent de voir se vérifier leurs mauvais augures.
Pardonnez-moi de vous rappeler, Monsieur Grobet, que ceux qui «trinquent» sont d'abord les employés ! Quant aux invites adressées au Conseil d'Etat, elles ne semblent pas plus crédibles. Le Conseil d'Etat est invité à compiler le registre des poursuites et à faire rapport au Grand Conseil. Faut-il vous rappeler - ce qui m'étonnerait - que ce registre est accessible à tous ceux qui ont un intérêt légitime à sa consultation ?
M. Christian Grobet. C'est-à-dire ?
Mme Micheline Spoerri. A vous de voir, Monsieur ! Selon les motionnaires, des détails particuliers devraient être communiqués au sujet de la SA du Grand Casino qui, de l'avis général, est une entreprise saine. C'est d'ailleurs si vrai que la Ville de Genève, que l'on ne peut tout de même pas suspecter de sympathie vis-à-vis de M. Gaon, continue à traiter avec lui pour l'organisation du Casino, qu'elle lui a d'ailleurs confisqué après l'avoir, à une certaine époque, supplié de le créer. C'est ainsi !
Enfin, voilà une nouvelle proposition à caractère nettement diffamatoire. Le Conseil d'Etat est invité à proposer un rapport sur la situation fiscale des sociétés de M. Gaon. Outre que cela constituerait une violation du secret fiscal, la formulation de l'invite laisse penser, contrairement aux affirmations répétées du Conseil d'Etat, que ces sociétés seraient au bénéfice d'un traitement privilégié. Et c'est de la même manière que vous nous proposez, tout simplement, de violer le secret bancaire en obtenant des renseignements sur l'état des engagements de M. Gaon ou de ses sociétés auprès de la Banque cantonale; et vous prétendez encore que la Banque cantonale a une attitude arrogante...
Mesdames et Messieurs les députés, la malignité - je ne vois pas d'autre mot - des propositions qui nous sont soumises est insupportable. Elle ne trompe plus personne et démontre surtout que les motionnaires n'ont, dans leur démarche, aucun égard pour le véritable intérêt public.
Dans la meilleure des hypothèses, ils se livrent à un exercice d'acrobatie politicienne, dont ils ont le triste record et auquel s'est livré, une fois de plus, M. Grobet et, dans la pire des hypothèses, à une manifestation d'antisémitisme... (Remarques sur les bancs de la gauche.) - il faut croire que cela touche - ...qu'avait déjà relevée, à juste titre, il y a quelques mois dans cette enceinte, M. Claude Blanc.
Les libéraux ne sont disposés à entrer ni dans l'une ni dans l'autre de ces vues, aussi rejetteront-ils cette proposition de motion qu'il est préférable de ne pas qualifier. Cependant, permettez-moi, à titre personnel, de regretter l'acharnement manifesté contre la personnalité de M. Nessim Gaon. Acharnement qui finit par entraîner une atteinte à sa dignité.
En conclusion, je soumets à la réflexion des motionnaires, du moins à ceux d'entre eux qui se complaisent à ce jeu indigne, les propos d'une grande dame de la résistance française, Mme Lucie Aubrac, qui déclarait, récemment, lors de l'émission télévisée «La marche du siècle» : «Il ne faut jamais accepter quelque chose qui porte atteinte à la dignité humaine, sinon un jour, on ne peut plus se regarder en face.»
Mme Micheline Calmy-Rey (S). J'ai été tentée de ne pas répondre directement à Mme Spoerri et M. Kunz, tant leurs propos sont déplacés. Comme ils sont excessifs, ils se discréditeront d'eux-mêmes, me suis-je dit. Mais je ne souhaite tout de même pas laisser passer le reproche d'antisémitisme. Madame Spoerri, l'antisémitisme a conduit des millions de gens dans des fours crématoires. Je trouve choquant d'utiliser ce mot dans un débat politique sur une motion.
Mesdames et Messieurs, en automne 1995, ce Grand Conseil refusait une proposition du groupe socialiste de créer une commission d'enquête parlementaire qui avait pour but de connaître la situation du groupe Gaon et de déterminer les mesures à prendre pour garantir les intérêts publics au vu des difficultés connues de ce groupe. Aucune réponse n'a été donnée à cette demande. Par conséquent, la motion de nos collègues s'adressant au Conseil d'Etat nous apparaît opportune, et nous la soutenons.
Il n'est pas toujours facile de donner l'information et de susciter le débat public lorsque l'on risque de porter atteinte à des intérêts économiques. Mais la démocratie ne peut pas fonctionner sans une certaine morale de comportement, sans un surcroît de responsabilités et de conscience de la part de ceux qui en sont les agents. Jusqu'à ce jour, le Conseil d'Etat et la majorité de ce Grand Conseil ont surtout fait montre de leur volonté de ne pas savoir, de ne pas donner d'information et de ne pas prendre de mesures.
A entendre vos discours, ce ne sont pas les demandes réitérées de la gauche, d'obtenir une certaine information et une certaine transparence sur cette affaire qui vous surprennent, mais bien votre volonté de ne pas savoir et quand vous détenez l'information de ne pas la dire.
Vous me permettrez une dernière remarque touchant à la Banque cantonale, à son rôle et au contrôle financier de l'Etat sur les comptes et la gestion de la Banque cantonale tels qu'ils apparaissent dans la motion proposée par nos collègues.
La Banque cantonale n'est pas une banque privée n'ayant à se soucier que très vaguement de l'intérêt public. Il s'agit d'un établissement financier aux mains des collectivités publiques. Il est donc légitime que son rôle dans certaines affaires qui ont défrayé la chronique soit connu.
Sans conteste, l'héritage des années folles pèse sur l'activité de la Banque cantonale. Ces années ont coïncidé avec le changement de stratégie de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire qui, d'un statut d'instituts prioritairement hypothécaires, sont devenus une banque universelle : la Banque cantonale.
A l'époque, il n'y avait pas que de bonnes affaires sur les marchés, et la Banque cantonale a dû, malheureusement, faire un milliard de réserve pour couvrir des crédits délicats.
Mais, en même temps, la mutation en banque universelle place la Banque cantonale en concurrence avec les grandes banques, comme la SBS, l'UBS, sur une place financière très bancarisée, et son statut de Banque cantonale lui confère en outre un rôle d'utilité publique, comme celui d'aider les PME, de soutenir l'emploi, de maintenir des taux hypothécaires bas et des taux d'épargne élevés. A l'évidence, nous demandons beaucoup à la Banque cantonale, et ces exigences ne lui permettent pas d'afficher une rentabilité comparable à celle des autres banques. Elle doit répondre à la concurrence, bien qu'elle ne soit pas, comme d'autres entreprises publiques autonomes, au bénéfice d'un monopole.
Par conséquent, juger publiquement, comme le propose la motion, de la gestion de cette dernière, n'est pas opportun à nos yeux. Les socialistes n'entendent pas porter un jugement sur les risques pris par la Banque cantonale dans cette affaire, ni dans aucune autre. Pour ce faire, il existe des statuts et des organes désignés par la loi. Je vous remercie.
M. David Hiler (Ve). A mon avis, il y a une nuance à faire entre ce débat et le texte de cette motion. En effet, si l'on renonce à prendre en compte le contentieux latent qui existe entre certaines forces politiques de ce parlement, on parvient à des conclusions fort différentes.
Aujourd'hui, chacun sait dans l'opinion publique que la société Gaon a des problèmes et que les différentes sociétés de ce groupe ont des relations «privilégiées», que n'ont pas la majorité des entreprises, avec la Ville ou l'Etat en vertu de certains accords contractuels. Madame Spoerri, je vous rassure tout de suite, ce ne sont pas des magouilles ou autres manoeuvres, mais des accords.
A l'évidence, il existe des enjeux publics et si le château de cartes devait tomber - ce que je ne souhaite pas, et j'espère que vous me croyez - ce serait fort ennuyeux.
Par ailleurs, vous n'ignorez pas que notre population suit l'ensemble de cette affaire à la télévision française. Il me paraît donc préférable que le Conseil d'Etat donne une information objective, une fois pour toutes, sur les éléments qui peuvent être révélés à savoir les premières invites, sans entrer en matière sur ce qui relève du secret bancaire. En effet, la Banque cantonale doit avoir les mêmes chances que les autres banques, et il convient d'être circonspect en cette occasion. Que l'information soit donnée à ce parlement et à la presse sur l'ensemble de la société Gaon le plus rapidement possible, afin de servir, en quelque sorte, d'état des lieux. Je ne vois pas que le problème soit autre qu'historique, en référence à tout ce qui s'est dit sur cette affaire avant ce jour.
