Séance du
jeudi 23 janvier 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
2e
session -
2e
séance
No 2/I
Jeudi 23 janvier 1997,
nuit
Présidence :
Mme Christine Sayegh,présidente
La séance est ouverte à 20 h 35.
Assistent à la séance : MM. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat, Philippe Joye, Claude Haegi, Olivier Vodoz et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Danielle Oppliger, Philippe Schaller et Max Schneider, députés.
3. Annonces et dépôts :
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
La présidente. La proposition de motion suivante est parvenue à la présidence :
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
Néant.
M. Bernard Annen(L). Je désire rappeler que le Bureau du Grand Conseil doit filtrer les publications qui nous sont adressées sur la table à l'entrée de la salle, de manière que des publications provocatrices ne nous parviennent pas.
La présidente. Nous en prenons note, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek (AG). Vous m'aviez conseillé de relire le règlement du Grand Conseil, Madame la présidente, au sujet de l'obligation qu'a le député de n'interpeller que la présidence. Je l'ai relu, et, dans la version qui se trouve dans mon pupitre, l'article indique que l'orateur adresse la parole à la présidence, à l'assemblée ou au Conseil d'Etat. J'imagine que les députés seront heureux d'apprendre qu'ils ne sont pas obligés de s'adresser exclusivement à Mme Sayegh, mais également à leurs collègues !
La présidente. Je vous remercie de vos précisions, Monsieur le député !
M. François Zutter est assermenté. (Applaudissements.)
La commission des travaux, chargée d'étudier le train des crédits de bouclement, s'est réunie le 30 avril ainsi que les 7 et 28 mai 1996 pour étudier le projet de loi 7320, sous la présidence de M. Hervé Burdet.
Assistaient également aux travaux: MM. F. Reinhard, directeur des bâtiments, M. Andrié, chef de la division des études et constructions, et R. de Senarclens, adjoint à la direction des bâtiments, ainsi que MM. J.-M. Mascherpa et G. Meylan, respectivement directeur et directeur adjoint du centre de Lullier, auditionnés le 7 mai 1996, afin de répondre aux questions de la commission.
En préambule, je souhaite remercier les services du département des travaux publics et de l'énergie et tout spécialement M. R. de Senarclens pour l'important travail de recherche qu'il a effectué pour tenter d'élucider les inconnues et les raisons des dépassements des crédits de bouclement en général et de celui-ci, en particulier.
Suite au projet de loi 5688, voté le 19 avril 1985, un crédit de 4 537 000 F a été octroyé pour la construction et l'équipement du laboratoire de techniques agricoles à Lullier. Le montant total dépensé s'élevant à 5 324 215 F laisse un dépassement total de 787 215 F (et non de 851 503 F comme indiqué par erreur dans le projet de loi) dont 134 577 F non expliqué.
La différence de 64 288 F entre le montant dépensé et celui du projet de loi provient d'un remboursement de la part des communes de Jussy, Presinge et Puplinge, pour la participation de l'Etat de Genève à la dalle de couverture de leur abri et de leur poste de commandement PC. Ce remboursement avait été considéré, à tort, pour une subvention et non déduit des frais de construction.
Ce dépassement se décompose ainsi:
Indexation 55 934 F
Hausses payées 45 104 F
Dépassement expliqué 551 600 F
Autre dépassement 134 577 F
Dépassement total 787 215 F
Certains députés se sont inquiétés de l'étanchéité du bâtiment. Après enquête, il leur a été répondu que celle-ci était satisfaisante, bien qu'il y ait deux sources d'infiltration possibles par pluie avec fort vent: une par les fenêtres de la bibliothèque et une le long d'une cheminée de ventilation. Il est vrai, par contre, que les toitures du centre horticole ont besoin d'un entretien important.
Dépassement expliqué:
Parking de 58 places supplémentaires 117 400 F
Divers travaux supplémentaires nécessaires
au centre horticole induits par la construction
du laboratoire 68 100 F
Travaux divers de laboratoire 366 100 F
551 600 F
Le dépassement expliqué, l'indexation et les hausses totalisant la majeure partie de ce bouclement de crédit, l'Alliance de gauche, motivée par un souci de rationalité depuis le début de ces travaux concernant le train de bouclement, l'a voté contrairement à la majorité des autres membres de la commission qui s'est abstenue, manifestant ainsi son mécontentement. Nous vous recommandons malgré tout, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi en votant ce crédit complémentaire de 787 215 F.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
ouvrant un crédit complémentaire pour le bouclement du compte de construction et d'équipement du laboratoire de techniques agricoles à Lullier
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Un crédit complémentaire de 787 215 F est ouvert au Conseil d'Etat pour couvrir le dépassement du compte de construction et d'équipement du laboratoire de techniques agricoles à Lullier.
Art. 2
Le financement complémentaire par rapport au montant voté, soit 787 215 F, sera assuré par le recours à l'emprunt.
Art. 3
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi générale sur le financement des travaux d'utilité publique, du 11 janvier 1964.
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Votre Grand Conseil a chargé la commission de l'aménagement d'étudier le projet de loi 7471.
La commission de l'aménagement a étudié ce projet les 18 et 25 sep-tembre 1996 sous la présidence de Mme Sylvie Châtelain et en présence de MM. Gainon et Pauli, représentants le département des travaux publics et de l'énergie.
Il faut insérer les réflexions de la commission dans la continuité de ses travaux sur la protection des rives de l'Arve.
Un peu d'histoire
En date du 23 juin 1994, le Grand Conseil renvoyait en commission d'aménagement du canton les deux projets de lois 7106 et 7107 relatifs à la protection générale des rives de l'Arve ainsi qu'à diverses modifications de zones dans le périmètre de protection afin de régulariser le droit avec la situation de fait.
Après de longues discussions en commission, ces projets de lois furent approuvés par le Grand Conseil lors de sa séance du 4 mai 1995 avec, toutefois, la demande de créer deux «lucarnes» dans le secteur inconstructible, afin de ne pas réduire à néant les possibilités constructives du hameau de Vessy et du terrain du Tennis-club de Champel, situés à l'intérieur de ce périmètre, ces terrains demeurant bien entendu compris dans le périmètre général de protection des rives de l'Arve.
Lors de cette même séance du 4 mai 1995, le Grand Conseil a approuvé et renvoyé au Conseil d'Etat la motion 966 invitant celui-ci:
- à entreprendre, en collaboration avec la commune de Veyrier, l'étude d'aménagement du hameau de Vessy et à engager la procédure de déclassement en zone 4B protégée;
- à engager, en collaboration avec la commune de Veyrier, la procédure de déclassement du périmètre occupé par le Tennis-club de Champel, afin de l'inscrire en zone sportive destinée à la pratique du tennis au sens de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire.
Le présent projet de loi répond à la deuxième partie de la motion et propose donc la création d'une zone sportive, d'une superficie d'environ 14 400 m2 de terrain sur les parcelles nos 3895 et 4456, ainsi qu'une partie de la parcelle no 3896, index 1, feuille 3, du cadastre de la commune de Veyrier.
Quelques mots sur l'activité du Tennis-club de Champel au bord de l'Arve
Le Tennis-club de Champel dispose de 5 courts intérieurs et 6 extérieurs. Ces constructions datent des années 1971 et 1972. Elles se sont agrandies successivement pour atteindre la dimension d'aujourd'hui.
Le Tennis-club de Champel compte 600 jeunes membres du club; 350 jeunes bénéficient de cours de tennis. C'est pour permettre au Tennis-club de Champel de continuer à oeuvrer dans les meilleures conditions que le déclassement en zone sportive destinée au tennis des terrains qu'elle occupe au bord de l'Arve vous est proposé.
Les travaux de la commission
La commune de Veyrier, après consultation de sa commission de l'urbanisme et de l'environnement, a donné un préavis favorable à ce projet.
La commission cantonale d'urbanisme a également donné un préavis favorable à la modification de la zone tout en demandant l'élaboration d'un plan localisé de quartier, en application de l'article 24, alinéa 4, de la LaLAT.
L'enquête publique ouverte du 2 février au 3 mars 1996 n'a suscité aucune observation. Ce projet a été préavisé favorablement par 16 oui, 1 non et 3 abstentions par le Conseil municipal de la commune de Veyrier en date du 30 avril 1996.
Par lettre du 10 juillet 1996, le Fonds mondial pour la nature (WWF), section de Genève, a déclaré former opposition contre le présent projet de loi.
Dans la continuité des travaux du Grand Conseil du 23 juin 1994, lorsqu'il a approuvé les projets de lois 7106 et 7107 relatifs à la protection générale des rives de l'Arve, une majorité de la commission a donné son approbation au déclassement du périmètre occupé par le Tennis-club de Champel, afin de l'inscrire en zone sportive destinée à la pratique du tennis.
Une minorité s'est opposée à cette ambition.
Mise au vote, le projet de loi a été approuvé comme suit:
7 oui (3 libéraux, 2 radicaux, 1 PDC), 4 avis contraires (1 socialiste,3 alliance de gauche), 1 abstention (socialiste)
Dès lors, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission vous prie:
- de prendre connaissance du nouveau plan de modification des limites de zones portant expressément mention du déclassement en vue d'une zone sportive destinée au tennis;
- du projet de demande de rejet de l'opposition formé par le Fonds mondial pour la nature (WWF), section de Genève, préparé par la direction du département des travaux publics et de l'énergie.
La commission de l'aménagement vous propose d'adopter le projet de loi 7471 amendé.
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RAPPORT de LA minoritÉ
Lors de la séance du 4 mai 1995, la majorité du Grand Conseil approuvait les projets de loi 7106-A, sur la protection générale et l'aménagement des rives de l'Arve, et 7107-A, modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la Ville de Genève et des communes de Carouge, Chêne-Bougeries, Thônex et Veyrier.
Bien qu'attachés, cela va de soi, au principe de créer une zone de protection des rives de l'Arve, le groupe socialiste, l'alliance de gauche et les Verts furent amenés à refuser les deux projets de loi. Ce refus était motivé par le traitement particulier, proposé par les partis de l'Entente, du problème du Tennis-club de Champel.
Le cas du Tennis-club de Champel
Si de nombreux députés de toutes tendances étaient d'accord de permettre la poursuite, en tout cas momentanée, des activités du Tennis-club de Champel, une divergence était apparue cependant quant aux moyens d'y parvenir.
Dans la perspective de préserver au mieux les rives de l'Arve, les députés de l'Alternative ont défendu des objectifs clairs concernant le Tennis-club. Dans un premier temps, permettre la poursuite des activités existantes; ensuite, rechercher et favoriser le déplacement des installations dans un emplacement plus adéquat; enfin parvenir, à terme, à l'abandon des activités sur le site actuel.
A cet effet, la solution la plus simple consistait à maintenir les surfaces occupées par le Tennis-club en zone agricole et à les incorporer dans le périmètre inconstructible des rives de l'Arve. Cela aurait été parfaitement compatible avec les activités actuelles du club puisque, à l'intérieur du périmètre inconstructible, des dérogations peuvent être accordées pour des modifications, rénovation, voire agrandissement de peu d'importance de bâtiments existants.
Les députés de l'Entente ont cependant préféré créer une lucarne dans le périmètre inconstructible afin de légaliser les activités du Tennis-club de Champel. De plus, les mêmes députés proposaient, par le biais de lamotion 966, l'inscription de la parcelle en zone sportive liée aux activités tennistiques.
La réponse à la motion 966
Le projet de loi 7471 du Conseil d'Etat, présenté au Grand Conseil le 13 septembre dernier en réponse à la motion 966, prévoit la création d'une zone sportive à Veyrier, sans aucune autre mention. L'intention de lier le déclassement aux activités tennistiques a disparu et rien n'est prévu pour empêcher le développement d'autres activités sportives à cet endroit.
Pour cette raison, bien que n'approuvant pas ce déclassement, les députés de l'Alternative ont proposé des modifications au projet de loi en commission d'aménagement. Les amendements, dans le titre et l'article 1, visent à lier la création de la zone sportive aux activités tennistiques exclusivement. L'ensemble de la commission a d'ailleurs accepté sans autres cette nouvelle rédaction, puisque le texte devient ainsi conforme aux intentions exprimées clairement dans la motion 966, proposée et votée par les députés de l'Entente !
En conclusion
Le groupe socialiste, l'alliance de gauche et les Verts ont refusé, voici une année, la création d'une lucarne dans le périmètre inconstructible des rives de l'Arve. Ils étaient et restent opposés à tout déclassement des terrains occupés par le Tennis-club de Champel.
Le déclassement de la parcelle du Tennis-club en zone sportive n'est pas souhaitable, d'une part pour garantir à terme la préservation des rives de l'Arve et, d'autre part, pour ne pas donner aux membres du club l'illusion qu'ils pourront développer leurs activités à cet endroit. En effet, même si la zone sportive est décrétée pour cette parcelle, elle restera dépendante de l'application de la loi sur les eaux et de la loi sur les forêts publiques et privées, qui devrait empêcher toute nouvelle construction à cet emplacement.
Les députés de l'Alternative persistent à penser qu'il est beaucoup plus simple de maintenir le Tennis-club dans la zone agricole où il se trouve, puisque cela ne porte aucun préjudice à ses activités actuelles. Dans la perspective d'un retour futur de la parcelle dans le périmètre inconstructible, cela évitera de devoir ouvrir à nouveau toute une procédure de modification de zone.
La minorité de la commission d'aménagement du canton vous recommande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser le projet de loi 7471.
Premier débat
M. Hervé Dessimoz (R), rapporteur de majorité. Ce projet de loi s'inscrit dans la suite logique de la décision prise par le Grand Conseil, il y a plusieurs mois, concernant la protection des rives de l'Arve et qui prévoyait, à l'époque, l'étude d'aménagement du hameau de Vessy, ainsi que la procédure de déplacement du périmètre occupé par le Tennis-club de Champel.
Mon rapport nécessite quelques modifications. A la page 3, en ce qui concerne le vote, les Verts se sont abstenus et non pas les socialistes. Ensuite, le projet de demande de rejet de l'opposition formée par le Fonds mondial pour la nature, section de Genève, a été approuvé à la majorité de la commission, et ce projet, contrairement à ce qui est présenté dans le rapport, n'est pas une annexe, mais fait partie intégrante du rapport de majorité. Les conclusions de mon rapport restent les mêmes.
Mme Sylvie Châtelain (S), rapporteuse de minorité. Il y a un peu plus d'un an, lors du vote sur la protection des rives de l'Arve, les députés de l'Alternative avaient été amenés à refuser ce projet de protection des rives de l'Arve, principalement en raison de la lucarne créée pour le Tennis-club de Champel.
A l'époque, nous n'avions pas pu accepter que, pour régler la situation d'un club privé, on crée une lucarne dans un périmètre inconstructible. Surtout que cela ne changeait pas grand-chose en fin de compte à la situation, puisque le Tennis-club ne peut pas, selon la législation sur les eaux ou sur les forêts, construire de nouvelles installations à cet endroit - ou ne pourrait pas, sauf dérogation.
Notre souhait était de dire que ce club était mal situé, qu'il pouvait continuer momentanément ses activités, car l'idée n'était pas de brusquer quoi que ce soit, mais que l'objectif devait être de trouver un endroit plus adéquat, afin de favoriser son déplacement le moment venu.
Nous nous étions donc opposés à la création d'une lucarne dans le périmètre inconstructible, et le souci qui nous habitait à l'époque trouve sa justification dans le rapport de majorité. En effet, il est dit, à la page 2, que la lucarne avait été créée, afin de ne pas réduire à néant les possibilités constructives du Tennis-club de Champel. L'intention est donc bien de pouvoir procéder à de nouvelles installations, et c'est ce que nous déplorons et ne voulons pas.
Il y a un an, nous étions opposés à la création de cette lucarne. Ce soir, dans la même logique, nous nous opposons à la mise en zone sportive du terrain, car une fois que ce périmètre se trouvera en zone sportive, le Tennis-club de Champel n'aura plus aucune raison de chercher d'autres solutions. S'il cesse ses activités, d'autres sociétés sportives pourront s'y installer et cela deviendra un état de fait contre lequel on ne pourra plus intervenir.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
loi
modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Veyrier(création d'une zone sportive)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Le plan no 28768-542 dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 14 juin 1995, modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Veyrier (création d'une zone sportive destinée au tennis à Vessy - «Vers l'Usine»), est approuvé.
Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Article 2
L'opposition à la modification des limites de zones formée par le WWF est rejetée, dans la mesure où elle est recevable, pour les motifs exposés dans le rapport de la commission chargée de l'étude de la présente loi.
Article 3
Un exemplaire du plan no 28768-542 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
page blanche
plan page 7
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RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La commission des travaux du canton sous la présidence de M. Hervé Burdet a étudié ce projet de loi au cours des séances des 10, 17, 24 septembre et 1er octobre 1996.
