Séance du vendredi 24 janvier 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 2e session - 4e séance

PL 7545
25. Projet de loi de MM. Bernard Clerc, Christian Grobet et Jean Spielmann instituant un contrôle financier de l'Etat et des établissements publics. ( )PL7545

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Le contrôle des comptes et de la gestion de l'Etat ainsi que des établissements publics créés par une loi, soit notamment les Services industriels, la Banque cantonale, les établissements publics médicaux, les fondations de droit public, est confié à un service public autonome, le contrôle financier de l'Etat, agissant sous la responsabilité de la commission de contrôle de gestion de l'Etat nommée par le Grand Conseil au début de chaque législature et formée d'un député et d'un autre membre par parti représenté au Grand Conseil, désignés par lui.

2 Les établissements de droit privé, notamment les fondations de droit privé et les sociétés anonymes, contrôlés par l'Etat sont également soumis à la présente loi.

Art. 2

1 La commission de contrôle de gestion de l'Etat (ci-après: la commission) se réunit au moins deux fois par mois. Elle désigne son président au début de chaque année, en veillant à assurer un tournus parmi les partis représentés en son sein, et fixe ses règles de fonctionnement.

2 La commission désigne le directeur du contrôle financier de l'Etat et ses adjoints directs par une mise au concours publique des postes. Elle fixe la classification des membres du contrôle financier de l'Etat, qui ont le statut des fonctionnaires de l'Etat, en se fondant sur l'échelle des traitements de la fonction publique.

3 La commission fixe les tâches et les missions du contrôle financier de l'Etat, qui dispose des pleins pouvoirs pour vérifier toutes les pièces comptables, documents et actes des services de l'Etat et des établissements publics soumis à son contrôle. Le contrôle financier de l'Etat peut procéder en tout temps, même de façon inopinée, à des contrôles sur place dans les services administratifs concernés et il est habilité à demander des explications à toute personne qu'elle souhaite entendre à cette fin, sans que cette dernière ne puisse invoquer le secret de fonction. La commission peut déléguer un ou plusieurs de ses membres pour participer à ces contrôles.

Art. 3

1 Le contrôle financier de l'Etat tient régulièrement la commission au courant de ses activités et lui présente un rapport annuel sur les contrôles auxquels il a procédé, lequel comporte son appréciation sur la gestion des services et établissements contrôlés. La commission transmet ce rapport au Grand Conseil qui en débat.

2 La commission propose au Conseil d'Etat et au Grand Conseil toute mesure lui paraissant utile sur la base des constatations faites par le contrôle financier de l'Etat ou par elle-même.

Art. 4

Les membres du contrôle financier de l'Etat et de la commission sont soumis au respect du secret de fonction et au respect du secret bancaire. Le secret de fonction et le secret bancaire ne sauraient toutefois leur être opposés dans l'accomplissement de leurs tâches de contrôle.

Art. 5

Les frais de fonctionnement du contrôle financier de l'Etat et les jetons de présence des membres de la commission sont pris en charge par le budget de l'Etat et par les budgets des établissements publics dont il contrôle la gestion.

Art. 2

La loi sur la Banque cantonale de Genève, du 24 juin 1993, est modifiée comme suit:

Art. 5 (nouvelle teneur)

1 Le contrôle financier de l'Etat exerce le contrôle sur les comptes et la gestion de la Banque cantonale de Genève, indépendamment du contrôle exercé par l'organe de révision et de la surveillance exercée par la commission fédérale des banques. A ce titre, il veille à ce que le Conseil d'administration:

a) fixe les règles et, plus particulièrement, les taux applicables aux prêts accordés par la banque ainsi que le coefficient des fonds propres et veille au respect de ces règles et de ces taux;

b) désigne une commission d'experts, comportant au moins un expert désigné par les milieux des locataires, pour apprécier la valeur des biens immobiliers gagés au profit de la banque, laquelle doit en principe correspondre à la valeur de rendement de l'immeuble;

c) désigne une commission d'experts pour apprécier la qualité des bénéficiaires de prêts commerciaux et la valeur des garanties accordées.

2 La banque est, de plus, soumise à la surveillance bancaire de la commission fédérale des banques, conformément aux dispositions de la loi fédérale sur les banques et caisses d'épargne, du 8 novembre 1934.

3 La commission fédérale des banques peut exiger de la banque, de l'organe de révision et du contrôle financier de l'Etat tous les renseignements et documents dont elle a besoin dans l'exécution de sa tâche. Ses rapports sont portés à la connaissance du conseil d'administration de la banque et du contrôle financier de l'Etat.