Les Verts vous invitent à faire la lumière sur cette affaire, par souci de transparence. L'opinion publique est une constellation d'opinions, et vous savez bien que - et pas seulement dans les milieux politiques où chacun a la sienne - ces magouilles, ces faillites sont perçues de curieuse manière, car elles sont le reflet de situations peu claires, surtout si, comme c'est le cas, une affaire pénale en France opacifie encore la situation.
De ce point de vue, une information stricte doit être donnée par le Conseil d'Etat, ce qui devrait vous assurer, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente, d'un certain nombre de garanties sur les critères définis dans la première partie de cette motion. Je ne vois pas que l'on puisse s'y opposer.
Nous aurons l'occasion de parler encore de la Banque cantonale, lors de l'étude d'un prochain projet de loi. Comme je souhaite que la Banque cantonale réussisse, je me sens mal à l'aise en pensant à la durée de la «digestion» des pertes de cette dernière par rapport aux années 80.
D'une manière ou d'une autre, vous n'échapperez pas au fait qu'il faudra trouver une solution, afin qu'un certain nombre de responsabilités puissent être établies, un diagnostic posé et que l'on puisse enfin parler d'autre chose, car je ressens une certaine peine à voir systématiquement apparaître le nom de la Banque cantonale lié à des «casseroles», pas seulement dans ce parlement mais dans les médias.
En ce qui concerne le développement de l'économie locale, je me fie plus à la Banque cantonale qu'aux grandes banques suisses, et je souhaite que ce jeu s'arrête. Nous devrions en parler dans un plus petit cénacle, afin de «vider l'abcès», de sorte que l'on puisse repartir sur des bases saines qui n'altèrent pas la santé de la Banque cantonale et ne laissent aucun flou sur son passé.
Voilà la position des Verts concernant cette motion. Il nous paraît difficile de faire ce travail dans ce parlement, et, pour les raisons énoncées, nous vous prions de renvoyer cette motion en commission.
M. Claude Blanc (PDC). Là où est le cadavre, là s'assemblent les vautours ! (Exclamations.) J'ai déjà eu l'occasion d'utiliser un terme voisin, sinon plus vigoureux pour qualifier ceux qui au moment de l'affaire de «La Suisse» avaient cru bon de profiter des malheurs des uns pour leur prospérité politique.
Or, ce travail de sape continue avec la plus parfaite mauvaise foi. Tout à l'heure, M. Grobet, pour introduire benoîtement son intervention, a commencé par citer les différences de taux d'intérêt entre les banques cantonales alémaniques et les banques cantonales romandes, omettant de rassembler les banques cantonales romandes sous la même bannière, puisqu'elles pratiquent, à peu près, la même politique.
Il a également oublié de dire que si, jusqu'à présent, en Suisse romande, en tout cas à Genève, la Banque cantonale a toujours été en mesure de faire face à ses obligations, certaines banques cantonales alémaniques, que vous citez, sont passées par des moments très difficiles. Je ne parle pas de la Banque cantonale de Berne, ni de celle de Soleure et de quelques autres.
Vous vous acharnez à maintenir «la tête sous l'eau» à une institution qui doit pourtant jouer un rôle positif dans notre République. Il y a quelques années, lorsque les socialistes avaient présenté un projet de motion demandant la constitution d'une commission d'enquête - contrairement à ce que vient de dire Mme Calmy-Rey - ce n'était pas pour connaître les mesures à prendre pour sauver les entreprises qui auraient pu pâtir de la déconfiture du groupe Gaon, mais pour établir les responsabilités des hommes et des femmes politiques de la Ville et du canton de Genève et savoir, dans quelle mesure, ils auraient eu des complaisances pour les sociétés du groupe Gaon. C'était exactement les termes de votre motion. La commission ad hoc n'a jamais pu vérifier le moindre indice à ce sujet, et c'est pour cette raison que le Grand Conseil a refusé la motion, car elle visait à vilipender des personnes qui ont vécu des événements malheureux.
Chaque fois qu'un problème se pose, vous cherchez d'abord à savoir le profit que vous pourrez en tirer. Vous vous acharnez sur la Banque cantonale. Or, il est vrai que cette banque, comme toutes les autres, a eu des problèmes. En effet, dans les années 80, les deux banques qui, par la suite, ont constitué la Banque cantonale, ont établi des créances, aujourd'hui difficiles à gérer. Vous le savez, mais vous ne pardonnez pas la manière dont elle est gérée, car vous ne pouvez ni l'avoir sous votre tutelle ni la maîtriser.
Et ne pouvant faire ni l'un ni l'autre, vous essayez, purement et simplement, de l'abattre. Vous tentez de faire passer un message négatif dans le public en la vilipendant pour que les clients de la Banque cantonale lui retirent leur confiance et qu'elle n'ait plus de capitaux. Voilà votre objectif qui est ignoble !
Vous savez aussi bien que moi, Monsieur Grobet.. Vous êtes en train de souffler ce qu'il doit dire à M. Spielmann qui prend des notes. Mais je suppose qu'il n'a pas besoin de votre aide... Alors, écoutez-moi !
Par toutes sortes d'autres motions, vous tentez de faire entrer la Banque cantonale dans le circuit économique, afin qu'elle aide les sociétés en difficulté. Mais vous savez très bien aussi que, actuellement, la Banque cantonale est le seul établissement qui fait vraiment un effort pour aller à la rencontre des entreprises en formation ou en difficulté et essaie de leur venir en aide.
Vous utilisez même l'argument Sécheron SA pour la vilipender. Dieu sait si la Banque cantonale, en sortant Sécheron SA du groupe Gaon, a fait oeuvre utile. Nous sommes tous convaincus que, par cette action, la Banque cantonale a sauvé tous les emplois de Sécheron SA, sauf vous, qui vous en souciez comme d'une guigne; là ne réside pas votre intérêt, mais bien plutôt dans le profit que vous pourrez tirer de la chute de Sécheron SA et éventuellement de la chute de la Banque cantonale.
Vous êtes comme ces animaux - que je citais il y a quelques mois - qui sont attirés par l'odeur du sang. Chaque fois qu'il y a moyen de faire plus de mal, vous êtes là, et on peut compter sur vous !
M. Jean Spielmann (AdG). Quand on est à court d'arguments dans les débats, on utilise les insultes. D'après vous, notre but est ignoble, et vous nous accusez de vouloir abattre la Banque cantonale, entre autres.
Je répondrai, point par point, à la maigre argumentation que vous avez développée. Mais, surtout, je refuse que vous m'insultiez, alors que les problèmes dont nous traitons sont graves et relèvent de faits et d'éléments sur lesquels nous entendons avoir des réponses un peu plus crédibles que les insanités et les insultes, dont vous nous avez gratifiés tout à l'heure.
Le problème posé n'est ni celui de la société Gaon, ni celui posé par les difficultés économiques que rencontrent certaines entreprises, ni même celui des spéculateurs de ce canton qui se trouvent dans des situations difficiles, provoquées, à mon avis, par une fuite en avant dans des domaines que l'on aurait intérêt à débattre. Nous ne débattons pas du rôle de la Banque cantonale.
Depuis les années 30 et, plus tard, dans les années 50, 60 et 70, la gauche, à l'aide de multiples projets de lois, a demandé la création d'une Banque cantonale. La création de cette banque, son activité et sa présence sont utiles au niveau économique pour faire un contrepoids à l'action des grandes banques qui étranglent les PME et posent des conditions inacceptables à la création d'entreprises.
La Banque cantonale joue donc un rôle éminemment positif dans l'activité économique, et c'est bien parce que nous souhaitons qu'elle continue à travailler de cette manière que nous désirons faire la lumière sur un certain nombre de points.
Tout à l'heure, vous avez demandé des preuves des faveurs accordées à M. Gaon. Pour la troisième fois, les tribunaux ont considéré que des faveurs inacceptables avaient été accordées à M. Gaon pour ses constructions et que la loi a été violée par le Conseil d'Etat qui lui avait donné des autorisations de construire dépassant le cadre de cette dernière.
C'est la troisième fois que la justice doit rectifier des erreurs commises à ce niveau-là. Comment voulez-vous que nous restions indifférents, lorsque ce genre d'avantages sont multipliés et que l'on prend des décisions contraires aux intérêts de l'ensemble de la collectivité et de la Banque cantonale. Nous posons des questions, afin de ne pas continuer dans une voie dangereuse pour cette banque. Nous ne la mettons pas en danger avec les questions que nous posons, bien au contraire. Par contre, je n'en dirai pas autant de votre politique et de votre manière de gérer la Banque cantonale, et nous entendons bien que l'on réponde à nos questions.
