Séance du
jeudi 23 janvier 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
2e
session -
2e
séance
IN 109 et objet(s) lié(s)
(IN 109)
LANCEMENT D'UNE INITIATIVE
Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a lancé l'initiative populaire suivante intitulée «Genève, République de paix», qui a abouti.
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
23 octobre 1996
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
23 janvier 1997
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le
23 juillet 1997
4.
Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contreprojet, au plus tard le
23 avril 1998
5.
En cas d'opposition d'un contreprojet, adoption par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard le
23 avril 1999
INITIATIVE POPULAIRE
«Genève, République de paix»
Les soussignés, électrices et électeurs dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la présente initiative constitutionnelle formulée, qui propose le projet de loi suivant, modifiant la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847.
La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit:
Article unique
Art. 127 (abrogé)
TITRE X E
POLITIQUE DE PAIX
(nouveau, comprenant l'art. 160D)
Art. 160D (nouveau)
1 Dans la limite du droit fédéral, le canton développe et applique une politique de sécurité fondée sur la mise en oeuvre de moyens pacifiques, aptes à résoudre tout conflit au niveau local et international. Il encourage activement la recherche et la promotion de mesures de prévention des conflits à travers le développement d'une véritable culture de paix. Cette politique est réalisée par les autorités cantonales et communales, l'administration et les institutions publiques dans le cadre de leurs attributions.
2 Dans ce but, le canton soutient toute démarche visant le désarmement global, la coopération et la solidarité entre les peuples et le respect des droits de l'homme et de la femme. Il intervient dans ce sens auprès des institutions nationales et internationales compétentes. En particulier, le canton encourage:
a) la réduction des dépenses militaires;
b) la restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton en intervenant auprès de la Confédération;
c) la conversion civile des activités économiques, financières et institutionnelles en relation avec le domaine militaire.
3 Le canton oeuvre pour la prévention des conflits et le développement d'une culture de la paix, notamment par:
a) l'encouragement de la recherche pour la paix et le soutien des actions de la société civile pour la solution non violente des conflits;
b) la participation à la création et au financement des activités d'un institut de recherche pour la paix;
c) le développement d'un programme d'éducation à la paix dans le cadre de l'instruction publique aux niveaux primaire et secondaire;
d) l'accueil des victimes de la violence, dans la mesure des moyens du canton;
e) la promotion du service civil, à travers la diffusion de toute information utile et le développement de projets et d'activités permettant la réalisation de ce service. L'accès volontaire à ceux-ci est ouvert à toute personne établie dans le canton;
f) le renoncement à toute manifestation de promotion de l'institution et des activités militaires dépassant le cadre strict des obligations cantonales et commu-nales en la matière.
4 Le canton met en oeuvre et développe des moyens non militaires pour garantir la sécurité de la population:
a) il encourage la prise en charge de toutes les tâches concernant la sécurité dans le canton par des organismes civils;
b) il renonce à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre;
c) il dispose, dans le domaine des conférences internationales, d'un délai de 5 ans dès l'entrée en vigueur du présent article pour garantir la sécurité des conférences internationales par des moyens non militaires.
La loi règle tout ce qui concerne l'exécution du présent article.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Genève, République de paix, c'est ...
Un article pacifiste dans la constitution genevoise
Avec cet article constitutionnel Genève ne va pas instaurer la paix dans le monde ni même abolir l'armée suisse. Par contre, nous pouvons renforcer l'idée qu'il vaut mieux prévenir les causes économiques et sociales des conflits plutôt que de déléguer leur solution aux militaires. L'adoption de ce principe, assorti de quelques mesures concrètes au niveau cantonal qui permettraient d'avancer dans cette direction, constituerait un message d'ouverture, d'innovation et de courage qui pourra être entendu aussi au-delà des frontières cantonales et nationales.
Pour sortir du militaire...
Grâce à une initiative populaire, Genève possède déjà un article dans sa constitution qui affirme le principe du «sortir du nucléaire».
Nous voudrions en faire de même face aux dangers militaires! Il s'agit aussi d'orienter de manière contraignante l'action des responsables politiques dans la direction indiquée par des majorités de la population genevoise lors de chaque votation populaire des vingt dernières années touchant de près ou de loin à l'armée.
Des mesures concrètes pour développer une culture de la paix
La compétition et la rivalité de plus en plus acharnées touchent toutes les sociétés ainsi que les individus qui en font partie: des valeurs comme la solidarité, la justice sociale et le renoncement à la violence mériteraient d'être soutenues plus concrètement, par exemple dans l'instruction publique, dans l'attitude face aux plus démunis ou dans la recherche.
Pas d'armée contre les civils!
Actuellement, en cas de «menaces graves contre la sécurité intérieure», les autorités fédérales et les cantons peuvent engager de troupes de l'armée contre la population. En renonçant à cette faculté, le canton serait obligé de développer des moyens civils et non-violents pour résoudre les conflits internes.
Lors des grandes rencontres internationales l'armée n'est employée que pour des tâches subsidiaires (circulation routière, garde de bâtiments), puisque seule la police est entraînée à la protection rapprochée et à la lutte antiterroriste. Par conséquent, la mise en oeuvre de moyens civils ne devrait pas poser de problèmes majeurs.
(IN 109-A)
Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 16 octobre 1996, publié dans la Feuille d'avis officielle du 23 octobre 1996. De cette date court une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.
Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation qui doit, de par la loi, intervenir à la séance du Grand Conseil du 23 janvier 1997. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.
A. Validité de l'initiative
Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative «Genève, République de paix» pose un problème de recevabilité dans la mesure où certaines de ses parties doivent être considérées comme non conformes au droit supérieur et, en conséquence, être invalidées afin d'être soustraites au vote populaire.
I. Recevabilité formelle
1. Unité de la forme
L'exigence de l'unité de la forme est prévue par l'article 66, alinéa 1, de la constitution genevoise. Cette condition requiert que l'initiative soit présentée sous la forme d'un mandat général ou d'un projet entièrement rédigé. Les auteurs d'une initiative doivent obligatoirement choisir l'une ou l'autre de ces formes et ne peuvent les combiner dans un même projet (voir Auer, Problèmes et perspectives du droit d'initiative à Genève, Lausanne, 1987, page 29). Dans la mesure où l'initiative nécessite un travail d'élaboration de la part de l'autorité législative, elle est en principe traitée comme une initiative non formulée (ATF 115 Ia 148, ATF 114 Ia 413; Odermatt, Ungültigerklärung von Volksinitiativen, PJA 6/1996, pages 710 et suivantes et les références citées). En l'occurrence, force est de constater que les auteurs de l'initiative populaire cantonale «Genève, République de paix» ont rédigé leur texte comme un projet législatif formulé. Partant, l'exigence de l'unité de la forme est remplie.
2. L'unité de la matière
A teneur de l'article 66, alinéa 1, de la constitution genevoise, une initiative doit également respecter le principe de l'unité de la matière. Ce principe, dont le contenu relève du droit fédéral, signifie que les différents éléments d'un projet doivent être liés par un rapport intrinsèque étroit et doivent poursuivre le même but (Auer, Les droits politiques dans les cantons suisses, Genève, 1978, page 126).
En d'autres termes, selon le Tribunal fédéral, les éléments doivent être rattachés les uns aux autres par un lien commun suffisant (ATF 99 Ia 638, 646; ZBl 1995, pages 470 et suivantes, Arrêt du Tribunal fédéral du 18 décembre 1984 non publié, considérant 5). Le but de cette exigence est d'assurer aux citoyens de pouvoir exprimer leur volonté de manière authentique, d'abord en signant l'initiative, puis en votant sur celle-ci (Grisel, L'initiative populaire «contre la vie chère et l'inflation et le principe de l'unité de la matière en droit fédéral», in Mélanges Hans Huber, Berne 1981, pages 171 et suivantes, 181; Odermatt, op. cit., page 711 et les nombreuses références citées). L'unité de la matière n'est ainsi pas respectée lorsqu'une initiative regroupe des éléments divers sans justification objective.
En principe, l'exigence de l'unité de la matière est plus souple s'agissant d'un projet rédigé en termes généraux dans la mesure où il doit ensuite être concrétisé par le législateur (ATF 99 Ia 638 et Grisel, Initiatives et référendum populaire, Lausanne 1987, page 204).
Il est important de relever que la jurisprudence en la matière est relativement libérale. Dans le précédent relatif à l'initiative populaire genevoise «Energie notre affaire», le Tribunal fédéral a été confronté à un texte visant l'adoption par les autorités genevoises d'une politique énergétique dont la réalisation impliquait toute une série de moyens. En raison de la variété de ces derniers, les recourants avaient soulevé devant le Tribunal fédéral le fait qu'un citoyen pouvait être favorable aux transports publics ou à la circulation en vélo tout en refusant les mesures à l'encontre du chauffage «tout électrique». Le Tribunal fédéral a estimé qu'un tel argument ne pouvait être retenu dans la mesure où «une initiative qui préconise des économies d'énergie peut fort bien préciser ainsi son programme et délimiter l'intervention de l'Etat et des collectivités publiques. La nature et l'ampleur de l'objectif poursuivi expliquent et justifient ici la complexité des mesures prévues. Celles-ci sont néanmoins toutes liées au but visé et sont suffisamment cohérentes pour échapper au reproche d'une juxtaposition artificielle, destinée à rassembler un maximum de suffrages» (Arrêt du Tribunal fédéral du 18 décembre 1984 non publié, considérant 7a).
L'objectif commun assurait ainsi, selon le Tribunal fédéral, un lien de connexité suffisant entre des moyens différents, car les citoyens étaient plus appelés à se prononcer sur une politique déterminée que sur les différents moyens de la réaliser. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a relevé que «ces propositions constituent un tout suffisamment cohérent et logique. Même si l'électeur peut ne pas les approuver toutes indistinctement, il doit être à même d'apprécier la politique ainsi proposée dans son ensemble et d'exprimer par son vote un jugement global» (Arrêt cité, considérant 7c).
L'élément déterminant est donc l'existence d'une politique générale poursuivie par l'initiative. Cette politique peut avoir des volets divers pour autant qu'ils forment un ensemble cohérent. Elle peut également devoir être mise en oeuvre par de nombreuses mesures variées tant que ces mesures sont liées à cette politique. Cette analyse est confirmée par un arrêt récent du 18 août 1994 dans lequel le Tribunal fédéral s'est exprimé comme suit: «Zu beachten ist überdies, dass Vorlagen, die von den politischen Behörden ausgehen, bereits einen politischen Prozess durchlaufen haben und dadurch eher eine gewisse Formung im Sinn einer Synthese erfahren haben, während Volksinitiativen eher Thesencharakter haben. Bei aus dem parlamentarischen Prozess hervorgegangenen Vorlagen rechtfertigt sich auch aus diesem Grund, das Prinzip der Einheit der Materie etwas zurückhaltender zu handhalben» (voir Odermatt, op. cit., page 712 et les références citées).
En l'occurrence, le but de l'initiative est défini par l'article 160 D, alinéa 1: le canton «développe et applique une politique de sécurité fondée sur la mise en oeuvre de moyens pacifiques, aptes à résoudre tout conflit au niveau local et international et encourage activement la recherche et la promotion de mesures de prévention des conflits à travers le développement d'une véritable culture de la paix».
Les moyens proposés par les initiants sont définis aux alinéas 2 à 4 de l'article 106, lettre D. Ces moyens ont trait successivement à la réduction des dépenses militaires et à la reconversion d'installations et d'activités militaires (alinéa 2, lettres a à c), au développement d'une culture de la paix (alinéa 3, lettres a à f) et au développement d'une politique de sécurité par des moyens civils (alinéa 4, lettres a à c).
