Séance du jeudi 20 février 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 3e session - 5e séance

P 1134-A
37. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant l'évacuation d'une locataire (immeuble : 11 rue Dizerens). ( -) P1134
Rapport de Mme Janine Hagmann (L), commission des pétitions

En date du 8 novembre 1996, Mme Olga Cristallidis adressait aux autorités cantonales une pétition munie de sa seule signature pour se plaindre de l'évacuation de son domicile. Après l'avoir enregistrée, le Grand Conseil la renvoya à l'examen de la commission des pétitions. Cette dernière, sous la présidence de M. Luc Barthassat, la traita lors de ses séances des 6, 13, 20 janvier et 3 février 1997. La teneur en est la suivante:

Olga Cristallidis

Ing. architecte dipl. EPUAT/EAUG

Dipl. faculté des sciences - Université de Genève

Rue Dizerens 11

1205 Genève

 Mesdames et Messieurs les députés

 Commission des pétitions

 Case postale 164

 1211 Genève

 Genève, le 8 novembre 1996

Mesdames etMessieurs les députés,

Comme la souveraineté du canton de Genève réside dans le peuple et que le peuple se compose de l'ensemble des citoyens (art. 1 Cst), je me permets, en tant que citoyenne du canton de Genève, d'évoquer l'article 1, alinéa 4, de la constitution: «La forme du gouvernement est une démocratie représentative.» Son application veille à notre démocratie, mais malheureusement ces dernières années elle n'a pas été appliquée à plusieurs reprises à mon égard.

La persécution permanente dont je suis l'objet n'est aucunement motivée, ni par les procédures juridiques et administratives qui s'expriment par la bavure dans la forme la plus pure; ni par l'ensemble des lois qui gèrent le pays.

Fatiguée, finalement tombée malade, vivant dans des conditions inhumaines, je fais appel à votre responsabilité engagée par votre serment au moment de votre élection, ainsi que le serment de juge et d'avocat, et les articles 124 et 125 de la constitution.

Pour la deuxième fois dans le courant du mois je réintègre mon domicile, vidé de toutes mes affaires.

En fait, la régie Pilet et Renaud a procédé à une évacuation durant mon absence à l'étranger, sans que je n'aie à aucun moment été entendue, l'article 4 du code de procédure civile n'est pas appliqué.

Je n'ai pas eu la possibilité de réceptionner en mains propres la sommation concernant l'évacuation.

1. Le code de procédure civile oblige que la personne concernée ait connaissance de son sort pour qu'il n'y ait pas d'abus.

2. Aucun extrait de l'acte de signification n'a été inséré dans la Feuille d'avis officielle, ne m'étant pas trouvée à mon domicile en raison même de mon absence (par analogie l'art. 16 CPC peut être imputé).

3. La demande de restitution de mon dossier auprès de l'Asloca n'a pas abouti jusqu'à aujourd'hui. Toutes les possibilités de me défendre valablement m'étaient enlevées par le comportement illicite de l'Asloca, ne me restituant pas mon dossier.

J'ai adressé le 6 mars 1996 une lettre recommandée au Tribunal des baux et loyers expliquant que j'étais dans l'attente de la restitution de mon dossier par l'Asloca et j'ai demandé un délai pour déposer ma requête dans la forme, requête contre la régie pour l'abus de profession et contre le congé abusif, car la régie n'avait pas restitué la ristourne du chauffage depuis deux ans, somme qui correspondait à un retard de loyer d'un mois.

L'abus de pouvoir et de la profession de régisseur s'était déjà produit arbitrairement le 5 juin 1993, avec une évacuation sans aucun motif valable, et il n'y avait pas de litige car le loyer était à jour et le bail en ordre, mais je me trouvais évacuée.

J'avais alors été réintégrée dans les lieux par décision du Tribunal des baux et loyers le 8 juin 1993, ayant obtenu gain de cause, avec une clause de réservation pour dommages-intérêts, car je n'ai récupéré que la moitié de mes affaires, l'autre moitié a été dégradée, déchirée ou volée, étant restée dans les bennes sur la voie publique.

