Séance du
jeudi 20 février 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
3e
session -
5e
séance
I 1970
M. Hervé Burdet (L). Je voudrais faire deux remarques préalables :
- les questions de sécurité et d'environnement ne sont pas le privilège des gens de gauche, des Verts - ni de droite, d'ailleurs.
- les demandes pour que soit appliqué un règlement fédéral ne doivent pas forcément laisser supposer «aux gens de droite» un coût économique insupportable.
Voici le fond du problème :
Deux fois déjà à La Praille, en 1992 et en 1993, des accidents sont survenus à des wagons acheminant des additifs pour l'essence et présentant des fuites. Dans les deux cas, la situation a été jugée dangereuse tant pour l'environnement que pour la population, au point qu'il a été demandé aux Lancéens riverains de la gare de La Praille soit de rester chez eux, toutes fenêtres fermées, soit d'évacuer temporairement leur maison. Je vous laisse juge...
Lors des deux interventions, les opérations de secours ont pris quasiment toute une journée, et, de l'avis de l'ensemble des professionnels intervenants, Genève a eu beaucoup de chance.
Dans les deux cas, il s'agissait de wagons en mauvais état, arrivant de l'étranger, et dont les fuites n'ont été repérées que lors de leur arrivée en gare de La Praille.
A ce titre, il est bon de rappeler que cette gare de triage se trouve actuellement en pleine ville. Elle est bordée par les villes de Genève, de Carouge et de Lancy sur toute sa partie supérieure. On notera aussi que la gare étant située dans une sorte de cuvette, constituée par l'ancien lit d'une rivière, cela risque d'aggraver les accidents.
Suite à l'accident du 19 juin 1994 en gare de Lausanne, le Conseil municipal de Lancy a pris une résolution à l'unanimité demandant à son Conseil administratif d'interpeller le Conseil d'Etat sur la sécurité à la gare de La Praille.
Il a fallu au Conseil d'Etat presque dix-huit mois pour donner sa réponse.
Le contenu de cette réponse, daté de décembre 1995, minimise le problème et banalise les risques. Il est loin d'être satisfaisant pour les habitants de Lancy et du reste de la zone.
- Sachant que l'ordonnance fédérale sur la protection contre les accidents majeurs du 27 février 1991, ordonnance dite OPAM, prévoit, entre autres, que les installations ferroviaires servant au transport ou au transbordement de marchandises dangereuses ont l'obligation d'établir une étude de risque;
- sachant aussi que cette ordonnance indique, dans son article 9, que l'autorité d'exécution, à savoir le canton, communique sur demande des entités concernées - une commune, par exemple - le résumé de l'étude de risque;
- sachant encore que cette étude aurait dû être remise, selon l'article 25 de ladite ordonnance, à l'autorité cantonale avant le 1er avril 1994,
je voudrais formuler quatre questions à l'intention du Conseil d'Etat :
1. Pourquoi la CIRMA - commission interdépartementale chargée d'établir un inventaire des installations à risques majeurs comportant des produits dangereux - n'est-elle pas, à ce jour, en mesure d'établir un rapport crédible sur le site de La Praille et les risques qu'il présente ?
2. Pourquoi l'Etat de Genève se satisfait-il du rapport succinct élaboré par les CFF, conformément à l'article 5 de l'ordonnance sur la protection contre les accidents majeurs - OPAM - alors même que l'Office fédéral des transports souligne que ce rapport est incomplet et que des informations complémentaires, relatives à la description des installations et de leurs alentours ainsi qu'au volume du trafic, y manquent complètement ?
3. Pourquoi, s'agissant de la gare de La Praille, les problèmes et les lacunes en termes de sécurité dûment signalés à l'Office fédéral des transports et à la direction générale des CFF n'ont-ils, jusqu'ici, trouvé aucun écho ? Ils sont simplement taxés de «risques mineurs».
