Séance du jeudi 20 février 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 3e session - 5e séance

P 1113-A
33. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour la survie du Festival Estival. ( -) P1113
Rapport de Mme Michèle Mascherpa (L), commission des pétitions

Lors de ses séances des 3, 10 et 17 juin 1996 la commission des pétitions, présidée par Mme Janine Hagmann, a étudié la pétition 1113 dont le texte est reproduit ci-après. Pour ce faire, elle a auditionné successivement M. Jean-René Antille, pétitionnaire, MM. Jean-Marc Mermoud, maire de Pregny-Chambésy, et Claude Etter, maire de Bellevue, et enfin M. Eric Balland, premier secrétaire adjoint au département de justice et police et des transports (DJPT).

(P 1113)

PÉTITION

pour la survie du Festival Estival

Le Festival Estival existe depuis bientôt cinq ans et essaye de promouvoir les groupes de la région à un niveau national en présentant également des pointures internationales.

Suite à la décision de M. Ramseyer, chef du département de justice et police et des transports, de supprimer le festival, nous lançons cette pétition pour que le Festival Estival ait lieu l'an prochain.

Les raisons invoquées sont:

- trop de bruit;

- amateurisme.

Le festival se déroule à la plage du Vengeron qui est un lieu idéal pour la manifestation. En effet, il y a très peu de voisins et le cadre, en bordure du lac, est idyllique.

En signant la pétition, vous encouragez la créativité et la musique de la région.

N.B. : 1133 signatures

M. .

Festival Estival

Chemin de la Fontaine 47

1292 Chambésy

Le Festival Estival

Créé il y a cinq ans par M. Antille avec un groupe de jeunes de Pregny-Chambésy, ce festival, modeste à ses débuts, était hébergé à l'origine dans un local mis à disposition par la commune de Pregny-Chambésy. Il s'agit d'un festival rock en tous genres qui a rapidement remporté un grand succès et qui s'est installé par la suite sur le site du Vengeron, propriété de l'Etat de Genève. La dernière édition, en juillet 1995, était étalée sur quatre soirs, du jeudi au dimanche, et a reçu une fréquentation d'environ 2500 personnes.

Le budget 1995 était de 200 000 F, les recettes nettes se sont élevées à 80 000 F. La Ville de Genève a accordé une subvention de 10 000 F que M. Antille a utilisée pour engager des SDF en vue de nettoyer l'emplacement après la manifestation. Les communes de la rive droite ont également soutenu financièrement cette manifestation.

De sérieuses difficultés surgissent avec l'édition 1995 du festival. Des plaintes sont enregistrées portant sur le bruit et le non-respect des horaires fixés. A cela s'ajoutent des problèmes de sécurité et de propreté sur le site, sans parler des difficultés financières dans lesquelles se débat M. Antille. En conséquence de cela, le DJPT a averti les organisateurs dès juillet 1995 qu'il réservait sa décision pour l'édition de 1996.

Le point de vue de M. Antille

M. Antille s'est énormément investi dans l'organisation de ce festival, seul du genre à Genève. Il estime avoir tout mis en oeuvre pour que les problèmes rencontrés en 1995 ne se reproduisent pas lors de l'édition 1996, dont la date est déjà arrêtée. La programmation est faite, il n'attend que le feu vert des communes et du DJPT pour lancer son opération

Le problème du bruit excessif était lié à l'orientation de la scène qui renvoyait les décibels sur la commune de Bellevue. Cette année, M. Antille a, de son avis, donné les garanties nécessaires sur le plan acoustique, en soumettant un plan précis de la scène et le devis pour monter des parois anti-bruit.

Concernant le nettoyage des lieux, M. Antille reconnaît avoir eu quelques difficultés l'année dernière. Il s'était engagé à remettre le site en état deux jours après la fin du festival. Or, il n'a pas pu compter sur les SDF qu'il avait mobilisés à cette fin. Des 15 personnes prévues, 5 seulement ont été en mesure de participer, avec M. Antille, à la remise en état des lieux. Le nettoyage a donc pris du retard. Pour cette année, M. Antille compte procéder de la même manière, mais en tirant les leçons de l'année précédente: il assignera des tâches précises à chacun et sera attentif au choix des personnes.