Préoccupée par mes difficultés professionnelles et par conséquent financières, je n'ai pas pu déposer de plainte pénale à l'époque. J'avais adressé à ce sujet une lettre au Conseil d'Etat en février 1994. Je ne pouvais pas imaginer que cet acte criminel camouflé par une procédure vicieuce auprès du Tribunal des baux et loyers se répéterait, de cela il doit y avoir une explication de la part de la régie.

Je demande à votre commission d'enquête de me convoquer dans le plus bref délai avec la régie Pilet et Renaud pour que cette dernière explique devant vous sur quelles bases légales elle a mis en erreur la justice pour qu'une telle ignominie se produise.

Les articles de loi dans le CPC, OJ ou CO et EC sont tous bafoués, car utilisés par le vice pour commettre le déni de justice.

Me référant à l'article 10 - Droit au logement garanti par la constitution genevoise, ainsi qu'à l'article 4 de la constitution fédérale, je vous demande cette convocation.

Au nom de la séparation de pouvoir mais aussi du droit et du pouvoir du Grand Conseil de surveiller l'exécutif, donc la justice (art. 124 surveillance des Tribunaux), je demande à être entendue.

Je demande également que l'article 2 de la constitution genevoise et l'article 4 de la constitution fédérale me soient appliqués.

Je suis en fin de droit, au chômage depuis le 6 juin 1995, et je n'ai pas pu bénéficier de mes droits. Le paiement de mes deux derniers mois de chômage a été effectué avec un retard de trois mois.

Je ne peux plus accepter les abus de la régie qui, par diffamation et manipulation du droit, met en erreur la justice, m'obligeant à subir et accepter une évacuation arbitrairement légalisée.

Mesdames et Messieurs les députés, je fais appel à vous en tant que représentants élus de l'Etat de la République et canton de Genève qui est ma patrie choisie mais également la patrie d'illustres grands hommes qui ont marqué l'histoire européenne et mondiale des derniers siècles sur le plan humanitaire et les fondements d'un Etat de droit.

Il faut aussi que je vous signale que j'ai des attachements très particuliers avec l'Etat de Genève car si ma patrie d'origine a pu renaître de ses cendres et accéder à l'indépendance, c'est grâce à deux illustres Genevois D. Dufour et J.-G. Eynard qui sont les grands bienfaiteurs de la Grèce. C'est ainsi que la République hellénique reconnaissante leur rend hommage en déposant une couronne chaque année dans le parc des Bastions, par ses autorités consulaires.

Afin que l'esprit de Genève continue à rayonner mondialement comme lumière non crépusculaire sur les droits humanitaires et les fondements d'un Etat de droit, nous devons respecter scrupuleusement notre dot et patrimoine culturels.

Des faits et des exactions comme les suivants sont inimaginables et intolérables, ils portent une atteinte terrifiante aux fondements d'un Etat de droit et constituent une aliénation du régime démocratique qu'ils tendent à réduire au rang des régimes totalitaires et extrémistes. A savoir:

En date du:

 De retour de voyage je n'ai pu entrer dans mon appartement.

14.10.96 J'ai dû faire appel à un serrurier pour entrer dans l'appartement qui était complètement vide; j'étais accompagnée de M. V. Chapuis. Je devais chercher mes affaires. On avait constaté une infraction sur l'une des fenêtres, la vitre extérieure du double vitrage a été sciée avec un instrument spécial, depuis l'extérieur, et le volet extérieur fonctionnait difficilement. Jamais auparavant il n'avait présenté de problèmes, or il y avait eu une tentative de pénétration par la fenêtre.

15.10.96 J'ai contacté immédiatement Me C. Troyanov puis je lui adressé une lettre avec mes plus vives inquiétudes au sujet de mes affaires personnelles.