Assistaient également aux travaux: MM. P. Joye, chef du département des travaux publics et de l'énergie, C. Convers, secrétaire général du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIER), F. Reinhard, directeur des bâtiments, R. Chapel, directeur de la division de l'entretien et de la gérance, G. Robert, chef de la division de la maintenance, et J.-M. Tschopp du service énergétique de la divison des bâtiments.
Le présent projet de loi fait suite aux acquisitions des bâtiments opérées à l'aide des fonds libérés par notre Grand Conseil lors des projets de loi 6968 (voir Mémorial 1993, pages 2644 à 2648 et 5446 à 5452) et 7101 (voir Mémorial 1994, pages 2220, 2221 et 4892 à 4898).
Vous trouverez dans l'exposé des motifs (Mémorial 1996, séance de septembre) le détail du programme des travaux ainsi que celui d'occupation des locaux. Pour l'essentiel l'objectif pour l'Etat de Genève est de regrouper les services du cadastre, du registre foncier, de la géologie et de la géomatique, ainsi que certains dépendant du département de l'instruction publique (DIP). Ces regroupements entraîneront l'abandon de surfaces louées à des tiers représentant un état locatif annuel de 1 856 318 F auquel il faut ajouter 1 107 000 F de charges de fonctionnement (charges courantes, chauffage et énergie) ainsi que la cafétéria, fonction inexistante actuellement, estimée à 157 500 F, et la réaffectation du 20bis, rue du Stand estimé à 200 000 F, soit un coût total de 3 320 818 F (chiffres émis par le Conseil d'Etat).
Il a été donné aux députés de la commission l'occasion de visiter l'ensemble des bâtiments à rénover. Ceux-ci ont pu constater un état général de vétusté ordinaire pour l'âge des constructions, tout en relevant que pour certaines parties la valeur résiduelle d'utilisation était encore moyenne à bonne.
Une visite des locaux du DIER, l'audition du secrétaire général et des responsables de services ont permis à la commission de se faire une appréciation plus précise des besoins de ce département. En ce qui concerne les effectifs, le service du cadastre a été passablement remanié et diminué en raison du tassement des affaires et de l'introduction de l'informatique. Le projet prévoit une capacité de stockage augmentée ainsi qu'une amélioration du flux des documents interservices. De même, une réception clientèle commune aux services permettra le gain d'un à deux postes.
En ce qui concerne le DIP, l'audition de MM. Bieler et Gmür a relevé que la dispersion actuelle des sites du DIP était néfaste à différents points de vue, notamment l'accès de certains locaux, les conditions de travail et la dissémination du matériel scolaire dont les enseignants ont besoin pour leur cours. Le regroupement de ces activités ne nécessitera pas de postes supplémentaires selon l'exposé de ces motifs.
Les députés ont relevé que, à l'exception du service du cadastre, l'ensemble des besoins en surfaces augmentait de 40% en moyenne par rapport aux surfaces nettes à ce jour. Cela est dû en partie à une hauteur de stockage de l'économat inférieure dans le projet actuel (42% de l'augmentation), à une évolution des besoins de diverses natures et enfin à certaines contraintes liées à la nature structurelle et organisationnelle des édifices à transformer.
Certains députés se sont étonnés du coût important des installations techniques CVCSE. Il nous a été répondu que les charges thermiques internes (informatique, appareils électriques....) nécessitent l'installation de climatisations. La centrale chaleur-force de la rue du Stand (PL 7399) alimentera en énergie une sous-station à construire pour le chauffage des bâtiments. Le chauffage électrique actuel du sous-sol du bâtiment 1, front quai du Rhône, sera remplacé par des radiateurs alimentés par la sous-station (annexe I). En ce qui concerne l'aspect électrique, les bâtiments 2, 3 et 4, perpendiculaires au Rhône, étaient alimentés jusqu'à présent directement par la proche sous-station électrique. La création d'une cabine moyenne tension et la redistribution d'une partie des alimentations primaires dans les immeubles sont nécessaires. De même, le remplacement de certaines distributions secondaires et d'alimentation des luminaires est nécessaire au vu du changement de programme des locaux (annexe II).
Vous trouverez également en annexe la justification des besoins du DIP (annexe III) et la récapitulation des surfaces (annexe IV) avec le détail des services ainsi que leurs surfaces actuelles, désirées et projetées qui nous ont convaincu de l'opportunité du projet. D'autre part, l'annexe V contient certains éléments statistiques en rapport avec les coûts. Le prix du m3 moyen sur le CFC 2 est de 215 F - et celui du m2 brut de 980 F, ce qui semble rester raisonnable. Hormis les recherches d'économies effectuées depuis le premier projet, le volume généreux des bâtiments explique les montants modestes des coûts au m3 et au m2.
Au sujet du coût global de l'opération (acquisitions et travaux), le département des finances nous confirme que les acquisitions opérées par les projets de loi 6988 et 7101 génèrent des charges, intérêts et amortissements qui n'ont rien à voir avec le présent projet de loi (annexe IV). Ceux-ci apparaissent déjà dans les comptes de l'Etat. Pour apprécier l'éventuelle économie réalisée par ce regroupement de services, les acquisitions et leurs charges doivent faire partie intégrante respectivement du coût global et du coût de fonctionnement. Ce qui donne le plan financier suivant:
Terrain et bâtiments ...............................................................
40 000 000 F
Transformations ....................................................................
20 273 000 F
Total ......................................................................................
60 273 000 F
Charges intérêts terrain et bâtiments (taux dito transformations) ....................................................................
1 150 000 F
Charges intérêts transformations ...........................................
582 849 F
Charges courantes et énergie selon le projet de loi ...............
1 023 000 F
Charges courantes terrain et bâtiments .................................
p.m.
Amortissement terrain et bâtiments (taux dito transformations) ....................................................................
1 600 000 F
Amortissement transformations
810 920 F
Total ......................................................................................
5 166 769 F
(Prix au m2 brut 317 F contre environ 270 F actuellement) % à déduire économies (voir plus haut) ................................
-3 320 818 F
Charges supplémentaires ....................................................
1 845 951 F
Il en résulte donc pour l'Etat un accroissement de charges à court et moyen terme sur cet objet spécifiquement. On ne peut pas à proprement parler d'une réalisation mirifique, à moins de nous faire la démonstration à terme d'une économie réelle de fonctionnement des services installés. Néanmoins, et en regard de l'ampleur des études engagées et de la perspective d'être à terme propriétaire, la commission a voté l'entrée en matière et le projet de loi par 10 voix et 5 abstentions. Elle vous recommande donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même.
ANNEXE I
ANNEXE II
9
10
ANNEXE III
12
ANNEXE IV
ANNEXE V
ANNEXE VI
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Les mauvaises habitudes sont très lentes à changer. Malgré la venue de temps plus durs depuis déjà plusieurs années, l'Etat continue à se voir comme la grenouille, à prendre ses aises dans de grands bâtiments chers, à payer les terrains le double de leur prix (50 millions de francs de trop ont été ainsi gaspillés, dont 20 sur les parcelles dont on parle ici, et on les avait «oubliés» dans les comptes !) et bien sûr à gaspiller l'énergie.
Le but du présent rapport est de présenter les 3 critiques ci-dessus dans l'ordre, d'essayer d'en comprendre les raisons, et d'aiguiser un peu pour l'avenir l'esprit critique des députés. Mais les écologistes ne veulent pas jeter l'enfant avec l'eau du bain, nous non plus ne sommes pas parfaits, nous aussi nous sommes des hommes (et des femmes). Aussi en fin de rapport présenterons-nous un amendement, qui, s'il est accepté, pourrait même nous faire voter comme la majorité, parce qu'à nos yeux une acceptation de notre amendement signifierait une volonté d'amélioration, une volonté d'aller à l'avenir vers des constructions plus modestes.
1. «Prendre ses aises dans de grands bâtiments chers»
En gros le projet est le suivant: une dizaine de services du département de l'instruction publique (DIP) et du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIEAR) vont pouvoir déménager dans ces nouveaux locaux, qui appartenaient auparavant aux Services industriels de Genève (SIG). Du coup, ils ne devront plus payer de loyer, ce qui entraînera une économie pour l'Etat. Ces services sont: pour le DIP, l'économat, la bibliothèque scolaire, le centre de documentation pédagogique, l'éducation aux médias, l'informatique et le service de la recherche pédagogique; pour le DIEAR, il s'agit du cadastre, de la géologie, de la géomatique et du registre foncier.
Un certain malaise régnait dans la commission lorsque nous nous sommes aperçus qu'au total et en moyenne ces services vont pouvoir profiter dans les nouvaux bâtiments d'une surface supérieure de 50% à la surface dont ils disposaient jusqu'ici dans leurs anciens bâtiments loués. Mais nous avons entendu des explications rassurantes à ce sujet, pour l'économat par exemple une grande partie de l'explication est que l'économat actuel occupe des salles de 7 m de haut, ce qui ne se voit pas dans les inventaires des surfaces. Pour d'autres services, il était difficile d'en loger plus dans les bâtiments des SIG vu leur construction. Et enfin, ne soyons pas misérabilistes, certains services étaient vraiment à l'étroit et chacun aime prendre ses aises et respirer un peu. Cette première pilule des surfaces augmentées de 50% passa donc assez facilement. Certains députés, dont le rapporteur de la minorité, se sentaient un peu mal à l'aise mais encore pas trop.
2. «Payer les terrains le double de leur prix, et oublier ce prixdans les comptes» (ou l'Etat spéculateur!)
Lorsque dans les années 80 les SIG ont commencé à penser leur déménagement au Lignon, ils ont pris langue avec diverses collectivités publiques pour évaluer la valeur de leurs terrains à la Jonction. Plus ils parviendraient à en tirer, plus leur nouveau siège du Lignon pourrait être somptuaire. Or, leur nouveau siège fut conçu lui aussi dans les années 80, époque où rien n'était trop beau ni trop grand, l'argent coulait à flots, les SIG vendaient chaque année plus de courant, ils étaient riches, et pouvaient se payer un nouveau siège à 250 millions de francs, avec des surfaces par employé augmentées elles aussi de 50% par rapport à leurs anciens locaux. La fin des années 80, c'était l'époque des Cheneviers 50% trop grands, du Bachet de Pesay qui dépasse de 50 millions de francs le devis initial, de la zone sud de l'hôpital totalement inutile qui coûte 220 millions de francs, etc. Les années 80 c'étaient les années de folie, ou l'orgueil et la mégalomanie n'avaient pas de frein. Comme le disait M. G.-O. Segond dans son discours sur la traversée de la rade: «Le refus de cette traversée marque la fin d'une époque, celle des grandes réalisations à caractère prestigieux ou surdimensionné qui, comme le dépôt TPG du Bachet, l'hôtel de police, la zone sud de l'Hôpital ou l'usine des Cheneviers...» Mais revenons à nos moutons.
Or donc, le nouveau siège des SIG au Lignon allait coûter 250 millions de francs, il offrirait à chaque employé une surface de travail augmentée de 50%, et de plus il serait particulièrement mal construit au point de vue énergétique. Les chiffres disponibles à l'époque nous indiquaient des prévisions alarmantes: le nouveau siège allait consommer 22 GWh /an, au lieu de 11 pour la totalité des anciens bâtiments. Certes, ces 22 GWh ont été ramenés à 19 dans les derniers documents des SIG. Certes aussi, on ne peut ajouter simplement les GWh gaz et les GWh électricité, qui ont une valeur exergétique bien supérieure. Mais même en pondérant ces chiffres par la valeur exergétique du gaz, il n'en reste pas moins que les chiffres du nouveau bâtiment sont mauvais, que d'énormes quantités de gaz sont gaspillées pour fabriquer du froid dans une machine à absorption avec un rendement ridicule, du froid qui par ailleurs ne sert à rien sous nos latitudes, en l'occurrence il a été rendu nécessaire par une conception architecturale lamentable qui expose de larges surfaces de vitrages au sud sans aucune protection, alors évidemment lorsqu'on construit à rebours du bon sens il faut bien climatiser après pour que les locaux soient vivables.
Donc les SIG cherchaient de l'argent pour payer leur siège somptuaire et surdimensionné de 50%. Or, l'Etat, lui, lorgnait du côté de cette magnifique parcelle, 43 000 m2 à la Jonction, d'un seul tenant, voilà une affaire juteuse que l'Etat avait très envie de faire, il était certain dans son immense naïveté de pouvoir ensuite construire dessus, ou en revendre une partie à des privés pour qu'eux aussi à leur tour puissent réaliser quelque chose. «Marché conclu», dit alors l'Etat aux SIG, nous vous achetons ce terrain au double de son prix réel, la CEH et la Ville marchent avec nous, nous allons subventionner indirectement votre siège au Lignon (cette expression n'est pas de moi, elle est de M. Ph. Joye). Les parts de l'Etat, de la Ville et de la CEH se montaient respectivement à 40, 36 et 25 millions de francs, soit 100 millions en tout, en gros 2 500 F / m2 alors que la «vraie» valeur de ce terrain était et est toujours de 50 millions de francs en gros, soit 1 250 F/m2. Les projets de loi 6968 et 7071 furent votés sans encombre, le Grand Conseil avait ainsi accepté cette spéculation d'Etat. Ensuite, pour convaincre la commission que ce projet de loi 7476, soumis aujourd'hui à votre verdict, était avantageux pour économiser des loyers, il suffit de ne pas prendre en compte le prix exagéré d'achat des terrains, de le compter tout bonnement pour 0, vu qu'il était payé par un autre projet de loi. Voilà comment on mène les députés en bateau. Le rapporteur de la majorité, qui est aussi l'un des députés qui a percé à jour la manoeuvre, vous l'expliquera mieux que moi. De mon côté, je voulais surtout insister sur le fait que le résultat de cette spéculation avortée, c'est aussi le nouveau siège des SIG au Lignon, surdimensionné lui aussi.
3. ... et à gaspiller l'énergie
Les 2 bâtiments des SIG étaient alimentés en électricité depuis des transformateurs situés à 20 m, dans un bâtiment argenté le long de la rue des Jardins. Les transformateurs existant dans cette sous-station alimentaient les bâtiments des SIG, les puissances installées étaient de l'ordre de 600 kVA. Mais ces transformateurs ne semblaient pas pouvoir être réutilisés, pour 2 raisons: d'abord les premiers calculs de la puissance nécessaire dans le nouveau bâtiment, faits par M. Dupont, l'électricien, semblaient indiquer que ces 600 kVA ne suffiraient vraisemblablement pas; ensuite, de toute façon les SIG ne voulaient pas prêter leurs transformateurs, et insistaient pour que l'Etat en reconstruise un 20 m plus loin, de 1 000 kVA pour être large. A noter ici que la consommation actuelle des 10 services qui vont déménager dans le nouveau bâtiment est justement de 600 kVA. M. Joye, faisant convenablement son travail de recherche d'économies possibles, écrivit le 3 juillet 1995 à M. Ducor, alors président des SIG, pour savoir si on ne pouvait pas malgré tout utiliser les transformateurs existant à la rue des Jardins, économisant ainsi 200 000 F. Refus de M. Ducor, qui répondit: «De toute façon vous aurez besoin de plus que les 600 kVA disponibles (il se basait là sur une première estimation de M. Dupont, revue à la baisse depuis) et puis en plus vous n'avez qu'à construire votre propre transformateur dans votre bâtiment.»
Le raisonnement du rapporteur de la minorité est différent: sur la question des besoins tout d'abord, je suis convaincu que 630 kVA suffiront largement. J'ai travaillé avec M. Becker, de l'UBS de Zurich, sur la réduction des consommations lorsqu'on part d'un concept énergétique bottom-up. J'ai constaté, émerveillé, comment en affinant un peu ses calculs ce monsieur arrive à économiser la moitié des consommation prévues. En remplaçant des PC par des portables à certains endroits, lorsque le PC arrive en bout de course. En achetant certains modèles de photocopieurs plutôt que certains autres, là aussi au bon moment. En coupant certaines climatisations la nuit. Etc., etc. De mon côté, j'ai mis ces leçons à profit, et j'ai déjà réalisé2 assainissements, sur mandat d'Energie 2000, l'un dans le bâtiment des informaticiens chez CIBA à Monthey, l'autre chez ATAG à Lausanne. Les deux fois j'ai pu gagner 25%. Fort de cette expérience je puis affirmer qu'en nommant un «Monsieur énergie», responsable de l'exploitation de ce nouveau bâtiment, les puissances actuellement consommées ne devraient pas être dépassées, soit 600 kVA. Nous économiserions ainsi 80 000 F de droits de raccordement, plus pas mal d'argent en frais d'exploitation au cours des années à venir. M. Dupont a très sportivement accepté de refaire son calcul pour 630 kVA, en prévoyant toutefois une place assez grande pour un second transformateur au cas où.
Sur la question du refus des SIG de partager leurs transformateurs existant à 20 m de là, je suis persuadé que la demande de M. Joye pourrait aujourd'hui être acceptée par le nouveau président des SIG, M Fatio. Cela nous permettrait d'économiser encore 200 000 F. Aussi, je proposerai au Grand Conseil un amendement, qui consistera simplement à réduire de 280 000 F le coût total du projet, qui serait ainsi réduit à 22 403 000 F. Ces 280 000 F économisés représentent 200 000 F pour le transformateur inutile, et 80 000 F pour les droits de raccordement désormais réduits.