A l'aune de la jurisprudence libérale du Tribunal fédéral rappelée ci-dessus, l'on peut admettre que ces divers moyens poursuivent un but commun qui les réunit étroitement par un lien objectif.
Le seul doute que l'on pourrait avoir a priori concerne l'alinéa 3, lettre d, qui postule l'accueil des victimes de la violence dans la mesure des moyens du canton. L'on peut en effet se demander si un tel accueil est un moyen situé dans une relation de connexité matérielle suffisante avec le but de l'initiative et avec le développement d'une culture de la paix visée au début de l'alinéa 3.
Néanmoins, l'on peut admettre qu'objectivement il existe un lien raisonnable. On peut en effet considérer que l'accueil de victimes de pays connaissant des situations de violence généralisées peut contribuer à éviter la dégradation des conflits. De même, l'accueil des réfractaires ou de déserteurs, sur le modèle de ce qui s'est fait pendant le conflit bosniaque sur décision du Conseil fédéral, est une forme de solution que la communauté internationale est logiquement tenue d'apporter, sous peine d'incohérence avec les règles du droit international (droit humanitaire et droit de la guerre) relatives à l'interdiction des agressions armées.
En conclusion, il n'y a pas en l'espèce une juxtaposition artificielle de mesures, en dépit de leur diversité. Le dénominateur commun consiste dans le développement d'une politique déterminée telle que souhaitée par les initiants et décrite à l'alinéa 1 de l'article 160 D. L'ampleur de l'objectif poursuivi justifie la gamme des moyens proposés.
Il découle de ce qui précède que le principe de l'unité de la matière est respecté par l'initiative populaire cantonale «Genève, République de paix».
3. Unité du genre
L'unité du genre ou l'unité normative (art. 66, al. 1, de la constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux, ce principe est respecté en l'espèce, le choix des initiants s'étant porté sur la rédaction d'une modification de la constitution.
II. Recevabilité matérielle
1. Conformité au droit supérieur
Conformément au principe de la force dérogatoire du droit fédéral, inscrit à l'article 2 des dispositions transitoires de la constitution fédérale, les initiatives cantonales doivent respecter l'ensemble du droit fédéral (voir par exemple ATF 117 Ia 147).
Dans la règle, pour qu'une initiative doive être annulée en raison de ce principe, il ne suffit pas que son objectif soit contraire au droit supérieur; il faut également que les moyens proposés pour atteindre cet objectif y soient contraires (Auer, Problèmes et perspectives, op. cit., pages 35 et suivantes).
En particulier, s'agissant d'une initiative rédigée en termes généraux, il faut prendre en considération la latitude d'appréciation dont dispose le législateur lors de la concrétisation du texte. Ce dernier peut choisir, parmi les solutions possibles pour atteindre les objectifs fixés par les initiants, ceux qui sont conformes au droit fédéral. Cette possibilité existe notamment lorsque les initiants ont indiqué que la concrétisation doit avoir lieu dans «les limites du droit fédéral» (Semaine Judiciaire, 1988, pages 626 et 630).
De plus, en toute hypothèse, l'initiative doit être interprétée de manière conforme à la constitution. Selon la jurisprudence relative au contrôle abstrait de la constitutionnalité de prescriptions légales ou réglementaires cantonales, il faut essayer, selon les principes d'interprétation reconnus, de donner au texte litigieux une portée qui le fasse apparaître comme conforme à la constitution. L'initiative ne peut être déclarée contraire au droit supérieur que si elle ne se prête pas à une telle interprétation (ATF 109 Ia 61).
L'initiative doit donc être interprétée à la fois dans un sens qui correspond le mieux à son sens et à son but et de manière à rester compatible avec les exigences du droit fédéral (Knapp, Précis de droit administratif, Bâle, 1993, page 59; Auer, Les droits politiques dans les cantons suisses, op. cit., page 134; Kölz, Die kantonale Volksinitiative in der Rechtsprechung des Bundesgerichts, ZBl 1982, page 44 et les nombreuses références citées).
Cette approche est confirmée par la jurisprudence la plus récente du Tribunal fédéral: «Für die Beurteilung der materiellen Rechtmässigkeit einer Initiative ist deren Text nach den anerkannten Interpretationsgrundsätzen auszulegen. Grundsätzlich ist vom Wortlaut der Initiative auszugehen und nicht auf den subjektiven Willen der Initianten abzustellen. Eine allfällige Begründung des Volksbegehrens und Meinungsäusserungen der Initianten dürfen allerdings mitberücksichtigt werden. Es ist von verschiedenen Auslegungsmöglichkeiten diejenige zu wählen, welche einerseits dem Sinn und Zweck der Initiative am besten entspricht und zu einem vernünftigen Ergebnis führt und welche andererseits mit dem übergeordneten Recht als vereinbar erscheint. Kann der Initiative ein Sinn beigemessen werden, der sie nicht klarerweise als unzulässig erscheinen lässt, ist sie als gültig zu erklären und der Volksabstimmung zu unterstellen (BGE 111 Ia 303 Erw. 4 S. 305 f.; 111 Ia 292 Erw. 2 S. 294 f.). (Arrêt du 18 octobre 1994, ZBl 1995, pages 470 et suivantes, voir également ATF 112 Ia 240 et Odermatt, op. cit., pages 715 et suivantes et les nombreuses références citées.)
A ce stade de l'analyse, l'examen de l'initiative populaire cantonale «Genève, République de paix» nécessite les remarques suivantes:
a) L'article 160, lettre D, à son alinéa 1 prend le soin de préciser que la politique de paix proposée doit intervenir «dans les limites du droit fédéral». Parallèlement, ce même alinéa se termine en précisant que la politique est réalisée par les autorités cantonales et communales «dans le cadre de leurs attributions».
Il sied de relever toutefois que la réserve du droit fédéral figurant dans une initiative ne saurait constituer en toute circonstance un mode permettant de maintenir le texte d'une initiative dont l'objet peut être de nature à heurter le droit supérieur. A supposer en effet qu'une disposition, en raison de sa contrariété avec le droit fédéral, perde de sa substance, son maintien, respectivement sa soumission au vote populaire, serait contraire aux droits politiques.
Il reviendrait en effet à tromper le corps électoral en lui faisant miroiter une possibilité d'action de l'Etat dans un domaine qui n'existe pas en raison des contraintes découlant du droit fédéral.
b) La mise en oeuvre de moyens pacifiques aptes à résoudre les conflits touche nécessairement aux relations internationales. Dans cette mesure, il est indispensable de rappeler à titre liminaire les compétences respectives des cantons et de la Confédération en la matière.
c) Dans la mesure où par ailleurs, de par son contenu, l'initiative touche au domaine militaire (voir notamment l'alinéa 2, lettres a à c, l'alinéa 3, lettre f, et l'alinéa 4, notamment lettres b et c), il est également indispensable de rappeler la répartition de compétences applicable en la matière.
A. Rappel de l'ordre constitutionnel en matière de politique étrangère
L'article 8 de la constitution fédérale stipule que les affaires internationales sont en général du ressort de la Confédération. Dans ce domaine particulier, comme l'indique Wildhaber (Kompetenzordnung und Willensbildung in der schweizerischen Aussenpolitik, in Handbuch der schweizerischen Aussenpolitik, Stuttgart 1975, page 238; voir également Jean-François Aubert, Traité de droit constitutionnel suisse, nos 672 et suivants), le principe de la compétence résiduelle des cantons stipulée par l'article 3 de la constitution fédérale n'est pas applicable. Bien au contraire, pour les affaires étrangères, c'est la présomption contraire qui s'applique.
Ainsi, la Confédération exerce tous les droits qui ne sont pas explicitement réservés par la constitution fédérale aux cantons. Cette conclusion découlant de l'article 8 est confirmée par les articles 85 et 102 de la constitution fédérale (voir Monnier, Les principes et les règles constitutionnels de la politique étrangère suisse, rapport à la Société suisse des juristes, 1986, fascicule 2, page 150 et les références citées).
Il découle des dispositions de l'article 102, chiffre 8, de la constitution que la conduite de la politique étrangère est ainsi l'une des tâches du Conseil fédéral. C'est lui qui représente la Suisse dans les relations de droit international. Le Conseil fédéral représente également les cantons dans la mesure où ceux-ci n'ont pas expressément le droit d'entretenir des relations avec les Etats étrangers. Comme le relève Schindler (Commentaire de la constitution fédérale, ad article 102, paragraphes 100 et suivants, notamment 104), c'est en particulier le Conseil fédéral qui décide seul de l'envoi et des instructions des représentants auprès des organisations internationales ainsi que de la participation à des conférences internationales et à des procédures de règlement des différends.
C'est toujours au Conseil fédéral qu'il incombe d'offrir ses bons offices aux Etats étrangers et aux organisations internationales et assumer les obligations qui en découlent, notamment en matière d'action de maintien de la paix et d'organisation de conférences.
Il convient dans cette perspective de rappeler que la compétence fédérale en matière d'affaires internationales ne se limite pas à des activités de nature matériellement législative (conclusion de traités).
La politique étrangère est, de par sa nature, multiforme (Wildhaber, op. cit., page 239). Jean-François Aubert la décrit «comme un ensemble de comportements qui créent, modifient, suppriment ou constatent des rapports entre les autorités suisses et des autorités étrangères supranationales ou internationales» (Traité de droit constitutionnel suisse, volume I, n° 671; voir également Kälin, Verfassungsgrundsätze der schweizerischen Aussenpolitik, Rapport à la Société suisse des juristes, fascicule 3, 1986, pages 257 et suivantes et les références citées).
La compétence des cantons sur le plan extérieur est, quant à elle, régie par les articles 9 et 10 de la constitution fédérale. L'article 9 réserve tout d'abord la compétence des cantons de conclure des traités sur des objets concernant l'économie publique et les rapports de voisinage et de police.
L'article 10, alinéa 2, de la constitution permet aux cantons, dans cette limite, de correspondre directement avec les autorités inférieures d'un Etat étranger. L'article 10, alinéa 1, rappelle le principe selon lequel les rapports officiels entre les cantons et les gouvernements étrangers ou leurs représentants ont lieu par l'intermédiaire du seul Conseil fédéral.
Cette règle constitutionnelle qui interdit aux cantons d'entretenir des rapports officiels avec des gouvernements étrangers s'applique également aux organisations internationales (voir Monnier, op. cit., pages 177 et suivantes).
La doctrine dominante considère que la compétence cantonale réservée par l'article 10, alinéa 2, de la constitution couvre, d'une part, des objets de portée purement locale, et, d'autre part, des matières dans lesquelles les cantons disposent d'une compétence propre, la matière n'étant pas réglée par le droit fédéral (voir Aubert, op. cit., n° 676).
A contrario, comme le relève Burkhardt (Kommentar der Schweizerischen Bundesverfassung vom 29. Mai 1874, page 93), les articles 9 et 10 de la constitution fédérale interdisent aux cantons de correspondre, respectivement de prendre des engagements avec des autorités étrangères sur des questions qui intéressent la Suisse tout entière.
B. Répartition des compétences en matière militaire
La répartition des tâches dans le domaine militaire est visée aux articles 13 à 22 de la constitution fédérale. L'article 22 bis traite, quant à lui, de la législation sur la protection civile. Comme le relève Macheret (Commentaire de la constitution fédérale, ad articles 13 et 22), s'agissant de la défense armée, la Confédération dispose d'une compétence générale consacrée par la législation d'application.
Les cantons disposent de tâches complémentaires dans la mesure où le droit fédéral le prévoit. Le fédéralisme militaire qui inspirait historiquement les textes constitutionnels s'est effacé aujourd'hui en faveur d'une conception consacrée par la législation aux termes de laquelle la Confédération est investie d'une compétence générale, sinon exclusive, en la matière.