15.10.96 Me Troyanov contacte la régie et cette dernière n'a voulu fournir aucun renseignement ni au sujet des exactions, ni sur le lieu où se trouvaient mes affaires, soi-disant que l'employé qui s'est occupé de l'affaire était absent, en vacances. J'ai dû attendre la semaine suivante.

 Me Troyanov a averti la régie que j'ai intégré mon appartement et que j'ai amené des affaires d'urgence afin que je puisse y passer la nuit.

22.10.96 La régie a reconnu qu'elle a procédé à une évacuation pendant mon absence.

25.10.96 La régie avait eu de la peine à fournir des pièces justificatives de l'évacuation ainsi que des renseignements permettant de déterminer où se trouvaient mes affaires.

28.10.96 Aussi d'expliquer pourquoi elle n'a rien annoncé à la responsable de la Fondation de Chambesy qui s'est occupée de mon appartement pour le paiement de mon loyer. Egalement, elle n'a rien annoncé au comité de la même fondation, lors de l'entretien téléphonique de cette dernière avec la régie, le 17 septembre 1996, pour demander des bulletins de versements.

 La régie avait alors répondu qu'elle devait envoyer les décomptes des loyers mais n'a rien fait. La fondation m'avait annoncé par téléphone qu'ils n'avaient rien reçu de la régie jusqu'à mon retour où j'ai constaté les exactions illicites.

Or ce comportement de la régie montre clairement une préméditation à répétition pour vouloir exécuter l'évacuation en mon absence et sans que des personnes qui sont en contact avec moi soient au courant.

Le but est le vol légal par le tiers par évacuation en mon absence, évacuation qui est illégale car la loi exige que les personnes évacuées soient présentes ou représentées par un tiers au moment de l'évacuation.

Cela met en évidence le comportement illicite de la régie lorsqu'elle était surprise par l'avocat le 16 octobre, était dans l'impossibilité de justifier ses actes. En donnant pour toute réponse que la personne responsable de l'appartement était en vacances.

On devait attendre son retour la semaine suivante.

Je vous prie vivement de bien vouloir apporter la plus grande attention à la présente pétition et je reste à votre disposition pour votre enquête préalable.

Je vous remercie de démontrer que votre représentation du peuple qui vous a élu n'est pas vaine et que vous pouvez être sensibilisés par l'injustice.

Mesdames et Messieurs les députés, veuillez agréer, l'expression de ma plus haute considération.

O. Cristallidis

N. B.: A l'instant où je vous fais parvenir ces lignes, je n'ai toujours pas pu récupérer mes affaires. Je suis dépourvue de tous mes effets personnels, passeport grec (j'ai dû faire une déclaration au consulat), pièces officielles, objets de culte, icônes, attestations de travail originales. Pièces officielles qui m'ont été confiées lors des démarches pour des embauches, objets précieux de tierces personnes, qui se trouvaient dans mon appartement pour des raisons de restauration.

C'est vraiment scandaleux !

1. Audition de la pétitionnaire

Lors de son audition, Mme O. Cristallidis explicite d'une manière très complète mais un peu confuse sa pétition. Mme O. Cristallidis donne moult renseignements sur le parcours tortueux de son existence. Elle dépasse le champ de la pétition en signalant différentes persécutions qu'elle imagine avoir subies dans sa vie. Les commissaires l'ont écoutée avec compassion, tout en faisant remarquer qu'ils n'avaient pas la compétence pour juger des facteurs extérieurs intervenus dans l'existence de la plaignante. Ils ont souhaité se concentrer sur le problème de l'évacuation de son domicile de la rue Dizerens 11.

Mme Mme O. Cristallidis fait l'historique des événements qui l'ont décidée à adresser une pétition aux autorités cantonales.