4. En conclusion
Nous avons vécu pendant 30 ans au-dessus de nos moyens. Nous continuons encore, sur la lancée, trop souvent à construire et à acheter selon l'ancienne mentalité. (Voyez les 40 millions de francs pour l'informatique de l'hôpital: même notre vertueux président du Conseil d'Etat s'est pris la tête !) Le rôle des écologistes dans ce concert des opinions est bien modeste: essayer de nous ramener un peu les pieds sur terre. Nous vous suggérons donc d'accepter nos amendements !
Premier débat
M. Florian Barro (L), rapporteur de majorité. Ce projet concrétise la pratique d'acquisition des terrains de l'Etat. A l'analyse de ce projet, on s'aperçoit que l'Etat ne fait guère mieux que certains privés en matière de construction. Ceci est dû en partie à un prix d'acquisition assez élevé des terrains. A ce sujet, ainsi que cela a été relevé par le rapporteur de minorité, les SI ont fait une excellente affaire dans cette transaction.
Le bâtiment front quai du Rhône a été vendu à l'équivalent d'environ 4 600 F le m2 de plancher, ce qui est, de l'avis de certains commissaires, excessif. Mais il y avait d'autres paramètres qui entraient en ligne de compte dans les transactions avec les SI qui ont certainement justifié ce prix.
L'autre raison du coût de ces transformations est due à la typologie particulière de ces bâtiments et à leur adaptation possible en vue de les rendre compatibles avec les besoins de l'Etat. C'est regrettable, car, à nos yeux, la valeur résiduelle des bâtiments des SI est non négligeable.
Toutefois, il nous appartient aujourd'hui d'assumer les projets du Conseil d'Etat que nous avons préalablement soutenus par les lois d'acquisition 6968 et 7101 en lui donnant donc, par ce projet de loi, les moyens d'adapter ces bâtiments à ces besoins et de leur donner une valeur de rendement qu'ils n'ont pas actuellement.
Quant au rapport de minorité, il relate, dans des termes différents et avec la verve qui caractérise M. Nissim, certains aspects similaires du projet relaté dans le rapport de majorité. Toutefois, la proposition d'amputer le projet du transformateur n'est pas raisonnable, et son maintien a été démontré par l'ingénieur en électricité par une étude plus détaillée que celle faite par M. Nissim. Je vous propose de nous en tenir au rapport de la majorité.
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Mon groupe refusera ce projet de loi pour toute une série de raisons. Premièrement, il est prétendu dans l'exposé des motifs du projet de loi que l'Etat allait faire des économies en déménageant dans ce nouveau bâtiment, épargnant ainsi le coût du loyer qu'il paie dans les bâtiments actuels.
M. Barro a refait le calcul en tenant compte du prix du terrain, car, par une espèce de regrettable oubli, les services de l'Etat n'ont pas tenu compte du prix du terrain. Il s'agit d'un scandale à double titre.
Premièrement, le prix du terrain a été surévalué d'un facteur 2, ce qui signifie que l'Etat et les collectivités publiques ont payé ce terrain deux fois. Ils ont donc spéculé - ce qui est assez incroyable - pour aider les SI à se payer un bâtiment somptuaire au Lignon, que l'on appelle, par ailleurs, Versailles-sur-Lignon. Mais ils l'ont fait aussi par manque de contrôle et ont payé 100 millions un terrain qui, d'après M. Joye, en valait 50. 50 millions ont été perdus par les contribuables à l'occasion de cette spéculation.
Deuxièmement, 40 de ces 100 millions étaient réservés pour les terrains dont nous parlons aujourd'hui, mais personne n'en a tenu compte, et, si M. Barro n'avait pas refait le calcul à la page 3 de son rapport, vous croiriez aujourd'hui encore, Mesdames et Messieurs les députés, que cette opération est bénéficiaire. Alors que le calcul de M. Barro - qui est juste indicatif, mais largement suffisant - montre que des charges supplémentaires sont liées à ce projet de loi de 1,845 million environ. Je remercie M. Barro de son calcul.
Cependant, ce qui est à la fois intrigant et spectaculaire c'est que les députés de la majorité - tout en réalisant qu'il s'agissait d'une spéculation de l'Etat et que le prix du terrain avait été oublié dans ce calcul - ont tout de même voté ce projet de loi, parce qu'ils font partie de la majorité et se sentent solidaires du Conseil d'Etat, même lorsque celui-ci spécule et oublie de compter le prix des terrains...
En tant que membre d'un parti minoritaire, j'ai le devoir de vous mettre le nez dans votre assiette, de façon que vous puissiez voir ce qu'elle contient : vous avez oublié le prix du terrain et il a été payé le double de son prix !
Le deuxième aspect concerne l'énergie. Versailles-sur-Lignon, le bâtiment des SI, a été construit à l'aide de surcoûts importants d'environ 57% et a coûté un pourcentage du même ordre en surconsommation énergétique. Dans la même logique, chaque employé dispose d'une «sur-surface» de 50 à 55% environ. Ce bâtiment a été construit sur ce modèle d'accord, mais ce n'est pas une raison pour continuer dans cette optique. A un moment donné, il faut savoir s'arrêter.
Or, le bâtiment dont nous parlons ce soir est le lieu d'une surconsommation d'électricité mentionnée dans le rapport de la majorité à la page 9. En effet, une dizaine de services de l'Etat vont y déménager. Leur consommation en électricité va augmenter de 160 kWh sur un total de 750 kWh. Leur déménagement dans ces locaux entraînera une augmentation de 15% de la consommation.
En tant qu'écologiste, je ne trouve pas logique qu'un déménagement entraîne une surconsommation d'environ 15%. Au contraire, il serait logique que l'on mette à profit ce déménagement pour faire des économie d'énergie. Modestement, j'ai essayé de travailler avec les électriciens chargés de ce projet. J'ai abouti à deux économies possibles. Ces exemples ne sont pas exhaustifs.
A 20 m de ce lieu, un bâtiment appartenant à une autre régie comprend un transformateur que personne ne peut utiliser, parce qu'il appartient à une autre régie. Etant donné la proximité de ce transformateur, je trouve regrettable d'en installer un dans le bâtiment en question. A ce propos, M. Joye a déjà écrit une lettre à M. Ducor qui avait refusé d'entrer en matière. Cependant, je demeure convaincu, Monsieur Joye, que si vous écriviez à M. Fatio, les 200 000 F que coûte ce transformateur pourront peut-être être économisés, car nous aurions une chance d'utiliser celui qui existe déjà. Par ailleurs, la somme de 80 000 F de droit de raccordement pourrait aussi être économisée, ce qui ferait un montant de 280 000 F. En conclusion, Madame la présidente, je ne présenterai pas d'amendement formel, mais il suffira de déduire 280 000 F de la somme prévue dans le projet de loi, ce qui reviendra à un montant de 22,403 millions.
M. Florian Barro (L), rapporteur de majorité. M. Nissim vient un peu tard pour critiquer ces acquisitions, puisqu'elles ont été effectuées en 1993 et en 1994. D'ailleurs, il ne figure aucune opposition ni remarque particulière à ce sujet dans le Mémorial de cette époque. Ces acquisitions trop élevées soulèvent des questions. Toutefois, Monsieur Nissim, il faut assumer notre choix, car, puisque nous avons décidé de les soutenir, il faut les réaliser.
La valeur de rendement de ces bâtiments est actuellement nulle, puisqu'ils sont inoccupés. En commission, des commissaires étaient d'accord pour reconnaître que cette opération n'était pas mirobolante et que, à terme, on espérait un certain nombre de synergies au sujet du fonctionnement de ces services. Les services de l'Etat nous montreront si des synergies sont possibles, mais il faut arrêter de revenir sur ces acquisitions passées.
En ce qui concerne la surconsommation en énergie du bâtiment, la typologie propre du bâtiment et son agencement font que le besoin en énergie augmente. C'est une des explications.
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Vous avez raison : ces projets ont été adoptés il y a trois ou quatre ans. Il n'en reste pas moins que les prix des terrains concernés étaient spéculatifs et qu'ils le restent. Le coût du m2 est de 2 500 F, grosso modo, il s'agit du double de la valeur du terrain en ville. Un architecte de ma connaissance me disait que Gaon était fou d'avoir acheté son terrain à un prix aussi élevé - je ne me souviens plus du prix, mais M. Grobet s'en rappelle certainement - car il ne pouvait pas être rentabilisé à ce prix-là. Or, ne voit-on pas des collectivités publiques, la Ville de Genève, l'Etat de Genève, acheter des terrains à un prix encore plus fou que celui que M. Gaon avait accepté de payer pour les terrains de Sécheron.
Cela prouve simplement, Monsieur Barro, que ce Grand Conseil fonctionne la «tête dans un sac» avec des lunettes noires, absolument pas transparentes, qu'il vote n'importe quoi, et c'est regrettable !
Par rapport à la question de la consommation en énergie, on est en droit de se demander comment il se fait que la surface du nouveau bâtiment est supérieure de 57% à l'ancienne et pourquoi les employés de ces services ont besoin d'une surface deux fois supérieure à celle qu'ils avaient avant ? Après, on acceptera de payer nos factures d'énergie plus cher. Mais jusqu'où ira-t-on ? Pourquoi payer tout plus cher et non pas la vraie valeur ? N'y a-t-il pas un moment où il faut dire : «Stop !». Personnellement, je pense que c'est ce soir.
M. David Revaclier (R). Le groupe radical votera le crédit demandé pour la transformation et l'aménagement des anciens bâtiments des SI.
La commission des travaux a visité, en présence des responsables du DTPE, les locaux actuels occupés par le service du cadastre du registre foncier, de la géologie et la géomatique.
Les commissaires ont pu constater que, effectivement, la plupart de ceux-ci étaient exigus, peu fonctionnels, c'est-à-dire inadaptés à un usage administratif de conception moderne. Les nouveaux locaux qui seront aménagés dans les anciens bâtiments des SI répondront en tout point aux demandes des utilisateurs. Ils disposeront, dorénavant, des surfaces nécessaires pour mener à bien la réorganisation complète de leurs services respectifs, dont l'objectif principal est d'obtenir une rationalisation optimale.
En ce qui concerne le stockage de l'importante collection des volumes du cadastre et du registre foncier ainsi que tous les documents d'archives, il est prévu dans des locaux fonctionnels, climatisés et équipés d'un système de détection contre l'incendie alors que ce n'est pas le cas aujourd'hui, malgré les risques évidents encourus. Il faut relever aussi que l'accès pour la clientèle sera facilité par la création d'un local commun à disposition du cadastre et du registre foncier.
En ce qui concerne le DIP, les commissaires, après avoir entendu les représentants de ce département, ont pu se rendre à l'évidence que la dispersion actuelle des divers services dans plusieurs immeubles éparpillés en ville n'était pas une solution satisfaisante. Le regroupement de l'ensemble des activités du DIP sous le même toit est donc nécessaire. Il permettra de réaliser des économies appréciables dans le fonctionnement des services en question. Il faut noter aussi que les fonctionnaires concernés bénéficieront de meilleures conditions de travail, car selon M. Gmür, elles sont proches de l'indécence, notamment en ce qui concerne la bibliothèque scolaire.
Du point de vue financier, la mise en oeuvre de cet important projet de réfection est une opération onéreuse, malgré les recherches drastiques d'économies effectuées par le département à partir du premier projet qui a été revu à la baisse. Cependant, cette appréciation des coûts doit être nuancée, car chacun sait que la transformation lourde d'anciens bâtiments génère toujours des coûts élevés. De plus, toute l'installation électrique est à refaire.
Notre collègue Nissim évoque dans son rapport de minorité le prix d'acquisition exorbitant du terrain et des bâtiments des SI pour l'Etat de Genève. S'il est vrai que ces immeubles ont été achetés à l'époque des années de démesure au prix fort, ils ont tout de même le mérite d'exister. C'est pourquoi il est primordial d'occuper ces locaux le plus rapidement possible, afin d'éviter un nouveau squat dans ces bâtiments. Le groupe radical ne veut pas de nouvel Artamis, sachant qu'il règne actuellement dans ces lieux la chienlit la plus totale. (Exclamations.)
Quant à l'amendement proposé par le rapporteur de minorité, à savoir de réduire le coût total du projet de loi de 280 000 F, notre groupe le refusera. En effet, les arguments qu'il développe sont, à nos yeux, utopiques, et ne nous ont pas convaincus. Pour notre part, nous faisons confiance au sérieux du bureau d'études d'installations électriques mandaté, qui a collaboré avec M. Tschopp, dont les compétences en la matière sont unanimement reconnues.
En conséquence, le groupe radical relève avec satisfaction que le Conseil d'Etat, par ce projet de loi, propose à l'approbation de notre Grand Conseil une affectation judicieuse de ces anciens bâtiments SI et vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter cette demande de crédit.
Mme Anita Cuénod (AdG). Je ne reviendrai pas sur le bien-fondé du déménagement des divers services du DIP et du DIER dans les deux bâtiments des SI : il est évident.
Par contre, le crédit demandé pour les travaux de transformation et d'aménagement nous semble tout à fait excessif. Voici quelques chiffres figurant sous la rubrique «ameublement» dont le montant global est de 2,2 millions : le déménagement du cadastre se chiffre à 80 000 F. N'oublions pas qu'il n'y a qu'une rue à traverser, le boulevard Saint-Georges. Ensuite, voici un autre exemple du même acabit : le DIP va consacrer 350 000 F à des... rayonnages ! A ce prix, je me demande si vous les achetez chez les designers milanais. Ces montants ont été donnés par les représentants desdits départements et figurent au p.-v. N° 93 de la séance de commission.
D'autre part, les travaux avaient déjà été entrepris lors de notre visite sur place et les bâtiments paraissaient sérieusement sinistrés. On a pu constater que toute l'installation électrique avait été démontée par les SI, et pour cause : elle était non conforme à la loi que les SI eux-mêmes sont censés faire respecter.
Voilà les raisons pour lesquelles notre groupe ne votera pas ce projet de loi.
M. Christian Grobet (AdG). La manière dont M. Nissim a évoqué cette question est parfaitement démagogique et relève d'une mauvaise foi totale. (Exclamations.)
D'abord, Monsieur Nissim, votre groupe a voté ces deux acquisitions. Ensuite, vous relirez attentivement ce que vous avez dit ce soir. Je ne doute pas que corrigiez votre texte avant de le rendre au Mémorial.
Effectivement, comme M. Barro a eu la correction de le reconnaître, ces projets de lois d'acquisition ont été votés à l'unanimité, sauf une opposition, me semble-t-il, de la part du parti du Travail. En tout cas, votre groupe ne s'y est pas opposé !
Tout à l'heure, Monsieur Nissim et vous aussi Monsieur Barro, vous avez parlé de prix du terrain. Or, il ne s'agit pas du prix du terrain, mais du prix du terrain et de celui des bâtiments. Vous ne pouvez pas donner un prix du terrain, comme vous l'avez fait tout à l'heure, sans estimer la valeur des bâtiments qui s'y trouvent. En effet, l'achat d'un terrain nu est une chose et celui d'un terrain construit en est une autre.
Les terrains, comme vous l'avez relevé, Monsieur Barro, et les bâtiments ont été achetés pour un montant global de 40 millions. Tout à l'heure, M. Nissim a parlé d'un montant de 100 millions. Peut-être fait-il allusion au fait que, à un moment donné, les SI auraient voulu vendre la totalité de leur terrain pour 105 millions de francs. Or, il n'y a pas eu de vente à ce prix-là, et les discussions, qui ont eu lieu à l'époque, ont convaincu les SI de ramener leurs prétentions à un montant d'environ 60 à 65 millions. Du reste, j'ignore si, à ce jour, la Ville de Genève a acheté le solde des terrains.
En ce qui concerne l'Etat, les terrains et les bâtiments ont été achetés au prix - rappelé par M. Barro - de 40 millions. Il convient de bien séparer la valeur des bâtiments et celle des terrains. Dans une note remise aux membres de la commission, le volume des bâtiments existants est estimé à environ 74 000 m3, 75 000 m3. Les prix ont quelque peu baissé, soit, mais, Monsieur Barro - vous qui êtes dans le domaine de la construction - vous ne contredirez certainement pas mes chiffres, car vous savez qu'un immeuble affecté à des bureaux revenait au minimum à 600 F le m3, neuf bien entendu.
L'achat ou la construction seule d'un immeuble de bureaux d'un volume de 75 000 m3 à 600 F le m3 aurait coûté 45 millions. A cette somme, il faut ajouter, bien entendu, la valeur du terrain. Ce terrain est situé en troisième zone ordinaire de construction.