A teneur de l'article 19, alinéa 2, de la constitution, le droit de disposer de l'armée ainsi que du matériel de guerre prévu par la loi appartient à la Confédération. L'article 20, alinéa 1, de la constitution dispose que les lois sur l'organisation de l'armée émanent de la Confédération. Il en va de même pour l'instruction militaire et l'armement.
Le mandat constitutionnel en matière d'instruction (article 20, alinéa 2) donne le droit à la Confédération de louer ou d'acheter aux cantons les places d'armes et les bâtiments militaires leur appartenant.
L'article 22, alinéa 1, confère également à la Confédération le droit de se servir et de devenir propriétaire des places d'armes et des bâtiments ayant une destination militaire.
L'article 19, alinéa 4, de la constitution stipule, certes, que les cantons disposent des forces militaires de leur territoire en tant que ce droit n'est pas limité par la constitution ou les lois fédérales. Toutefois, cette prérogative est strictement limitée par les compétences précitées de la Confédération.
Or, la Confédération est titulaire exclusive de la compétence en matière d'instruction militaire, comme nous l'avons vu. Elle dispose donc seule de la troupe dans ce but (Macheret, op. cit., ad article 19, chiffres 6 et suivants).
De plus, les articles 85, chiffre 7, et 102, chiffre 10, de la constitution confèrent à l'Assemblée fédérale et au Conseil fédéral une compétence propre chargeant la Confédération de veiller à la sûreté intérieure. Cette compétence inclut le maintien et le rétablissement de l'ordre et la sécurité publique de l'Etat dans son ensemble.
Enfin et surtout, la Confédération est seule chargée de la sécurité extérieure. De ce point de vue, l'article 19 de la constitution doit être mis en relation avec l'article 8 de la constitution qui attribue à la Confédération seule le droit de déclarer la guerre et de conclure la paix. Elle dispose seule du droit de donner des ordres à l'armée à l'effet d'assurer la sécurité extérieure du pays.
La tâche complémentaire des cantons est consacrée par l'article 20, alinéa 2, de la constitution qui stipule qu'à l'exception de l'armement, la fourniture et l'entretien de l'habillement et de l'équipement des troupes restent dans la compétence cantonale. De même, l'article 21, alinéa 2, réserve la compétence du canton pour la nomination et la promotion des officiers et corps cantonaux sous réserve des prescriptions fédérales. Les dispositions de la loi sur l'organisation militaire définissent les limites de cette compétence.
A ce stade de l'analyse, il est important de relever que la défense nationale ne constitue pas simplement un domaine de compétence législative de la Confédération, mais bien une tâche constitutionnelle fédérale, comme le Tribunal fédéral a eu l'occasion de l'indiquer à plusieurs reprises (voir notamment ATF 118 Ib 569; 101 Ia 314 et les références citées).
C. Analyse de la conformité des moyens proposés avec le droit fédéral
Les développements qui précèdent ont permis de rappeler que la conformité d'une initiative cantonale au droit fédéral s'analyse non pas exclusivement à l'égard de ses buts, mais essentiellement à l'égard des moyens mis en oeuvre. C'est dans cet esprit que vont être consacrés les développements ci-après.
1. Article 160 D, alinéa 2 ab initio
L'alinéa 2 de l'article 160 D préconisé par l'initiative vise à confier la mission au canton de soutenir toute démarche visant le désarmement global, la coopération et la solidarité entre les peuples et le respect des droits de l'homme et de la femme. Le canton doit, dans cette perspective, intervenir auprès des «institutions nationales et internationales compétentes».
Dans la mesure où ce texte vise à permettre aux cantons de faire des démarches auprès d'institutions nationales étrangères et d'organisations internationales, il viole l'ordre constitutionnel. La prévention des conflits et les démarches qui en résultent hors du cadre national relèvent de la politique étrangère.
A l'exception des affaires purement locales et transfrontalières, les cantons n'ont pas compétence pour correspondre directement avec les Etats étrangers et les organisations internationales.
Une intervention dans la politique fédérale étrangère en matière de prévention et de résolution des conflits échappe au domaine réservé aux cantons. Commentant l'article 8 de la constitution fédérale, Schindler indique explicitement qu'appartiennent au domaine traditionnel de la politique extérieure réservée à la Confédération «les relations avec les organisations internationales; la réglementation de la situation de ces dernières en Suisse; la représentation de la Suisse au sein des organes internationaux et devant les instances judiciaires internationales; les mesures dans le cadre de la politique de neutralité, en particulier l'offre de bons offices au sens large (tel que l'encouragement du règlement pacifique des conflits internationaux, la prise en charge de mandats protectoraux, les activités humanitaires en période de guerre et de paix)» (Commentaire de la constitution fédérale, ad article 8, paragraphe 37).
Appartiennent également à cette compétence fédérale exclusive les mesures de solidarité internationale auxquelles appartiennent les bons offices déjà évoqués, les prestations d'aide humanitaire et d'assistance en cas de guerre, ainsi que l'octroi de l'asile aux réfugiés politiques.
C'est également dans ce cadre que la Confédération contribue aux opérations de maintien de paix de l'ONU (Schindler, op. cit., paragraphe 39). Ce même auteur indique que les cantons ne sont pas admis à adopter des mesures de droit interne qui sont contraires aux intérêts de la Confédération en matière de politique étrangère (voir également ATF 65 I 120): «sont en particulier inadmissibles toutes les mesures qui peuvent influencer de façon gênante les relations de la Suisse avec les Etats étrangers, telles les résolutions de parlements cantonaux à propos d'événements survenus à l'étranger».
Aubert (Traité de droit constitutionnel suisse, tome I, n° 640) indique que toutes les dispositions qu'un canton pourrait prendre dans le domaine de la politique étrangère seraient nulles, même en l'absence de mesures fédérales. Le seul tempérament que celui-ci apporte concerne la possibilité pour les cantons d'intervenir en parallèle avec la Confédération dans le domaine de la coopération au développement (Aubert, op. cit., tome III, ad nos 640 et 672 et les références citées).
Encore faut-il préciser que la politique cantonale en la matière ne peut se mouvoir que dans les limites de la politique fédérale qu'elle ne saurait contrecarrer. Analysant ce domaine plus en détail, Monnier (op. cit., page 169) commente la loi sur la coopération au développement et l'aide humanitaire internationale en indiquant la faculté pour le Conseil fédéral de collaborer avec les cantons et les communes et les institutions publiques à des activités de coopération au développement et d'aide humanitaire. Cela étant, cet auteur spécifie également que les cantons ne peuvent conclure aucun accord avec des pays étrangers en la matière et que l'action y relative nécessite une coordination étroite de toutes les actions entreprises, coordination qui incombe à la Confédération, sauf à risquer de voir les politiques cantonales contrecarrer la politique fédérale.
Dans cette mesure, et à la lumière de ce qui précède, il nous apparaît extrêmement difficile de donner à la partie de l'initiative ici analysée une interprétation à la fois conforme à la constitution et conservant un sens réel au texte proposé. La seule interprétation possible consiste à restreindre le pouvoir d'intervention du canton en un mandat d'intervenir auprès des institutions fédérales pour soutenir la politique de la Confédération. Dès lors, ce passage de l'article 160 D, alinéa 2, se réduit à un mandat au canton d'intervenir auprès des «institutions nationales compétentes», étant entendu que seules les instances nationales suisses sont visées.
2. Article 160 D, alinéa 2, lettre a
L'alinéa 2, lettre a, de l'article 160, lettre D, proposé par les initiants mandate le canton d'encourager la réduction des dépenses militaires.
Sous réserve des dépenses nécessaires à la mise à disposition de la Confédération, notamment des infrastructures et de l'équipement que le canton est tenu de lui prêter (voir infra, ch. 3 et 4), il n'apparaît pas que ce moyen soit contraire au droit fédéral. Le canton peut intervenir licitement au plan fédéral par les institutions parlementaires à sa disposition, en particulier par le biais de l'initiative cantonale. Il n'y a pas sur ce point de violation du droit fédéral.
3. Article 160 D, alinéa 2, lettre b
L'initiative postule ensuite comme moyen «la restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton en intervenant auprès de la Confédération» (alinéa 2, lettre b, de l'article 160, lettre D).
L'article 20, alinéa 1, de la constitution fédérale déjà commenté ci-dessus indique que l'exécution des lois militaires dans les cantons a lieu par les autorités cantonales dans les limites qui seront fixées par la législation fédérale et sous la surveillance de la Confédération.
Les terrains affectés à l'armée sont clairement des infrastructures destinées à l'accomplissement des tâches d'instruction de l'armée exclusivement conférées à la Confédération par l'article 20, alinéa 2, de la constitution. Cette tâche implique en effet la compétence de se procurer et de gérer des places d'armes en recourant si nécessaire au moyen de l'expropriation prévue à l' article 22 de la constitution.
En pratique, la Confédération opère par des arrangements conventionnels avec les cantons, comme le relève Macheret (op. cit., ad article 22 constitution n° 2). L'article 124 de la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire, du 3 février 1995, (ci-après: «LAAM») indique explicitement, à son alinéa 2, qu'il appartient au Conseil fédéral de désigner les quarante places d'armes exploitées par la Confédération et les cantons. Il lui appartient de régler l'utilisation et l'administration des places d'armes, des places de tir et des places d'exercice.
L'article 126, alinéa 2, de la même loi excepte ces installations de la défense nationale de toute application de la législation cantonale, y compris d'une autorisation cantonale.
L'immunité conférée par le législateur à la Confédération en la matière a été régulièrement sanctionnée par la jurisprudence du Tribunal fédéral (voir notamment ATF 118 Ib 569; ATF 110 Ib 261 concernant les travaux préparatoires de la place d'armes de Rothenthurm; ATF 101 Ia 315).
Le canton de Genève est lié avec la Confédération par une convention concernant la mise à disposition et l'utilisation de la partie de la place d'armes de Genève et de ses dépendances, propriété de l'Etat de Genève, ratifiée le 23 octobre 1985 et le 6 février 1986. Cette convention garantit certains droits de libre disposition du canton sur les biens remis en bail à la Confédération (article 7).
L'exercice du droit de disposition du canton est toutefois subordonné à la mise à disposition préalable, aux frais du canton et avec l'accord de la Confédération, d'autres terrains d'une surface au moins égale, dotés de bâtiments et installations équivalentes, répondant aux besoins de la troupe. Le canton n'est pas habilité à dénoncer ladite convention avant le 31 décembre 2025 (article 16, alinéa 1).
Juridiquement, le canton ne peut valablement prendre prétexte de l'adoption de l'article 160 D, alinéa 2, lettre b, de la constitution genevoise pour se délier de son engagement conventionnel au titre de la modification d'une règle de rang supérieur.
Qui plus est, il apparaît qu'un mandat donné au canton visant à la désaffectation d'installations de l'armée existant dans le canton et leur restitution à des usages civils heurte le droit fédéral sous plusieurs angles:
a) Comme nous l'avons vu ci-dessus, la compétence pour désigner les places d'armes incombe au Conseil fédéral. Celui-ci peut exploiter une telle place d'armes sans être assujetti à une autorisation de droit cantonal. L'immunité qui résulte en faveur de la Confédération traduit la volonté du législateur fédéral de soustraire l'administration fédérale au droit cantonal parce qu'il tient les intérêts de la Confédération pour prioritaires par rapport à ceux du canton (voir à ce sujet Grisel, Traité de droit administratif, page 309 et les références citées).