A Genève depuis 22 ans, elle a travaillé comme architecte jusqu'en 1992, année de son premier chômage. Elle arrive en fin de droits en 1995. Puis elle suit un parcours très tortueux passant par des formations complémentaires de réinsertion et stages proposés par l'office cantonal de l'emploi qui n'aboutissent à aucune situation la satisfaisant. Elle obtient le versement du revenu minimum d'aide sociale qui ne lui permet pas de payer tous ses arriérés. Son dossier passe à l'Hospice général. Mais la plaignante refuse d'être à l'assistance publique; elle reste alors sans revenu depuis le 30 mai 1996. Entre-temps une demande d'aide à la fondation philanthropique de Chambésy avait abouti à la participation du paiement du loyer. Cette aide a été interrompue après étude du dossier par la fondation. Les loyers n'ont plus été payés dès février 1995. L'appartement a été évacué pendant une absence de trois semaines de la locataire, sans avertissement et tous les documents concernant cette affaire ont disparu.

2. Discussion et vote

La commission a été émue de voir cette femme complètement désemparée qui se sent persécutée et qui montre une grande instabilité. Les commissaires ont voulu faire la lumière sur le problème de l'expulsion de Mme O. Cristallidis de son domicile et ont chargé le président de la commission de recueillir la documentation nécessaire auprès de la régie. Le dossier constitué par la régie Pilet et Renaud aimablement mis à la disposition des commissaires est très clair. Le jugement du Tribunal des baux et loyers est précis. Un dossier photograhique très complet de l'état désordonné de l'appartement au moment de l'évacuation a été établi par l'étude de Me Jacquiery, son double est déposé au secrétariat du Grand Conseil. Les commissaires ont pu constater le sérieux et le bien-fondé des décisions qui ont été prises dont voici le résumé:

- Congé signifié le 23 mars 1995, pour le 31 mai 1995, pour non-paiement de loyer.

- Le 25 avril 1995, Mme Cristallidis dépose une requête contre ce congé.

- Audience le 29 mai 1995 à la commission de conciliation, Mme Cristallidis ne se présente pas.

- Audience le 3 juillet 1995 à la commission de conciliation, Mme Cristallidis se présente avec Me Suter de l'Asloca.

- Audience le 23 octobre 1995 à la commission de conciliation, Mme Cristallidis ne se présente pas, ni l'Asloca, qui entre-temps s'est retirée.

- Le 26 octobre 1995, la régie Pilet et Renaud dépose une requête en évacuation auprès de la commission de conciliation.

- Audience le 12 janvier 1996 à la commission de conciliation, Mme Cristallidis est présente. Mme la présidente demande la comparution personnelle des parties, Mme Cristallidis vivrait avec son frère dans cet appartement.

- Audience le 5 février 1996 à la commission de conciliation, personne ne se présente, requête non conciliée.

- Le 9 février 1996 dépose de la requête en évacuation auprès du Tribunal des baux et loyers.

- Audience le 17 avril 1996 au Tribunal des baux et loyers, Mme Cristallisis ne se présente pas. Jugement par défaut qui devient exécutoire le 12 juin 1996.

- Le 1er juillet 1996 remise du dossier à Me M. Jacquiery pour évacuation.

- Audience auprès du procureur général le 29 août 1996. Mme Cristallidis ne se présente pas. Evacuation prononcée.

Cette pétition montre que toutes les théories mises au point pour aider les gens ne peuvent pas toujours se réaliser. Les commissaires encouragent Mme Cristallidis à poursuivre ses démarches pour retrouver un emploi. Ils approuvent sa motivation à vouloir travailler et comprennent que sa situation de chômage soit pénible. Mme O. Critallidis semble heureusement avoir beaucoup d'amis, elle est souvent en voyage et trouvera peut-être un jour un havre de paix.

La commission ne peut cependant admettre les termes de «préméditation à répétition, de vol légal, d'évacuation illégale, de comportement illicite ou d'injustice». Au vu des documents remis par la régie Pilet et Renaud et du jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers du 12 juin 1996, la commission des pétitions vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, à l'unanimité des membres présents, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Débat

M. René Ecuyer (AdG). Cette malheureuse affaire concerne une personne évacuée en 1993, puis réintégrée avant de faire l'objet d'une nouvelle procédure.