Comment voulez-vous que la population reste muette, alors qu'elle lit dans la presse que M. Stäubli a obtenu 80 millions et, aux dernières informations, 150 millions à un taux d'intérêt de 0,5% ? Ne doit-on pas se poser des questions face à de telles informations ? Trouvez-vous que la gestion soit si bonne qu'elle ne souffre aucune interrogation ? Pensez-vous que les gens ayant des difficultés financières dans ce canton ou les entrepreneurs qui doivent faire face à des crédits importants et rencontrent de gros problèmes financiers ne se posent pas de questions quand ils voient leur propre banque offrir des taux d'intérêt aussi bas à des spéculateurs, dont on sait depuis longtemps le rôle qu'ils jouent, qu'ils ont joué et qu'ils continuent à jouer dans cette République, et que ce sont eux qui en font les frais ?
Si on continue à gérer la Banque cantonale de cette manière, il est clair qu'elle aura des difficultés, et ce ne sera pas de notre faute ! Ce ne sera pas faute d'avoir voulu faire la transparence et d'avoir exigé des réponses claires à nos questions dans le but de la rendre plus crédible.
On pourrait reprendre le Mémorial sur les multiples interventions que nous avons faites et l'orientation que nous avons donnée, aussi bien au moment de la constitution de la Banque cantonale, de la mise en place de ses statuts que de ses objectifs et de la manière avec laquelle nous voulons la voir fonctionner. Ce n'est, en tout cas, pas celle de la politique des petits copains, telle que vous êtes en train de la mettre en place !
Il est vrai que M. Gaon a été souvent généreux avec votre parti. Il l'a dit publiquement ! Mais ce n'est pas une raison pour lui renvoyer l'ascenseur à chaque fois. Agir de telle sorte est contraire aux intérêts de la Banque cantonale et à ceux des citoyens de ce canton ayant besoin d'une institution dont la gestion est crédible. Donc, si vous ne souhaitez pas faire la transparence et ne voulez pas répondre à ces questions, la population continuera à s'en poser. Vous causez ainsi un grand préjudice à la Banque cantonale, institution dont nous avons besoin, aujourd'hui plus que jamais.
Je vous renvoie donc vos insultes, et j'attends de voir si vous êtes prêts à faire la transparence ou si, derrière les insultes dont vous nous avez gratifiés, ne se cachent pas de mauvais arguments politiques. Peut-être n'avez-vous, tout simplement, pas de réponse aux questions que nous vous posons ! Nous tirerons les conclusions qui s'imposent, lors du vote de cette motion.
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. La motion part d'un événement, soit le jugement du Tribunal de première instance qui prononce la faillite de la compagnie Noga d'importation et d'exportation. On voit que les termes ont leur signification et les raisons sociales aussi. Ce jugement, comme vous le savez, n'est pas définitif et fait l'objet d'un certain nombre de procédures qui sont au demeurant complexes et liées à des arbitrages sur le plan international.
Dans la motion, la question fondamentale est celle du jugement qui pourrait avoir des conséquences sur d'autres sociétés du groupe et, de surcroît, elle demande un rapport sur les relations financières, en particulier hypothécaires, entre la Banque cantonale de Genève et les sociétés du groupe Gaon.
Il faut se dire une fois pour toutes que les questions posées - sauf à propos de la société compagnie Noga d'importation et d'exportation SA qui est un élément nouveau, mais dont on verra qu'il est sans lien avec les autres sociétés du groupe - sur les relations financières entre la Banque cantonale de Genève et le groupe Gaon ont déjà été évoquées à réitérées reprises dans des interpellations et par la résolution, au travers de laquelle vous avez demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire. De ce point de vue, il n'y a rien de nouveau.
Chaque fois, il a été répondu à toutes ces demandes de manière complète, tant par mon collègue Olivier Vodoz que par moi-même. A ce stade, sauf en ce qui concerne la compagnie Noga d'importation et d'exportation, il n'y a pas de fait nouveau dans les relations entre la Banque cantonale et le groupe Gaon.
La Banque cantonale, s'agissant du groupe Gaon et, en particulier, de Noga Invest, est l'un des quatre créanciers hypothécaires. C'est curieux parce qu'il y en a quatre, mais on ne tire que sur la Banque cantonale... Enfin bref !
En ce qui concerne la compagnie d'importation et d'exportation SA, elle n'est absolument pas concernée par ce financement et ce type de relations bancaires et hypothécaires. La créance de la Banque cantonale, qui n'est qu'une partie du financement total, puisque le reste a été accordé par d'autres établissements bancaires, a fait, comme pour ces autres établissements bancaires, l'objet de provisions, qui ont été jugées parfaitement suffisantes et qui, à ce titre, ont l'aval de la Commission fédérale des banques.
Tout cela a été constaté avant la fusion entre la Banque hypothécaire et la Caisse d'épargne par la Commission fédérale des banques. Cela a été constaté par les organes de révision bancaires et, de ce fait, constaté et avalisé par le gouvernement, le parlement et le peuple.
A cet égard, tous les faits évoqués dans les relations financières entre la Banque cantonale et le groupe Gaon - je ne parle pas du rachat du capital-action Sécheron SA, on y reviendra dans un instant - sont antérieurs à la fusion qui a été voulue par le gouvernement, le parlement et le peuple. Nous sommes donc tous «cosolidaires» des faits anciens. Mais - je vous en prie - ne ressassez pas continuellement les faits anciens ! Ils sont antérieurs à la fusion. Depuis cette dernière, il n'y a pas eu de fait nouveau à ce sujet. Il ne faut pas confondre ce qui doit relever du comportement politique et ce qui confine, en définitive, à la monomanie.
Sur la base des renseignements que nous avons obtenus sur cette affaire - assez particulière et, à vrai dire, dont l'Etat n'est pas concerné - la compagnie Noga d'importation et d'exportation SA ne détient pas de créance sur les autres sociétés du groupe qui serait de nature à les mettre en difficulté, au cas où la faillite serait prononcée. Pourquoi ? Parce que nous avons obtenu la confirmation qu'aucune société du groupe n'est une filiale de cette compagnie, dans une structure qui est très complexe. Le groupe Gaon, compte tenu de la multiplicité de ses activités et de l'enchevêtrement de ses structures juridiques, est extrêmement complexe.
Sur le plan financier, les renseignements que nous avons obtenus font qu'aucune société du groupe n'est une filiale de la compagnie Noga d'importation et d'exportation et, en particulier, pas celle qui est en relation bancaire et hypothécaire avec la Banque cantonale de Genève.
Du point de vue des emplois - cette question est pertinente et dites-vous bien que nous nous la sommes posée avant le dépôt de votre motion - la quasi-totalité des emplois du groupe Gaon, c'est-à-dire plus de 80%, sont en réalité des emplois que l'on retrouve dans la SA du Grand Casino. A cet égard, vous êtes presque mieux informés que nous, car la Ville de Genève a des relations très étroites avec cette société.
En ce qui concerne la créance fiscale, vous avez raison de vous poser des questions à ce sujet. Vous savez que, en raison du secret fiscal, il n'est pas possible de donner des renseignements précis, chiffrés, mais il est néanmoins possible de donner un certain nombre d'indications. Je vais vous en donner deux, avec l'accord exprès du chef du département des finances et contributions.
Tout d'abord, toutes les sociétés du groupe Gaon - appelons-les ainsi par raccourci de langage - ont été traitées comme tout contribuable de ce canton. Il n'y a eu aucun passe-droit, aucune complaisance, a fortiori, aucun délai non justifié par les circonstances qui aurait été accordé à l'une de ces sociétés.
En d'autres termes, des poursuites ont été engagées, comme pour tout contribuable. Et, contrairement à ce que vous avez dit en ce qui concerne Noga Invest, il y a aussi des poursuites. Vous avez prétendu qu'il n'y avait aucune poursuite contre Noga Invest. Ce n'est pas vrai !
Une voix. Les banques !
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. On parle de l'Etat ! Votre motion demande quelles sont les créances de l'Etat et si l'Etat a été, en quelque sorte - et c'est ce que vous voulez suggérer, même si vous êtes suffisamment prudents pour ne pas le dire expressément - complaisant à l'égard des société du groupe. La réponse est non, et nous vous en apportons la démonstration.