Ainsi donc, en tout état de cause, les autorités cantonales ne pourraient pas invoquer la disposition constitutionnelle préconisée par l'initiative, si elle était adoptée, pour s'opposer au maintien de terrains affectés à l'armée dans le canton.
b) Les cantons sont liés entre eux et à l'égard de la Confédération par le concept de la fidélité confédérale déduit de l'article 3 de la constitution (voir Saladin, Commentaire de la constitution fédérale, ad article 3, paragraphes 34 et suivants).
Cette fidélité confédérale implique un devoir positif de collaboration à l'exécution des tâches fédérales. Il implique également l'interdiction de contrecarrer le droit fédéral. Le canton ne peut pas prétexterde l'application du droit cantonal pour rendre l'exécution d'une tâche de droit fédéral impossible ou difficile à l'excès (à ce sujet, voir Moor, Droit administratif, volume I, page 326 et les références citées; Grisel, op. cit., page 310).
Dans le cas d'espèce, la situation doit être soigneusement distinguée de la problématique développée dans l'arrêt du Tribunal fédéral du 23 mars 1977 dans la cause Conseil d'Etat du canton de Genève contre Confédération suisse (ATF 103 Ia 329). Le canton a pu s'opposer, pour des motifs d'aménagement du territoire, à l'installation d'une centrale nucléaire sur son territoire dès lors que, comme l'a indiqué le Tribunal fédéral, le législateur a renoncé à faire de la construction et de l'exploitation d'installations atomiques une tâche fédérale. Tel n'est pas le cas in casu.
La défense nationale, comme nous l'avons démontré, constitue bel et bien une tâche fédérale (au sujet de la distinction entre compétence fédérale et tâche fédérale, voir Moor, op. cit., page 326).
L'exposé des motifs préparé par les initiants repose sur ce point précisément sur la comparaison avec l'article constitutionnel genevois qui affirme le principe du «sortir du nucléaire».
Les initiants déclarent: «Nous voudrions en faire de même face au danger militaire.» Or, juridiquement, pour les motifs qui viennent d'être expliqués, l'objectif de «démilitariser» le canton viole la fidélité confédérale dans la mesure où il entre en contradiction avec la politique du Conseil fédéral en matière d'instruction et de gestion des places d'armes (voir à ce sujet également Häfelin/Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, troisième édition, page 101).
D'ailleurs, cette situation a été explicitement évoquée par la doctrine: Kölz (Bundestreue als Verfassungprinzip, in ZBl 1980, pages 173 à 174) déclare ce qui suit: «Yvo Hangartner hat als Beispiel dafür den Fall angeführt, da ein Kanton etwa aufgrund einer Volksinitiative verpflichtet wird, im Rahmen aller seiner Kompetenzen generell die Errichtung von Waffenplätzen der Armee zu verhindern. Ein solches kantonales Gesetz würde - wenigstens soweit es sich nicht um einen reinen Stadtkanton handelt - zweifellos einen ";bundesstaatlichen Rechtmissbrauch" darstellen, denn der Bund benötigt zur Erfüllung seiner verfassungsmässigen Aufgabe der Landesverteidigung eine bestimmte Anzahl von Waffenplätzen. Einen solchen ";bundesstaatlichen Rechtsmissbrauch" dürfte man aber nun annehmen, wenn der Kanton generell auf eine solche Haltung verpflichtet würde. Es steht ihm im Einzelfall aus besonderen lokalen öffentlichen Interessen zweifellos ohne Verletzung der bundesstaatlichen Treuepflicht offen, sich gegen die Errichtung eines Waffenplatzes zu wenden.»
Les réserves formulées par cet auteur, relatives à la prise en compte de motifs d'intérêt public locaux, ne sont, à nos yeux, pas applicables in casu et ce pour deux motifs:
- l'article 160, lettre D, de la constitution proposé par les initiants ne vise pas à s'opposer à des terrains affectés à l'armée dans le canton pour des motifs spécifiques liés par exemple à l'aménagement du territoire. Il s'agit, au contraire, d'une politique générale visant à exclure la présence de l'armée du canton.
- Le fait que Genève soit un canton-ville, situation évoquée par l'auteur précité, peut certes concerner le cas dans lequel la Confédération désirerait créer une nouvelle place d'armes sur le territoire cantonal exigu. Encore une fois, il ne s'agit pas de la situation analysée ici. Les initiants visent en effet la désaffectation d'installations existantes dans une perspective d'une politique générale de «démilitarisation».
En conséquence, un tel mandat systématique donné au canton apparaît, à nos yeux, clairement contraire au droit fédéral.
4. Article 160 D, alinéa 2, lettre c
L'article 160, lettre D, alinéa 2, lettre c, «vise à obliger le canton à encourager la conversion civile des activités économiques, financières et institutionnelles en relation avec le domaine militaire». Ce but d'encouragement à la reconversion civile d'activités économiques dans le domaine militaire ne pose pas de problème constitutionnel. Il y a lieu néanmoins de relever que cette reconversion trouve nécessairement une limite dans les obligations incombant aux cantons en matière de fournitures militaires.
A teneur de l'article 20, alinéa 3,106, alinéa 2, et 11, alinéa 2, LAAM, les cantons sont chargés de fournir à la Confédération les effets personnels de la troupe. Les militaires autres que les recrues sont donc équipés par les cantons.
Le législateur a ainsi donné aux cantons le mandat d'administrer et d'entretenir l'équipement de corps des unités et corps de troupes cantonaux (voir Macheret, Commentaire de la constitution fédérale, op. cit., ad article 20, paragraphes 13 et 14).
La disposition visée par l'initiative ne peut pas avoir pour effet de libérer le canton de son obligation de fournir un stock minimal de matériel militaire. Certes, l'article 106, alinéa 2, LAAM stipule que les cantons peuvent faire les achats des équipements pour les livrer à l'armée. Il est vrai que l'on peut théoriquement imaginer que le gouvernement genevois se passe à l'avenir du concours d'entreprises sises dans le canton et achète auprès de producteurs situés ailleurs en Suisse. L'on peut sérieusement se demander toutefois si un tel cas de figure rentre dans le but réellement voulu par les initiants.
5. Article 160 D, alinéa 3
L'alinéa 3 de l'article 160 D institue un certain nombre de moyens destinés au développement d'une culture de la paix. Pour l'essentiel, ces moyens n'apparaissent pas contraires au droit fédéral.
Les remarques et précisions suivantes doivent être néanmoins formulées s'agissant de ses lettres d et e:
a) L'alinéa 3, lettre d, préconise que le canton favorise «l'accueil des victimes de la violence, dans la mesure des moyens du canton». Juridiquement, l'accueil des victimes de la violence en provenance de pays étrangers est constitutionnellement du ressort de la Confédération dans le cadre de l'article 69ter. Toutefois, l'article 69ter, alinéa 2, laisse aux cantons le soin d'appliquer la législation fédérale, sous réserve du droit de la Confédération de statuer en dernier ressort sur le refus d'accord de l'asile (lettre d).
La compétence de décider de l'octroi de l'asile a été attribuée à la Confédération. Les cantons n'ont pas pour autant perdu tout pouvoir de décision dans le domaine. Ainsi et en particulier, l'article 14a, alinéa 1, de la loi sur l'asile laisse aux cantons le soin de convenir d'une répartition des requérants d'asile, bien qu'il prévoie ensuite que le Conseil fédéral fixe les critères de répartition dans une ordonnance si les cantons ne parviennent pas à s'entendre. De fait, le Conseil fédéral a déjà adopté une clé de répartition à l'article 9 de l'ordonnance sur l'asile, suite aux difficultés rencontrées dans les négociations cantonales en la matière. Cette clé de répartition est par ailleurs appliquée pour les personnes admises provisoirement individuellement (article 15, alinéa 4, LSEE; ATF 122 II 203) ou en tant que groupe de «réfugiés de la violence» dans le cadre des décisions du Conseil fédéral.
Cela étant, vu le système instauré par l'article 14a, alinéa 1, de la loi sur l'asile, il est parfaitement imaginable qu'un canton se porte volontaire pour accueillir plus de requérants d'asile sans se heurter à une réglementation impérative de droit fédéral.
b) L'alinéa 3, lettre e, de l'article 160 D oblige le canton à oeuvrer pour «la promotion du service civil, à travers la diffusion de toute information utile et le développement de projets et d'activités permettant la réalisation de ce service. L'accès volontaire à ceux-ci est ouvert à toute personne établie dans le canton».
S'agissant de la diffusion d'informations sur le service civil, il faut tout d'abord noter que dans la mesure où cette information n'incite pas directement au refus de servir, elle n'est pas illicite (comparer avec les articles 22 et 81 du code pénal militaire, du 13 juin 1927 - RS 321.0).
Ensuite, l'article 30 de l'ordonnance sur le service civil, du 11 septembre 1996, (RO 1996, pages 2685 et suivantes; ci-après OSC) prévoit des journées d'information sur le service civil. Néanmoins, cette information ne semble concerner que les personnes précédemment admises au service civil dès lors qu'elle est destinée à la préparation des périodes d'affectation.
Dans ce contexte, il paraît difficile de considérer que soit exclue toute autre information sur le service civil au motif d'un caractère exclusif du droit fédéral régissant l'organisation du service civil (voir R. Schweizer, Commentaire de la constitution fédérale, ad article 18, n° 51).
Faut-il considérer qu'un soutien cantonal à l'information sur le service civil contreviendrait au régime constitutionnel de l'obligation de servir?
Une réponse négative s'impose pour les motifs suivants:
i) Accomplir un service civil ne contrevient pas à l'obligation de servir: d'une part le service civil n'est aujourd'hui plus qu'une modalité de l'obligation de servir (par substitution, voir article 2, alinéa 1, de la loi sur le service civil, du 6 octobre 1995 - RO 1996, pages 1445 et suivantes; ci-après LSC), comme en témoigne également le fait que l'accomplissement du service civil libère du paiement de la taxe d'exemption (voir article 15 LSC; Schweizer, op. cit., n° 73).
ii) D'autre part et surtout, l'admission au service civil ne dépend pas d'un libre choix: elle est fonction de l'appréciation des autorités fédérales eu égard à la condition posée par l'article 1 de la loi.
L'on constate donc que «l'encouragement» au service civil par la fourniture d'informations sur les modalités des procédures d'admission y relatives ne viole aucune prescription fédérale expresse.
Reste que le service militaire constitue la forme de principe de l'obligation de servir et que la défense armée est une des tâches essentielles de la Confédération (article 2 de la constitution fédérale).
Partant, l'on peut encore s'interroger sur la question de savoir si l'encouragement du service civil revient à prétériter l'un des buts primaires de la Confédération et, partant, porterait atteinte à la fidélité confédérale déjà évoquée ci-dessus.
La réponse dépend en définitive de la question de savoir si le service civil n'est pas lui aussi au service de buts essentiels de la Confédération, ce que peut laisser penser sa fonction d'intérêt public consacrée par l'article 3 de la loi sur le service civil.
Mais en dernière analyse, la réponse tient surtout à la nature de l'activité informative préconisée. Les principes constitutionnels généraux en la matière obligent les autorités qui s'engagent dans des campagnes d'information à ne promouvoir que les solutions retenues par le législateur (voir Knapp, Information et persuasion, in Les instruments d'action de l'Etat, 1991, pages 45 et suivantes, notamment 77).
Les autorités doivent respecter le principe de l'égalité de traitement en ce sens que les lois doivent bénéficier d'un même degré d'information, même si le critère de la proportionnalité peut mener à privilégier l'information sur certaines lois en fonction de critères objectifs. Il est évident, dans cette perspective, que tout est question de mesure et de moyens. A l'extrême, une campagne publicitaire propagandiste unilatérale visant à donner au service civil une portée autre que celle prévue par le droit fédéral serait certainement contraire à ces principes constitutionnels.