Quant à la sécurité, M. Antille estime qu'il n'y a pas eu de débordement: 20 personnes étaient chargées d'y veiller. Par ailleurs, il a trouvé un emplacement pour un parking qui sera mis gratuitement à sa disposition.

Pour ce qui est de sa situation financière, M. Antille est effectivement en difficulté. Il n'a pas encore pu régler la facture de 5 000 F du département des travaux publics et de l'énergie (remise en état des lieux). Il a perdu 50 000 F sur le festival 1995. Mais pour cette année, le budget est ramené à 150 000 F (au lieu de 200 000 F) et la durée de la manifestation à 3 jours (au lieu de 4). Par ailleurs, les sponsors lui renouvellent leur aide pour cette année.

En conclusion, M. Antille considère avoir mis sur pied un concept valable pour que le Festival Estival 1996 se déroule dans de bonnes conditions et sur le site du Vengeron auquel il tient.

L'avis de M. Jean-Marc Mermoud, maire de Pregny-Chambésy,et de M. Claude Etter, maire de Bellevue

Jusqu'à l'année dernière, toutes les communes de la rive droite ont soutenu M. Antille et son équipe. Mais depuis les débordements de l'été dernier, et bien que favorables au principe d'une telle manifestation, MM. Mermoud et Etter ont donné un préavis négatif pour la réédition du festival en 1996, tel qu'envisagé par M. Antille.

Ils considèrent en effet que M. Antille, dont ils reconnaissent l'engagement et le dynamisme, ne leur a pas donné pour cette année les garanties nécessaires pour que la manifestation puisse se dérouler dans des conditions d'organisation et de sécurité suffisantes, et il ne veulent pas que se répètent les manquements de l'année précédente. Ils évoquent notamment:

- les dépassements des limites de bruit et des horaires fixés;

- les problèmes de stationnement et de sécurité;

- les ordures laissées pendant plusieurs jours sur le site du Vengeron;

- les fournisseurs non payés;

- la disparition ou la casse de matériel, etc.

Dans sa nouvelle demande d'autorisation pour 1996, M. Antille n'a apporté que des réponses d'amateur aux différents problèmes soulevés. Par exemple:

- le parking: l'emplacement qu'il a obtenu se situe de l'autre côté de la route Suisse et il y a deux glissières de sécurité à franchir. A la question de savoir comment il entend s'y prendre pour faire traverser le public (2000 à 2500 personnes), M. Antille répond qu'il mettra des préposés à la sécurité pour guider le public vers le passage, mais il y a fort à craindre que les gens enjambent les glissières et que les préposés ne restent pas à leur poste toute la soirée;

- le bruit: si les palissades antibruit peuvent, dans une certaine mesure, réduire un peu les nuisances sonores, les analyses faites par un acousticien ne donnent aucune garantie. Par ailleurs, si la scène est orientée différemment, le bruit partira de l'autre côté et les réclamations viendront de la rive gauche.

La situation financière de M. Antille ne lui permet pas de s'entourer de professionnels qui seraient indispensables à l'organisation d'une manifestation de cette ampleur. Suggestion lui a été faite de s'en tenir, comme à ses débuts, à un festival d'un jour et sur un autre site: il ne veut rien entendre. En l'état, rien n'indique donc que M. Antille soit à même de gérer et de contrôler l'édition 1996 du Festival Estival. C'est la raison pour laquelle MM. Mermoud et Etter ont donné un préavis négatif.

L'opinion du DJPT

Lors de son audition. M. Eric Balland, premier secrétaire adjoint au DJPT, fait état des nombreuses plaintes que la police a reçues durant les quatre jours du Festival 1995, plaintes portant aussi bien sur le bruit (des pointes jusqu'à 100/104 décibels ont été enregistrées) que sur les horaires. La gendarmerie est intervenue sur les lieux et n'a pu que constater et dresser des contraventions. Il revient également - photos à l'appui - sur la saleté dans laquelle le site a été maintenu plusieurs jours durant après la fin du festival, et sur le problème de la sécurité liée au parking.