En définitive, dans ces débats à répétition et en rafales morbides, quelque chose est profondément gênant. On tire sur la Banque cantonale, alors que les faits allégués sont systématiquement antérieurs à la fusion. En effet, les faits que vous citez concernent la Banque hypothécaire et la Caisse d'épargne où tous les partis étaient également représentés, encore que cette dernière ait eu très peu de relations d'affaire avec les sociétés du groupe Gaon. C'était donc, essentiellement, la Banque hypothécaire qui avait fait les financements auprès de Noga Invest, en particulier.
L'aspect gênant de votre intervention est que vous demandez - cela ne figure pas dans le dispositif de votre motion, mais dans l'exposé des motifs - que l'on donne toutes sortes de détails, en d'autres termes que l'on jette en pâture les conditions, les tenants et aboutissants du rachat du capital-action de l'entreprise Sécheron SA par la Banque cantonale. Alors, Monsieur Grobet, j'attire votre attention sur le fait qu'il convient d'avoir un minimum de prudence, de sens civique, du point de vue de l'emploi.
Quel est l'enjeu ? D'abord, la Banque cantonale - et le gouvernement, qui n'y est pas pour rien - a sécurisé le capital-action de Sécheron SA qui était détenu par une des sociétés du groupe Gaon pouvant être dans la tourmente. Mais en ce qui concerne les emplois et la capacité technologique de Sécheron SA, entreprise performante et saine, il était nécessaire d'éviter que le capital-action de Sécheron SA soit un jour l'objet de discussions dans le cadre d'une hypothétique masse en faillite ou à propos d'un concordat. Vous savez très bien que, lorsque vos actions sont ainsi bloquées, vous ne pouvez pas progresser.
C'est précisément parce que la Banque cantonale a pu sécuriser le capital-action qu'elle a pu, par la suite, procéder à des augmentations de capital. L'augmentation de capital, à laquelle vous faites allusion, est intervenue de la manière la plus classique. Sécheron SA a pu, par cette augmentation de capital, acquérir une filiale qui lui a permis de progresser et de conquérir de nouveaux marchés. Ce processus est classique et parfaitement sain sur le plan industriel. Il ne s'est pas agi de renflouer Sécheron SA, comme vous l'avez laissé entendre.
Que se passe-t-il ? Comme vous l'avez suggéré - de ce point de vue, votre intervention était correcte - la Banque cantonale n'a pas vocation d'être propriétaire ad vitam aeternam d'une société industrielle. En d'autres termes, en sécurisant le capital-action de Sécheron SA, la Banque cantonale a fait du portage. En d'autres termes encore, la Banque cantonale négocie des conditions de rachat du capital de Sécheron SA ou, en tout cas, d'une partie substantielle de ce capital, mais dans un contexte bien précis; soit en sauvegardant l'identité genevoise de Sécheron SA, la pérennité de ses emplois et sa capacité concurrentielle.
Pensez-vous, un seul instant, que vous aidez la Banque cantonale dans cette négociation difficile et longue, par définition, en demandant au gouvernement ou à la Banque cantonale de jeter en pâture les conditions d'acquisition du capital-action ? Tout cela est proprement insensé ! Je sais que vous avez négocié des affaires, et, par conséquent, vous savez très bien qu'on ne peut pas procéder de la sorte, sauf si vous ne poursuivez pas la défense de l'intérêt de Sécheron SA. Et je ne doute pas que vous souhaitiez la défense de l'intérêt de Sécheron SA, de ses emplois et de sa capacité technologique...
En d'autres termes, je vous demande, tout simplement, d'être raisonnables. Dans ce débat, il faut redevenir raisonnables et arrêter, une fois pour toutes, de ressasser des données que nous avons avalisées dans ce parlement, car elles sont antérieures à la fusion. Il faut aussi cesser de jeter le discrédit sur un établissement, dont, par ailleurs, chacun appelle de ses voeux le renforcement et l'immersion toujours plus profonde dans l'économie de ce canton. A un moment donné, il convient de choisir un discours. Soit vous faites un discours de politique politicienne - c'est votre droit, mais il est contraire aux intérêts de la Banque cantonale, à ceux de l'entreprise et à ceux de l'économie de ce canton - soit vous pratiquez celui d'une politique économique responsable. (Applaudissements.)
M. Christian Grobet (AdG). Je vous fais remarquer que le débat aurait peut-être été moins long si vous aviez accepté de renvoyer cette motion en commission, comme le bon sens le commandait.
Monsieur Maitre, j'ai du mal à accepter que vous interprétiez notre demande d'explications par la volonté de jeter en pâture la société Sécheron SA. Depuis deux ans, nous avons fait preuve de beaucoup de retenue dans cette affaire et nous n'avons pas voulu déposer notre motion et notre projet de loi plus tôt devant ce Grand Conseil.
En effet, figurez-vous que nous sommes parfaitement conscients - et lorsque vous m'avez dit, tout à l'heure, que vous ne doutiez pas de notre bonne foi au sujet de Sécheron SA, vous étiez certainement sincère - qu'il convient d'être circonspect lorsqu'on parle des conditions de gestion d'une banque et de son avenir. Cette question est très délicate et, comme l'a rappelé M. Spielmann, nous avons ardemment souhaité la création de la Banque cantonale, nous y sommes très attachés et ne voulons surtout pas créer un climat alarmiste.
Par exemple, nous n'avons pas demandé certaines mesures, comme cela s'est fait au Valais, où un collègue de parti de M. Kunz - M. Ribordy - a demandé la création d'une commission d'enquête, idée qui a semblé toute naturelle aux Valaisans, pour demander la tête de tel ou tel. Nous ne désirons pas ce genre de démarche.
Nous demandons simplement des explications au sujet de certaines opérations de la Banque cantonale, car, avant que nous en discutions ce soir, Monsieur Maitre, la presse en a abondamment parlé, et nous ne sommes pas responsables de l'apparition de ces articles dans la presse, car vous savez fort bien que nous n'entretenons aucune relation étroite avec les journaux d'information de la place. (Rires.) Vous pouvez rigoler ! Mais je vous rappelle qu'il y a trois ans, les grands journaux de la place avaient recommandé de voter pour votre gouvernement monocolore. Par conséquent, je ne pense pas que ces journaux-là soient les amis de la gauche.
Vous avez cru bon de traiter par l'insulte nos demandes d'explications. Mais je suis frappé de constater - ceci pour abandonner l'affaire spécifique de cette motion - le nombre croissant de citoyens qui, depuis six mois, m'interpellent, disons-le franchement, sur l'affaire Stäubli. A ce sujet, vous pouvez retrouver l'article de presse concernant la Banque cantonale, datant du mois de septembre, et disant qu'elle n'a aucune inquiétude au sujet de la société Stäubli Holding SA. On ne peut pas dire que les propos tenus dans cet article se soient vérifiés, quand on constate la situation catastrophique dans laquelle se trouve cette société.
Vous ne me ferez pas croire que les citoyens ne vous interpellent pas sur cette affaire. Ce n'est pas vrai ! Il ne s'agit pas de créer un climat de panique, mais il est pire de pratiquer la politique de l'autruche et de ne pas vouloir s'expliquer sur des affaires comme celle-ci. C'est la pire des attitudes politiques.
Monsieur Maitre, notre but n'est pas de ressasser de vieilles rengaines. Nous savons que les crédits ont été accordés par les deux banques que vous avez citées, principalement par la Banque hypothécaire, mal inspirée, d'ailleurs, par un directeur qui a lui occasionné pas mal de soucis en lui faisant faire de mauvaises affaires et dont on se demande pourquoi il a encore son bureau à la Banque cantonale. Cela soit dit en passant !
Depuis ce temps, d'autres événements ont eu lieu, à part celui dont M. Joye nous a parlé. D'après lui, la créance de la Banque cantonale envers Noga Invest représentait 49% des crédits accordés par quatre banques. Les autres faits concernent la dégradation de la Société Noga. Je connais bien la thèse défendue par M. Herzog disant qu'il n'y a rien à craindre, toutes ces sociétés étant juridiquement indépendantes les unes des autres. Vous avez raison, Monsieur Maitre, de dire que la situation est très complexe. Elle l'est délibérément !
En effet, vous savez que des gens sont passés maîtres dans l'art de créer des situations complexes qui réservent, après coup, des lendemains douloureux. Dans ce cas, des sociétés - qui soi-disant ne sont pas des filiales - ont été créées de manière fictive, alors qu'il s'agit indiscutablement d'un groupe. D'ailleurs, à juste titre, vous avez parlé du «groupe Noga». Dans un tel cas de figure, un bilan consolidé devrait exister. Or - vous le savez comme moi - celui-ci n'existe pas.
