Séance du jeudi 20 février 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 3e session - 5e séance

P 1104-A
32. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition sur les nuisances causées par le restaurant Da Paolo. ( -) P1104
Rapport de Mme Evelyne Strubin (AG), commission des pétitions

Lors de sa séance du 29 février 1996, le Grand Conseil renvoya à la commission des pétitions, la pétition 1104, dont le texte est le suivant:

PÉTITION

concernant le restaurant Da Paolo

Nous vous écrivons pour vous informer que les nuisances causées par le restaurant cité en référence dépassent largement les limites du supportable.

Nous vous demandons d'exiger de M. Pierinami qu'il fasse des travaux d'insonorisation de son établissement, notamment de sa cuisine, d'installer une ventilation efficace afin de maintenir fermées les fenêtres de ses locaux, de changer son comportement vis-à-vis de ses voisins et ce dans les plus brefs délais.

Nous ne supportons plus:

- son manque d'égards absolu pour ses voisins;

- les cris des employés à toute heure et la musique à tue-tête;

- la manutention de vaisselle et de mobilier qui résonne dans la cour et dans l'immeuble;

- la terrasse bruyante et les clients bruyants (qui klaxonnent, qui crient);

- les mauvaises odeurs, la ventilation de sa cuisine qui sort sous les fenêtres;

- l'attendrissage de la viande à l'aide d'un marteau (même à 1 h du matin);

- la saleté permanente de l'entrée de l'immeuble (détritus, mégots, papiers, etc.);

- les employés ou les clients qui urinent dans l'escalier, la rue, le passage ou la cour...;

- la prolifération des parasites due à un entretien et à une désinsectisation inadaptés;

- la porte palière du restaurant qui claque sans arrêt ou qui est maintenue ouverte par un balai, ce qui permet au bruit et aux odeurs de se propager dans la cage d'escalier;

- le bruit des poubelles, et l'odeur de celles qui sont sous nos fenêtres, dans lesquelles rebondissent par dizaines d'énormes boîtes de conserve ou des employés qui sautent bruyamment dedans pour écraser des cagettes, etc.;

- les sarcasmes des employés quand on leur demande de faire moins de bruit;

- l'étalement des tables installées sur la rue qui empêchent l'accès des parkings ou carrément nous empêchent de sortir nos voitures des places de parc;

- les dégâts sur les voitures dus à l'inattention des clients;

- l'encombrement permanent de la rue par les voitures de ses clients (s'il y a le feu, les pompiers ne peuvent pas y entrer);

- le dégraissage des cuisines qui se passe en milieu de semaine, en pleine nuit, dans un fracas épouvantable;

... tout cela jusqu'à près de 2 h du matin et ce malgré les plaintes de tous les voisins et les interventions quotidiennes de la police.

Le savoir-vivre est réglementé par une loi (qui demande, entre autres, de cesser le bruit à partir de 22 h) que M. Pierinami doit aussi respecter. C'est loin d'être le cas. Autant dire que ce monsieur se croit tout seul.

Ce laxisme a assez duré, nous revendiquons notre droit de passer des nuits convenables et nous avons plus que jamais besoin de votre prompte assistance.

En vous remerciant par avance de prendre des mesures efficaces, veuillez agréer, Messieurs, nos salutations distinguées.

N.B. : 62 signatures

M. .

3, rue du Lac

1207 Genève

1. Travaux de la commission

1.1. Introduction

La commission des pétitions traita de cet objet le 4 mars, les 15 et 29 avril, les 6 et 13 mai, le 30 septembre et les 7 et 14 octobre 1996, sous la présidence de Mme Janine Hagmann, ainsi que le 2 décembre 1996, sous la présidence de M. Luc Barthassat.

1.2. Auditions

- En date du 4 mars 1996, la commission décida de traiter cette pétition et de procéder aux auditions suivantes:

1.2.1. Auditions des pétitionnaires: Mmes Ferrer, Balet, Antille et M. Studer (le 15 avril 1996)

- Mme Ferrer, initiante de la pétition expliqua à la commission que tous les signataires habitent la même rue. Ils ont craint un instant de créer des problèmes de voisinage et que cet acte ait des conséquences dans leurs rapports avec la régie, mais se sont résolus à rédiger la pétition car le restaurant «Da Paolo» génère «plus de bruit que le cirque Knie» et bafoue les droits de son voisinage. Mme Ferrer précisa que les pétitionnaires sont contents du succès de ce restaurant, mais souhaitent rappeler qu'il doit respecter les habitants des immeubles alentour.