M. Nissim parle d'un Grand Conseil votant «la tête dans un sac» et racontant n'importe quoi. Il fait des comparaisons avec les terrains de M. Gaon. Je vous rappelle, Monsieur Nissim, que les terrains achetés par M. Gaon se trouvaient en zone industrielle, où la valeur du terrain est faible. D'ailleurs, je vous défie de trouver, aujourd'hui encore, en zone 3 ordinaire, du terrain à moins de 2 000 F le m2 pour la construction de bureaux. Je précise que ce terrain est affecté à des activités et non pas à de l'habitat. Il faut donc prendre en considération la valeur du terrain pour des activités.
Par voie de conséquence, l'opération à 40 millions, effectuée à l'époque, n'était ni spéculative - comme vous avez cru bon de devoir la qualifier, Monsieur Nissim - ni chère, ni bon marché, mais s'est déroulée à un prix correct. Le Conseil d'Etat a présenté un projet de loi au Grand Conseil. Il l'a examiné à la commission des finances qui a eu les explications nécessaires, à savoir que les bâtiments avaient été estimés à environ 25 millions, c'est-à-dire à peu près à la moitié du coût de construction à neuf et le terrain à 15 millions. A mon sens, il s'agissait d'un prix correct qui, de plus, a été admis par le Grand Conseil. Je trouve particulièrement facile, Monsieur Nissim, et déplaisant de parler d'opération spéculative.
Lorsque les bâtiments ont été achetés, j'ai eu l'occasion de les visiter avec des collaborateurs du département des travaux publics. Ils étaient en très bon état. L'idée était de les rénover très simplement sans procéder à des modifications internes, ce qui aurait permis un coût de rénovation relativement modeste, comme celui qui a été retenu pour la rénovation du bâtiment de l'imprimerie de l'ancien «Journal de Genève», transformé en locaux pour l'office des poursuites, ou la rénovation de l'ancien hôtel de police.
Je ne connais pas le dossier, mais M. Joye a probablement un programme exigeant des modifications plus importantes que ce qui avait été estimé à l'origine. Toutefois, si l'on compare la valeur de ces bâtiments, dont les structures sont parfaitement saines, leur prix d'achat, la valeur du terrain que l'on peut acheter aujourd'hui et, surtout, l'avantage de la localisation par rapport aux autres services administratifs de l'Etat et les loyers que l'Etat paie actuellement pour un certain nombre de services administratifs, je pense - comme le Grand Conseil l'a pensé à l'époque - que le prix n'était ni trop avantageux ni trop mauvais, mais simplement correct. En tout cas, Monsieur Nissim, il n'est pas correct de faire un procès sur la décision prise par le Grand Conseil, dont les membres de votre groupe sont partie prenante.
M. Claude Blanc (PDC). Une fois de plus - cela commence à m'effrayer - je suis entièrement d'accord avec le préopinant. (Rires.)
En effet, M. Grobet vient de dire en termes, disons, «diplomatiques» à M. Nissim qu'il commence à nous fatiguer en essayant de tourner le Grand Conseil en bourrique à tout bout de champ. En effet, son attitude est systématique; chaque fois qu'un projet arrive, M. Nissim, au nom des études techniques qu'il a effectuées, se croit investi de la science infuse et balance des chiffres au Grand Conseil, en espérant que les députés les prendront pour de l'argent comptant et qu'il pourra faire prévaloir ses arguties sans aucune autre argumentation que celle de dire que c'est trop cher et que l'on aurait pu payer meilleur marché.
M. Grobet a rappelé l'historique. Au moment où les SI ont décidé de partir à Aïre, il fallait - cela rentrait dans leur plan financier - valoriser les terrains de la Jonction. A ce moment, ils avaient en main des offres de privés, des promotions qui auraient permis une valorisation bien meilleure des terrains que celle réalisée par l'Etat. Mais, l'Etat et la Ville avaient un droit de préemption sur ces terrains.
Or les SI - qui sont une régie publique - ont décidé de discuter avec l'Etat et la Ville. Même s'ils n'y ont pas trouvé la totalité de ce qu'ils espéraient, ils ont trouvé un modus vivendi, et des prix ont été fixés qui étaient ceux de l'époque. Aujourd'hui, le marché immobilier étant ce qu'il est, les prix seraient certainement plus bas. Mais au moment où cette transaction a été effectuée, les prix étaient plus bas que ceux du marché, car nous bénéficiions des prix de marché beaucoup plus intéressants que les SI, et cela entrait dans le plan financier d'Aïre.
Monsieur Nissim, vous prétendez que Versailles-sur-Lignon à Aïre, a coûté 57% de surcoût. Mais vous lancez ainsi un chiffre totalement déraisonnable. Le devis initial d'Aïre se montait, sauf erreur, à 350 millions. On a réussi à diminuer le coût de 80 millions. Alors si c'est cela que vous appelez 57% de surcoût, une fois de plus, vous vous moquez du Grand Conseil ! Vous avancez des chiffres qui ne sont corroborés par aucune preuve et vous espérez nous les faire croire, alors qu'ils n'existent que dans votre esprit. Vous voulez faire passer le Grand Conseil pour un organisme votant «la tête dans un sac», alors que c'est vous qui essayez de nous mettre la tête dans le sable !
Des voix. Bravo !
M. Dominique Hausser (S). Je ne tirerai pas sur l'ambulance qui emmène M. Nissim, mais je ferai juste quelques remarques complémentaires à ce que certains des intervenants précédents ont dit.
Dans le passé, il est possible que des erreurs aient été commises, et, si nous avions été présents, nous aurions peut-être fait autrement, mais voilà, nous n'y étions pas. Les terrains dont nous parlons appartiennent aux collectivités publiques, et il est correct qu'elles les mettent en valeur et, entre autres, elles les utilisent pour leurs propres services.
En tant que groupe socialiste, nous soutenons le principe de la rénovation. Conformément à ce qu'a dit Mme Cuénod, nous sommes surpris du coût élevé de cette rénovation. En effet, il ne subsiste que les murs de ces bâtiments, et on a l'impression que, avant de partir, les SI se sont donné beaucoup de peine pour détruire tout ce qui pouvait l'être, en particulier le système électrique qui doit être totalement refait. En effet, les SI sont responsables des installations électriques à l'intérieur de leurs propres bâtiments. Or elles étaient absolument non conformes à la législation. Pour ces raisons, le groupe socialiste s'abstient de voter ce crédit, car il l'estime beaucoup trop élevé par rapport à ce qui pourrait être fait.
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Pour répondre à MM. Grobet et Blanc, je ne me souviens pas avoir prétendu que nous n'avions pas voté ces deux projets de lois en 1993 ou 1994. Si je l'ai dit, ma langue a fourché. D'ailleurs, je ne me souviens pas des détails de ce vote. Par contre, j'ai dit que le Grand Conseil a voté des projets de lois concernant un prix de terrain beaucoup trop élevé et que nous avons dû adopter ces deux projets de lois «la tête dans un sac».
Monsieur Grobet, l'information concernant le prix global de 100 millions - je parle de l'ensemble du terrain de 43 000 m2 et non pas uniquement de la parcelle sur laquelle nous votons ce soir - sort de la bouche de M. Joye. En effet, il nous l'a donnée durant une séance de commission. Pour ma part, je n'ai fait que reprendre les termes du protocole de la séance de la commission, et M. Joye nous a même donné le détail des parts revenant à l'Etat, à la Ville et à la CEH, soit, respectivement, 40, 36 et 25 millions, totalisant un montant de 100 millions pour l'ensemble de la parcelle, y compris le morceau de parcelle où l'équipe d'Artamis s'est installée.
Il a parlé d'un prix fixé, grosso modo, à 2 500 F le m2 et n'a pas utilisé le mot «spéculatif», son emploi ressort de ma propre initiative. M. Joye nous a dit qu'il s'agissait d'une subvention indirecte du siège des SI au Lignon. Il faisait allusion à Versailles-sur-Lignon. Dans mon langage, une subvention indirecte signifie une spéculation.
MM. Grobet et Blanc sont d'accord pour trouver ce prix correct qui inclut celui des bâtiments, dont vous dites qu'ils étaient sains au niveau des structures. Si les structures sont saines, alors pourquoi faut-il dépenser 20 millions pour tout refaire, non seulement le système électrique mais beaucoup d'autres choses ? En tout cas, beaucoup d'argent se dépense dans cette affaire. La meilleure preuve en est le total qui figure aux points 3 et 4 du rapport de majorité, dans lequel on constate que, si l'on tient compte de tous les frais, des charges supplémentaires y sont inscrites.
Pour M. Blanc, qui m'accuse de ne pas connaître le dossier de Versailles-sur-Lignon, les 57% dont je parlais sont inscrits sur un support papier. Je ne l'ai pas ici, mais je vous le passerai à votre convenance, Monsieur Blanc. Il s'agit donc d'un apport supplémentaire en surface de 57% dans le bâtiment actuel du Lignon, par rapport aux sept bâtiments existants et répartis un peu partout dans la ville de Genève, notamment, à la rue du Stand. Il s'agit de 57% de surface en plus par employé. J'ai avancé également un pourcentage de 57% de surconsommation d'énergie. Je possède un plein tiroir de papiers prouvant cette affirmation, qui m'ont été donnés par M. Ducor à l'époque.
Lorsque je constate que Versailles-sur-Lignon compte une surface additionnelle de 57% par rapport aux employés, ainsi qu'une consommation d'énergie supplémentaire, je prétends que ce bâtiment est luxueux. Je ne le dis pas «la tête dans un sac», mais les yeux ouverts. Mais, si vous voulez continuer à croire que cet Etat est bien géré et que mes prétentions sont des élucubrations, continuez, Monsieur Blanc : votez des crédits comme celui de ce soir ! Mais moi, je sais d'où vient le déficit dans cet Etat.
M. Claude Blanc (PDC). On ne peut pas laisser passer n'importe quoi. Voilà que M. Nissim s'attaque aux surfaces ! Alors, parlons-en des surfaces ! Nous avons visité ensemble les services de l'Etat appelés à déménager et avons vu les conditions défavorables dans lesquelles ces fonctionnaires travaillaient, soit dans un amoncellement de meubles et de papiers. Nous avons été rendus attentifs au fait qu'il devenait impossible de travailler dans ces conditions.
On a beaucoup parlé du statut de la fonction publique et des conditions de travail des fonctionnaires de cette République. Eh bien, lorsque nous avons constaté les conditions dans lesquelles un certain nombre de services devaient travailler, nous avons considéré comme étant de notre devoir de leur offrir des conditions meilleures autant pour les services du département de l'instruction publique que pour ceux du cadastre.
Alors, il ne faut pas tenir un double langage : d'un côté, soutenir les revendications de la fonction publique parce que cela fait joli et, d'un autre côté, lorsqu'il s'agit d'améliorer concrètement les conditions de travail des gens qui passent huit heures par jour dans des locaux inadéquats, appeler cela du «luxe» et parler de «surcoût».
En ce qui concerne le Lignon, vous avez d'abord parlé de surcoût et maintenant vous parlez de supplément de surface, ce qui n'est pas la même chose, Monsieur Nissim. Lorsque vous dites surcoût, cela signifie que l'on paie trop cher une surface donnée. Vous utilisez des mots dont vous connaissez le sens, en espérant que nous ne le connaîtrons pas, donc vous vous moquez de nous !
Une voix. Non !
M. Claude Blanc. Vous utilisez des mots à double sens. Vous parlez de surcoût, alors qu'il s'agit d'une augmentation de surface. A la limite, c'est de la malhonnêteté !
M. Florian Barro (L), rapporteur de majorité. Monsieur Nissim, je vous remercie d'interpréter les chiffres de mon rapport. Mais il ne faut pas perdre de vue que si, aujourd'hui, on peut estimer que le prix d'acquisition est un peu élevé par rapport à ce qu'il était hier, car la conjoncture est à la baisse, il faut considérer que, si la conjoncture actuelle était à la hausse, l'estimation des prix pratiqués hier paraîtrait plus avantageuse.
On nous a présenté ce projet comme étant une économie de fonctionnement pour l'Etat. Les membres de la commission ont relevé que ce n'était pas le cas. Nous avons cautionné l'acquisition d'un achat de terrain qu'il nous faut assumer. Actuellement, la valeur de rendement de ces bâtiments est de zéro. Il convient donc de savoir si l'on veut perdre encore un million ou si l'on veut assumer cette situation en espérant une synergie des services de l'Etat.
On investit donc 1,8 million en espérant que cette synergie ait lieu. Les prix de revient de cette opération sont actuellement, transformations comprises, de 3 700 F le m2 de plancher, rénovation terminée, donc, grosso modo, légèrement inférieurs au prix de revient du m2 de plancher neuf dans cette région et de 317 F le m2 de plancher à la location, prix également inférieur à celui pratiqué dans le secteur.
Au niveau économique, on ne peut pas dire qu'il s'agit d'une opération mirobolante. Toutefois, elle a l'avantage de coûter moins cher que le neuf en étant simplement un peu plus onéreux que l'existant. Nous comptons donc sur l'Etat pour que ses services s'organisent en synergie, afin que cette manière de fonctionner permette de résorber ce surcoût. C'est tout. Monsieur Nissim, n'interprétez pas les chiffres en disant qu'ils recouvrent une spéculation, que cette opération est trop coûteuse et que l'on s'est complètement «plantés». En tout cas, ce n'est pas mon propos.
M. Christian Grobet (AdG). Je reviens sur cette affaire, car on ne peut pas laisser dire certaines choses. Personnellement, je n'apprécie pas du tout les accusations de M. Nissim, comme quoi ceux qui auraient traité ce dossier à l'époque étaient des spéculateurs. J'ai toujours lutté contre la spéculation foncière, Monsieur Nissim, et je n'apprécie pas du tout votre accusation et je continue à dire que, à l'époque, ces terrains et leurs bâtiments n'ont pas été achetés à des prix spéculatifs.
Je remercie M. Blanc d'avoir rappelé que, au moment où l'Etat s'est intéressé à l'achat de ces terrains et de ces bâtiments, des offres de particuliers avaient été lancées pour acheter ce bien-fonds pour plus de 100 millions. Le projet prévu à l'époque était de raser la totalité des bâtiments. A cette époque, le prix d'acquisition de l'ensemble, supérieur à 100 millions, portait le m2 de terrain à un prix situé entre 4 500 F et 5 000 F. Il convient de noter que certaines parcelles s'achetaient à ce prix en ville de Genève pour la construction de bureaux, puisque, en vertu du PUS, seules les surfaces de plancher supplémentaires auraient dû être affectées pour partie au logement, mais que les surfaces acquises pouvaient être reconstruites en bureaux.
Or, la négociation avec les SI a débouché sur une valeur foncière située entre 60 et 65 millions. Monsieur Nissim, j'ai personnellement négocié avec les SI et, sauf erreur, M. Blanc était au conseil d'administration des SI, c'est pourquoi il se souvient, comme moi, de ce montant. Je le remercie de le confirmer.
M. Claude Blanc. Exact !
M. Christian Grobet. Par conséquent, je ne sais pas où vous allez chercher ce montant de 100 millions, Monsieur Nissim.
A l'époque, il était envisagé que l'Etat achète pour 40 millions, tandis que le solde devait être vendu 25 millions, partagé entre la Ville de Genève et une caisse de retraite. A l'époque, la partie de l'Etat, seule, avait été achetée. Mais, si l'opération s'était déroulée dans sa totalité, on aurait précisément, à l'époque, Monsieur Nissim, évité une opération spéculative. En effet, car au lieu que le terrain ne soit vendu à un prix prohibitif, on aurait maintenu deux bâtiments et acheté le solde du terrain au prix envisagé dans une fourchette allant de 800 F à 900 F le m2 de plancher constructible, donc, à un prix supportable pour construire des logements.
Ensuite, si l'Etat avait construit à neuf environ 70 000 m3 ou 75 000 m3 de bureaux à cet endroit, le prix du bâtiment aurait coûté au minimum 50 millions, c'est-à-dire qu'il aurait été supérieur au prix d'achat des terrains et des bâtiments. En effet, lorsque je vous parle de 50 millions, il s'agit du prix de construction de bâtiments équivalents, certes neufs, mais il aurait fallu rajouter le prix du terrain.
Je remercie M. Barro de reconnaître que personne n'aurait été assez malin pour deviner, il y a six ans, les proportions prises par les chutes dans les valeurs immobilières. M. Barro a la correction de reconnaître que l'on parviendra à fournir, malgré un prix de construction sur lequel je ne me prononcerai pas, mais qui me paraît élevé - M. Joye a certainement des explications à ce sujet - un prix au plancher inférieur aux prix du marché. Pour ma part, c'est absolument décisif, car à la longue - et c'est ce qui avait incité le Conseil d'Etat à acheter ces bâtiments - lorsqu'on est en location, les loyers augmentent sans arrêt, alors que si on est propriétaire les charges diminuent.