Nous devons nous attarder un peu sur ces questions d'évacuation; il s'agit d'un problème douloureux touchant une personne qui, sans être de mauvaise foi, va être expulsée de son appartement. De telles affaires se multiplient. Elles sont liées à un enchaînement malheureux de faits - maladie, licenciement, chômage, divorce - conduisant à une confrontation avec la justice et à la commission des baux. C'est une procédure trop lourde pour des gens qui n'ont jamais eu affaire à la justice.

Il y a eu jugement d'évacuation, puis expulsion. Mais c'est pénible de se faire expulser d'un appartement que l'on occupe depuis une vingtaine d'années et où l'on a vu grandir ses enfants. C'est un drame pour cette dame expulsée à la suite de circonstances, qui lui sont étrangères, dues à la situation économique.

L'appel lancé aux députés, en tant que «représentants élus de l'Etat de la République et canton de Genève qui est ma patrie choisie mais également la patrie d'illustres grands hommes qui ont marqué l'histoire européenne et mondiale des derniers siècles sur le plan humanitaire et les fondements d'un Etat de droit» montre à quel point cette femme est désemparée. C'est un véritable cri face aux juges et aux personnes chargées d'appliquer la loi.

Hélas, ce cri se perd dans le brouillard ! On admet que cette femme soit expulsée à la suite d'un événement incroyable, que sa vie soit bouleversée et que son avenir soit définitivement compromis.

Mais le problème des évacuations ne peut plus passer inaperçu. Effectivement, nous vivons dans un Etat de droit; il existe des contrats entre locataires et propriétaires. Le droit au logement, voté majoritairement, n'est pas respecté si le loyer ne peut plus être payé.

J'aimerais vous citer deux ou trois cas d'évacuation, afin de mieux vous interpeller.

Abandonnée, une femme élève seule ses trois enfants. Sans verser un centime, le mari a disparu avec une femme, au revoir messieurs dames ! (Rires.) En effet, on peut se marrer; c'est vraiment rigolo ! Sans aucun revenu pendant de longs mois, elle s'est endettée, n'a pas payé son loyer et a fait finalement appel à l'Hospice général. Ayant fait l'objet d'une procédure de recouvrement, elle n'a pas payé. Dans de tels cas, la procédure est sommaire et le jugement d'évacuation est prononcé très rapidement.

L'Hospice général, qui fait des efforts considérables pour les personnes en difficulté, paie le loyer depuis une année, mais sans régler l'arriéré. Bien qu'il n'y ait plus aucun risque d'endettement supplémentaire, le procureur général décide d'expulser cette maman en vertu du jugement d'évacuation.

J'aimerais vous parler également d'un type parti en mission pour le compte d'une organisation... (Brouhaha.)

La présidente. Avez-vous encore beaucoup de cas ?

M. René Ecuyer. Je ne prends pas souvent la parole, vous pouvez m'accorder quelques minutes !

La présidente. Je vous laisse la parole, mais c'est à l'unanimité... Je ne savais pas si vous étiez membre de la commission...

M. René Ecuyer. Non, mais je vais vous faire une proposition, Madame la présidente !

La présidente. Alors, j'attends !

M. René Ecuyer. Il s'agit donc d'une personne partie en mission en Afrique qui se retrouve «cravatée» par une organisation terroriste et emprisonnée. Pour sa libération, 12 000 F doivent être versés, somme que la famille emprunte. Par la suite, elle ne peut plus payer le loyer. (Rires.) Vous rigolez, mais il se retrouve, à son retour, avec une dette de loyer. Une procédure est engagée, le loyer arriéré est payé, mais, en vertu du jugement d'évacuation, M. le procureur prononce l'expulsion.

