Séance du vendredi 24 janvier 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 2e session - 4e séance

IN 106-B
16. Rapport de la commission législative chargée d'étudier la validité de l'initiative populaire 106 «Pour le maintien et le développement des formations professionnelles supérieures à Genève». ( -) IN106
Mémorial 1996 : Page, 6883. Rapport du Conseil d'Etat, 6883. Renvois en commission, 6932.
Rapport de M. Christian Grobet (AG), commission législative

La commission législative s'est réunie le 29 novembre 1996, sous la présidence de M. Michel Halpérin, pour débattre de la recevabilité de l'initiative populaire 106 «Pour le maintien et le développement des formations professionnelles supérieures à Genève».

Il convient préalablement de relever que le Conseil d'Etat, dans son rapport portant sur la validité et la prise en considération de ladite initiative, a conclu au fait que celle-ci lui paraissait recevable, à l'exception de son chiffre 8.

La majorité de la commission se rallie, dans l'ensemble, aux considérations développées à ce sujet dans les 17 premières pages du rapport du Conseil d'Etat et s'abstiendra de les répéter, en invitant Mesdames et Messieurs les députés à s'y référer.

Certains députés, minoritaires, ont par contre considéré que le texte de l'initiative était trop précis et trop contraignant pour être considéré comme une initiative non formulée, bien que le texte de l'initiative indique expressément dans son préambule que tel est le cas.

La majorité de la commission a contesté ce point de vue et celui selon lequel l'initiative serait une reprise du projet de loi 7296 déposé par certains députés. En effet, non seulement le texte de l'initiative n'est pas formulé sous forme d'un texte législatif et n'est donc pas directement applicable, mais encore ce texte n'est manifestement qu'un énoncé, certes précis, d'un certain nombre de principes - correspondant à ceux développés dans le projet de loi précité - rédigé de manière succincte par rapport aux 46 articles dudit projet de loi. Le Tribunal fédéral a déjà admis la recevabilité d'initiatives genevoises non formulées dont le texte était trop précis et laissant très peu de marge d'interprétation au Grand Conseil. Un autre grief a été soulevé par la minorité, à savoir le fait que l'initiative demande que les unités d'enseignement, de la HES ou des HES, dont elle demande la création, comprennent le secteur social et celui de la santé, alors que ces filières, comme celles de la musique et des arts dramatiques, n'entrent pas dans le champ d'application défini à l'article 1er, alinéa 1, de l'ordonnance d'application de la loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées, ce qui aurait pour conséquence qu'un projet de HES genevoise comportant ces filières ne serait pas admis par l'autorité fédérale.

Outre le fait que la liste restrictive des filières admises dans le cadre d'une HES ne figure pas dans le texte de la loi fédérale et que l'ordonnance du Conseil fédéral est sujette à modification, on ne peut pas exclure, selon la nature du projet soumis à l'approbation de l'autorité fédérale, qu'une solution d'intégration des filières précitées dans une HES soit admise et que, surtout, le champ d'activités des HES soit élargi à l'avenir par le Conseil fédéral.

En tout état de cause, l'initiative 106 ne saurait être déclarée irrecevable pour ce motif. Tout au plus, le projet de HES que le canton devrait soumettre à l'autorité fédérale en cas d'acceptation de l'initiative 106 devrait être adapté aux exigences du Conseil fédéral et les dispositions critiquées, qui, manifestement, ne violent pas le droit fédéral (seule question en jeu dans le cadre de l'examen de la recevabilité matérielle de l'initiative 106) resteraient au pire lettre morte. Le cas échéant, les filières non admises par le Conseil fédéral pourraient figurer dans la loi concrétisant l'initiative comme une option envisageable au cas où celles-ci seraient admises par l'autorité fédérale, le but d'une telle loi étant précisément de concrétiser sous une forme conforme au droit fédéral les principes énoncés dans une initiative non formulée.

Enfin, certains députés ont émis des doutes quant au fait que le Conseil fédéral admettrait une HES cantonale pour Genève. A ce sujet, la loi fédérale n'exclut pas une telle solution et le Conseil fédéral a concrètement été saisi de projets de HES cantonaux ayant fait l'objet d'une consultation préalable auprès de la Confédération. On ne saurait donc préjuger du refus d'un projet de HES propre à notre canton, qui semble avoir la taille critique à cet effet, et en tout état de cause le refus éventuel d'un projet concret ne signifierait pas que l'initiative violerait le droit fédéral mais tout au plus qu'elle serait inapplicable. En tout état de cause, il est prématuré de préjuger à ce propos.