On m'a cité comme seul exemple l'hôtel de police au boulevard Carl-Vogt dont les loyers qu'on paie depuis les années 60 auraient déjà payé deux fois le coût de construction de ce bâtiment. Finalement, il faut prendre en considération les loyers qui sont payés par l'Etat pour un certain nombre de services qui viendront occuper ce bâtiment, mais surtout les loyers que l'Etat devra payer dans vingt ans si ces services restent où ils sont aujourd'hui. Or il est évident que, même si l'on considère le prix de rénovation élevé, dans vingt ans l'Etat paiera ces locaux beaucoup moins cher que s'il reste locataire, c'est indubitable.
L'estimation grossière de la valeur des bâtiments avait été effectuée à environ 25 millions, ce qui équivaut à un prix de revient de 300 F le m3 bâti, ce qui est parfaitement correct. Le prix du terrain se trouvait en dessous de 2 000 F le m2. Monsieur Nissim, je vous donne rendez-vous dans deux mois, afin que vous m'indiquiez - et Dieu sait si je suis critique sur la question des prix du terrain en ville - où se trouve une surface de 8 000 m2 de terrain, dont le prix du m2 se situe en dessous de 2 000 F et sur laquelle on peut construire 100% de bureaux. Je vous donne deux mois pour trouver cette possibilité foncière. A ce moment-là, on en rediscutera.
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Monsieur Grobet, M. Barro vient de me montrer le procès-verbal auquel je faisais allusion tout à l'heure. Effectivement, M. Joye a répété deux fois ce prix de 100 millions. Je n'ai pas participé à cette négociation, et je ne sais pas combien ces terrains ont réellement été payés. Je ne fais que lire le procès-verbal et transmettre les informations que l'on m'a fournies. Elles sont peut-être fausses. C'est vous qui le dites, Monsieur Grobet ! M. Joye prendra la parole, ensuite, et l'on verra bien si elles sont justes ou fausses.
Pour l'instant, et jusqu'à preuve du contraire, je tiens compte de ce prix de 100 millions et je constate que, 100 millions pour 40 000 m2, cela fait 2 500 F le m2. C'est tout de même un peu cher. Vous en conviendrez, Monsieur Grobet.
Ensuite, Monsieur Blanc, Versailles-sur-Lignon et le bâtiment en question ce soir ont tous deux une surface additionnelle de 55-60% par rapport aux bâtiments actuels. En parlant de surcoût, dans notre époque d'informatisation débridée, nombre de classeurs, bourrés d'informations sur papier, trouveront leur place dans la mémoire informatique, libérant ainsi une place certaine. Par conséquent, on pourrait accepter de travailler dans des bureaux plus petits, sans abus, naturellement, car il est vrai - et vous avez raison de le dire, Monsieur Blanc - que certains offices sont vraiment trop exigus. Ainsi n'y a-t-il pas une contradiction à augmenter la surface moyenne de bureau de 55-60% en sachant que certains dossiers se rangeront de façon plus rationnelle, grâce à l'informatique ? Cette surface peut paraître trop importante, Monsieur Blanc, dans un Etat qui, comme le nôtre, se prétend appauvri, en déficit budgétaire, ruiné, et qui n'a de cesse de nous asséner qu'il lui faut sortir, chaque jour, un million de francs pour payer les intérêts de sa dette. En effet, dans un pareil Etat, Monsieur Blanc, on peut imaginer que certains services renoncent à des augmentations de surface de l'ordre de 55-60% par employé.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je désire préciser que le terrain des SI, dont parle M. Grobet, a été acheté 40 millions. Il s'agit d'un terrain de 16 000 m2 comportant deux bâtiments. Le deuxième objet de 25 millions est situé sur le périmètre des bâtiments dits «Artamis» - qui n'appartiennent pas à la Ville - près de l'hôtel des finances. Ils avaient été négociés par MM. Grobet et Ducor pour la somme de 25 millions.
En comparaison avec le prix du terrain actuel, je trouvais que ce prix était beaucoup trop élevé et que la valeur des bâtiments s'y trouvant était beaucoup moins intéressante que celle des deux gros bâtiments. J'ai négocié et obtenu de M. Ducor que le prix descende de 25 à 15 millions. Le total de 100 millions est atteint si l'on ajoute le prix qu'a payé la Ville pour sa parcelle, soit 35 millions. Il me semble qu'il n'est pas nécessaire de discuter ces faits.
En ce qui concerne les questions de rapport entre la location et les coûts d'occupation de bâtiments dont nous sommes propriétaires, M. Grobet a fort justement rappelé que l'hôtel de police coûte «le lard du chat» en loyer et qu'on aurait déjà pu l'acheter trois ou quatre fois. On trouve dans le «U» du bâtiment du département des travaux publics et des autres départements : l'hôtel de police et l'office de la population, entre autres; situés de l'autre côté, le bâtiment symétrique à celui de l'hôtel de police est la propriété d'une compagnie d'assurances, me semble-t-il, tandis que celui de l'hôtel de police est copropriété de la firme de produits pharmaceutiques Firmenich. Ou réciproquement...
Ces deux compagnies sont désireuses de vendre leurs immeubles. Malheureusement, cela nous coûterait cher. J'essaie de négocier leur rachat sous la forme d'un leasing nous permettant de devenir propriétaires au bout de vingt ou trente ans.
Quand on a décidé de déplacer les bureaux du cadastre dans les bâtiments des SI, cette perspective n'existait pas. Economiser de l'argent du point de vue de la location, afin de devenir propriétaire, était notre devise.
En ce qui concerne les deux bâtiments achetés, le prix du terrain est de l'ordre de 1 000 F. Le coût de ce que l'on appelle la valeur de la ruine, lorsqu'on achète un bâtiment, est de l'ordre de 220 F. Ce montant est élevé si l'on sait que le prix des transformations prévues s'élève à 315 F par m3. Cela fait que, dans un bâtiment qui n'est pas neuf, nous payons 515 F par m3, ce qui reste un prix élevé.
Nous revenons de loin. Mme Brunschwig Graf, M. Haegi et moi-même, lorsque nous avons entendu parler du premier prix de transformation s'élevant à 430 F le m3, avons dit qu'il n'était pas question de l'accepter et qu'il fallait le descendre. Ce prix correspond à celui du m3 d'un bâtiment neuf. Malheureusement, on n'a pas pu le faire régresser, car il s'agit d'un bâtiment ancien comportant des équipements techniques, comme des laboratoires ainsi que de grosses dalles et des installations lourdes, ce qui a valu de faire des rénovations beaucoup plus importantes que celles prévues au début.
Pourquoi les surfaces sont-elles plus importantes ? Pour une raison évidente que je vais vous expliquer. Si l'on veut intégrer des bureaux dans un bâtiment ancien, dont la trame est dite «industrielle», par exemple pour des sociologues qui ont peut-être besoin d'un bureau de 12 m2, il n'est pas possible de prévoir une division de la surface en cellules identiques ayant, par exemple, 12 m2 chacune, car peut-être que chaque cellule en comptera plus ou moins, selon la division possible de la surface.
Une partie des discussions que nous avons eues avec les usagers tenait au fait qu'ils ne voulaient pas accepter que la statique des bâtiments commande un certain respect des volumétries et qu'il faut, en quelque sorte, s'insérer dans la trame du bâtiment. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que nous avons pu économiser de l'argent.
En ce qui concerne les besoins fonctionnels, ils ont été évalués et réévalués à la baisse. Pour la première fois, nous avons fait signer le descriptif, les soumissions et les prix par les usagers avec l'accord de Mme Brunschwig Graf et de M. Haegi, et j'espère que nous resterons dans ce domaine.
Il est exact que les installations électriques n'étaient pas adaptées, ce qui confirme le proverbe : «Le fils du cordonnier...» et patati et patata... J'ai demandé et obtenu de commencer les travaux de ces deux ouvrages le 5 ou le 6 juillet. A notre demande, la commission des travaux a tout de suite accepté, et je l'en remercie. Lorsque les événements liés à Artamis eurent lieu, je me suis dit que la pire chose serait que ces bâtiments soient occupés à notre insu. La cohabitation n'est pas toujours facile. En effet, on vient de prendre sur le fait un membre éminent d'Artamis - je tiens cette information d'un proche des milieux de la police - en train de «piquer» du courant électrique aux SI. Ce soir, il a été relâché.
Pour conclure cette affaire, nous avons réussi à faire des bureaux adaptés à leurs besoins et situés à un endroit très favorable. Mon seul souci est le suivant et ouvrira la réponse à l'interpellation urgente concernant Artamis : j'espère que vous achèterez la troisième partie du terrain pour 15 millions, malgré les difficultés que nous rencontrons avec nos concitoyens d'Artamis. Je vous encourage à voter le crédit.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Article 1
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Je présente un amendement consistant à réduire le coût de 280 000 F.
La présidente. Nous nous prononçons sur cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que les articles 3 à 5.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7476)
LOI
ouvrant un crédit pour les travaux de transformation et d'aménagement,ainsi que pour l'équipement des anciens bâtiments des Services industrielsde Genève, au quai du Rhône 12
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Investissement
Un crédit de 22 683 000 F (y compris renchérissement et TVA) est ouvert au Conseil d'Etat pour les travaux de transformation et d'aménagement, ainsi que pour l'équipement des anciens bâtiments des Services industriels de Genève, au quai du Rhône 12.
Ce crédit se décompose de la manière suivante :
a)
b)
c)
d)
Transformation et aménagement....
Frais secondaires............................
Ameublement.................................
Fonds de décoration........................
19 408 000 F
657 000 F
2 410 000 F
208 000 F
Art. 2
Budget d'investissement
Ce crédit sera réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès 1997 sous la rubrique 54.03.503.05.
Art. 3
Financement
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt, dans les limites du cadre directeur du plan financier quadriennal adopté le 2 septembre 1992 par le Conseil d'Etat fixant à environ 250 millions de francs le maximum des investissements annuels, dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4
Amortissement
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et qui est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5
Loi sur la gestion administrative et financière
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
Lors de sa séance du 13 septembre 1996, le Grand Conseil a renvoyé à la commission des travaux le projet de loi 7483 ouvrant un crédit global pour les bâtiments scolaires communaux. La commission des travaux a traité de ce projet de loi lors de sa séance du 1er octobre 1996.
Le conseiller d'Etat Philippe Joye, MM. F. Reinhard, directeur des bâtiments, R. Chapel, directeur adjoint des bâtiments, R. Schaffert, directeur et urbaniste cantonal, M. Schipperijn, directeur des resssources financières, et Mme Y. Kummer, collaboratrice à l'aménagement, assistaient à la séance de la commission.
Pour la construction, la rénovation et l'équipement des bâtiments scolaires communaux, l'aide de l'Etat est accordée aux communes sur la base de la constitution genevoise (art. 162) et de la loi sur l'instruction publique (art. 36 et 41).
Les subventions sont accordées aux communes sur la base de principes définis dans l'exposé des motifs de la loi du 24 juin 1976 (4508) approuvés par le Grand Conseil et en accord avec les communes. (Pour le détail de ce calcul, voir Mémorial 1996, 35/V, pages 5129-5132).
Le versement des subventions cantonales pourra être effectué au prorata de l'avancement des travaux, mais au plus tard dès l'approbation par les services compétents du décompte final de construction. Le payement de ces subventions s'étalera sur 4 ans.
Un commissaire s'est étonné de voir que le taux de subventionnement n'était pas adapté en cas de modification de la capacité financière d'une commune. Le conseiller d'Etat Joye lui a affirmé «que le but du plan directeur est de se mettre d'accord sur les grands objectifs. Le département est tout à fait prêt à entamer la discussion avec les communes» !
Le tableau suivant résume les projets concernés par la présente subvention:
La demande totale des coûts s'élève à 109 millions de francs et la subvention à la charge de l'Etat est de 29 659 000 F, soit un investissement annuel estimé à 7 millions de francs.
Comme on le voit sur le tableau de la page précédente, la plupart des chantiers sont terminés; nous sommes donc en présence d'une loi accordant subvention après la fin des chantiers !
Rénover ou construire des écoles est une telle évidence que la question n'est même pas abordée par la commission des travaux; par contre, plusieurs éléments ont agacé l'ensemble des membres de la commission:
1. Il est inacceptable de demander la subvention aussi tardivement. Même si les services de l'Etat sont consultés avant le début des travaux et donnent une réponse positive sur la possibilité de subventionner les travaux, ces demandes de subvention devront, à l'avenir, être immédiatement présentées au Grand Conseil et non une fois tous les3-4 ans.
2. Dans la mesure où ces demandes de subvention sont faites très régulièrement et que les montants à débloquer sont plus ou moins identiques d'année en année, il devrait être possible de prévoir une ligne budgétaire pour ces projets qui correspondent à la réalité. Contrairement à ce qui est annoncé dans ce projet de loi (7 millions de francs par an), il n'est prévu au budget 1997 qu'une somme de 3 millions de francs (département de l'instruction publique, investissement rubrique 32.00.00.562.10)
En conséquence, la commission des travaux invite le Conseil d'Etat à présenter, avec le train des loi annuelles d'investissements, une loi subventionnant la construction, la rénovation et l'équipement des écoles tels que définis dans la constitution et dans la loi, et dont les montants soient suffisants pour couvrir les dépenses prévues, planifiées et négociées avec les communes.
Enfin, la commission des travaux, à l'unanimité, vous propose de voter ce projet de loi.
Premier débat
M. Pierre Meyll (AdG). Certains députés contestent les travaux effectués dans les communes. Certaines d'entre elles sont concernées par ces critiques, mais pas toutes.
M. Joye a promis qu'il ferait accélérer les rythmes auxquels parviennent les crédits ou subventions dans les communes. En effet, il est souvent un peu tard, lorsque l'argent nous arrive. Les communes à faible capacité financière ont, de ce fait, des problèmes de trésorerie.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Nous tiendrons compte du souhait de la commission des travaux. Comme il existe une certaine régularité dans le rythme des investissements, qui s'élèvent à environ 7 millions par an, la commission souhaite que soit présentée, lors du prochain budget, une loi de subventions annuelles comprenant le train des lois d'investissement.
C'est ce que nous ferons, et cela permettra d'optimiser le processus de subventionnement, de calculer les subventions, de maîtriser l'enveloppe générale des investissements de l'Etat et, à titre accessoire, de mieux payer les communes.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
ouvrant un crédit global au titre de subvention cantonalepour participer à la construction, à la transformation, à la rénovationainsi qu'à l'équipement de bâtiments scolaires communaux
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 162 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847;
vu les articles 36 et 41 de la loi sur l'instruction publique;
vu l'exposé des motifs de la loi du 24 juin 1976 (4508) définissant, en accord avec l'Association des communes genevoises, les principes généraux de subventionnement,
Décrète ce qui suit:
Article 1
Crédit d'investisse-ment
Un crédit global de 29 659 000 F est ouvert au Conseil d'Etat, au titre de subvention cantonale pour participer à la construction, à la transformation, à la rénovation et à l'équipement de bâtiments scolaires communaux.
Art. 2
Budget d'investisse-ment
Ce crédit est réparti en tranches annuelles inscritesau budget d'investissement dès l'année 1997, sous la rubri-que 32.00.00.562.10.
Art. 3
Financement
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt dans les limites du cadre directeur du plan financier quadriennal adopté le 2 septembre 1992 par le Conseil d'Etat fixant à environ 250 millions de francs le maximum des investissements annuels, dont les charges en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4
Amortissement
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et qui est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5
Loi sur la gestion administrativeet financièrede l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
La commission de l'aménagement a examiné le projet de loi 7484, sous la direction de Mme Sylvie Châtelain, vice-présidente.
Cette proposition a été adoptée à l'unanimité des membres présents et sans qu'il soit recouru à des auditions.
I. Contexte du projet
Le périmètre visé par le projet de loi concerne une superficie de quelque 17 240 m2, dont la Ville de Genève est propriétaire à raison de 16 280 m2.
Le solde des terrains, 961 m2, formant une seule parcelle, est propriété d'un ancien conseiller municipal, qui a siégé de longues années à la Ville.
Il y a dix ans, la Ville de Genève avait confié ses terrains à sa fondation HLM en vue de la réalisation d'un projet de logement social. Ensuite, le Conseil administratif les lui avait retirés, et l'affectation des terrains était demeurée en l'état.
Dans le premier projet d'école à Vermont, le site de Chandieu figurait déjà au nombre des alternatives, du fait que la Ville avait la maîtrise des sols.
Toutefois, la planification du Conseil administratif ne prévoyait pas la construction d'une école sur ce site avant les années 2005.
A l'issue de l'examen du deuxième projet scolaire à Vermont - qui allait également être rejeté par le peuple - la commission sociale et des écoles, suivie par le Conseil municipal, a invité le Conseil administratif à revoir sa position et à reconsidérer le potentiel offert par Chandieu.
Les prévisions scolaires de l'ensemble du secteur 7 à partir de 1995, le recours à plusieurs écoles provisoires et les incontournables pesanteurs procédurales engageaient à initier ce classements sans plus attendre.