Monsieur Maitre, soyez prudent ! J'espère que les choses s'arrangeront. J'ai toujours été convaincu que la faillite était la pire des choses, mais maintenir des sociétés artificiellement en vie est souvent pire encore. A ce propos, vous vous souvenez certainement des leçons que donnait le juge Greber concernant ceux qui font de la «cavalerie» ! Si on maintient une société artificiellement en vie, tout en sachant qu'elle n'a plus d'activités et qu'elle est surendettée, sa situation empire.
Comme fait nouveau, on sait aujourd'hui qu'une réquisition de vente a été posée pour le bâtiment Noga Hilton qui appartient à la société du Grand Casino SA. L'affaire évolue en raison de l'état de surendettement du groupe Noga. Nous avons posé la question au sujet de la fiscalité, car nous avons été frappés de constater que des poursuites avaient été inscrites à l'office des poursuites contre certaines sociétés, dont la société Noga. Je tiens à remercier M. Vodoz - c'est tout à son honneur - car parmi les nombreux créanciers de la société Noga à l'office des poursuites on trouve l'Etat de Genève. Merci, Monsieur Vodoz, d'avoir fait votre travail en ce qui concerne cette société !
Monsieur Maitre, j'ai été étonné de voir que les poursuites, déposées l'an dernier à l'office des poursuites par certaines banques, avaient disparu du registre de l'office des poursuites. Vous savez, tout comme moi, que si une poursuite n'est pas renouvelée au bout d'un an, elle est périmée. Cela signifie que les banques sont très peu intéressées à connaître l'état de leurs créances à l'égard de cette société.
Il m'arrive d'être interpellé par des citoyens ou des citoyennes qui m'informent que leur banque - y compris la Banque cantonale - leur demande de quitter leur maison ou leur logement, parce qu'ils ne parviennent plus à payer les intérêts hypothécaires. Donc, face à certains petits propriétaires, la Banque cantonale - et je la comprends - n'hésite pas à agir pour se faire rembourser. Par contre, je ne comprends pas que dans le cas de Noga Invest aucune poursuite ne soit inscrite à l'office des poursuites. Vous trouvez qu'il n'y a pas de quoi se poser des questions et surtout pas de réponses à donner ? Pour ma part, je trouve cela extraordinaire. (M. Vaucher interpelle l'orateur.) Je ne serai pas long, Monsieur Vaucher. Je ne lis pas des textes préparés à l'avance.
L'affaire Sécheron SA, Monsieur Maitre, n'est pas ancienne. En effet, il y a environ deux ans, sauf erreur, que la Banque cantonale a racheté une partie de cette entreprise. Donc, on ne ressasse pas de vieilles histoires, et, en plus, on a attendu deux ans pour en parler !
Si on reprend le Mémorial, Monsieur Maitre, vous aviez dit que ce rachat était temporaire et que l'entreprise serait revendue rapidement. Aujourd'hui, deux ans plus tard, Sécheron SA n'a pas été revendue et on peut tout de même s'interroger à ce sujet. Il y a un moment donné où - et M. Hiler l'a fort justement dit - il faudrait que l'on nous donne des explications. La sagesse eût voulu, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion soit renvoyée en commission. En effet, rejeter, sans autre, une demande d'explications qui rejoint les préoccupations de nombreux citoyens n'est pas la bonne manière d'agir.
La présidente. Vous parlez depuis dix minutes, Monsieur Grobet !
M. Christian Grobet. Le meilleur lieu pour discuter sans passion et essayer de comprendre une situation est bien en commission. En refusant d'obtenir ces explications, Mesdames et Messieurs, vous ne faites qu'apporter une contribution supplémentaire aux craintes de la population sur la situation de la Banque cantonale. J'ose espérer que les craintes de certains à ce sujet ne sont pas fondées. Nous souhaitons que la Banque cantonale remplisse sa mission. Mais on ne peut pas le faire en refusant de donner les informations élémentaires.
M. David Hiler (Ve). La majorité de ce Grand Conseil refusera cette motion. En somme, il s'agit toujours du même schéma : les informations demandées dans les motions sont généralement fournies, oralement, pour une bonne part, par M. Maitre, et, ensuite, la motion est rejetée.
A un certain moment, il devrait être possible de casser ce processus. Ces questions sont délicates, mais les remarques de M. Grobet sur la réaction des gens sont fondées. Ces derniers se demandent si d'autres ont la possibilité de ne pas payer d'intérêts, alors qu'eux-mêmes en paient et qu'ils n'ont pas de passe-droits. A partir d'une demande fondée - comme celle dont M. Grobet fait état dans l'intérêt de la Banque cantonale - serait-il possible de demander au Conseil d'Etat, lorsque nous constatons qu'une affaire en cours est traitée dans la presse - c'est là que j'apprends les nouvelles, et je n'ai pas d'espion dans ces milieux - d'avoir la courtoisie de faire une déclaration d'information à ce sujet, de sorte que nous puissions avoir un véritable débat.
Personnellement, je n'ai pas suivi ce dossier depuis le début, car je suis parmi vous depuis relativement peu de temps. Mais, d'une manière ou d'une autre, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons faire la lumière sur cette affaire, soit par un texte qui mette en forme les renseignements chiffrés que M. Maitre a donnés ou, en tout cas, par une information régulière. Cela améliorera l'atmosphère générale. Cette proposition n'émane pas de mon groupe - je n'en ai pas discuté avec lui - mais je souhaite que l'on fasse un effort pour sortir de cette impasse.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée.
Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le statut de la presse et le fonctionnement de la démocratie sont étroitement liés, nous le savons. Certaines évolutions au sein de la presse rendent plus difficile le débat d'idées et la transparence nécessaire à la compréhension des enjeux. Parmi ces évolutions nous trouvons le mouvement de concentration de la presse, qui n'est pas contrebalancé par une obligation de pluralisme interne, comme c'est le cas pour les monopoles reconnus comme tels que sont la radio et la TV.
Le quotidien «La Suisse» a disparu en mars 1994, «Le Courrier» et le «Journal de Genève», deux quotidiens suivant une éthique élevée et défendant des opinions, se battent pour leur survie. Les pouvoirs publics, notamment la Ville de Genève, mais aussi le Grand Conseil, en votant la motion 908 se sont émus de cette situation.
Le vote populaire du 1er décembre 1996 a écarté toute possibilité d'aide directe à la presse. Cependant, le débat a toujours été clair au sujet de l'aide indirecte. Personne ne s'oppose à ce que la presse soit soutenue, par le biais d'annonces mieux réparties, et plus abondantes, ou par le biais de souscriptions plus systématiques d'abonnements, dans les salles d'attente de bureaux officiels ou par les services par exemple.
Le Grand Conseil pourrait publier ses ordres du jour pas seulement dans la «Feuille d'avis officielle», et certains départements diversifier également leurs publications obligatoires. Afin de clarifier les possibilités d'action, il serait judicieux de faire l'inventaire des mesures de soutien indirect, et de proposer de mettre en oeuvre celles qui présentent le meilleur rapport coût-bénéfice sous l'angle du maintien de la pluralité de la presse.
En fonction de ces explications, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir adopter la présente proposition de motion.
Débat
M. René Longet (S). Depuis la disparition de «La Suisse», voilà un peu moins de trois ans, le Grand Conseil... (Brouhaha.)
La présidente. J'aimerais que M. le député puisse poursuivre, afin de terminer le département de l'économie publique ce soir. Allons, un peu de courage et d'efficacité !
M. René Longet. J'espère que ce Grand Conseil a été sensibilisé par la situation et qu'il est conscient de l'importance de la diversité de la presse dans notre canton. C'est l'une des interfaces majeures entre les citoyens et les institutions, entre les élus et les électeurs.
La presse pose tous les problèmes liés à l'information, à sa circulation, à la formation de l'opinion. C'est un agent de la démocratie, et l'état de santé de celle-ci est directement lié à celui de la presse.
Voilà presque trois ans, nous avons voté un certain nombre de résolutions, notamment une motion proposée par le groupe socialiste ayant pour objet d'intervenir au niveau fédéral, afin de maintenir la diversité de la presse ainsi qu'un statut lui permettant de jouer son rôle dans la démocratie.
Ensuite a eu lieu le débat sur l'initiative que vous connaissez. Depuis son rejet, il y a quelques mois, l'aide directe à la presse n'est plus à l'ordre du jour.