4 La surveillance des prescriptions légales cantonales est de la compétence du Conseil d'Etat.

Exposé des motifs

L'audit de l'Etat, effectué par la société Arthur Andersen, a mis en évidence, si besoin est, l'insuffisance du contrôle financier et de la gestion de l'Etat et de certaines corporations de droit public. L'Etat est certes doté d'un contrôle financier, doté d'un personnel insuffisant et qui ne porte pas de véritable appréciation sur la gestion des services de l'administration. Ce contrôle financier est surtout subordonné au département des finances et au Conseil d'Etat, de sorte qu'il ne bénéficie pas de l'indépendance nécessaire pour accomplir correctement sa tâche.

En vertu du principe de la séparation des pouvoirs propre à notre régime démocratique, il appartient au parlement de contrôler les comptes et la gestion de l'Etat. Cette tâche est insurmontable pour un parlement de milice, dont le pouvoir d'investigation est limité et qui ne dispose d'aucun service administratif susceptible de l'aider.

Devant l'importance des budgets gérés par l'Etat et les collectivités publiques, il se justifie plus que jamais de créer un contrôle financier indé-pendant du pouvoir exécutif qui gère les deniers publics à l'image de ce qui existe dans certains Etat étrangers, lequel doit rendre des rapports publics et disposer d'un véritable pouvoir d'investigation et une autorité pour formuler des propositions de modification de pratiques.

Tout naturellement ce contrôle financier doit dépendre du parlement et non du pouvoir exécutif qu'il a la charge de contrôler, puisque tradition-nellement le contrôle des comptes et de la gestion de l'Etat relève de la compétence du parlement.

Le présent projet de loi vise à créer un organe de contrôle financier de l'Etat et des établissements publics autonomes, dont les Services industriels, la Banque cantonale, les établissements hospitaliers, les fondations de droit public et diverses autres entités dépendant de l'Etat. Cet organe de contrôle, le contrôle financier, serait soumis à l'autorité d'une commission de contrôle de gestion de l'Etat désignée par le Grand Conseil et représentative des diverses forces politiques y siégeant.

Le contrôle financier de l'Etat deviendrait donc organe de contrôle des comptes et de la gestion de la Banque cantonale. Il n'est pas inutile de rappeler que, lors de la création de la Banque cantonale, il y eut un important débat sur l'institution d'un organe de contrôle de ses activités, compte tenu du fait que le Conseil d'Etat n'exerçait pas son devoir de surveillance, qu'en fait il n'avait ni les moyens ni la volonté d'assumer. Quant à l'organe de révision de la Banque, elle exerce un pur contrôle comptable, ce qui est évidemment insuffisant. Il fut finalement décidé de demander à ce que la Banque cantonale soit soumise à la surveillance de la commission fédérale des banques. On ignore, toutefois, l'importance de cette surveillance et son efficacité, puisque ses rapports sont confidentiels.

Il n'en demeure pas moins que les graves erreurs de gestion de la Banque cantonale et précédemment des établissement ayant fusionné pour constituer la BCG (à savoir la Caisse d'épargne et la Banque hypothécaire), notamment dans le secteur immobilier, ont mis en évidence la nécessité d'un meilleur contrôle des activités de cette banque. Certes, la direction de la BCG a récemment déclaré à la commission des finances de notre Grand Conseil qu'elle avait tiré les leçons du passé, mais force est de constater que tel n'est, hélas, pas le cas.

C'est ainsi que la BCG continue, soit directement, soit à travers des sociétés de portage, à consentir des prêts hypothécaires à des montants dépassant largement la valeur de rendement de biens immobiliers. Plus grave, il ressort qu'elle consent des taux d'intérêts ridicules sur certains prêts importants, notamment à des personnalités comme M. Jurg Staubli, connu pour ses opérations spéculatives en matière immobilière, et qu'elle ne poursuit pas certains débiteurs importants comme Noga Invest SA, créant ainsi une grave situation d'inégalité de traitement entre bénéficiaires de prêts consentis par la Banque.

Cette façon de procéder n'est pas acceptable et la gestion d'un établissement bancaire public doit faire l'objet d'un contrôle sérieux, sans que cela n'implique de mettre en cause le secret bancaire, abusivement invoqué par la direction de la BCG pour refuser de s'expliquer sur des pratiques qui ne peuvent plus faire l'objet de la rumeur publique. Le présent projet de loi vise à instituer un tel contrôle et à fixer des exigences minimales en matière de pratiques bancaires.

Nous espérons que ce projet de loi recevra, Mesdames et Messieurs les députés, un accueil favorable de votre part.

Personne ne demande la parole en préconsultation.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.