Si l'on songe que, pour le futur groupe scolaire des Genêts, le plan localisé de quartier a été adopté en 1989, que le lauréat du concours d'architecture a été couronné en mars 1993 et que l'école n'ouvrira ses portes qu'à la rentrée 1998/99 si la planification est respectée, il est urgent de voter le projet de loi 7484 pour offrir une chance au quartier de voir réaliser le groupe Chandieu pour l'an 2005 ou au-delà
II. Composition du projet d'arrêté
1. Reclassement du périmètre
Le plan soumis au Grand Conseil réunit à des zones 3 et développe-ment 3 un ensemble aujourd'hui hétérogène en vue d'une réservation à but essentiellement scolaire.
L'existence d'espaces verts à l'intérieur tendrait, en outre, à promouvoir la vision d'une pénétrante de verdure accessible au public, organiquement liée à Beaulieu et Trembley.
La rectification des limites donne à l'ensemble une configuration plus harmonieuse.
2. Clause d'utilité publique
Justifiée par le caractère d'apport indispensable de la parcelle no 326, la clause tend à préserver les intérêts de la Ville de circonstances imprévisibles qui pourraient entraver la réalisation d'un groupe scolaire.
Le propriétaire privé concerné l'a bien compris qui s'est limité à adresser des observations valant réserve de ses droits.
Interlocuteur privilégié pour la Ville, vu ses qualités, ce particulier sera dédommagé suivant l'accord qui couronnera les négociations en cours.
III. Discussion et vote
Le projet d'arrêté ne fait l'objet d'aucune discussion. Il est adopté à l'unanimité de la commission, sans modification.
La commission de l'aménagement vous engage, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter l'arrêté figurant au projet de loi 7484.
Annexe: Planification scolaire, documentation Ville de Genève, septembre 1996 (extrait).
page 6
Premier débat
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je tiens à remercier Mme Gobet de son rapport et dire que ce projet est le résultat d'une très bonne collaboration entre les services de la Ville et du département.
M. Olivier Vaucher (L). Je constate, une fois de plus, que ce projet de loi n'est pas accompagné d'un plan explicite, mais d'un tout petit croquis illisible. Je demande aux auteurs et/ou rapporteurs de projets de lois comportant des déclassements ou des aménagements du territoire que des plans clairs et lisibles soient annexés.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7484)
LOI
modifiant les limites de zones sur le territoire de la Ville de Genève,section Petit-Saconnex (création d'une zone de développement 3affectée à de l'équipement public)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit :
Article 1
1 Le plan no 28813-215, dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 11 décembre 1995, modifiant les limites de zones sur le territoire de la Ville de Genève, section Petit-Saconnex (création d'une zone de développement 3 affectée à de l'équipement public à la rue Chandieu), est approuvé.
2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
1 La réalisation d'équipements publics tels que groupe scolaire, locaux annexes et espaces verts à l'intérieur du périmètre figuré au plan n° 28813-215 visé à l'article 1, est déclarée d'utilité publique au sens de l'article 3, lettre a, de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.
2 En conséquence, l'acquisition des immeubles et droits nécessaires à cette réalisation peut être poursuivie par voie d'expropriation.
Art. 3
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité II aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le plan visé à l'article 1.
Art. 4
Un exemplaire du plan no 28813-215 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
10. Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier les objets suivants :
La commission des travaux du canton sous les présidences de MM. Hervé Burdet et Henri Duvillard a étudié ce projet de loi au cours des séances des 5 et 12 novembre 1996.
Assistaient également aux travaux: MM. P. Joye, chef du département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), F. Reinhard, directeur des bâtiments, M. Andrié, chef de division études et construction, D. Meyer, chef du service des constructions universitaires et hospitalières et J.-M. Tschopp, du service énergétique de la division des bâtiments.
Le présent projet de loi fait suite à la loi 7186 du 28 avril 1995 portant sur le crédit principal de construction de la 2e étape d'Uni-Mail.
Vous trouverez dans l'exposé des motifs (Mémorial 1996, séance de septembre, pages 5147 à 5173) le détail du programme des travaux ainsi que celui d'occupation des locaux. Pour l'essentiel, il s'agit d'aménager en lieu et place de parkings, deux salles de musique, une comme salle de répétition pour l'Orchestre de la Suisse romande (OSR) et une pour la discothèque «Jackfil».
Lors de travaux en commission, les architectes mandatés et les représentants du département ont fait état de la situation des travaux et de l'avancement des études. Il ressort notamment que le parking actuel d'Uni-Mail par le simple relèvement de la taxe de stationnement (au niveau des autres parkings) a réduit son taux d'occupation à environ 30%, rendant selon l'avis du DTPE la construction de la 2e étape du parking inutile, ce d'autant plus que la Fondation Cité-Nouvelle II dispose de places vacantes à proximité. D'autre part, un effort tout particulier a été entrepris pour la résolution des problèmes phoniques tant entre les salles par la création d'un foyer commun, que vis-à-vis de l'extérieur par le choix de l'emplacement des sorties (sur le parvis donnant sur le boulevard du Pont-d'Arve). Enfin, la résolution des sorties de secours et de la sécurité en cas de sinistre a reçu l'aval des services concernés. Le coût au m3 (CFC 2) donné en commission est de 444 F; il ne tient pas compte de son environnement en cours de construction, ni des travaux préparatoires. Ce montant, ne peut pas, faute d'éléments comparatifs, être apprécié dans une échelle de valeur, par contre les dispositions prises en matières d'isolation et d'absorption phoniques contribuent de manière notoire à la constitution de ce coût, tout comme les centrales des ventilation.
Il est à relever à nouveau que la fondation Wilsdorf participe à raison de 1 250 000 F à la construction des salles de répétitions de l'OSR, abaissant le crédit à 6 001 000 F et prend encore à sa charge 750 000 F de frais d'aménagement (mobilier).
La suppression du bâtiment «Jackfil» actuel permettra de créer un parc d'environ 1,2 hectare bénéficiant d'un large dégagement sur l'Arve amplifiant sa perception spatiale. Ce parc, qui a fait l'objet d'un concours organisé par la Ville de Genève, a également été évoqué et ardemment souhaité par une association de quartier lors de l'examen du crédit de construction d'Uni-Mail, 2e étape.
Audition des représentants de l'OSR, MM. Arditi et J. Cordet
Lors de leur audition, MM. Arditi et Cordet ont souligné l'importance de l'existence de ces salles de répétitions, en évoquant le nécessité de disposer d'un lieu unique de répétition, de pouvoir stocker en parfaite sécurité les instruments et de renforcer la cohésion de l'orchestre. L'OSR ne dispose pas à ce jour de local propre pour ses répétitions et les mutations opérées dans les relations avec la radio suisse romande (SSR) a contraint l'OSR à rechercher une solution à leur errance. L'oreille attentive du Conseil d'Etat et la contribution généreuse de la fondation Wilsdorf permet de résoudre une partie du problème. L'autre partie du problème réside dans l'équilibre délicat des finances de l'OSR. Le désengagement partiel de la SSR a amené le conseil de l'OSR à rechercher d'autres sources de financement et en particulier le sponsoring en sus de recherches d'économies. Les démarches sont encourageantes pour 1997 et dans cet esprit, le conseil de l'OSR souhaiterait également, au niveau du loyer perçu par l'Etat pour cette salle de réunion, que celui-ci soit réduit à un montant symbolique inférieur à celui prévu (60 000 F) dans les plans financiers établis selon la LGF (D 1 9).
Audition de Mme Gay-Balmaz
Mme Gay-Balmaz vient rapporter en commission avec l'appui des 130 signataires de la pétition, les doléances des voisins épuisés par les nuisances de «Jackfil» et les travaux d'Uni-Mail. Parfaitement consciente des problèmes rencontrés par les voisins d'Uni-Mail à l'occasion de la construction, la commission ne peut que prendre acte de ces doléances, les procédures d'autorisation de construire d'Uni-Mail ayant été scrupuleusement respectées. Par contre, au sujet de la localisation de «Jackfil», les craintes des pétitionnaires sont semble-t-il infondées, les représentants du DTPE assurent que le nouvel emplacement occasionnera moins de nuisances que celui en vigueur actuellement.
D'autre part, Mme Gay-Balmaz a fait état de correspondance échangée et d'entretien avec les représentants du DTPE; ces derniers ont répondu aux questions soulevées par les pétitionnaires et ont proposé d'organiser une séance d'information à l'intention des voisins et personnes intéressées.
Il faut également relever dans la correspondance de Mme Gay-Balmaz que les pétitionnaires ne s'opposent pas aux salles de répétitions de l'OSR.
Discussion de la commission
Les députés de la commission ont été sensibles à l'argumentaire développé par MM. Arditi et Cordet, en particulier concernant la recherche de l'équilibre des finances par la compression des charges, ce faisant le loyer de cette salle. Il s'agirait toutefois de ne pas créer entre les deux locataires une inégalité de traitement, qui semblerait-il n'aurait pas lieu dans la mesure où les fonctions des salles sont différentes, «Jackfil» ayant clairement, en sus du besoin démontré, une vocation lucrative. Pour raison de compétences, il appartiendra au Conseil d'Etat de fixer des 1999 les loyers pour ces locataires.
Forte de l'ensemble des explications techniques et programmatiques reçues, la commission est entrée en matière à l'unanimité sur le projet de loi et a apporté les modifications suivantes:
- maintien du titre de la loi en l'état: 8 oui (3 L, 2 DC, 1 Ve, 2 R), 3 non (Adg), 4 abstentions (2L, 2 S), (proposition de suppression du mot «Jackfil» refusée);
- suppression du mot «Jackfil» dans l'article 1: 9 oui, 6 abstentions;
- création à l'article 1 d'un alinéa 3: «le coût de la construction est de 7 019 000 F et l'évaluation du renchérissement est de 232 000 F»: 10 oui, 5 abstentions (2 L, 3 Adg).
Vote final du projet de loi modifié: 12 oui (L, R, DC, S, Ve) et 3 abstentions (Adg).
Vote sur la pétition proposant le dépôt sur le bureau du Grand Conseil: 11 oui (L, R, DC, S, Ve) et 3 abstentions (Adg).
La commission recommande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de voter ce projet de loi, de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
Annexe 1: PL 7488.
Avec les modifications suivantes:
- suppression du mot «Jackfil» dans l'article 1, alinéa 1;
- création à l'article 1 d'un alinéa 3: «le coût de la construction est de 7 019 000 F et l'évaluation du renchérissement est de 232 000 F».
Annexe 2: pétition 1128.
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
Dépôt: 25 septembre 1996
P 1128
PÉTITION
contre la discothèque «Jackfil» à Uni Mail
Texte: voir correspondance au dossier
N.B. : 130 signatures
Pétition identiquedéposée au Conseil d'Etat
Mme Mme J. Gay-Balmaz
44, boulevard du Pont-d'Arve1205 Genève
Premier débat
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Titre et préambule
M. Pierre Meyll (AdG). Nous ne sommes pas opposés à la construction d'une salle pour les jeunes, mais je désire que le nom de «Jackfil» disparaisse de ce projet de loi.
Il s'agit d'une société et, personnellement, je ne trouve pas normal que cette salle porte le nom du locataire actuel. Autant nous sommes acquis à l'idée que la salle soit disponible pour l'OSR, autant je ne peux accepter que figure dans le titre du projet le nom de «Jackfil». C'est pourquoi je propose un amendement qui consiste à supprimer ce nom.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Il s'agit d'identifier deux problèmes. L'un était de trouver une salle de répétition pour l'Orchestre de la suisse romande et l'autre d'honorer une promesse que nous avions faite aux opposants à la discothèque «Jackfil», soit que si l'on ne replaçait pas cette discothèque à un autre endroit ils empêcheraient la construction d'Uni-Mail. Nous avons pris cet engagement. Mais, Monsieur Meyll, lorsque la première pierre sera posée, si vous désirez que la salle de répétitions reste pour l'OSR et que la salle «Jackfil» devienne la salle pour les jeunes «Meyll» cela ne me gêne pas. (Rires.)
M. Pierre Meyll (AdG). Je n'envisage pas la question sous cet aspect, et je maintiens mon amendement. Il faut supprimer «Jackfil» dans le titre. Salle pour les jeunes d'accord, mais «Jackfil» je n'en veux pas.
M. Claude Blanc (PDC). Je désire rappeler à M. Meyll et aux autres membres de la commission des travaux que le nom «Jackfil» figure toujours dans le titre, mais nous l'avons retiré de l'article 1. En effet, la commission - comme vous vous en souvenez - a longtemps discuté de ce problème et a trouvé normal qu'une référence explicite à «Jackfil» demeure dans ce projet de loi. (Brouhaha.)
Monsieur le député, lorsqu'une commission vote, même à la majorité, on est en droit de dire que ce qu'elle a voté reflète sa position. Nous sommes en démocratie parlementaire et, par conséquent, la majorité représente l'organisme. C'est donc pour cette raison que nous avons tenu à ce que la référence à «Jackfil» reste dans le titre. En plus, des promesses avaient été faites à l'époque.
Dans le premier projet, la discothèque «Jackfil» restait vers l'arsenal. Ce n'était pas du goût de tout le monde, mais «Jackfil» existant, nous avons pris l'engagement vis-à-vis du propriétaire de lui procurer de nouveaux locaux aux mêmes conditions. Le compromis de la commission est tout à fait acceptable, soit que la référence à «Jackfil» reste dans le titre. Toutefois, je le répète, elle a été enlevée dans l'article 1.
M. Florian Barro (L), rapporteur. Je ne soutiens pas l'amendement de M. Meyll, car cette loi est élaborée en vue d'une construction. Une fois cette dernière terminée, une loi de bouclement sera établie, qui deviendra caduque, tandis qu'un contrat de bail sera passé entre l'Etat de Genève et la société «Jackfil». Tant que cette société existera et qu'elle réglera son loyer, elle bénéficiera de l'utilisation de cette salle.
Dès le moment où elle disparaît ou change de raison sociale, un nouveau contrat de bail sera établi. Il convient d'exposer clairement que cette construction se fera d'un côté pour «Jackfil» et de l'autre pour l'OSR. A mon sens, il serait dommageable de supprimer le terme de «Jackfil» à un endroit de cet article de loi, puisque nous savons exactement ce que nous avons décidé de faire, pour «Jackfil» et pour l'OSR.
M. Christian Grobet (AdG). Un problème se pose qui peut paraître anodin pour certains. En effet, M. Blanc a relevé que l'article 1 avait été modifié et la référence à la société «Jackfil» supprimée. A ce moment, la cohérence impose que le titre de la loi soit adapté, car il ne correspond plus à l'article premier.
Ensuite, je ne vois pas comment, Monsieur Joye, la société «Jackfil» aurait pu empêcher la construction de la deuxième étape d'Uni-Mail. Cette explication me paraît un peu légère. Enfin, il ne s'agit pas de remettre en cause une promesse faite à une société, mais le simple fait de mettre le nom de cette société dans le titre de la loi pourrait avoir comme conséquence qu'elle considère avoir un droit sur cette salle.
La mise à disposition de cette salle devra, comme il a été dit tout à l'heure, se faire par un contrat de bail. Le fait de mettre ce nom dans le titre de la loi entraîne une ambiguïté qui pourrait être interprétée comme accordant des droits légaux à cette société, dont on ne connaît ni la durée de vie ni si elle sera solvable. Il faut donc laisser à la compétence du Conseil d'Etat - comme la loi le prévoit - le soin de négocier et de conclure un contrat de bail avec l'usager, et ne pas, par avance, lui accorder des droits éventuels au travers d'une loi votée par ce Grand Conseil.
La présidente. Je mets aux voix la proposition d'amendement de M. Meyll consistant à modifier le titre en supprimant le terme «Jackfil».
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Cet amendement est rejeté par 34 non contre 27 oui.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 à 7.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7488)
LOI
ouvrant un crédit complémentaire pour la construction etl'aménagement de diverses salles au 2e sous-sol du bâtiment Uni-Mail(salles de répétitions pour l'Orchestre de la Suisse romandeet salle pour les jeunes «Jackfil»)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
Crédit complémentaire d'investissement
1 Un crédit complémentaire (à la loi 7186 du28 avril 1995) de 7 251 000 F, y compris renchérissement et TVA, est ouvert au Conseil d'Etat pour la construction et l'aménagement, au 2e sous-sol du bâtiment Uni-Mail (2e étape), de salles de répétitions pour l'OSR, d'une salle pour les jeunes et de salles de répétitions indépendantes.
2 Il se décompose de la manière suivante :
-0Démolition ....................................................
257 000 F
-0Construction .................................................
6 994 000 F
-0Total .............................................................
7 251 000 F
3 Le coût de la construction est de 7 019 000 F et l'évaluation du renchérissement est du 232 000 F
Art. 2
Participation financière
Le Conseil d'Etat est autorisé à attribuer au financement du présent crédit complémentaire le don de la Fondation Wilsdorf pour la construction de salles de répétitions pour l'OSR, pour un montant de 1 250 000 F.