Il reste encore d'autres moyens de lui venir en aide. Il s'agit de l'aide indirecte, dont nous aimerions parler ce soir. Quelques pistes figurent dans l'exposé des motifs : davantage d'annonces et d'abonnements, par exemple. Mais nous ne voulons pas dresser de listes limitatives. Nous souhaitons, au contraire, grâce à cette motion signée par tous les groupes sauf un, que le Conseil d'Etat fasse l'inventaire de ce qu'il est possible de faire et propose des mesures qui seraient de notre compétence.
Cela signifie également que le Grand Conseil exprime cette volonté politique. Or, il y a peu de temps, la commission des finances avait proposé de réduire le nombre d'abonnements des services de l'Etat.
En votant cette motion, nous confirmons cette volonté du Grand Conseil, même si elle était différente il y a quelques mois ou quelques années.
M. John Dupraz (R). Depuis la disparition de «La Suisse», il reste encore quatre quotidiens dans ce canton, dont deux ont des difficultés. Ainsi, nous pourrions nous retrouver avec deux quotidiens du même groupe, et j'aimerais dire à nos partenaires de gauche que ce serait regrettable pour Genève.
Si l'Etat ne peut pas intervenir directement pour soutenir la presse, il faut songer aux nombreuses publications internes. Même si certaines servent plus à mettre en valeur le chef du département qu'à apporter une véritable information, on pourrait peut-être utiliser la presse quotidienne et louer des pages pour diffuser des informations destinées à toute la population, plutôt que d'éditer un fascicule spécifique au département. (Remarque de M. Maitre.) Mais, Monsieur Maitre, vous ne serez bientôt plus au Conseil d'Etat, ce sera pour votre successeur !
Voilà donc un moyen de venir en aide à la presse, tout en donnant une plus large information à la population. C'est la raison pour laquelle nous avons cosigné cette motion, en espérant que le Conseil d'Etat lui réservera un bon accueil.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant les aides indirectes à la presse
LE GRAND CONSEIL,
- considérant la motion 908 votée par le Grand Conseil le 29 avril 1994 (p. 1510);
- considérant la votation populaire du 1er décembre 1996 sur l'initiative «La Suisse», excluant une aide directe du canton à la presse;
- vu les déclarations de toutes les forces politiques réclamant d'épuiser les possibilités d'aide indirecte à la presse,
invite le Conseil d'Etat à
- faire l'inventaire de l'ensemble des mesures d'aide indirecte à la presse à la disposition du canton;
- lui faire rapport sur ses intentions en la matière.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Parmi les formes d'exploitation les plus odieuses se trouve certainement l'exploitation des enfants par le travail, dans des conditions souvent dangereuses, presque toujours mauvaises, pour des horaires interminables, et des tâches sans aucun intérêt formatif, de main d'oeuvre enfantine.
Ce travail des enfants compose de tout temps un élément de l'économie informelle qui caractérise le sous-développement de nombreuses parties du monde. On le croyait en régression, peu à peu vaincu par les progrès économiques et sociaux. Voilà qu'à la lumière des chiffres on s'aperçoit qu'il n'en est rien, voire même que la persistance de la crise dans les pays industrialisés, du moins de vastes zones de précarité, a amené parmi d'autres reculs un retour de fléau contre lequel les pionniers de la législation sociale du XIXe siècle avaient engagé leurs premiers combats.
Le rapport cité dans les considérants de la présente résolution a été publié au début du mois de novembre par le BIT, et nous nous référons ci-après à la présentation qu'en a faite la «Tribune de Genève» en date du 12 novembre (article de Federico Camponovo). Selon ce rapport, 120 millions d'enfants travaillent à plein temps à travers le monde, et 130 à temps partiel. 61% d'entre eux vivent en Asie, 32% en Afrique et 7% en Amérique latine. De nombreux cas de travaux dangereux sont signalés dans cet article, ainsi:
- aux Philippines, 60% des enfants qui travaillent sont exposés à des risques chimiques et biologiques;
- en Indonésie, Birmanie, Thaïlande et aux Philippines l'industrie de la pêche contraint des jeunes garçons de 10 à 15 ans à plonger sans équipement adéquat, et des dizaines d'entre eux meurent chaque année de ce fait;
- en Inde, une étude portant sur plusieurs années montre que des enfants employés dans l'industrie et l'agriculture ont généralement des retards de croissance.
D'autres cas concernent les enfants employés dans mines et empoisonnés au mercure, ou dans des verreries aux aménagements de sécurité rudimentaires. Naturellement aucun de ces enfants ne sera scolarisé. Et certains d'entre eux vivent ce qui est probablement le pire, à savoir l'exploitation sexuelle. Le rapport du BIT dénonce cinq réseaux internationaux de traite d'enfants. Un million d'enfants seraient en Asie victimes du commerce du sexe, et cette forme particulièrement odieuse de traite commence à se répandre aussi dans les anciens pays de l'Est. Nos pays industrialisés ne sont pas non plus à l'abri.
Outre l'action du BIT, des efforts sont accomplis au niveau international pour maîtriser cette situation et abolir le travail des enfants. Le Programme international pour l'abolition du travail des enfants est opérationnel dans une trentaine de pays, près de 13 conventions de l'OIT traitent de la question. De plus en plus, malgré la crise, les consommateurs se soucient des modes de production des marchandises offertes sur le marché, et ne souhaitent pas acquérir de biens produits par des mains d'enfants. Diverses ONG lancent des campagnes et des actions.
Nous sommes naturellement conscients que ce thème dépasse largement le ressort de notre canton. Il est cependant important, quand des valeurs fondamentales de civilisation sont en jeu, de ne rien négliger qui puisse soutenir les efforts mis en place, et également, de rappeler au passage aux autorités fédérales que notre pays n'a pas non plus fait tout ce qu'il pouvait faire dans le sens du renforcement des instruments internationaux, puisque la Suisse n'a pas encore ratifié la convention No 138 du BIT, adoptée en 1973, et qui fixe l'âge minimum d'admission à un travail à 15 ans, et pour les travaux dangereux à 18 ans. De son côté, le parlement jurassien a voté à l'unanimité, en septembre de cette année, une résolution analogue à celle que nous vous proposons.
Au bénéfice de ces explications, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir adopter la présente proposition de résolution.
Débat
M. René Longet (S). Vu l'heure tardive, je serai bref.
Nous exprimons régulièrement, dans ce Grand Conseil, un souci de solidarité pour marquer notre soutien lorsque les droits de l'homme sont particulièrement atteints.
C'est le cas avec le travail des enfants. De nombreux efforts sont faits, notamment par le BIT, organisation internationale bien établie dans notre canton, en vue de réglementer et de réduire l'une des formes d'oppression et de discrimination les plus choquantes.
Malheureusement, comme le démontrent les chiffres de l'exposé des motifs, le travail des enfants reste très répandu dans le monde. Il me semble important, lors de campagnes mondiales, que Genève, siège du BIT, soit particulièrement attentive et apporte son soutien. C'est une cause à défendre, et nous voulons supprimer progressivement cette situation.
Nous ne sommes pas le seul parlement cantonal à nous préoccuper de cette question. Voilà quelques mois, le parlement jurassien a voté une résolution dans les mêmes termes et à l'unanimité.
J'espère qu'il en sera de même, ce soir, dans ce parlement.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée aux Chambres fédérales.
Elle est ainsi conçue :
RESOLUTION
concernant le travail des enfants
considérant:
- les derniers chiffres publiés par le BIT selon lesquels plus de 250 millions d'enfants sont contraints de travailler de par le monde,
- que le nombre des enfants astreints à travailler est en progression constante, signe d'une détérioration des conditions sociales dans le monde,
- l'engagement du canton de Genève pour les droits des enfants et les droits de l'Homme en général,
LE GRAND CONSEIL,
- dénonce le scandale du travail des enfants
- demande au Conseil fédéral et au Parlement fédéral en particulier de signer et ratifier avec diligence tout engagement pertinent, notamment la convention No 138 de l'OIT et d'exprimer avec force la voix de la Suisse dans les forums internationaux dans le sens de l'interdiction du travail des enfants.
M. Luc Gilly (AdG). Il se passe de drôles de choses dans notre République. Entre novembre et décembre 1996, j'ai reçu plusieurs communications téléphoniques et visites, au secrétariat où je travaille, de la part de cinq jeunes vivant une situation assez ahurissante.
Tous ces jeunes étaient au chômage - sont encore ? - alors qu'une véritable chance d'obtenir une place de travail s'offrait à eux. Pour certains, il s'agissait de leur premier emploi.
Lors des entretiens d'embauche soit avec le responsable du personnel soit directement avec le patron, ils se sont entendu dire que s'ils devaient se rendre école de recrues ou à un cours de répétition ce printemps ou cet été ils n'obtiendraient pas le poste.