A l'inverse, l'information sur le service civil dans le cadre de campagnes d'information portant sur toutes les modalités du devoir de servir est parfaitement admissible.
En raison des principes régissant l'interprétation des initiatives populaires, il y a lieu de présumer que l'interprétation à donner au texte de l'initiative sur ce point doit rester dans le cadre de ce qui est possible en vertu du droit fédéral.
Le développement de projets et d'activités permettant la réalisation du service civil, de même que l'admission volontaire à ces activités ne semblent pas contraires au droit fédéral. La LSC a prévu une très large association des particuliers et des cantons pour la mise à disposition de possibilités d'engagement en la matière. Selon l'article 3 de la loi, le travail d'intérêt public exigé par l'article 2, alinéa 3, peut s'effectuer dans une institution aussi bien publique que privée. Il suffit que le travail considéré corresponde aux domaines énumérés à l'article 4, alinéa 1, de la loi.
La très large place que réserve la loi pour la mise sur pied d'activités d'utilité publique dans le cadre des cantons ou d'institutions privées devrait donc rendre licite l'encouragement souhaité par l'article 160 D, alinéa 3, lettre e, de l'initiative.
Il est par ailleurs évident que l'accès volontaire aux projets et activités de service civil ouverts à toute personne établie dans le canton ne peut être assuré dans le cadre des structures mises sur pied en exécution de la loi sur le service civil et de son ordonnance d'exécution. Cependant, la reconnaissance par le droit fédéral d'institutions intéressées à employer des personnes engagées dans le service civil en tant qu'établissements d'affectation au sens de l'article 41 de la LSC ne s'oppose pas à ce que ces institutions soient chargées par le droit cantonal de tâches de promotion de la paix ou de prévention des conflits au sens de l'initiative.
Par conséquent, il n'est pas exclu qu'une même institution d'utilité publique emploie à la fois des personnes astreintes au service civil et des volontaires.
6. Article 160 D, alinéa 4
L'alinéa 4 de l'article 160 D invite le canton à mettre en oeuvre et à développer des moyens non militaires pour garantir la sécurité de la population. Il est encouragé à conférer toutes les tâches concernant la sécurité dans le canton à des organismes civils.
La lettre b de ce même alinéa 4 stipule qu'«il renonce à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre». Il y a lieu de déterminer si ce renoncement est conforme au droit fédéral.
Le maintien de l'ordre public cantonal constitue une tâche élémentaire du canton. L'article 19, alinéa 4, de la constitution fédérale donne le droit aux cantons de disposer à cet effet des forces militaires basées sur leur territoire pour le maintien du service d'ordre (voir Macheret, op. cit., ad article 19 constitution, nos 18 à 21; Vez, Le pouvoir de disposer des moyens stratégiques dans la défense générale, 1985, pages 40 et suivantes; Rasi, Die Kantonale Militärhöheit als Problem des Verhältnisses von Bund und Kantonen, 1974, pages 173 et suivantes).
La Confédération est en pareil cas étrangère à l'engagement de l'armée qui dépend entièrement de la responsabilité du canton (Macheret, op. cit., n° 2, lettre a, ad article 18).
Le service d'ordre destiné à soutenir les autorités civiles en cas de menace grave contre la sécurité intérieure constitue une forme de service actif au sens de l'article 76, alinéa 1, lettre b, de la LAAM. L'article 83, alinéa 2, lettre b, de la même loi confirme que ce service d'ordre peut être ordonné par les cantons pour l'engagement de leurs troupes sur leur propre territoire.
L'alinéa 4 de l'article 83 de la LAAM précise que le canton prend en charge les coûts de l'engagement de l'armée lorsqu'elle est mise sur pied suite à sa requête.
L'article 83, alinéa 1, de la LAAM consacre le principe de la subsidiarité de l'intervention de l'armée au titre du service d'ordre. Cette disposition stipule en effet que «des troupes peuvent être engagées pour le service d'ordre lorsque les moyens des autorités civiles ne suffisent plus pour faire face à des menaces graves contre la sécurité intérieure». Cette subsidiarité découle elle-même du principe de la proportionnalité qui plaide en faveur de l'engagement des forces de police en lieu et place de l'armée (voir Aubert, Traité de droit constitutionnel suisse, op. cit., tome III, n° 816; Macheret, op. cit., ad article l6, paragraphe 10; Eichenberger, Die Sorge für inneren Frieden als Primäre Staatsaufgabe, ZBl, 1977, page 447).
Le texte de l'initiative analysé ici ne se limite pas à postuler cette subsidiarité, mais prévoit un renoncement pur et simple à l'engagement des troupes en la matière. Ce renoncement est de nature à se heurter au texte de l'article 16, alinéa 1, de la constitution fédérale. Cette disposition stipule en effet qu'en cas de troubles à l'intérieur, le gouvernement du canton menacé doit en aviser immédiatement le Conseil fédéral afin qu'il puisse prendre les mesures nécessaires, dans les limites de sa compétence, ou convoquer l'Assemblée fédérale.
Le devoir d'aviser la Confédération, inscrit à l'article 16, alinéa 1, de la constitution, a ainsi pour but de permettre au Conseil fédéral, respectivement à l'Assemblée fédérale, de décider au besoin de l'engagement des forces armées sous la forme nécessaire et adéquate.
Or, selon le principe de la subsidiarité, c'est en premier lieu un service d'ordre fédéral à la demande et sous le commandement du canton, au sens de l'article 83, alinéa 5, de la LAAM (et de l'article 6, alinéa 1, de l'ordonnance sur le recours à la troupe pour assurer le service d'ordre, du 17 janvier 1979 - OSO), que la Confédération doit mettre sur pied en levant des troupes.
En effet, ce n'est que dans l'hypothèse où le gouvernement cantonal est hors d'état d'invoquer le secours de la Confédération que les autorités fédérales peuvent intervenir sans réquisition, à rigueur de l'article 16, alinéa 2, de la constitution. Il s'agit alors d'une véritable intervention fédérale, que le Conseil fédéral est tenu de déclencher lorsque les troubles compromettent la sûreté de la Suisse (voir Macheret, op. cit., n° 13, ad article 16; Vez, op. cit., pages 48 et suivantes; Feuille fédérale 1993 IV, page 89 et les références citées).
Le maintien de l'ordre intérieur est en effet un but primaire de la Confédération (article 2 de la constitution) auquel les cantons sont associés pour leur bénéfice mutuel (voir Aubert, Commentaire de la constitution, ad article 2; Vez, op. cit., page 35).
Ainsi, à teneur du texte de l'article 16, alinéa 1, de la constitution fédérale, en cas de troubles intérieurs, un canton ne peut pas renoncer à aviser immédiatement le Conseil fédéral et à requérir l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre. En cas de menace pour son ordre constitutionnel, chaque canton est tenu, de par l'obligation de fidélité confédérale, d'avertir et de faire appel à la Confédération, laquelle d'ailleurs, comme nous l'avons vu, dispose d'un droit d'intervention autonome.
Les cantons doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir, y compris en réclamant l'intervention de l'armée si nécessaire, pour éviter que leur ordre public ne soit troublé ou mis en danger et pour le rétablir lorsqu'il a été perturbé (voir Macheret, op. cit., ad article 16, paragraphe 7 et les références citées).
On voit mal qu'un canton confronté à des troubles intérieurs puisse ne pas avertir la Confédération (laquelle d'ailleurs interviendrait d'office). Encore moins pourrait-il se contenter d'avertir la Confédération tout en laissant la situation se dégrader sans recourir à ses forces armées, ni requérir la mise à disposition de l'armée par la Confédération sous prétexte qu'il serait maître de la gestion de son ordre intérieur et qu'une disposition constitutionnelle cantonale lui interdirait l'engagement des troupes pour assurer le service d'ordre.
Dans un tel cas, certes extrême, l'attitude cantonale serait constitutive d'une violation de la fidélité confédérale. A la lumière de ce qui précède, il découle que, s'il est licite pour un canton de faire tout le possible pour garantir la sécurité de la population par des moyens non militaires, comme le préconise d'ailleurs l'alinéa 4 de l'article 160 D, il n'est juridiquement pas admissible qu'un canton s'impose un renoncement pur et simple à l'engagement de la troupe.
Sur ce point, l'initiative est donc contraire au droit fédéral.
7. Article 160 D, alinéa 4
L'article 160 D, alinéa 4, lettre c, de l'initiative donne mandat au canton de garantir la sécurité des conférences internationales par des moyens non militaires dans les cinq ans dès l'entrée en vigueur du texte proposé.
Juridiquement, l'intervention de l'armée constitue un service d'appui au sens de l'article 67, alinéa 1, lettre b, de la LAAM. Le message du Conseil fédéral est parfaitement explicite sur ce point: «La lettre b serait applicable si les troupes devaient être mises sur pied pour assurer la protection de conférences internationales (protection de personnes; cf. par exemple l'engagement de troupes lors de la conférence au sommet des Présidents Reagan et Gorbatchev, à Genève, en 1985, ainsi qu'à l'occasion de la conférence sur la Palestine, à Genève, en 1988» (FF 1993 IV, page 77).
Ce service d'appui est décidé en principe par le Conseil fédéral (article 70, alinéa 1, lettre a, LAAM). Cela étant, juridiquement, le service d'appui est fourni à l'autorité civile cantonale qui fixe la mission de l'armée après entente avec le Département militaire fédéral (article 71, alinéa 1, LAAM).
Au même titre que pour le maintien de l'ordre, le service d'appui de l'armée a un caractère subsidiaire par rapport aux moyens civils à mettre en oeuvre. Cette subsidiarité, dans la mesure où elle est postulée par l'initiative, est conforme au droit fédéral.
Il reste maintenant à déterminer si le canton peut seul décider des moyens à mettre en oeuvre pour garantir la sécurité des conférences internationales.
Comme le relève Monnier (op. cit., pages 126 et suivantes), l'accueil sur le territoire suisse de conférences et d'organisations internationales fait partie de la pratique des bons offices au sens large qui est elle-même une facette de la neutralité active de la Suisse. Elle s'intègre dans les maximes de la politique étrangère (voir Schindler, Commentaire de la constitution fédérale, ad article 8, paragraphe 41).
Ainsi, l'accueil de ces conférences internationales fait partie intégrante de la politique extérieure de la Suisse dont nous avons déjà souligné qu'elle relève de la compétence fédérale.
C'est le Conseil fédéral qui assume la responsabilité de l'organisation de conférences internationales sur territoire suisse, et ce conformément à l'article 102, chiffre 8, de la constitution (Schindler, Commentaire de la constitution fédérale, ad article 102, chiffre 8, paragraphe 107) à l'égard tant des organisations internationales que des Etats étrangers. En conséquence, la Confédération est responsable de la sécurité de ces conférences internationales qui se tiennent sur territoire suisse. Il ne s'agit en aucune façon d'une responsabilité exclusive du canton sur le territoire duquel a lieu la conférence internationale.
C'est d'ailleurs la Confédération qui répond, juridiquement et diplomatiquement, à l'égard des autres Etats étrangers, du niveau de sécurité accordé à ces conférences.
Juridiquement, cantons et Confédération sont alors tenus de collaborer. Ce devoir de collaboration découle de la fidélité confédérale déjà analysée plus haut.
En la matière, les cantons sont donc tenus d'apporter leur contribution afin de permettre à la Confédération d'exercer ses tâches dans le domaine de la politique étrangère.
Dans la perspective qui nous préoccupe, le fait pour le canton de s'abstenir de requérir le service d'appui de l'armée pour assurer la sécurité d'une conférence internationale mise sur pied à Genève ne constitue pas en tant que tel une violation du droit, dans la mesure où, par ailleurs, il serait établi que la mise à disposition de moyens de sécurité civils est suffisante.