Art. 3
Réduction du
crédit d'investis-
sement initial
1 Le montant initial de 101 849 000 F prévu par laloi 7186 du 28 avril 1995, ouvrant un crédit au Conseil d'Etat pour la mise à disposition et l'aménagement du terrain, la construction et l'équipement du bâtiment Uni-Mail (2e étape), à Plainpalais, est réduit de 2 800 000 F pour atteindre un nouveau montant de 99 049 000 F.
2 Les économies et la moins-value réalisées se décomposent ainsi:
-0Economies conjoncturelles réalisées jusqu'à-0fin avril 1996 sur les adjudications effec--0tuées dans le cadre du crédit de construction -0de la loi 7186 ..................................................
2 350 000 F
-0Moins-value sur le crédit de construction de-0la loi 7186 consécutive à la suppression du-0garage, sur travaux non réalisés (électricité,-0sanitaire, serrurerie, signalisation) .................
450 000 F
-0Total des réductions .......................................
2 800 000 F
Art. 4
Budget d'investissement
Ce crédit est réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès 1997, sous la rubrique 35.50.00.503.27.
Art. 5
Financement
Après déduction de la participation financière de 1 250 000 F de la Fondation Wilsdorf, le financement de ce crédit complémentaire est assuré par le recours à l'emprunt pouvant atteindre 6 001 000 F, dans les limites du cadre directeur du plan financier quadriennal adopté le 2 sep-tembre 1992 par le Conseil d'Etat, fixant à environ 250 000 000 F le maximum des investissements annuels, dont les charges en intérêts et amortissement sont à couvrir par l'impôt.
Art. 6
Amortissement
L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur sa valeur résiduelle et qui est porté au compte de fonctionnement.
Art. 7
Loi sur la gestion administrative
et financière
de l'Etat
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat, du 7 octobre 1993.
P 1128-A
Mises aux voix, les conclusions de la commission des travaux (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
11. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier les objets suivants :
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Sous la présidence de M. Florian Barro, la commission d'aménagement a examiné lors de ses séances des 9 et 16 octobre 1996 le projet de loi 7491 cité en titre. Assistaient aux séances le 9 octobre M. Philippe Joye, conseiller d'Etat chargé du département des travaux publics et de l'énergie, les 9 et 16 octobre, MM. Georges Gainon, chef de la division de l'information du territoire et des procédures, et Jean-Charles Pauli, juriste.
Audition de la Société d'Art Public
Le 9 octobre, la commission a procédé à l'audition des représentants de la Société d'Art Public (ci-après: SAP).
Il ressort de cette audition un certain nombre d'objections formulées par la SAP. Celles-ci portent davantage sur la préservation du site et la conservation des bâtiments existants que sur le déclassement proprement dit de la zone. Ainsi les critiques touchent-elles au plan localisé de quartier, soit à l'implantation des nouveaux bâtiments, à leur gabarit, à l'aménagement de leurs abords ainsi qu'à la transformation de la maison de maître. La SAP a, du reste, déposé une demande de classement de cette dernière. La requête est en cours d'examen.
Ladite société déplore par ailleurs que les projets situés dans le périmètre proposé au déclassement de zone, qui fait l'objet du présent projet de loi, ne s'inscrivent pas dans une image directrice de l'ensemble du secteur compris entre la route de Ferney, l'avenue Appia et l'avenue de la Paix. Il ressort de l'audition que les questions soulevées par la SAP sont de la compétence du Conseil d'Etat. Elles ne mettent pas en cause - du moins quant au principe - le déclassement en question qui, lui, est du seul ressort de notre Grand Conseil. Il appartient toutefois à ce dernier d'inviter le Conseil d'Etat à étudier l'image directrice qui vient d'être évoquée, de manière à inscrire les projets dans un ensemble cohérent. Cette injonction fait l'objet de la proposition de motion qui accompagne le présent rapport et que la commission soumet à votre examen.
Débat de la commission
Un certain nombre de commissaires, au cours du débat, déplorent que les pourparlers entre le Conseil d'Etat - ou le département - d'une part et la SAP d'autre part n'aient pas abouti avant que le Grand Conseil ait à se prononcer sur le déclassement de zone.
La majorité de la commission estime, quant à elle, que le résultat de ces tractations, quel qu'il soit, ne peut mettre en cause ledit déclassement. Elle relève par ailleurs l'urgence de certains projets dont celui de la mission de Hong Kong et retient que l'implantation, dans le périmètre en cause, de cette dernière ainsi que des représentations de la Corée du Sud et du Canada s'inscrit dans la politique d'accueil de notre canton. L'intérêt général implique par conséquent et facilite ladite implantation en dépit des réticences très spécifiques - pour ne pas dire spécieuses - que d'aucuns ont exprimées.
Des commissaires ont par ailleurs demandé que l'Etat de Genève soit mis au bénéfice d'un droit de préemption sur les parcelles cédées à des Etats étrangers.
Hormis les complications de procédure qu'une telle requête impliquerait dès lors que celle-ci devrait préalablement être adressée à la Mission suisse à Berne avant de faire l'objet de transactions entre la Confédération et les Etats concernés, ce genre d'exigence - ou de condition - porterait atteinte à l'image de marque de Genève au moment où ses concurrentes se pressent, s'empressent et offrent maintes facilités aux missions et autres organismes en quête d'implantations dans des sites internationaux. Principalement pour ce motif, la majorité de la commission n'a pas retenu cette proposition.
Conclusion
A l'issue de ses travaux, la majorité de la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de voter tel quel le présent projet de loi après en avoir toutefois modifié le titre comme suit (amendement en italique):
Projet de loi modifiant les limites de zones sur le territoire de la Ville de Genève, section Petit-Saconnex (création d'une zone de développement 3 destinée à des organisations de type international).
L'article 1 comporte le même amendement entre parenthèses.
Le projet ainsi amendé a été voté dans son ensemble par 8 voix pour (L, R, PDC), 4 avis contraires (AdG, Ve) et 2 absentions (S).
La majorité de la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre sa recommandation et à adopter le projet de loi tel qu'amendé.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Le 24 mai 1996, le Grand Conseil adoptait le projet de loi 7406, modifiant le régime des zones de construction de la commune de Pregny-Chambésy. Ce projet visait, comme celui qui nous est soumis aujourd'hui, à favoriser des projets d'implantation d'activités internationales.
Notre Grand Conseil est saisi de projets de construction concernant une petite partie d'un très vaste projet, mis à l'enquête publique en 1992.
Ce travail au «coup par coup» est insatisfaisant, car il ne permet jamais d'avoir une vision d'ensemble. Cette raison a semblé suffisante à la minorité de la commission pour refuser le projet 7491, demander une fois de plus les raisons de cette manière de faire (question restée sans réponse à ce jour) et ce qu'il en était du reste du projet.
Le projet de la Pastorale
Le domaine de la Pastorale comprend une maison de maître avec des dépendances alignées en limite de propriété et un parc arborisé procurant à l'ensemble un cadre naturel mettant d'autant plus en valeur le caractère exceptionnel de cette propriété. Ce domaine est incontestablement à préserver, il mérite une description plus détaillée fournie par une spécialiste:
«Le domaine de la Pastorale (106, route de Ferney) est l'un des plus remarquables domaine de la périphérie urbaine. Fleuron de l'architecture et de l'art de vivre romantiques genevois, la propriété fut construite par Eugène de Budé (1800-1875).
Ces bâtiments consistent en trois dépendances, - dont une ravissante écurie pour trois chevaux à colonnes de chêne conservée intacte -, alignées en limite de propriété à l'arrière de la maison de maître. Grâce aux soins constants apportés à cette demeure par ses propriétaires, elle a conservé l'essentiel de sa typologie.
La parcelle de plus de 4 hectares au milieu du siècle dernier a déjà subi plusieurs imputations. Elle se trouve rétrécie de moitié à ce jour, de sorte que la maison n'a plus aujourd'hui que l'assiette nécessaire à sa respiration et à ses vues. Des arbres séculaires jalonnent la propriété.»
Le caractère exceptionnel de ce domaine impose des mesures de protection rigoureuse. Afin de garantir les qualités du domaine, il faut impérativement maintenir les abords de la maison de maître et des dépendances. Une étude menée au sein du service des monuments et des sites avait d'ailleurs analysé soigneusement les caractéristiques de cette route de Ferney, auxquelles contribuent les murs qui bordent la propriété de la Pastorale.
Il est prévu d'édifier trois bâtiments sur cette parcelle, les représentations de Hong Kong, de la Corée du Sud et du Canada.
La Société d'Art Public (SAP) a fait opposition au plan localisé de quartier (annexe 1). Cette opposition porte, certes, sur un aspect différent de celui dont nous avons à traiter par le biais du projet de loi 7491, qui, lui, concerne uniquement la modification des limites de zone, mais pour avoir une vision plus complète du dossier, l'audition de ses représentants pouvait apporter des éclaircissements intéressants.
Audition de la SAP
En résumé, la SAP a demandé le classement de la parcelle l'année dernière déjà, cette demande est toujours pendante. Elle n'est pas opposée à toute densification de la parcelle, mais déplore que l'Etat ait permis un «mitage» du domaine, excluant toute vision d'ensemble.
Un échange de vues, un peu vif parfois, entre les représentants de la SAP et le département, en présence de M. Philippe Joye, président du département des travaux publics et de l'énergie, a laissé entrevoir le peu de concertations dans ce dossier. Les représentants de la SAP estiment avoir été fort mal informés des intentions du département. Le conseiller d'Etat Philippe Joye, de son côté, a remis aux commissaires copie du procès-verbal de son entrevue avec une délégation du comité de la SAP, du 13 février 1996, dans laquelle on peut lire: «Quant au président Philippe Joye, il déclare tirer une leçon de ce dossier, celle de la nécessité de procéder à des consultations en temps utiles.»
Si la SAP n'a pas formulé d'observations particulières concernant les bâtiments à construire par la Mission de Hong Kong et du Canada, elle a attiré l'attention des commissaires sur le fait que l'implantation du bâtiment prévu pour la Mission de la Corée du Sud ne présentait pas une implantation judicieuse et que le gabarit projeté portait une atteinte inadmissible à l'ancien domaine de la Pastorale. Le bâtiment de six étages sur rez, situé entre la maison de maître et la route de Ferney, viendrait écraser de sa masse la maison et nécessiterait l'abattage des plus beaux arbres de la propriété.
Remarques
La minorité de la commission partage les craintes exprimées par la SAP, tout en étant consciente que le Grand Conseil n'est saisi, via ce projet, que d'une demande de déclassement. La construction projetée pour la Mission de Corée aurait indéniablement des conséquences fâcheuses pour la qualité du site du domaine de la Pastorale.
De même que la minorité, encore une fois en accord avec la SAP, réfute les accusations à son encontre par lesquelles la majorité laisserait entendre que notre opposition dans ce projet est un refus de l'installation de différentes missions diplomatiques. Comme le disent les représentants de la SAP, dans un document remis aux commissaires à l'issue de leur audition :
«Genève a déjà payé un cher tribut à l'implantation des organisations internationales. L'Ariana a été amputé de son parc, prévu inaliénable par les dispositions testamentaires de Gustave Revilliod, au moment de la construction du Palais des Nations. La Villa Blanche, demeure du peintre Etienne Duval, a été privée de dégagement. Dans l'enceinte même de l'ONU, le bocage de Jeanne-Victorine de Sellon, a été agrandi d'une aile de bureaux (1957), puis sa chapelle privée démolie sans autorisation pour créer des places de parking ; la Pelouse a été transformée en bureaux. L'exceptionnel domaine Rigot a vu disparaître l'une de ses deux remarquables dépendances symétriques au moment du percement de l'avenue de France. La Villa Blanc a été purement et simplement détruite.»
Le droit de préemption
Au-delà de l'aspect esthétique et du manque de vision globale d'aménagement de zones, les commissaires de la minorité se sont également étonnés du fait que le projet soumis n'avait pas repris le droit de préemption, qui figurait pourtant dans le précédent projet élaboré par le Conseil d'Etat.
A la demande de réintroduire le droit de préemption dans ce projet, le chef du département s'est d'abord déclaré entièrement d'accord, allant même plus loin que le souhait des députés, puisqu'il a immédiatement proposé de réintroduire intégralement l'article qui figurait dans le projet initial du Conseil d'Etat. Malheureusement, à la séance suivante, note juridique à l'appui, le département revenait sur les propositions de M. Joye, en refusant toute modification, au motif qu'aucune réserve n'aurait été émise lors des discussions qui ont eu lieu entre l'Etat de Genève et les Etats étrangers concernés (!).
Suite à cette volte-face, la minorité de la commission, et en particulier Mme Gobet Winiger - qui avait pris, de son côté, des renseignements suffisants pour recommander la réintroduction du droit de préemption - présenta un amendement visant à réintroduire un article sur le droit de préemption. Cet amendement ayant été refusé, le groupe socialiste a également refusé de donner son aval à ce projet.
Conclusion
Dès lors que les députés n'ont pu obtenir aucune indication quant au reste du projet, et peu rassurée par le peu de cohérence du département des travaux publics et de l'énergie dans ce dossier, la minorité de la commission de l'aménagement du canton exprime son désaccord en refusant le déclassement proposé par 4 votes négatifs (Ve, AdG) et deux abstentions (S).
Cette vision semble toutefois être partagée par d'autres députés, puisque le président, qui ne fait malheureusement pas partie de la minorité, a lui-même estimé «que le message que nous devrions transmettre au Conseil d'Etat serait d'accepter le déclassement et relever qu'une telle procédure ne devrait plus se reproduire à l'avenir».
Annexe: Opposition de la SAP au plan localisé de quartier.
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(M 1107)
PROposition de motion
pour l'aménagement du secteur compris entre la route de Ferney, l'avenue Appia et l'avenue de la Paix
LE GRAND CONSEIL
considérant:
- le projet de loi 7491 modifiant les limites de zones sur le territoire de la Ville de Genève, section Petit-Saconnex (création d'une zone de développement 3 destinée à des organisations de type international);
- les considérations évoquées notamment lors de son audition devant la commission d'aménagement du Grand Conseil le 9 octobre 1996 par la société d'Art Public à propos de l'aménagement du secteur cité en titre;
- la qualité et la situation privilégiée du secteur en cause;
- les besoins d'implantation - prioritaires pour l'avenir de Genève - des organisations internationales et des diverses représentations d'Etats auprès de l'ONU;
- l'absence d'un plan ou pour le moins d'une image directrice d'aménagement du secteur concerné,
invite le Conseil d'Etat:
à entreprendre immédiatement, d'entente avec les communes concernées, les études d'aménagement visant à doter le secteur cité en titre d'un plan directeur, cas échéant du ou des plans localisés de quartier - voire d'un plan de site - valorisant le lieu et ses abords.
EXPOSÉ DES MOTIFS
contenu dans les rapports de majorité et de minorité de la commission d'aménagement du canton concernant le projet de loi 7491.
Premier débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de minorité. J'aimerais préciser ce que mon collègue, rapporteur de majorité, appelle des «réticences spécieuses», en les résumant de la manière suivante, point par point :
Nous avons établi un rapport de minorité, car cette affaire de La Pastorale représente la goutte d'eau qui fait déborder le vase. L'aménagement au coup par coup choisi par le département des travaux publics nous semble largement insatisfaisant.
Dans mon rapport de minorité, j'ai donné la parole à une historienne de l'art pour décrire la qualité du domaine de La Pastorale.
Nous soutenons l'opposition de la Société d'Art Public, même si elle ne concerne pas le déclassement.
Comme M. Joye, nous relevons le manque de concertation. Il nous a d'ailleurs remis un procès-verbal dans lequel on lit : «Quant au président Philippe Joye, il déclare tirer une leçon de ce dossier, celle de la nécessité de procéder à des consultations en temps utile.» !
La mission de Corée du Sud a un gabarit excessif - six étages sur rez-de-chaussée - pour cette construction.
Quant au droit de préemption mentionné dans le projet initial, il a été supprimé suite à la volte-face du Conseil d'Etat. A la demande de députés de la commission de l'aménagement, M. Joye a accepté de le réinstaurer, sans sourciller. Mais après avoir consulté les juristes de son département, il le retire à nouveau; nous trouvons cette manière de procéder inacceptable. Ce droit de préemption, réclamé ensuite par l'amendement du parti socialiste, a été refusé.
En conclusion, que ce soit la façon de traiter avec les associations - d'importance reconnue - ou avec les députés, le manque de cohérence et de concertation est flagrant. L'attitude du Conseil d'Etat et son refus de vision globale sont inacceptables.
A plusieurs reprises, le Conseil d'Etat a été prié par la commission de l'aménagement de préciser ses intentions au sujet de ce périmètre et des déclassements. Mais, probablement par manque d'une vision claire, aucune réponse n'a été donnée.
Le groupe des Verts est favorable à l'implantation d'organisations gouvernementales ou non gouvernementales dans la Genève internationale. Il est affligeant d'être obligé de le répéter, mais, comme il s'agit du seul argument qu'on nous oppose, je suis obligée de taper sur le clou.