La commission a encore débattu de la question de savoir si le chiffre 8 de l'initiative 106 ne devait pas être déclaré irrecevable. Ce texte indique que la loi concrétisant l'initiative 106, en cas d'acceptation de celle-ci par le peuple, s'inspirera du projet de loi 7296 précité. A cet égard, la présence dans l'initiative de ce texte de son chiffre 8, dans la mesure où elle contreviendrait aux principes applicables à la recevabilité de l'initiative, ne saurait en aucun cas entraîner l'annulation de l'initiative 106. La jurisprudence du Tribunal fédéral est parfaitement claire à ce sujet et celui-ci a déjà tranché dans le sens de supprimer d'une initiative populaire tel ou tel objectif non conforme au droit fédéral, s'il s'agissait d'un élément secondaire de l'initiative, sans pour autant annuler celle-ci.

Dans le cas d'espèce, on ne voit pas pour quel motif une initiative populaire ne pourrait pas se référer à un projet de loi pour guider le législateur dans l'interprétation de l'initiative. Ni le Grand Conseil, ni le Tribunal fédéral n'ont remis en cause l'initiative 4 demandant la construction d'un parking souterrain à la Rôtisserie du fait que cette initiative se référait expressément à une autorisation de construire, pourtant annulée par l'autorité de recours.

On ne saurait se montrer tolérant ou exigeant à ce propos, selon l'initiative populaire en cause, selon qu'elle nous plaît ou non. Pour le surplus, le Grand Conseil, en cas d'acceptation par le peuple de l'initiative 106, dispose de la liberté d'appréciation nécessaire pour que la référence au projet de loi 7296 ne constitue pas une obligation de reprendre le texte de ce projet de loi tel quel. Il pourra l'adapter en fonction de certaines contraintes, tout en veillant, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, à respecter au plus près la volonté des initiants. Celle-ci résulte notamment de l'exposé des motifs à l'appui d'une initiative, lequel peut se référer à des textes qui ne sont pas reproduits et il en est de même pour le texte de l'initiative.

C'est pour ces motifs qu'il ne s'est pas dégagé une majorité au sein de la commission pour supprimer le chiffre 8 de l'initiative 106.

En conclusion, la majorité de la commission législative (AdG, PS, Ve) vous recommande d'admettre la validité de l'initiative 106 telle quelle.

INITIATIVE POPULAIRE

«Pour le maintien et le développement des formations professionnelles supérieures à Genève»

Les soussignés, électrices et électeurs dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la présente initiative non formulée, qui demande au Grand Conseil d'adopter une loi qui crée, conformément à l'article 161 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, une ou plusieurs hautes écoles spécialisées du canton de Genève faisant partie de l'enseignement supérieur et universitaire répondant aux objectifs et critères définis ci-après.

La Suisse romande a besoin et a droit à plusieurs hautes écoles spécialisées

1. La haute école spécialisée du canton de Genève comprend les unités d'enseignement suivantes:

 ingénierie et architecture;

 commercial, administration et services;

 agriculture, horticulture et paysagisme;

 arts appliqués et arts visuels;

 social et de la santé;

 de la musique et arts dramatiques.

La loi fixe les conditions de reconnaissance des filières du niveau des hautes écoles spécialisées relevant de la compétence du canton.

Pour tenir compte de la revalorisation de filières de formation existantes ou futures, d'autres hautes écoles spécialisées cantonales comprenant une ou plusieurs unités d'enseignement peuvent, sur décision du Grand Conseil, être créées.

D'autres unités peuvent être incluses, le cas échéant, sur décision du Grand Conseil.

2. La haute école spécialisée du canton de Genève est ouverte à toutes les filières de formation de niveau haute école spécialisée. Toutefois, une filière de formation peut collaborer avec ou, sur décision du Grand Conseil, être intégrée dans une haute école spécialisée intercantonale. Dans ce cas le Grand Conseil s'assurera:

 du maintien et de la création dans le canton de Genève des filières de formation, jusqu'au diplôme, répondant aux besoins de formation de la population et renforçant le développement ainsi que la diversification de l'économie locale et régionale;

 de la préservation de la voie scolaire intégrée propre au canton de Genève;

 de la préservation des contrôles démocratiques cantonaux.