Ce n'est que dans l'hypothèse où tel ne serait pas le cas et que parallèlement, en vertu du droit cantonal, le canton se refuserait systématiquement à faire appel à l'armée que la question de la violation de l'obligation de coopération du canton pourrait théoriquement se poser. La réponse est donc avant tout une question de fait.
Il va de soi, cela étant, qu'un canton ne peut pas, par une attitude systématique et alors que le soutien de l'armée serait objectivement nécessaire, s'opposer à celle-ci et rendre par là difficile à l'excès l'exercice de la tâche fédérale que constitue l'organisation de la conférence diplomatique.
On peut d'ailleurs se demander si, en pareil cas, le Conseil fédéral, fort de ses compétences, ne pourrait pas lui-même commander un service d'appui.
L'examen ci-dessus démontre qu'en dernière analyse l'admissibilité de l'article 160 D, alinéa 4, lettre c, dépend de la question de savoir si la mise à disposition de moyens de sécurité civils suffisants est ou non réalisable.
La réponse à cette question est claire. C'est une vue de l'esprit que de croire que le canton serait à même, à ses frais, de créer, d'instruire, d'entretenir en permanence et d'équiper un corps civil de plusieurs milliers d'hommes et de femmes prêts en tout temps à être mis sur pied pour garantir la protection de conférences internationales, en lieu et place du service d'appui de l'armée.
Il sied en particulier de relever ici qu'au cours des quarante dernières années et plus particulièrement depuis 1983, la République et canton de Genève a fait appel à l'aide confédérale à 8 reprises dont 7 avec le concours de l'armée:
- 1954, conférence dite «asiatique» sur la question de l'Indochine, réunissant MM. Bidault, Dulles, Eden et Molotov;
- 1955, conférence des chefs d'Etat dite «des quatre Grands», soit MM. Faure, Eisenhower, Eden et Boulganine;
- 1961-1962, pourparlers sur la question algérienne;
- 1983, conférence de l'ONU sur la question palestinienne;
- 1984, pourparlers relatifs à la paix au Liban (appui de policiers confédérés seulement);
- 1985, rencontre au sommet entre MM. Reagan et Gorbatchev;
- 1988, venue de M. Arafat à l'occasion d'une session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies;
- 1994, rencontre au sommet entre MM. Clinton et Assad.
Concrètement, il convient également de prendre en considération que depuis 1985 la population genevoise a augmenté de 14% alors que l'effectif policier a, quant à lui, diminué de 2% durant la même période.
La mise en place de grandes conférences ou rencontres internationales implique des missions de protection et garde d'ouvrages dans de vastes périmètres cloisonnés, nécessitant l'engagement d'effectifs importants. Ces tâches de surveillance et d'alarme peuvent sans autre être confiées à la troupe et ne nécessitent pas du personnel ayant une formation de policier. Cette doctrine appliquée aux dispositifs mis en place jusqu'ici a permis d'affecter le gros des forces de police à des tâches considérées comme relevant typiquement de la mission de la police. Mais même dans ce cas de figure, la police cantonale a dû être renforcée à plusieurs reprises par des effectifs importants de policiers confédérés.
Il faut préciser également que la question devient encore plus délicate si l'engagement doit avoir lieu sur une longue durée. L'armée disposant d'effectifs importants, elle est à même d'assurer les missions secondaires de longues durées avec un rythme de relèves adéquat.
Il est enfin important d'ajouter qu'avec le concept «Armée 95», la troupe dispose d'une meilleure formation dans les missions générales du service d'appui, spécialement dans les missions de garde et de surveillance, et que la disponibilité des formations a été notablement améliorée.
Les renforts mis à disposition par les corps de police des cantons ne s'inscrivent pas dans le même contexte. Tout d'abord, les cantons confédérés peuvent eux-mêmes se trouver dans des situations de crise empêchant la mise à disposition de moyens au profit de l'autorité cantonale requérante et de plus, comme indiqué plus haut, les missions confiées aux policiers cantonaux ne sauraient être identiques à celles dévolues à la troupe.
En conséquence, l'article 160 D, alinéa 4, lettre c, doit également être invalidé et, partant, supprimé du texte soumis en votation.
2. Exécutabilité
Ce principe veut qu'en cas d'acceptation par le peuple, l'initiative puisse être réalisée, c'est-à-dire traduite concrètement dans les faits et dans un délai raisonnable.
Les parties invalidées étant retranchées du texte, l'initiative 109 apparaît réalisable, dès lors qu'il n'existe aucun obstacle manifeste et patent à sa concrétisation.
III. Conclusions générales
Les développements qui précèdent ont permis de mettre en évidence quatre problèmes qui ne concernent pas l'initiative dans son ensemble, mais des dispositions particulières.
L'analyse effectuée nous conduit, sur ces points, aux conclusions suivantes:
1. L'article 160 D, alinéa 2, est contraire au droit fédéral dans la mesure où il entend charger le canton de faire des démarches auprès des instances étrangères et des organisations internationales compétentes.
Les mots «intervient dans ce sens auprès des institutions nationales» peuvent subsister dans le texte dans la mesure où ils sont interprétés comme se rapportant aux institutions de la Confédération qui ont la responsabilité principale de la politique étrangère.
En revanche, le solde de la phrase - soit les mots: «et internationales compétentes» - doivent être supprimés du texte soumis en votation.
2. La disposition de l'article 160 D, alinéa 2, lettre b, qui vise à mandater le canton en vue d'une restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton est contraire au droit fédéral. Il ne nous paraît pas possible de donner à cette disposition une interprétation conforme au droit supérieur.
Les mots «dans la limite du droit fédéral» figurant en tête de l'article 160 D, alinéa 1, ne sont d'aucun secours en la matière.
3. Le renoncement du canton à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre postulé par l'article 160 D, alinéa 4, lettre b, de l'initiative est contraire aux dispositions de la constitution fédérale, dans la mesure où il postule un renoncement sans réserve. La protection de la sécurité intérieure, respectivement de l'ordre constitutionnel cantonal, peut nécessiter, à teneur du droit fédéral, le recours aux troupes de l'armée. Le canton ne dispose pas du droit de renoncer unilatéralement à cette prérogative, même si elle a un caractère subsidiaire par rapport aux moyens non militaires.
Dans ces conditions, l'article 160 D, alinéa 4, lettre b, doit être également soustrait du texte soumis en votation populaire.
4. La validité du mandat donné aux cantons de veiller à la sécurité des conférences internationales exclusivement par des moyens non militaires pose avant tout une question de faisabilité. Une telle protection par des moyens non militaires s'avérant totalement irréaliste et, par voie de conséquence, le canton pouvant se voir reprocher de ne pas collaborer à la tenue de ces conférences internationales organisées sous l'égide de la Confédération, l'article 160 D, alinéa 4, lettre c, doit être supprimé du texte soumis en votation en tant qu'il contrevient au droit fédéral.
5. Juridiquement, la sanction qui découle de la non-conformité au droit fédéral de dispositions d'une initiative populaire cantonale doit être examinée à l'aune du principe de la proportionnalité. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que la sanction de l'irrecevabilité doit rester proportionnée à la gravité de la violation des règles légales et qu'en conséquence une annulation totale d'une initiative peut, suivant les circonstances, être une sanction excessive (voir ATF 105 Ia 362).
A l'inverse, l'annulation partielle d'une initiative n'est cependant pas possible, si, considérée dans son ensemble, elle viole le droit fédéral (ATF 117 Ia 147).
Le texte de l'article 66, alinéa 3, de la constitution genevoise confirme ce qui précède. Il indique en effet que le Grand Conseil ne déclare que partiellement nulle l'initiative dont une partie est manifestement non conforme au droit, si la où les parties qui subsistent sont elles-mêmes valides. Ce n'est qu'à défaut qu'il déclare l'initiative nulle dans son ensemble.
Les développements qui précèdent permettent au Conseil d'Etat de conclure que seule la sanction d'une nullité partielle est concevable in casu, l'initiative dans son principe ne violant pas le droit fédéral.
6. Pour le surplus, l'initiative respecte à la fois l'unité de la forme, l'unité de la matière et l'unité du genre. Elle peut, par ailleurs, être considérée comme exécutable par rapport aux dispositions qui subsistent.
B. Prise en considération de l'initiative
I. L'initiative a pour titre «Genève, République de paix». Elle vise, si on se réfère à l'énoncé de son principe, à promouvoir une politique de sécurité fondée sur l'engagement de moyens pacifiques et à encourager le développement d'une culture de la paix. Elle s'en prend cependant, essentiellement, à l'armée si on analyse les moyens qu'elle préconise pour en restreindre le rôle sur le territoire de la République et canton de Genève.
II. Il est peu de villes au monde qui soient autant que Genève un lieu auquel la promotion très concrète de la paix soit aussi intimement liée. Depuis des décennies, Genève a pour vocation de servir la cause de la paix, une cause qui ne saurait être le monopole de quelques-uns, et qui est de notre responsabilité à tous. Les autorités de ce canton n'ont pas attendu d'y être invitées pour oeuvrer dans ce sens. En étroite collaboration avec la Confédération, elles travaillent depuis longtemps et très concrètement pour promouvoir tant la prévention des conflits que leur gestion et leur règlement, sans oublier le soulagement et la protection de ceux qui en sont les victimes.
L'histoire de Genève est jalonnée de combien d'événements qui tous marquent une contribution de notre cité à la paix dans le monde. Est-il nécessaire ici d'évoquer l'arbitrage de l'Alabama, ou plus récemment la rencontre, en novembre 1985, entre Ronald Reagan et Michael Gorbatchev, ou encore cette occasion qui fut donnée à Yasser Arafat, à qui les Etats-Unis refusaient un visa d'entrée, de s'adresser dans notre ville à l'assemblée générale des Nations Unies? Déjà l'histoire retient que ces deux derniers événements constituent des étapes décisives des processus qui ont permis à la guerre froide de s'achever et à la paix d'être signée entre Israéliens et Palestiniens.
Le Conseil d'Etat entend que Genève, à l'avenir, continue d'être ce lieu privilégié où ceux qui s'affrontent sur les champs de bataille puissent négocier et trouver des solutions aux conflits qui les divisent; un lieu aussi qui soit toujours plus le principal centre de l'action humanitaire, de la défense des droits de l'homme et des efforts de reconstruction des sociétés ravagées par la guerre. Enfin, est-il nécessaire de rappeler que c'est à Genève en particulier que s'est négocié depuis bien longtemps le désarmement.
III. Depuis de très nombreuses années, la paix, le désarmement, les questions de sécurité et l'ensemble des instruments susceptibles de résoudre les conflits sont au coeur des activités de beaucoup d'institutions genevoises, internationales, nationales ou cantonales, universitaires et non universitaires que souvent le canton ou la ville soutiennent. Formation, recherche et dialogues portant sur la paix et la sécurité, la prévention et la gestion des conflits constituent tout ou partie du champ d'activités de maintes facultés à l'université, de l'Institut universitaire de hautes études internationales, de l'Institut universitaire d'études du développement, du Centre d'études pratiques de la négociation internationale, de l'Institut des Nations Unies pour la recherche et le désarmement, sans oublier le Centre de politique de sécurité de Genève, nouvellement créé et dont un des objectifs est justement de servir la promotion de la paix. Il est d'autres institutions encore, telles le GIPRI ou Pugwash, prix Nobel de la paix en 1995, qui méritent d'être mentionnées ici. Genève n'a donc rien d'un désert et une série d'initiatives devraient enrichir encore la palette offerte en matière de prévention et de résolution de conflits et de développement d'une culture de paix dans les années à venir.