- Mme Balet mentionna le problème de la terrasse du restaurant qui s'étend parfois jusque sur la rue. Cette petite rue est une impasse qui donne accès aux garages. La situation est donc embarrassante quand un usager veut se rendre aux parkings. Elle précisa que ce sont les employés qui font le plus de bruit et non les clients, mis à part lors du départ des voitures. Mme Balet a informé M. Pierinami, responsable du restaurant, de l'existence de la pétition, mais aucune amélioration n'est survenue.

- M. Studer expliqua que les odeurs des poubelles de la cour sont très désagréables. Il y a également celles des WC, ainsi que le problème des cafards. Il se demande ce que fait le service d'hygiène. De plus, le fait que les poubelles sont dans la cour, génère du bruit jusqu'à 1 h du matin, lorsque les employés nettoient le restaurant.

- A la demande des commissaires, de savoir s'ils avaient déjà réagi officiellement, les pétitionnaires répondirent qu'ils ont appelé la police, mais que celle-ci n'a rien arrangé. Ils n'ont jamais vu de rapport sur cette intervention.

- A la suite de diverses questions des commissaires, les pétitionnaires précisèrent encore, qu'il n'y a pas réellement d'heure de clôture fixe, les clients sont acceptés tant qu'il y en a, parfois même jusqu'à 2 h du matin ! Le restaurant est ouvert 7 jours sur 7 et ferme uniquement le 25 décembre ou le lundi de Pâques.

 D'autre part, concernant la terrasse qui s'étend jusqu'au milieu de la rue les jours de fêtes, il semble que l'extension de celle-ci soit autorisée par la ville. Cette dernière étant concernée, la pétition lui a également été adressée et les signataires ont été auditionnés, mais ils n'ont encore reçu aucune réponse définitive.

 Il y a encore le problème de la gaine de ventilation qui est trop courte et n'arrive pas jusqu'au toit, déversant ses effluves juste sous la fenêtre de M. Studer, dont la chambre à coucher donne sur la cour où sont stockées les poubelles et qui subit également des nuisances sonores dues à la table à attendrir la viande, la cuisine donnant sous son appartement.

 Enfin, les employés n'ont aucun égard pour les habitants de la rue, parlant fort, chantant, faisant valser la vaisselle et les poubelles, riant et criant dans la rue en sortant.

 Les pétitionnaires ont expliqué à M. Pierinami qu'ils ne peuvent pas dormir, mais malgré ses promesses rien n'a changé. Il est temps de réagir car le succès de cette pizzeria va grandissant.

1.2.2. Audition de M. Pierinami, responsable du restaurant «Da Paolo»(le 29 avril 1996)

- M. Pierinami expliqua qu'il exploite le restaurant depuis 21 ans. Il reconnut que celui-ci génère du bruit, mais c'est également le cas des établissements qui sont situés dans les rues voisines à la rue du Lac. Pour sa part, il a toujours entretenu de bonnes relations avec son voisinage et s'étonne, après plus de 20 ans d'exploitation, d'avoir tout à coup des problèmes.

- Pour répondre point par point à la pétition, M. Pierinami précisa qu'il n'y a que très rarement de la musique dans le restaurant; celui-ci génère effectivement du bruit, mais cela est inhérent à ce type de commerce, il y a la vaisselle, le service, les clients, etc., «on ne le fait pas exprès, on travaille».

 Concernant les odeurs de la gaine de ventilation, l'autorisation de la ville est arrivée la semaine dernière, les travaux vont pouvoir commencer.

 Les parasites sont traités trois fois par année par une maison spécialisée. Le dégraissage des cuisines se fait tous les deux ans et est effectué par une maison qui a le droit de travailler la nuit. Les employés sont également informés qu'ils doivent être attentifs à la propreté. Il est dans l'intérêt du restaurant d'être propre. Quant aux poubelles, M. Pierinami expliqua qu'il a une autorisation de travail et que cela comprend le nettoyage, même s'il a lieu tard. Il tente néanmoins de faire preuve de savoir-vivre et ne casse pas les boîtes et les cagettes le soir. Les containers sont sortis vers 1 h du matin, mais ne contiennent pas de nourriture, celle-ci est stockée dans des boîtes à cochon fermées hermétiquement, qui sont récupérées par un camion qui passe vers 4 h du matin. Tous les restaurants procèdent de la sorte.

 En ce qui concerne la porte d'entrée, il est vrai qu'elle fait du bruit, la maison a cent ans et n'est pas insonorisée, la régie n'a rien fait dans ce sens. Il a d'ailleurs toujours assumé seul tous les frais d'entretien du restaurant.