4. Pourquoi le Conseil d'Etat genevois, qui avoue, en date du 18 décembre 1995, par lettre à la commune de Lancy, n'être pas en mesure de présenter le résumé de l'étude de risque, conformément à l'article 9 de l'OPAM, ou le rapport complémentaire ordonné par l'Office fédéral des transports relatif au canton de Genève, accepte-t-il une aussi navrante et dangereuse situation sans réagir ?
En définitive et comme tout député genevois, il m'importe de savoir pourquoi le canton de Genève ne s'affirme pas plus énergiquement auprès du Conseil fédéral pour lui demander que les normes de sécurité qu'il édicte lui-même soient au moins respectées et appliquées par ses propres régies, en l'occurrence celle des CFF ?
Il y va de la sécurité d'une bonne partie de la population genevoise, et pour nous tous dans ce Grand Conseil, c'est important.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Suite à l'accident survenu le 29 juin 1994 en gare de Lausanne, le Conseil administratif de la commune de Lancy nous a interpellés pour que lui soit transmis le résumé d'une étude de risque relative à la gare CFF de La Praille, se basant en cela sur l'ordonnance fédérale OPAM, citée par M. le député.
Aux termes de l'OPAM, les chemins de fer fédéraux sont détenteurs de la gare de La Praille, et il leur appartient de nous fournir le rapport succinct prévu par cette ordonnance.
Au mois de novembre 1994, l'Office fédéral des transports a transmis un rapport succinct à la CIRMA, cette commission interdépartementale chargée d'établir un inventaire des installations à risques majeurs comportant des produits dangereux. Effectivement, ce rapport qualifiait de «risque mineur» la situation à La Praille.
La CIRMA ne s'est pas satisfaite de cette réponse. Elle a estimé que le travail d'ensemble n'était pas de qualité. Elle a demandé un rapport complémentaire. A fin 1995, elle l'attendait toujours. Le 22 octobre 1996, M. Guy-André Marmy, responsable «catastrophes» à l'état-major cantonal de crise, confirmait n'avoir toujours rien reçu. En novembre 1996, lassé d'attendre ce rapport complémentaire promis par les CFF et l'Office fédéral de transports, M. Marmy s'est fâché et a décidé avec la CIRMA de remettre directement au Conseil d'Etat un rapport final émanant de la CIRMA.
Par l'intermédiaire des services de police, la CIRMA a donc lancé l'étude de risque. C'est sa réponse au Conseil d'Etat, laquelle court-circuite le fameux rapport que les CFF n'ont pas envoyé.
Le 10 décembre 1996, j'ai rencontré M. Gauderon, directeur du premier arrondissement des CFF, qui m'a dit que le travail avait été entrepris. M. Gauderon m'a confirmé que le risque était tout à fait restreint et qu'il n'y avait pas de raison de s'inquiéter outre mesure. Il a néanmoins admis que les retards enregistrés n'étaient pas admissibles et promis de faire le nécessaire pour que ce rapport nous parvienne au début de l'année 1997.
Je voudrais vous dire, Monsieur le député, combien votre interpellation est légitime et justifiée. Je tiens à dire aussi qu'à Genève nous ne sommes pas responsables, au niveau politique et au niveau de nos organes gouvernementaux, de la situation créée par une commission qui ne rend pas le rapport qui lui a été demandé à maintes reprises.
Partageant vos préoccupations, nous avons donc pris des décisions tendant à obtenir directement le rapport que ne nous ont pas fourni les CFF. J'espère vous faire parvenir prochainement ce document et vous rassurer sur la situation de la gare de La Praille.
Vous ayant ainsi répondu, je m'engage à vous fournir le rapport sitôt que je l'aurai reçu, et ce dans les plus brefs délais. Je relance à nouveau M. Gauderon à cet effet.
M. Hervé Burdet (L). Je remercie le Conseil d'Etat de sa réponse complète et pertinente.
Conformément au règlement, je réserve mon droit de répliquer, en attendant l'arrivée hypothétique du rapport que nous attendons tous depuis fort longtemps.
La réplique de M. Hervé Burdet à cette interpellation figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.