M. Olivier Vaucher. Allez aux faits !

M. René Ecuyer. J'y arrive, Monsieur Vaucher, mais je vous citerai encore un autre cas; cela vous fera plaisir ! (Brouhaha.) Ce sont des cas que vous rencontrez tous les jours !

Je connais un jeune type de 27 ans, ouvrier en bâtiment, qui s'est retrouvé au chômage après un accident, car il porte une minerve. Sans revenu, il a été expulsé, alors que son loyer est régulièrement payé par les institutions sociales !

Lorsqu'il n'existe plus aucun risque de contracter de nouvelles dettes, le procureur général, suivant un code de déontologie, devrait annuler l'exécution du jugement.

Je respecte M. le procureur général pour ses actions contre la criminalité économique et dans d'autres domaines, mais il devrait également s'intéresser à ces «petits cas» et annuler la procédure.

Monsieur Vaucher, allez donc consulter les services d'évacuation amenés à intervenir dans d'innombrables situations tellement dramatiques que les officiers en ont les bras qui tombent !

La pétition de Mme Cristallidis pourrait donc devenir un cas d'école et devrait être renvoyée à la commission des affaires sociales, afin que tous les problèmes liés à l'évacuation puissent être étudiés. Il faudrait aider M. le procureur général avec un code de déontologie.

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre discours lyrique, Monsieur Ecuyer ! Malheureusement, n'étant pas membre de la commission des pétitions, vous n'avez pas pu vous rendre compte avec quelle attention la commission s'est penchée sur ce cas réellement unique. Trois séances de discussions lui ont été consacrées, pendant lesquelles cette dame a été longuement entendue.

Nous avons ainsi pu nous rendre compte que cette personne connaissait quelques problèmes depuis assez longtemps. De façon unanime, il nous a semblé que certaines règles de société devaient être respectées.

Afin d'éviter de faire de la peine à Mme Cristallidis, je n'ai pas voulu indiquer dans le rapport que 10 000 F de frais d'évacuation de gravats ont dû être payés lors du nettoyage de l'appartement.

Il ne s'agit donc pas d'un cas d'école. Toutes les associations ayant aidé Mme Cristallidis ont éprouvé des difficultés. Même l'Asloca s'est retirée, abandonnant complètement ce dossier, toute discussion étant impossible.

C'est la raison pour laquelle la commission vous propose le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

La présidente. Je vous laisse la parole, Monsieur Ecuyer, mais sur le renvoi en commission, seulement. On limite le débat !

M. René Ecuyer (AdG). Je vous remercie de limiter le débat, mais c'est peut-être l'occasion de traiter d'un point de vue général les cas d'évacuation.

Mme Vesca Olsommer (Ve). Je soutiendrai volontiers une motion dans le sens où l'entend M. Ecuyer.

Mme Liliane Charrière Urben (S). J'aimerais souligner combien ce cas nous a émus. Nous nous sommes parfaitement rendu compte de la situation difficile et douloureuse de cette femme, mais nous nous sommes sentis complètement démunis.

Dans une commission des pétitions, nous n'avons pas les moyens de refaire la justice ou de donner des conseils d'ordre médical. Nous avons tenté de lui conseiller de s'adresser à différents services aptes à lui répondre, disposant de gens compétents, à l'écoute, capables de diriger ces personnes vers les instances adéquates.

Je ne suis absolument pas convaincue que c'est le rôle de la commission d'entrer dans ce genre de démarches. N'ayant pas les compétences requises, nous risquions de faire du mauvais travail.

Je peux assurer l'ensemble de cet auditoire que nous avons réellement, et en toute conscience, essayé de chercher des solutions à notre niveau de députés, membres de la commission des pétitions.

Comme Mme Olsommer, je pense qu'une motion qui s'intéresserait aux conditions dans lesquelles les évacuations sont faites serait nécessaire. Je ne doute pas, même sans l'avoir consulté, que mon groupe la soutiendrait. Quant à la pétition, le sort que nous lui avons réservé est le seul possible.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission des affaires sociales est rejetée.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.