IV. Les initiants entendent promouvoir une culture de paix. Leur intention première est cependant, comme ils le disent eux-mêmes, de «sortir du militaire» en introduisant un «article pacifiste» dans la constitution. Et c'est à cet effet qu'ils préconisent toute une série de mesures qui visent à diminuer le rôle de l'armée sur le territoire du canton. Certaines de ces mesures, on l'a dit, posent des problèmes de recevabilité. D'autres ne sont guère applicables. Il s'agit de replacer ces mesures dans leur contexte et en particulier dans la perspective de la relation entre Genève et l'armée, de la place et du rôle de celle-ci.
Tout d'abord, les terrains affectés à l'armée sont avant tout destinés à l'instruction des troupes de sauvetage, c'est-à-dire de troupes dont la mission prioritaire est d'être au service des populations en cas de catastrophes en Suisse ou à l'étranger. De toutes les troupes de l'armée, ce sont certainement celles dont la mission est par essence civile et dont on voudrait empêcher l'instruction,
Une lecture rapide de l'initiative peut donner l'impression que c'est à l'armée en tout premier que le canton et les autorités doivent faire appel pour garantir la sécurité de la population. Ce n'est nullement le cas. C'est prioritairement à des moyens non militaires que les autorités cantonales recourent chaque fois que la sécurité dans la population peut être menacée ou qu'il s'agit de faire en sorte que nos hôtes étrangers puissent poursuivre leur mission de paix en toute sécurité. C'est à quoi sert au premier chef le corps de police, le corps des sapeurs-pompiers, le service de sécurité de l'aéroport ou encore l'ensemble du service de santé. Mais il se peut que ces moyens civils ne suffisent pas, qu'une catastrophe oblige à boucler un grand espace de terrain ou à régler la circulation; ou encore, comme lors de la rencontre Reagan-Gorbatchev, d'assurer la garde de certains lieux et installations.
Le canton peut alors faire appel à des moyens non militaires d'autres cantons. Mais ces moyens ne sont pas toujours disponibles. D'où la nécessité de pouvoir recourir à l'armée dans certains cas, pour des tâches bien précises de garde et de contrôle, dont une des fonctions doit être de décharger les moyens non militaires de certaines tâches.
Comme développé plus haut à propos de la conformité de l'article 160 D, alinéa 4, au droit supérieur, au cours des quarante dernières années et plus particulièrement depuis 1983, la République et canton de Genève a fait appel à l'aide confédérale à 8 reprises dont 7 avec le concours de l'armée.
Les initiants voudraient que le canton assure toutes ces tâches, pour lesquelles l'armée pourrait être appelée à la rescousse, par des moyens civils. Cela signifierait alors la création d'un corps de police auxiliaire de plusieurs milliers d'hommes et de femmes qu'il s'agirait d'instruire, d'équiper et d'entraîner aux frais du seul canton.
V. Le canton de Genève, enfin, appartient à la Confédération. Ce qui implique des devoirs envers l'Etat fédéral qui est le garant de son existence. Genève ne saurait décemment s'affranchir de tout ou partie de ses obligations à l'endroit de la Confédération et des autres cantons suisses. De plus, la République et canton de Genève joue un rôle particulier au sein de l'alliance confédérale, dès lors que la présence des organisations internationales sur son sol permet à la Suisse d'y promouvoir une politique étrangère active, sans commune mesure avec ses dimensions et le chiffre de sa population. Si Genève n'était plus autorisée à requérir l'aide que seule l'armée peut lui fournir - notamment avec ses matériels et systèmes d'armes - pour permettre à sa police de se consacrer entièrement à sa mission première, elle ne serait plus à même de garantir la sécurité indispensable à la tenue de certaines conférences internationales sur son territoire. Elle faillirait ainsi à sa mission et sa place en tant que cité internationale et cité de paix pourrait dès lors être mise en péril.
Vl. Enfin, les initiants semblent totalement ignorer le fait que l'armée a mis en place, pour tout le territoire de la Confédération, des régiments d'aide en cas de catastrophe, lesquels ont pour mission d'apporter les secours utiles aux cantons sinistrés lorsque les moyens propres du canton se révèlent insuffisants. Ces régiments et bataillons, qui font partie des formations d'alarme, sont disponibles en l'espace de quelques heures et à même d'agir avec des moyens du génie, d'extinction de feu, sanitaires, etc.
En l'état, c'est même à la caserne de Genève que sont instruites, pour une partie, ces formations tout au long de l'année. Cette circonstance permettrait, le cas échéant, également un engagement de l'école de recrues située sur le canton. Dans ce contexte, il ne semble pas nécessaire de préciser davantage en quoi consistent les risques potentiels auxquels notre canton est confronté, qu'il s'agisse des risques naturels ou d'origine technologique.
Conclusions
L'initiative fait fi de la solidarité de Genève et de la Confédération, ainsi que des obligations très particulières du canton à l'égard de l'Etat fédéral.
En s'en prenant à l'armée et en particulier à celles-là mêmes de ses missions qui, précisément, la mettent au service de la population civile - tâches de sauvetage ou de garde - l'initiative entre en fait en contradiction flagrante avec ce qu'elle entend promouvoir, à savoir une Genève accueillante au service de la paix.
C'est bien au développement de cette Genève-là que le Conseil d'Etat travaille. Cela ne nécessite en aucune manière de restreindre le rôle de l'armée sur le territoire de notre République et canton.
Le Conseil d'Etat vous propose en conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, de déclarer l'initiative 109 partiellement recevable et d'en recommander le rejet au corps électoral.
ANNEXE
INITIATIVE POPULAIRE
«Genève, République de paix»
Les soussignés, électrices et électeurs dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la présente initiative constitutionnelle formulée, qui propose le projet de loi suivant, modifiant la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847.
La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit:
Article unique
Art. 127 (abrogé)
TITRE X E
POLITIQUE DE PAIX
(nouveau, comprenant l'art. 160D)
Art. 160D (nouveau)
1 Dans la limite du droit fédéral, le canton développe et applique une politique de sécurité fondée sur la mise en oeuvre de moyens pacifiques, aptes à résoudre tout conflit au niveau local et international. Il encourage activement la recherche et la promotion de mesures de prévention des conflits à travers le développement d'une véritable culture de paix. Cette politique est réalisée par les autorités cantonales et communales, l'administration et les institutions publiques dans le cadre de leurs attributions.
2 Dans ce but, le canton soutient toute démarche visant le désarmement global, la coopération et la solidarité entre les peuples et le respect des droits de l'homme et de la femme. Il intervient dans ce sens auprès des institutions nationales et internationales compétentes. En particulier, le canton encourage:
a) la réduction des dépenses militaires;
b) la restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton en intervenant auprès de la Confédération;
c) la conversion civile des activités économiques, financières et institutionnelles en relation avec le domaine militaire.
3 Le canton oeuvre pour la prévention des conflits et le développement d'une culture de la paix, notamment par:
a) l'encouragement de la recherche pour la paix et le soutien des actions de la société civile pour la solution non violente des conflits;
b) la participation à la création et au financement des activités d'un institut de recherche pour la paix;
c) le développement d'un programme d'éducation à la paix dans le cadre de l'instruction publique aux niveaux primaire et secondaire;
d) l'accueil des victimes de la violence, dans la mesure des moyens du canton;
e) la promotion du service civil, à travers la diffusion de toute information utile et le développement de projets et d'activités permettant la réalisation de ce service. L'accès volontaire à ceux-ci est ouvert à toute personne établie dans le canton;
f) le renoncement à toute manifestation de promotion de l'institution et des activités militaires dépassant le cadre strict des obligations cantonales et commu-nales en la matière.
4 Le canton met en oeuvre et développe des moyens non militaires pour garantir la sécurité de la population:
a) il encourage la prise en charge de toutes les tâches concernant la sécurité dans le canton par des organismes civils;
b) il renonce à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre;
c) il dispose, dans le domaine des conférences internationales, d'un délai de 5 ans dès l'entrée en vigueur du présent article pour garantir la sécurité des conférences internationales par des moyens non militaires.
La loi règle tout ce qui concerne l'exécution du présent article.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Genève, République de paix, c'est ...
Un article pacifiste dans la constitution genevoise
Avec cet article constitutionnel Genève ne va pas instaurer la paix dans le monde ni même abolir l'armée suisse. Par contre, nous pouvons renforcer l'idée qu'il vaut mieux prévenir les causes économiques et sociales des conflits plutôt que de déléguer leur solution aux militaires. L'adoption de ce principe, assorti de quelques mesures concrètes au niveau cantonal qui permettraient d'avancer dans cette direction, constituerait un message d'ouverture, d'innovation et de courage qui pourra être entendu aussi au-delà des frontières cantonales et nationales.
Pour sortir du militaire...
Grâce à une initiative populaire, Genève possède déjà un article dans sa constitution qui affirme le principe du «sortir du nucléaire».
Nous voudrions en faire de même face aux dangers militaires! Il s'agit aussi d'orienter de manière contraignante l'action des responsables politiques dans la direction indiquée par des majorités de la population genevoise lors de chaque votation populaire des vingt dernières années touchant de près ou de loin à l'armée.
Des mesures concrètes pour développer une culture de la paix
La compétition et la rivalité de plus en plus acharnées touchent toutes les sociétés ainsi que les individus qui en font partie: des valeurs comme la solidarité, la justice sociale et le renoncement à la violence mériteraient d'être soutenues plus concrètement, par exemple dans l'instruction publique, dans l'attitude face aux plus démunis ou dans la recherche.
Pas d'armée contre les civils!
Actuellement, en cas de «menaces graves contre la sécurité intérieure», les autorités fédérales et les cantons peuvent engager de troupes de l'armée contre la population. En renonçant à cette faculté, le canton serait obligé de développer des moyens civils et non-violents pour résoudre les conflits internes.
Lors des grandes rencontres internationales l'armée n'est employée que pour des tâches subsidiaires (circulation routière, garde de bâtiments), puisque seule la police est entraînée à la protection rapprochée et à la lutte antiterroriste. Par conséquent, la mise en oeuvre de moyens civils ne devrait pas poser de problèmes majeurs.
Préconsultation
M. Luc Gilly (AdG). D'emblée, j'adresse un sévère blâme politique à la majorité de ce gouvernement, qui refuse un débat d'importance nationale et cantonale sur trois ordonnances fédérales préconisant des corps armés spécialisés pour assurer le service d'ordre.
Il est regrettable que sa seule solution soit le recours à un outil répressif, alors qu'il est urgent de trouver d'autres moyens, lors de confrontations, pour éviter des accidents irréparables.
Ce parlement ferait déjà un pas en direction de l'initiative «Genève, République de paix» s'il prenait, dès ce soir, une position courageuse à l'égard de ces ordonnances.
J'en viens au rapport du Conseil d'Etat sur l'initiative «Genève, République de paix». Les arguments avancés pour l'invalider partiellement sont inconsistants et parfois fallacieux. En voici trois exemples :
1. L'initiative ne demande pas au canton de faire de la politique étrangère au niveau des Etats, mais simplement de pratiquer une politique active en faveur de la paix auprès des diverses organisations internationales, notamment dans les domaines de la coopération au développement, ou en soutenant des actions similaires à celles menées avec le CICR.