Dès juillet 1995, M. Antille avait été averti par le département que la décision pour 1996 était réservée. Après avoir reçu l'avis défavorable des communes en mars 1996, le DJPT a donné un préavis négatif à M. Antille en lui disant que son concept 1996 ne différait pas de celui de l'année précédente et en lui conseillant de ne prendre aucun engagement. M. Antille a soumis par la suite un nouveau concept guère plus convaincant (palissades antibruit, parking de l'autre côté de la route) et, par courrier du 22 mai, M. Ramseyer, président du département, l'informait «du refus de mon département d'autoriser l'organisation de votre manifestation Festival Estival 1996 sur le site de la plage du Vengeron».

En réponse aux questions des commissaires, M. Balland indique qu'à son avis, à supposer que les communes aient malgré tout donné un préavis favorable, le DJPT aurait, en l'état du dossier, refusé l'autorisation. Mais dès le début, il était évident que les communes n'étaient pas favorables.

En ce qui concerne le parking situé de l'autre côté de la route Suisse, M. Balland indique que le DJPT n'a jamais été convaincu que cela pourrait être une solution réaliste au plan de la sécurité, car elle aurait impliqué la mise en place d'un service d'ordre beaucoup trop important.

M. Balland ajoute enfin que M. Antille n'a jamais tenu compte des remarques qui lui ont été faites. Au départ, il avait un capital confiance, que ce soit auprès des communes ou du département, qu'il n'a pas su entretenir. A un certain moment, c'est l'intérêt général qui doit être pris en compte et primer sur les intérêts privés.

Quant à l'avenir, M. Balland estime que si M. Antille revient pour 1997 avec un projet raisonnable et sur un autre site que celui du Vengeron, le DJPT sera prêt à l'examiner. La porte reste donc entrouverte, mais M. Antille devra se conformer aux règles du jeu.

Conclusions

Il fut beaucoup question d'amateurisme au cours des auditions et c'est effectivement ce qui caractérise M. Antille, dans toutes les acceptions du terme. L'amateur est celui qui aime et recherche certaines choses; l'amateur est celui qui les cultive pour son plaisir, mais l'amateur est aussi celui qui exerce une activité de façon fantaisiste.

L'enthousiasme ne suffit pas toujours à transformer une heureuse initiative en un projet concret, réaliste et durable et l'on ne s'improvise pas organisateur et gestionnaire d'une manifestation de l'ampleur de celle qu'a prise le Festival Estival. En l'occurrence, on peut effectivement saluer l'initiative de M. Antille, qui lui a d'ailleurs valu le soutien financier de la Ville de Genève. Mais on peut aussi regretter qu'il n'ait pas su entretenir la confiance et la sympathie de ceux qui l'ont soutenu à ses débuts, en s'entêtant dans un projet qu'il n'arrivait plus à maîtriser. Jusqu'au dernier moment, il a cru que son Festival 1996 avait une chance de voir le jour, que les communes y étaient favorables; il n'attendait apparemment que leur préavis pour lancer l'opération - une semaine lui suffisait pour rassembler tout le monde - alors que ce préavis - négatif - avait déjà été transmis au DJPT. N'aurait-il pas fallu être plus clair avec M. Antille? Ou bien M. Antille n'entend-il que ce qu'il veut bien entendre?

La sympathie est toujours là, latente. Encore faudrait-il que M. Antille sache tirer les leçons de ses déboires antérieurs et revienne à un projet de taille plus humaine, plus réaliste, disons à la hauteur de ses capacités financières et organisationnelles et qu'il ne s'acharne pas à répéter les erreurs du passé, au même endroit. Nous espérons que sa situation financière se redressera et qu'il gagnera en professionnalisme pour pouvoir rééditer un jour le Festival Estival auquel il a consacré tant d'énergie.

C'est dans cet esprit, Mesdames et Messieurs les députés, que la commission des pétitions, par 9 voix pour (1 R, 4 L, 2 DC, 2 S) une contre (R) et 3 abstentions (2 ADG, 1 Ve), vous recommande le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.