Je ne peux pas accepter cette attitude, l'Alliance de gauche non plus. Monsieur Vodoz, chef du département militaire, Monsieur Maitre, chef de l'économie publique, comment allez-vous réagir à ces cas qui sont certainement nombreux - j'allais dire «légion» ?
Ces jeunes ont contacté le DMF à Berne, mais tous ont essuyé un refus de report, alors que les chiffres accablants du chômage touchent une majorité de jeunes. L'armée fait - paraît-il - des efforts pendant l'école de recrues pour aider les recrues à retrouver du travail. Cependant, on constate que dans le civil les bureaucrates du DMF entrent peu en matière face aux jeunes chômeurs en refusant de repousser la période de service militaire, les empêchant ainsi de faire leurs premières expériences professionnelles.
Que dire de l'attitude de certains patrons ou de certaines entreprises exerçant un chantage inacceptable entre le poste de travail et les obligations militaires ?
Par cette interpellation, je vous demande, Monsieur Vodoz, de donner des instructions pour un changement d'attitude au département militaire à Genève face à de telles situations. Un courrier au DMF serait également le bienvenu.
Je souhaite également solliciter M. Maitre pour qu'il envoie une information claire à toutes les entreprises genevoises, afin que les responsables du personnel cessent ce chantage.
Messieurs, j'ai sous les yeux le dossier d'un jeune ingénieur ETS Télécom qui s'est déjà vu refuser deux postes. Le troisième, offert par Landis et Gyr, est perdu puisqu'il doit partir au service, cet été. Depuis la fin de ses études, ce jeune n'a pas encore travaillé. Malgré deux mois de démarches auprès du DMF et de nombreuses lettres et téléphones, le résultat est négatif.
Il y a quelques jours, une lettre lui est parvenue disant que les raisons avancées ne justifiaient pas le déplacement du cours. Ainsi, le chômage n'est pas considéré comme une raison valable. Messieurs, j'attends vos réponses, et je vous en remercie.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. J'aimerais répondre à cette interpellation dont le sujet ne nous est pas inconnu et nous préoccupe.
Monsieur Gilly, vous avez toujours eu un problème de compréhension dans le domaine des compétences. Sans vouloir fuir mes responsabilités, j'aimerais vous répéter une fois encore que les départements militaires cantonaux n'ont pas la compétence d'accorder des reports d'école de recrues, de cours d'avancement ou d'autres obligations militaires.
En revanche, dans cette époque difficile, chaque fois qu'un habitant de Genève, convoqué soit pour un service d'avancement soit pour l'école de recrues, trouvait un travail pendant cette même période, l'intervention du département militaire auquel le dossier avait été soumis a permis de modifier la première décision négative de Berne.
Je n'ai reçu aucun élément précis de votre part. Cependant, je vous ai souvent répété que j'étais à votre disposition pour intervenir en faveur de celles - quelques jeunes filles sont également concernées - et ceux qui se trouvent dans cette situation.
Le problème est en effet important. Lundi dernier, au cours de la Conférence romande des chefs de département militaire, j'ai eu une longue conversation avec M. Ogi à ce sujet. Il était déjà sensibilisé à ce problème, mais nous souhaitions que son administration le soit aussi.
Il est prioritaire qu'un jeune puisse retrouver du travail plutôt que d'effectuer son service militaire. Comme vous l'avez reconnu, l'armée fait de gros efforts pour les chômeurs pendant l'école de recrues. Pendant les cours de répétition, nous essayons d'intervenir lorsqu'un poste de travail est en jeu, et nous le faisons généralement avec succès.
Rien ne saurait donc être reproché au département militaire cantonal genevois. Mais je ne peux pas accepter l'attitude des chefs d'entreprise refusant à un jeune son premier emploi, alors que l'obligation de servir est clairement inscrite dans la Constitution.
Je n'ai aucun exemple précis, mais je me réjouis que vous m'indiquiez les noms des personnes concernées et de leurs employeurs, et, dans ce cas-là, j'interviendrai.
M. Luc Gilly (AdG). J'aurais aussi souhaité avoir l'avis de M. Maitre !
Cette interpellation est close.
M. Bernard Clerc (AdG). Ce n'est un secret pour personne : la caisse cantonale de chômage est surchargée. Il s'agit d'une surcharge chronique et non pas conjoncturelle.
Certes, il y a eu une augmentation de la surcharge, en début d'année, à cause d'un certain nombre de chômeurs qui recouvraient des droits et suite à des problèmes informatiques, mais cet aspect conjoncturel est secondaire.
Cette surcharge chronique provoque des décisions mal motivées, une avalanche de recours, et, finalement, une surcharge de pans entiers de l'administration.
Au budget 1996, 5 millions de subventions de l'OFIAMT étaient destinés au financement des postes de la caisse cantonale. Le subventionnement se fait par un système de points par cas de chômage, je n'entrerai pas dans les détails. Pour la caisse cantonale, ce système atteint 8 100 points.
Or la caisse cantonale accueille 80% des chômeurs du canton, soit environ douze mille. Permettez-moi d'établir une comparaison avec une caisse de chômage syndicale, celle du Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs qui s'occupe d'environ mille cinq cents chômeurs, et qui atteint un nombre de points par cas de 4 500, soit un peu plus de la moitié des points de la caisse cantonale.
Cette caisse syndicale touche une subvention de l'OFIAMT de 1,5 million. Cela lui permet de subventionner 16,4 postes. On voit déjà la disproportion entre une caisse syndicale, mille cinq cents chômeurs, 1,5 million, et la caisse cantonale, douze mille chômeurs, 5 millions.
Il est évident qu'il serait possible de doubler le nombre de postes de la caisse cantonale sans que cela ne coûte un sou à notre canton. L'OFIAMT ne comprend pas ce sous-effectif en regard de son système de calcul. Il est d'ailleurs particulièrement étonnant que dans l'audit général de l'Etat concernant l'office cantonal de l'emploi la société Arthur Andersen n'ait pas soulevé ce lièvre, elle qui, semble-t-il, est à la recherche de meilleures prestations à un moindre coût.
En l'occurrence, on pourrait obtenir de meilleures prestations et faire des économies en diminuant les recours. Cela m'amène à poser deux questions à M. Jean-Philippe Maitre.
Quel est le nombre exact de postes à la caisse cantonale, et non à l'office cantonal de l'emploi ? En effet, les données dont nous disposons au travers du budget ou des comptes du rapport de gestion indiquent les postes pour l'ensemble de l'office cantonal de l'emploi.
Pourquoi le Conseil d'Etat ne crée-t-il pas de postes en suffisance, permettant d'assurer un accueil correct des chômeurs ainsi que des décisions bien motivées, sans frais supplémentaires pour le canton ?
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. J'aimerais répondre aux différentes questions de M. Clerc.
A notre demande, la caisse a fait l'objet d'un audit, il y a un peu plus de deux ans, effectué par Arthur Andersen qui était également chargé par l'OFIAMT d'inspecter un certain nombre de caisses.
J'avais le souci d'obtenir une meilleure adéquation entre le nombre de postes et le nombre de dossiers, mais surtout entre le nombre et le type de dossiers et les méthodes de traitement. En effet, je n'acceptais pas certains retards.
Actuellement, d'après un point de situation récent, il n'y a pas de retard, mis à part l'engorgement que l'on a connu en janvier, mais ce fut le cas dans toutes les caisses.
J'ai pris la décision à la fin de l'année dernière d'augmenter le nombre de collaborateurs à la caisse cantonale, mais vous n'aviez pas encore reçu cette information au moment où vous avez déposé votre interpellation.
Actuellement, on compte cinquante-sept postes à plein temps, dont trois pour s'occuper des PCMM, cela représente environ septante personnes pour cinquante-quatre postes. Il faut ajouter les huit postes que le Conseil d'Etat a décidé de créer grâce aux subventions.
Vous avez raison sur un point : un certain nombre de décisions de la caisse sont insuffisamment motivées. Cela nous pose des problèmes d'instruction devant la commission cantonale de recours en matière de chômage. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de renforcer le staff juridique de la caisse. Mon objectif est d'obtenir une systématique de motivation des décisions beaucoup plus rigoureuse.
Indépendamment des huit collaborateurs supplémentaires dont nous avons doté la caisse cantonale genevoise de chômage, nous avons engagé trente-quatre conseillers en placement et en recyclage pour les services de placement et d'insertion professionnelle, et dix collaborateurs administratifs.