2. Si l'article constitutionnel genevois «sortir du nucléaire» contraint le canton à s'opposer, à l'aide des moyens juridiques et politiques mis à sa disposition, à l'installation de centrales nucléaires sur son territoire, l'initiative «Genève, République de paix», elle, lui demande simplement d'encourager «...la restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton en intervenant auprès de la Confédération.» Monsieur Vodoz, cet article ne contrevient nullement aux conventions sur les terrains militaires entre le canton et le DMF... (L'orateur est interrompu par M. Olivier Vaucher.) Non, Monsieur Vaucher ! L'initiative ne demande pas au gouvernement genevois de se soustraire à l'obligation d'aviser les autorités fédérales, en cas de troubles graves dans le canton. Cette exigence n'apparaît nulle part dans le texte ! L'initiative lui demande simplement de renoncer, de sa propre initiative, à faire appel à l'armée pour assurer le service d'ordre.
3. Le coût financier d'une sécurité assurée par des organismes civils, lors de la tenue de conférences, est jugé insupportable par le Conseil d'Etat. Il ne s'agit que d'une simple supposition de sa part. En effet, cette estimation n'est pas basée sur une étude de faisabilité, et nous en contestons formellement les aboutissants. Elle sera matière à débat dans le cadre de la campagne politique précédant la votation populaire, mais ne pourra, en aucun cas, constituer un motif juridique pour invalider le point y relatif de l'initiative.
En tout état de cause, le rapport du Conseil d'Etat semble relever davantage de l'«intox» politique et d'une interprétation tendancieuse visant à discréditer l'initiative par avance que d'une analyse juridique rigoureuse tenant réellement compte du potentiel des propositions formulées.
Il appartiendra donc à la commission législative du Grand Conseil de se pencher, avec le sérieux requis, sur l'initiative «Genève, République de paix».
L'inconsistance et les arguments trompeurs du rapport du Conseil d'Etat font que celui-ci n'est pas acceptable sur plusieurs points, en plus de ceux précédemment cités. Il fait preuve d'un mépris manifeste des droits populaires et des citoyens les exerçant. Il révèle aussi que le Conseil d'Etat n'a pas compris la dimension positive et novatrice de l'initiative en matière de prévention des conflits.
Comme celui qui ne regarde pas la lune, mais le doigt qui la désigne, le Conseil d'Etat interprète «Genève, République de paix» uniquement comme une initiative anti-armée au niveau genevois.
Or «Genève, République de paix» ne cite l'armée qu'en relation avec les compétences spécifiques du canton en la matière, c'est-à-dire à propos des interventions des services d'ordre appelés par le canton. Le reste, c'est-à-dire la partie prédominante de l'initiative, est largement consacré à des mesures de politique de paix, de prévention des conflits violents. Par rapport au nouveau service civil, ce texte permettrait à notre canton d'ouvrir des pistes novatrices en matière de solidarité, de coopération et d'éducation à la paix dans nos écoles. Il constituerait une référence pour ceux qui s'engagent dans le règlement non violent des conflits.
Il est dommage que le Conseil d'Etat n'ait pas voulu voir tous ces aspects positifs et n'ait pas profité de l'occasion pour stimuler cette fameuse Genève de paix, dont la constitution ne contient encore aucun article en faveur d'une politique active de paix.
Nous voulons insuffler une dynamique cantonale pour que les choses changent, et cela vous choque ! C'est tout simplement écoeurant !
La présidente. Monsieur le député, vous ne pouvez pas intervenir sur un rapport du Conseil d'Etat.
M. Christian Ferrazino (AdG). (M. Michel Halpérin intervient.) Désolé de vous faire souffrir, Monsieur Halpérin ! Rassurez-vous, je serai bref !
Je reprends la phrase de M. Lescaze, qui illustre à merveille le dossier qui nous occupe : «Le droit n'est qu'un moyen pour poursuivre des objectifs.» Vous avez eu raison de nous le rappeler juste avant que nous n'abordions ce point de l'ordre du jour, puisque le Conseil d'Etat tente d'utiliser le droit pour dénaturer totalement l'initiative populaire du GSsA.
Les arguments développés dans ce rapport de trente pages s'apparentent, Monsieur Vodoz, à de la rhétorique de corps de garde. Je regrette de devoir vous le dire ! (M. Olivier Vodoz interrompt l'orateur.). Avant que vous nous indiquiez la source de cette rhétorique, je me permettrai, exemples à l'appui, de démontrer que vos arguments sont des arguties qui dénaturent totalement cette initiative.
Vous oubliez, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'il s'agit d'une initiative-programme, à l'instar de «L'énergie notre affaire» que nous avons votée. Elle lance une dynamique qui permettra une interprétation différente de celle d'aujourd'hui. C'est d'ailleurs l'intérêt de ce type d'initiative.
Vous nous dites tout le mal que vous pensez de cette initiative, en prenant, il est vrai, quelques précautions oratoires du genre «Selon nous...»; «On peut s'interroger sur...»; «A nos yeux...». Aussi userons-nous de la même prudence pour vous répondre, Monsieur Vodoz, mais en ayant la lucidité de prévoir que la vision du Conseil d'Etat de demain ne sera pas celle du Conseil d'Etat d'aujourd'hui.
Relevons quelques sophismes utilisés dans ce rapport. Dans son premier alinéa, l'initiative demande que le canton encourage une véritable culture de paix. Sur ce point déjà, le conseiller d'Etat se gratte la tête pour nous annoncer à la page 9, je cite : «...la Confédération est investie d'une compétence générale - suit une incise prudente - sinon exclusive, en la matière.» Cela pour nous laisser croire qu'on ne peut rien faire au niveau cantonal genevois pour encourager la paix ! C'est le premier exemple de la manière dont le Conseil d'Etat traite cette initiative.
Monsieur Vodoz, je vous mets au défi de démontrer, articles de loi à l'appui, que l'encouragement, par le canton, d'une culture de paix viole une quelconque prescription fédérale existante.
Autre exemple de votre mauvaise rhétorique : d'après vous, le canton ne pourrait pas encourager la restitution, à des usages civils, des terrains affectés à l'armée, en intervenant auprès de la Confédération, comme le demande l'initiative dans son alinéa 2, lettre b). Pourquoi cela ? Parce que le canton est lié à la Confédération par une convention de 1985 qui l'empêche d'agir dans ce sens, et l'on précise que cette convention ne pourra pas être dénoncée... avant 2025 ! Le Conseil d'Etat le prétend, alors que tout le monde sait que les conventions sont assorties de clauses de dénonciation avant terme !
Si vous avez dissimulé vos sources et pris soin de ne pas annexer cette convention à votre rapport, je me dis, Monsieur Vodoz, que ce n'est peut-être pas pour rien.
Par conséquent, je vous prie de nous affirmer que vous transmettrez votre rapport à la commission, en y joignant la convention à laquelle vous faites allusion. Je vous assure que nous l'examinerons très attentivement pour vous démontrer qu'il sera possible de la résilier avant terme. Et même si nous ne pouvions le faire, je vous rappelle, Monsieur Vodoz, qu'une constitution n'est pas faite pour cinq ou dix ans, mais pour bien plus longtemps.
Pourquoi ne pourrions-nous pas préparer aujourd'hui la Genève de demain, comme le propose l'initiative du GSsA ?
Le Conseil d'Etat semble être beaucoup plus attaché, Monsieur Vodoz, à respecter les conventions le liant à la Confédération que celles le liant à la fonction publique.
Je donne encore un exemple de vos arguties juridiques pour tenter de dénaturer l'initiative. Vous dites que le canton ne pourrait pas renoncer à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre, comme le prévoit l'alinéa 4, lettre b) de l'initiative. Et pourquoi ne le pourrait-il pas ? Vous répondez, à la page 20 du rapport...
La présidente. Je vous rappelle que le temps de parole est de cinq minutes en débat de préconsultation.
M. Christian Ferrazino. ...«Ce renoncement est de nature à se heurter au texte de l'article 16, alinéa 1, de la Constitution fédérale. Cette disposition stipule en effet qu'en cas de troubles à l'intérieur, le gouvernement du canton menacé doit en aviser immédiatement le Conseil fédéral...». En l'occurrence, vous confondez sciemment l'obligation d'informer le Conseil fédéral et la possibilité du canton de mobiliser la troupe armée. Le GSsA n'entend pas vous empêcher d'aviser le Conseil fédéral si vous le jugez utile. Il veut que Genève n'utilise pas la troupe militaire sur son territoire. Cela, nous pouvons et devons le faire, Monsieur Vodoz ! J'ai d'autres exemples à donner...
La présidente. Je vous interromps ici, Monsieur le député, et je prie M. Michel Halpérin de m'excuser. En effet, selon l'article 119 A de notre règlement, nous sommes en débat de préconsultation où le temps de parole est limité à cinq minutes, ainsi qu'à une intervention par groupe. Deux députés du même groupe se sont exprimés. Il nous faut conclure avec un renvoi en commission législative, laquelle est un passage obligé.
M. Christian Ferrazino. Je conclus, Madame la présidente, en disant que ces quelques exemples démontrent que le Conseil d'Etat n'est manifestement pas favorable à la Genève, République de paix, que l'initiative souhaite promouvoir.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Bien que cette initiative doive être renvoyée à une commission, conformément à la loi portant règlement du Grand Conseil et à la constitution, vous comprendrez que je ne saurais laisser les propos de M. Ferrazino sans réponse.
Nonobstant votre ton et votre vocabulaire, Monsieur le député, le Conseil d'Etat considère, à teneur des articles 119 et 119 A de la loi portant règlement du Grand Conseil, qu'il avait à vous fournir dans le délai de trois mois un rapport sur la recevabilité de l'initiative, d'une part, et sur son opportunité - c'est-à-dire sur le fond - d'autre part.
Les sujets étant généralement délicats en matière de recevabilité, le Conseil d'Etat a l'habitude depuis des décennies, via le département de justice et police, de solliciter des avis de droit et d'étudier les sujets concernés, afin d'éviter de toucher, dans la mesure du possible, à l'exercice des droits populaires.
Le département de justice et police a donc demandé un avis de droit sur la recevabilité de l'initiative 109, avis amplement cité dans le rapport du Conseil d'Etat. En commission législative, vous recevrez cet avis de droit de la part de M. Ramseyer, dont j'excuse l'absence ce soir.
Comme la loi nous y oblige, nous avons réfléchi à ces questions, et c'est la moindre des choses ! D'ailleurs, lorsque vous avez voulu modifier la loi, vous avez insisté pour que nous abordions, en priorité, les problèmes de recevabilité, pour que nous n'ayons pas à les traiter en même temps que le fond.
Nous avons donc sollicité des avis, et nous vous les transmettons. Vous avez vos convictions, nous avons les nôtres. La différence, Monsieur le député Ferrazino, c'est que nous respectons les vôtres, alors que vous ne donnez pas l'impression de respecter les points de vue que nous pouvons émettre ou recueillir sur des questions délicates.
Quant à la problématique de l'opportunité, le rapport du Conseil d'Etat est tout à fait clair en ce qui concerne Genève, ville de paix et de promotion de la paix. Nous savons tous que cette République et canton agit depuis très longtemps dans ce domaine.
Nous voulons tous la paix. Comme l'ont fait nos prédécesseurs et comme le feront nos successeurs, nous y travaillons pour l'intérêt de notre pays et celui du monde. Cette initiative n'ajoutera aucune pierre à cet édifice, et c'est pourquoi le Conseil d'Etat vous recommande dans son rapport - et c'est son droit le plus strict - de la rejeter sur le fond.
Cela étant, l'initiative sera renvoyée à la commission législative qui l'examinera dans les délais prévus par la loi. Vous ferez un rapport et vous aborderez le fond ensuite. Nous sommes à votre disposition.
Nous avons répondu au plus près de notre conscience au sujet de la problématique qui nous est imposée par la loi.
IN 109
Cette initiative est renvoyée à la commission législative.
IN 109-A
Ce rapport est renvoyé à la commission législative.
La séance est levée à 23 h 25.