Séance du
vendredi 21 février 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
3e
session -
7e
séance
IU 301
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Monsieur Nissim, c'est la troisième fois que vous revenez, avec des arguments toujours différents, sur l'augmentation des tarifs de l'électricité.
La première fois, c'était pour réduire la consommation d'électricité; la deuxième fois, pour financer le Fonds de politique énergétique et la troisième fois, c'est-à-dire aujourd'hui, pour financer les actions techniques de la conception cantonale de l'énergie.
Monsieur Nissim, nous partageons la même vision quant aux grandes options stratégiques telles que le développement durable. Je vous suis également dans les idées de mise en oeuvre que vous avez préconisées dans le projet de motion 1114.
En revanche, je diverge d'avec vous sur la tactique à adopter pour développer notre politique énergétique. Je crois que vous me faites un procès d'intention en disant que j'adhérerais au fait que nous sommes à un tournant important de l'organisation du système énergétique européen, lui-même en permanente évolution. Loin de m'en réjouir, je préférerais, en ce qui me concerne, recourir uniquement à l'énergie hydraulique, aux énergies de substitution, aux éoliennes, au photovoltaïque, etc. Malheureusement, cela ne suffirait pas à alimenter le canton de Genève en courant électrique et en énergie.
Nous intégrons une notion récente, issue de la Conférence de Rio, à savoir le développement durable dont les trois composantes sont l'économie, la société et l'environnement. Nous vivons une crise profonde, dans un contexte mondial bouleversé par les nouvelles règles économiques. A Genève, nous avons procédé à des choix contraignants en matière d'approvisionnement énergétique. Nous ne pouvons approcher la politique énergétique en ignorant ces faits. Certes, nous pourrions nous affubler d'oeillères et aborder, de façon obsessionnelle, l'une ou l'autre de vos idées, aussi bonne soit-elle, sans l'intégrer dans une évaluation globale. Cela me rappelle certains élèves conducteurs qui se focalisent sur un paramètre isolé de la conduite, par exemple le compteur de vitesse, la voiture devenant je ne sais trop quoi.
La conception cantonale de l'énergie a précisément pour rôle de nous permettre de concrétiser une politique énergétique cohérente, qui tient compte de tous les éléments que je viens d'évoquer.
Le projet 1996 a présenté le sujet sous un angle résolument différent de la conception adoptée en 1993. Vous m'avez souvent reproché ma lenteur à réagir... Aussi ai-je le plaisir de vous informer que c'est le 17 mai 1989 que j'ai versé, à titre personnel, à la CERA - Coopérative pour les énergies renouvelables et alternatives - un montant de 5 000 F pour la construction de notre installation photovoltaïque de 3 kW sur le centre sportif Sous-Moulin, à Thônex. Hier, et je vous en remercie, j'ai reçu mon certificat de copropriété. Certes, le rythme de travail en faveur des énergies douces n'est pas aussi rapide que souhaité.
Je reviens au texte de votre interpellation et plus particulièrement à la production locale d'électricité au coût très élevé. Avant de vous répondre, je reprends un exemple cité par M. Schneider, député : «Le canton de Genève souhaite un approvisionnement économique diversifié, respectueux de l'environnement et privilégiant les énergies renouvelables. Pourquoi ne pourrait-il pas utiliser à son profit le grand marché européen de l'électricité - je dis bien européen - pour passer des contrats avec des centrales éoliennes au Danemark ? C'est beaucoup moins cher que certaines réalisations genevoises; ce serait peut-être plus sain pour nos tarifs et, par-là, pour notre économie, et respectueux de nos objectifs.»
Les centrales du réseau européen ne sont pas toutes sales et dangereuses pour leurs riverains et nous-mêmes. Des sources d'approvisionnement très intéressantes existent. Cette ouverture, qui n'a pas que des côtés négatifs, nous permettrait d'accéder à des tarifs accessibles qui éviteront aux grandes entreprises genevoises, bientôt libéralisées, d'acheter leur courant n'importe où, par exemple aux centrales rouillées et fumantes des pays de l'Est que vous dénoncez à juste titre.
Nous sommes parvenus à un tournant décisif qui nous oblige à doser créativité et réalisme.
Pour le surplus, je vous rappelle que la décision de refuser la demande des Services industriels d'augmenter leurs tarifs émane du Grand Conseil, sur recommandation du Conseil d'Etat; que le fonds de la politique énergétique fait l'objet d'une motion actuellement en discussion à la commission parlementaire et que si les 10 millions n'ont pu être inscrits au budget, ce n'est pas à cause de moi, mais en raison des restrictions budgétaires imposées.
En conclusion, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas faire éclater la politique énergétique cantonale en une multitude de projets indépendants, mais à lui conserver sa cohérence, grâce à cet outil qu'est la conception cantonale.
J'espère, Monsieur Nissim, avoir répondu à votre intéressante interpellation.
Cette interpellation urgente est close.