3. Les principes de la démocratisation des études sont appliqués, conformément à l'article 4 de la loi sur l'instruction publique, du 6 novembre 1940.

4. La haute école spécialisée du canton de Genève collabore avec les autres écoles spécialisées de Suisse et de la région en s'assurant que cette collaboration s'inscrit dans les mêmes conditions que celles retenues sous chiffre 2.

5. La haute école spécialisée du canton de Genève dispense un enseignement théorique et pratique, préparant à l'exercice d'activités professionnelles qui requièrent l'application et le développement de connaissances et de méthodes scientifiques ou appellent une capacité de création artistique. Elle transmet aux étudiant des connaissances générales, fondamentales et spécialisées qui les rendent notamment aptes à:

 développer et appliquer dans leur vie professionnelle, et de manière autonome ou en groupe, des méthodes leur permettant de résoudre les problèmes qu'ils doivent affronter;

 exercer leur activité professionnelle en tenant compte des connaissances scientifiques, techniques et économiques les plus récentes;

 assumer les fonctions dirigeantes, à faire preuve de responsabilité sur le plan social et à communiquer;

 raisonner et agir globalement et dans une perspective pluridisciplinaire;

 faire preuve de responsabilité en matière de défense de l'environnement et de gestion des ressources naturelles.

La haute école spécialisée du canton de Genève offre à la population des programmes de formation continue permettant d'approfondir les connaissances dans un domaine d'études particulier ou d'acquérir des connaissances spécifiques dans de nouveaux domaines. Elle se charge également de travaux de recherche appliquée et de développement. Dans la mesure compatible avec sa mission de formation, elle fournit des services à des tiers.

La haute école spécialisée du canton de Genève favorise la réalisation de l'égalité entre femmes et hommes.

6. La haute école spécialisée du canton de Genève est un établissement de droit public autonome doté de la personnalité juridique dont les ressources sont assurées par le budget de l'Etat, les subventions fédérales et les autres recettes provenant d'activité de service. Son personnel est régi par le statut de la fonction publique.

La gestion de la haute école spécialisée du canton de Genève est confiée à des conseils comprenant des représentants de l'Etat, de la direction des écoles, des différentes catégories de personnel, des étudiants ainsi que des milieux professionnels.

7. Pour les filières de la haute école spécialisée du canton de Genève relevant de la compétence de la Confédération ou subventionnées par celle-ci, le canton veille à obtenir la reconnaissance et le financement prévus aux articles 14 à 21 de la loi sur les hautes écoles spécialisées, du 6 octobre 1995.

8. La loi concrétisant la présente initiative s'inspirera du projet de loi sur la ou les hautes écoles spécialisées de la République et canton de Genève, du 21 septembre 1995 (PL 7296).

9. Dans le texte qui précède «la haute école spécialisée» s'entend comme la ou les hautes écoles spécialisées.

Débat

La présidente. Je précise avant que vous ne preniez la parole, Monsieur le député, qu'il faudra voter sur la recevabilité et le renvoi à la commission, le cas échéant.

M. Claude Lacour (L). C'est exact, Madame la présidente ! J'aimerais préciser qu'un certain nombre de commissaires sont d'avis que cette initiative devrait être considérée comme irrecevable. (Exclamations.)

Certes, l'argumentation intéressante... (Brouhaha.)

La présidente. Ne m'obligez pas à suspendre la séance ! Nous avons encore un peu de travail !

M. Claude Lacour. J'aimerais dire un mot au sujet de l'argumentation «intéressante». Elle est d'autant plus fouillée que le rapporteur se trouve être également initiateur et signataire de l'initiative 106; cela mérite considération !

Pour certains d'entre nous, le texte de l'initiative est à la limite de l'usage abusif des possibilités que donne l'exercice du droit d'initiative.

Par ailleurs, nous partageons l'avis du Conseil d'Etat qui, dans son rapport, considère que - pour le moins - l'article 8 devrait être écarté.

Vous comprendrez aisément que certains d'entre nous refusent ou s'abstiennent de cautionner un rapport qui conclut à une recevabilité qui paraît douteuse.

Mise aux voix, les conclusions de la commission législative (validité de l'initiative 106) sont adoptées.

Ce rapport est renvoyé à la commission de l'université.