 Au sujet de la terrasse, il est vrai qu'elle est étendue sur la rue, dans le cas où il fait chaud lors des fêtes, pour lesquelles une autorisation d'agrandir est donnée. C'est un peu «du travail à l'italienne», mais la situation économique étant ce qu'elle est, tant qu'il y a du travail il faut le prendre. D'autre part, le tronçon de trottoir qui sert de terrasse habituellement, ne donne pas accès à une entrée d'immeuble, mais se situe dans l'impasse qui mène aux parkings. Les passants peuvent passer par la rue ou le trottoir d'en face. Il y a un restaurant à cet endroit depuis 1902, la terrasse est privée et lui appartient, il n'y a pas de servitude de passage et il a même l'autorisation de couvrir la terrasse «à la parisienne».

- Suite à quelques questions des commissaires, M. Pierinami précisa qu'il a soudain des problèmes et s'en étonne. Il dit avoir écrit à Mme Ferrer pour lui proposer de reprendre son appartement, qui n'est pas cher et lui permettrait de loger du personnel; mais il n'a pas reçu de réponse. Par souci de conciliation, il a cependant distribué une circulaire à ses employés leur demandant principalement de faire attention au bruit après 22 h et de ne pas parler trop fort en cuisine. Par ailleurs, dès 1 h du matin, seules les pizzas sont acceptées, la cuisine est fermée dès cette heure-là.

 Il a obtenu un résultat, les employés sont plus attentifs au voisinage et font moins de bruit en sortant les poubelles.

 Concernant la table à viande, des caoutchoucs ont été posés, mais cela n'a servi à rien. Le carreleur qui doit venir pour des travaux tentera de faire quelque chose pour isoler le bruit. Des tuyaux de chauffage passent en dessous et répercutent les sons, mais il va essayer d'améliorer la situation.

 Enfin, à propos des véhicules parqués rue du lac, M. Pierinami releva qu'il n'est pas responsable du lieu que choisissent ses clients pour stationner. D'ailleurs, ils ne sont pas seuls usagers de cette rue, il ne peut rien faire dans ce cas.

2. Discussions de la commission

- Ce restaurant fonctionne bien et reçoit une nombreuses clientèle, il emploie plusieurs personnes et se fournit à Genève, ce qui est appréciable. Toutefois, certains commissaires ayant fréquenté l'établissement confirmèrent qu'en entrant, «on se sent un peu à Naples». Le client est content car il est bien reçu mais il faut respecter les locataires de l'immeuble.

 D'autres commissaires remarquèrent que l'accueil, pour être chaleureux et convivial, n'est pour autant pas hystérique, la cuisine visible du restaurant semble propre et les lieux de commodités sont bien tenus. Le problème le plus important restait celui de la gaine de ventilation, qui fumait juste sous les fenêtres du premier étage.

- Etant donné que le Conseil municipal de la ville de Genève était également en charge de cette pétition, la commission décida de patienter pour attendre sa décision.

- Après que la ville ait décidé de classer cette pétition, la présidente suggéra de voter.

 Cependant la majorité de la commission décida de retarder sa décision jusqu'à l'automne, afin de s'assurer que les travaux envisagés seraient effectués, avant de conclure.

- En date du 30 septembre 1996, une députée fut nommée officiellement par la commission pour aller se rendre compte sur place de l'avancée des travaux.

- Le 7 octobre 1996, celle-ci confirma que la gaine de ventilation avait été posée.

- Durant la séance du 14 octobre 1996, la commission décida de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et nomma son rapporteur.

3. Conclusion

- Les travaux les plus importants ayant été effectués et M. Pierinami ayant fait le nécessaire auprès de son personnel pour qu'il soit plus respectueux du voisinage, la commission estima qu'un grand pas avait été fait.

 Il est évident que les habitants de cet immeuble ne seront jamais complètement au calme, mais un restaurant n'est pas une Eglise.

 La commission espère néanmoins que M. Pierinami et ses employés feront leur maximum, surtout le soir, pour être discrets et que de bons rapports de voisinage pourront être rétablis.

- La commission des pétitions vous recommande donc de voter le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil par 10 voix (5 L, 2 Adg, 2 DC, 1 R), avec 2 abstentions (1 Ve et 1 Adg, due au fait que la personne était remplaçante et, n'ayant pas participé aux travaux, ne s'est pas senti le droit de se prononcer).

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.