Quant au service d'insertion professionnelle, nous l'avons doté de trente collaborateurs supplémentaires pour toute la logistique des mesures actives. Ce sont les conséquences de l'entrée en vigueur de la nouvelle LACI, et nous entendons renforcer les compétences et la disponibilité, afin de diminuer le nombre de dossiers à charge de chaque collaborateur de l'office cantonal de l'emploi.
M. Bernard Clerc (AdG). Malgré l'annonce de la création de huit postes supplémentaires, je ne peux pas me déclarer satisfait de la réponse de M. Maitre. Ce n'est pas suffisant par rapport à la nécessité et aux possibilités.
Il suffit de faire un calcul assez simple : la caisse de chômage du SIT assume nonante et un chômeurs par poste subventionné par l'OFIAMT. La caisse cantonale en assumait deux cent quarante; avec les huit postes supplémentaires, elle en assumera encore deux cent vingt par poste.
Cette disproportion n'est pas explicable, alors qu'il existe un mode de calculation de subventionnement extrêmement précis, indiquant le nombre de points, les directives applicables aux différents dossiers, les démarches à entreprendre, etc. Ce système de calculation est appliqué par l'OFIAMT à toutes les caisses de chômage de ce pays.
Je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi vous persistez à ne pas vouloir engager le personnel nécessaire. Je le répète, cela ne coûterait pas un sou de plus à la République.
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Vous ne pouvez pas dire que nous persistons à ne pas vouloir engager, puisque nous engageons, et ce n'est pas terminé.
J'apprécie que vous établissiez des comparaisons avec les caisses syndicales, mais je souhaiterais que vous poursuiviez vos investigations un peu plus loin pour aboutir à d'utiles comparaisons qui n'iraient pas nécessairement dans le même sens.
Au surplus, du point de vue des méthodes de traitement des dossiers, vous devez effectivement, à un moment donné, prendre en considération des problèmes qui sont simplement des problèmes d'échelles et de masses critiques. (Quelqu'un siffle un air. La présidente demande que ce bruit de fond cesse.)
Avec un certain nombre de collaborateurs et des méthodes déterminées, vous ne traitez pas le même nombre de dossiers par collaborateur. Le nombre de dossiers traités par la caisse est beaucoup plus important et fait l'objet de méthodes de traitement spécifiques.
Cela étant, je suis prêt, car il en va de l'intérêt de la collectivité, à recevoir vos remarques et vos suggestions, notamment au sujet du retard dans le traitement. Grâce à vos indications, nous pourrons accélérer les embauches supplémentaires et les réformes dans les méthodes de traitement.
Cette interpellation est close.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Le contenu de l'interpellation que j'avais communiquée le mois dernier au département de l'économie publique a changé. Par contre, le titre demeure : «Quel futur pour les travailleuses et les travailleurs de la SIP ?». (Brouhaha.)
La présidente. Je ne vais tout de même pas suspendre la séance, un peu de calme ! (Exclamations.)
Mme Fabienne Blanc-Kühn. Les PDC sont en goguette !
La présidente. Oui, mais j'en suis capable, faites attention ! Un peu de silence, c'est presque fini ! Allons-y !
Mme Fabienne Blanc-Kühn. Nous pouvons admettre que la question du poids de la dette sur l'immeuble de Satigny est provisoirement réglée, suite aux interventions des établissements bancaires. Reste encore la question du projet industriel de la SIP qui repose actuellement sur un investissement de 3 millions; 2 millions par les repreneurs, 1 million par les grandes banques.
Cette somme peut être considérée comme faible pour une entreprise endettée qui réalisait auparavant une moyenne de 30 millions de chiffre d'affaires annuel. (Brouhaha, la députée interrompt son discours.) Soit vous mettez votre pyjama soit vous sortez votre oreiller ! Moi aussi, j'aimerais aller me coucher !
La présidente. Moi aussi !
Des voix. Et nous ! Et nous ! Et nous !
Mme Fabienne Blanc-Kühn. La SIP est convalescente, aussi il serait utile que l'Etat ouvre l'oeil, et le bon, pour surveiller cette convalescence. Suite aux décisions que nous avons prises, hier, concernant le projet de loi touchant les petites et moyennes entreprises, le Conseil d'Etat devrait envisager une aide financière pour alléger la charge des intérêts dont la SIP doit s'acquitter sur sa dette hypothécaire.
L'article 3 de la nouvelle loi que nous avons votée, tant sur le plan du cautionnement que de la contribution au service de l'intérêt, prévoit des mesures qui pourraient être utiles à cette entreprise.
J'aimerais connaître l'avis du Conseil d'Etat sur ce point bien précis.
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Vous avez, Madame, évoqué le problème du financement hypothécaire qui est effectivement résolu, et on espère que cela va durer. Ce n'est pas à la suite de l'intervention des banques, mais de l'intervention de votre serviteur auprès des banques qu'il a été résolu; et, en particulier, grâce au concours final de la Banque cantonale.
Les propos au sujet de la Banque cantonale révèlent des amnésies subites. On a oublié qu'en réalité elle avait apporté in fine un financement ayant permis de boucler le financement hypothécaire.
Vous avez évoqué la question des 3 millions de fonds propres amenés par le financement des deux repreneurs, cela peut paraître faible. Certains ont évoqué de manière polémique les gestions antérieures. Mais les repreneurs, dans le cadre de l'analyse extrêmement poussée qu'ils ont faite de l'entreprise, ont constaté d'importantes réserves latentes qui pourraient être valorisées et devenir effectivement des fonds propres.
Les possibilités offertes par ce projet de loi que votre parlement a enfin voté peuvent s'appliquer à la SIP.
La présidente. Madame Fabienne Blanc-Kühn, entendez-vous répliquer ?
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Je répliquerai ultérieurement, Madame la présidente, merci.
La réplique de Mme Fabienne Blanc-Kühn à cette interpellation figurera à l'ordre du jour d'une prochaine session.
EXPOSÉ DES MOTIFS
De nombreuses entreprises de faïencerie fine se sont installées à Carouge, dès la fin du XVIIIe siècle et, surtout, au cours du XIXe siècle; des noms prestigieux, tels ceux de Baylon, Dortu et Noverraz, sont maintenant indissociables de ce qui est devenu une tradition de la céramique carougeoise.
Les autorités communales carougeoises, conscientes de la richesse artistique que constitue cette tradition ainsi que de la présence de nombreux céramistes installés sur leur territoire, ont créé, en 1987, le «Prix international de la Ville de Carouge», dont la renommée dépasse largement les frontières cantonales, voire fédérales.
Après la création de deux «parcours céramique», le premier en 1993 sur tout le territoire genevois et en particulier à Carouge, et le second en 1995 à Carouge, à l'initiative des céramistes carougeois en rapport avec le Musée de Carouge, les autorités carougeoises souhaitent faire perdurer et développer cette tradition de faïencerie fine et de céramique afin de mettre en valeur cette part de notre patrimoine.
C'est la raison pour laquelle la Ville de Carouge, instituée héritière unique à titre universel de Mme Charlotte Bruckner, a souhaité affecter ces biens à la création d'une fondation dont le but est la promotion et le développement de la création artistique dans le domaine de la céramique à Carouge.
Ce souhait a été approuvé à l'unanimité du Conseil municipal de la Ville de Carouge, le 6 juin 1996, ainsi que par le Conseil d'Etat, le 31 juillet 1996.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous recommandons très vivement, Mesdames et Messieurs les députés, d'approuver le présent projet de loi.
Préconsultation
La présidente. Nous nous prononçons sur la proposition de traiter ce projet de loi en discussion immédiate.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
concernant la création de la Fondation Bruckner pour la promotion de la céramique à Carouge
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 175 de la constitution genevoise;
vu les articles 30, alinéa 1, lettre t, et 72 de la loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984;
vu la loi sur les fondations de droit public, du 15 novembre 1958;
vu la délibération du Conseil municipal de la commune de Carouge, du 6 juin 1996, approuvée par le Conseil d'Etat, le 31 juillet 1996,
Décrète ce qui suit:
Article 1
1 Il est créé sous le nom de «Fondation Bruckner pour la promotion de la céramique à Carouge» une fondation de droit public au sens de la loi sur les fondations de droit public, du 15 novembre 1958.
2 Cette fondation est dotée de la personnalité juridique. Elle est placée sous la surveillance du Conseil municipal de la commune de Carouge.
Art. 2
Les statuts de la Fondation Bruckner pour la promotion de la céramique à Carouge, tels qu'ils ont été approuvés le 6 juin 1996, par délibération du Conseil municipal de la commune de Carouge, joints à la présente loi, sont approuvés.
ANNEXE
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La séance est levée à 0 h 10.