Cette implantation peut pourtant se faire dans de meilleures conditions et en conformité avec une politique d'aménagement du territoire respectant l'environnement. Une telle politique n'existe plus. A cet égard, les grandes déclarations du Conseil d'Etat sur l'aménagement du territoire nous plongent dans une profonde inquiétude.
Parmi un grand nombre d'incohérences, nous relevons, à la page 81 du projet d'aménagement cantonal - sur lequel nous nous ferons un plaisir de donner notre avis - qu'il est important d'assurer la protection du patrimoine historique rural, caractéristique du paysage genevois, si nécessaire par des changements d'affectations. Mais, lorsque l'on parle de patrimoine, toutes ces bonnes résolutions partent en fumée !
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser le projet de loi 7491. Madame la présidente, je vous prie de donner lecture d'une lettre écrite par des professeurs d'histoire de l'art de l'université de Genève, MM. Marcel Roethlisberger, Pierre Vaisse et Jean Wirth.
M. Christian Grobet (AdG). Je ne saurais trop souscrire à l'excellent exposé de Mme Bugnon. J'ajouterai que cette affaire est pitoyable quant à l'aménagement du territoire.
L'aménagement du périmètre allant de la place des Nations jusqu'au Grand-Saconnex, en passant par le site du Conseil oecuménique des Eglises, a fait l'objet d'une attention particulière de la part du département des travaux publics, voilà quatre ou cinq ans, lorsque des parcelles risquaient d'être mises en vente.
Les propriétaires de la parcelle de La Pastorale, d'une qualité exceptionnelle, exigeaient un prix exorbitant, ce qui a inquiété le département des travaux publics - M. Nissim aura l'occasion de reparler de spéculation foncière ! En raison de la valeur de la maison de maître qui mérite d'être classée, des abords qui doivent être protégés et de la qualité de la végétation, le terrain constructible était limité.
En 1993, le département des travaux publics a mis à l'enquête un projet de plan de zone allant des voies CFF au bas de la campagne Rigot jusqu'au Conseil oecuménique des Eglises - en ce qui concerne la Ville de Genève - et englobant une portion de territoire des communes du Grand-Saconnex, dans le secteur du Conseil oecuménique des Eglises, et de la commune de Pregny-Chambésy.
Ce projet de loi, préavisé favorablement par le Conseil municipal de la Ville de Genève au début de l'année 1994, prévoyait de définir des sous-périmètres qui ne seraient pas développés en raison de leur caractère particulièrement sensible. La parcelle de La Pastorale figurait bien évidemment parmi les périmètres «sensibles» devant être définis, auxquels ne seraient pas appliquées les normes de la zone de développement, tout en les laissant au bénéfice de cette zone.
Que s'est-il passé à la suite du préavis de janvier 1994 ? Je n'en sais rien, mais toujours est-il que le Conseil d'Etat n'a jamais saisi le Grand Conseil de ce projet de loi. Cela lui aurait pourtant donné les moyens de mener une politique cohérente d'aménagement du territoire et de procéder à une étude «à froid» en déterminant les sites méritant d'être protégés.
Dans certains milieux, on verse aujourd'hui des larmes de crocodiles : on est obligé de pallier le plus pressé. Entre-temps, les terrains se sont vendus à des prix faramineux. On a autorisé la construction du bâtiment abritant la mission de Hong Kong, réalisation qui impliquait l'adoption préalable d'un plan localisé de quartier suivant les normes de zones de développement sans que ce plan ait été adopté et en totale illégalité ! Mais bref, on n'en est pas à une irrégularité près dans la gestion de ce genre d'affaires !
Ainsi, on ne s'est pas donné les moyens d'aménager ce périmètre et, au lieu, Mesdames et Messieurs les députés, de nous saisir du projet de loi portant sur la totalité du périmètre, on nous saisit d'un projet de loi portant sur une seule parcelle, une mini-zone située au milieu de cette zone de développement ! C'est une démarche parfaitement grotesque. De même qu'on nous a déjà saisis à la hâte de l'autre partie de ce grand projet de modification de zone, concernant la commune de Pregny-Chambésy et voté il y a quelques mois à la suite d'un problème foncier. En effet, l'Etat a dû - une fois de plus - voler au secours d'un promoteur se trouvant actuellement dans une situation fort délicate.
Ce type d'aménagement au coup par coup pour régler de tels problèmes est effectivement inadmissible : La Pastorale fait l'objet actuellement d'une demande de classement de la Société d'Art Public; le Conseil d'Etat avait six mois pour se prononcer; inutile de vous préciser qu'aucune décision n'a été prise à ce jour ! Il est inadmissible d'envisager la construction d'une tour de sept étages dans un périmètre de cette qualité. Après la démolition totalement illégale de certaines villas - la villa Blanc notamment - La Pastorale serait dénaturée.
Je n'arrive pas à comprendre que le Conseil d'Etat ose présenter pour ce site - réduit aux dimensions d'un mouchoir de poche par rapport à l'ensemble de la zone concernée - un projet de plan visant à mettre en zone des terrains propices à la construction de bâtiments destinés aux organisations et, par ailleurs, à préserver ce site. Cette mini-zone est, en fait, destinée à trois missions diplomatiques, dont l'un des Etats est en train de défrayer la chronique. Et l'on serait en droit de se demander s'il doit affecter de telles sommes à la construction d'un bâtiment administratif.
En conclusion, j'aimerais savoir quand le Conseil d'Etat va saisir le Grand Conseil du projet de loi préavisé portant sur l'ensemble, afin que l'on puisse se donner les moyens d'agir et éviter de se retrouver, dans six mois, confronté à un projet de loi identique. Certains feignent de pleurer et se sentent obligés de voter pour sauvegarder la Genève internationale. Mais si le plan de zone mis à l'enquête publique en 1993 n'est pas adopté, cela conduira à une situation lamentable.
Ainsi, vous comprendrez la raison pour laquelle notre groupe s'opposera à ce projet de loi.
Mme Alexandra Gobet (S). Le parti socialiste n'a pas pu accepter le projet de loi tel qu'il a été présenté. S'il n'est pas opposé à la présence de ces trois pays - au contraire, il a toujours été en première ligne pour justifier la réputation d'accueil de Genève - il ne comprend pas la position de M. Joye.
Après avoir soutenu notre demande de jouir légitimement d'un droit de préemption sur la campagne Martin-Achard, La Pastorale, M. Joye envoie ses émissaires la semaine suivante pour soutenir la position inverse. Nous voilà confrontés à un projet inséré une fois de plus dans un développement à forme d'ensembles vides, comme au début du cycle, dont on ne discerne pas l'aboutissement.
Par ailleurs, l'architecture a fait naître des doutes parmi les professionnels de la branche, notamment à cause de la configuration du plan localisé de quartier.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons maintenir notre signal d'ouverture au monde en ne refusant pas le projet, mais nous nous abstiendrons de voter, car nous ne pouvons cautionner ni la méthode ni le contenu du PLQ. Puisse tout de même la motion unanime de la commission de l'aménagement révéler la lassitude des députés face à des dossiers gérés à la petite semaine et marqués du sceau de la plus complète incommunicabilité.
M. Michel Ducret (R). Il est important de se rappeler que le refus de déclassement ne signifie pas la protection d'un bâtiment, d'un groupe de bâtiments ou d'une campagne, mais qu'il ne sera interprété finalement que comme un blocage vis-à-vis des représentations internationales.
Quant à l'emplacement exact des constructions, il se détermine selon un plan localisé de quartier et non selon un déclassement de zone. Or ce PLQ, qui doit faire l'objet d'un préavis du Conseil municipal de la Ville de Genève, a provoqué une visite de la commission d'aménagement de cette commune.
Cette visite a révélé l'intérêt relatif de la maison de maître, plusieurs fois remaniée et passablement abâtardie au milieu de ce siècle... (Brouhaha.) ...et celui, par contre, évident de l'ensemble des communs. L'implantation de l'immeuble controversé ne nuirait qu'à la maison, mais à peine plus que les immeubles voisins de l'avenue de Budé, plus élevés.
La majorité de la commission a reconnu le bien-fondé de la critique concernant l'aménagement sur un «mouchoir de poche» et demande, par voie de motion, l'étude souhaitée. Il n'y a guère que l'urgence de réagir positivement aux demandes des représentations internationales qui, aux yeux du groupe radical, justifie l'acceptation immédiate du projet de loi de déclassement.
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Sans vouloir intervenir de nouveau sur le fond, j'aimerais dire quand même que défendre ce projet ou s'abstenir de s'y opposer, comme le préconise le groupe socialiste, relève d'un parfait paradoxe.
Genève a la chance de disposer d'un site exceptionnel; et nous, celle d'être les héritiers de constructeurs qui ont accordé à ce territoire urbain et périurbain tous leurs soins, comme l'ont fait les pouvoirs publics de l'époque.
Depuis plusieurs décennies, nous avons découvert la qualité de cette architecture néo-classique et romantique, surgie après l'épopée napoléonienne, qui a fait des alentours de Genève l'extraordinaire écrin de notre ville. Cette architecture, que tout le monde nous envie, pourrait servir à maintenir le caractère attractif de notre région et de notre ville, un atout touristique et une extraordinaire qualité de vie.
Mais nous voilà confrontés à des projets conjoncturels mal étudiés - demandes de classement et de préservation d'une de ces extraordinaires campagnes - révélant un manque patent d'attention aux lois. Nous sommes précipités dans un projet qui nous fait honte.
Nous avons reçu - c'est une première dans ce parlement - une lettre de trois titulaires de la chaire d'histoire de l'art de la faculté des lettres de notre université. Comme Mme Bugnon, j'en demande la lecture. Elle stigmatise de façon absolue notre attitude à l'égard du patrimoine au nom de l'ouverture, alors qu'il s'agit, en réalité, de fermeture sur l'avenir.
Je vous demande donc instamment d'écouter attentivement la lecture de cette lettre et de vous abstenir de voter ce projet.
La présidente. La lecture de cette lettre a été formellement demandée en novembre. J'attendais l'avancement des débats. Madame la secrétaire, veuillez la lire !
Annexe lettre
M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Nous sommes dans un débat dont les vrais arguments ne sont pas toujours avancés; ils ne font que couvrir des positions politiques dont les motivations sont occultes ou non avouées. (Brouhaha.)
La rapporteuse de minorité ne met pas en cause le déclassement et ne s'oppose pas à l'implantation des missions permanentes de Hong Kong, du Canada et de la Corée du Sud, concernées par ce déclassement. Je suis heureux de l'entendre ! Cela signifie que, sur le principe, elle ne s'oppose pas à ce projet de loi, tout en lui trouvant toutes sortes d'inconvénients l'incitant finalement à s'y opposer tout de même !
Si nous introduisions le droit de préemption au profit de l'Etat - une des conditions que vous posez à ce projet de loi et que nous avons refusée - cela risquerait de provoquer un incident diplomatique. En effet, comme l'indique le document annexé à mon rapport, pages 10 et 11, il est totalement inopportun. Nous avons pris la peine de prier l'un des juristes du département des travaux publics de s'informer auprès du Département fédéral des affaires étrangères, en particulier auprès de Mme Gerber et de M. Perez, juristes à la mission suisse auprès des organisations internationales.
Leur réponse est très claire : sur le fond, il serait totalement inopportun de procéder à la démarche visant à demander à des Etats étrangers de bien vouloir accepter que l'Etat de Genève jouisse d'un droit de préemption sur le terrain qu'on leur a cédé, devenu dès lors leur propriété, et cela, à un moment critique où le rôle international de la Suisse, et de Genève en particulier, est constamment remis en cause.
Lors de l'acquisition des parcelles, les Etats concernés et le canton n'ont pas émis de réserves quant à la possibilité de revendre ces terrains. Et dès lors que l'idée n'était pas retenue, le simple fait de demander ultérieurement à ces Etats - par le biais d'une réglementation de droit public postérieure et difficile à faire comprendre - de consentir à une contrainte supplémentaire serait extrêmement mal ressenti.
Au jour où nous essayons de redorer un peu le blason de Genève, et notamment dans le secteur des organisations internationales, il est vraiment inopportun d'entreprendre ce genre de démarche. C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission n'a pas suivi cette proposition.
Monsieur Grobet, vous déplorez l'illégalité de l'octroi d'une autorisation de construire à un Etat étranger dont le terrain est exterritorialisé et vous vous opposez, en même temps, au premier acte visant précisément à légaliser cette démarche par une opération de déclassement. Vous êtes, une fois de plus, en contradiction avec vous-même !
Par ailleurs, vous parlez - comme les trois professeurs - d'une «tour» de sept étages, alors qu'il s'agit d'une hauteur tout à fait courante dans notre ville. Vous prétendez également, Monsieur Grobet, que l'on est en train de déclasser un «mouchoir de poche», en parlant d'un périmètre de près de 2 hectares, soit 20 000 m2 ! Qu'étaient alors les projets de déclassement dont les surfaces dépassaient à peine 1 000 m2 que vous nous proposiez lorsque vous étiez au Conseil d'Etat ? Il est ridicule de faire allusion à la surface du périmètre que l'on déclasse pour justifier le refus d'un déclassement !
En réalité, nous avons une fois de plus l'impression que les opposants à ce projet de loi cherchent tous les motifs possibles pour contrecarrer l'implantation de nouvelles missions permanentes à Genève.
Le site est exceptionnel, c'est vrai ! Mais un site exceptionnel mérite qu'on l'aménage et qu'on le valorise, comme Genève n'a cessé de le faire, au cours de sa récente histoire, précisément dans ce secteur des organisations internationales. Or j'imagine les réactions des opposants d'aujourd'hui, jadis, à l'implantation du bâtiment de la SDN à côté du Palais de l'Ariana, dans l'un des plus beaux sites de Genève ! L'opposition aurait été farouche s'agissant d'un terrain beaucoup plus grand, jouissant d'une situation exceptionnelle.
Les auteurs de la lettre - opposés au projet - critiquent l'immeuble de sept étages que l'on se propose de construire non loin de la villa protégée. J'ai bien dit «non loin». Nous avons examiné les plans avec soin, il s'agit d'une distance respectable. Les distances entre les bâtiments prévus dans ce périmètre et relativement à la maison que l'on veut protéger sont très largement supérieures à celles prévues par la loi. En plus, ces bâtiments sont séparés de cette villa par des rideaux d'arbres. Cette proximité n'est donc absolument pas nuisible, nous nous en sommes rendu compte sur place.
Je m'abstiendrai de relever les autres insinuations des auteurs de cette lettre, et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi.
Il est vrai que l'ensemble de la commission a reconnu qu'il manquait une image directrice, un plan d'urbanisation ou d'aménagement, dans ce secteur et au-delà des limites du périmètre. C'est la raison pour laquelle, à l'unanimité, la commission a voté une motion que nous vous invitons à renvoyer au Conseil d'Etat. Elle vise précisément à doter l'ensemble de ce secteur, d'une beauté exceptionnelle, d'une image directrice cohérente, afin d'en sauvegarder toutes les qualités.
M. David Hiler (Ve), rapporteur de majorité. J'imagine que le rapporteur de majorité est quelque peu embarrassé pour défendre son dossier. C'est en effet ridicule de prétendre que toute personne demandant le respect des normes d'aménagement du territoire est un ennemi de la Genève internationale. Ces propos ne sont que fadaises, vous le savez fort bien, Monsieur Koechlin !
D'autant plus - il y a des exceptions, Madame Erica Deuber ! - qu'il est exceptionnel de voir des professeurs d'histoire de l'art, ayant connu d'autres cieux que Genève, mais attachés à sa vocation internationale, prendre position. C'est un avertissement dont ce Grand Conseil serait bien inspiré de tenir compte !
La Genève internationale ne s'est pas construite sur du marketing, des besoins économiques et une vision «fric». Au contraire ! A l'origine, elle s'est construite en ayant une certaine idée d'elle-même. Le type d'arguments utilisés systématiquement au cours des débats actuels sont assez déplorables. Si nous devons tenir compte des besoins d'implantation des organisations internationales, c'est dans un cadre que nous sommes encore libres de fixer.
Lorsque l'on se donne beaucoup de peine pour ne rien préparer du tout, on se soumet à l'urgence. Mais ce n'est certainement pas avec un mauvais aménagement du territoire que nous maintiendrons l'attrait de Genève, ni en nous comportant en maquignons que nous ferons revivre l'esprit de Genève ! A entendre vos propos, je me demande parfois, en tant qu'historien, ce qu'il peut bien en rester...
M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. A la suite des propos de M. Hiler, je rappellerai que, dans ce Grand Conseil, nous déclassons des terrains; nous décidons simplement de l'affectation d'une zone. Nous n'élaborons pas des plans localisés de quartier. Or je constate, depuis que je siège dans ce parlement, que les députés - et c'est le fait de chaque citoyen - entendent se substituer aux architectes ou aux aménagistes, alors qu'ils n'ont que la responsabilité de procéder à des déclassements. Il s'agit d'un projet de déclassement, Monsieur Grobet !
On critique ici des plans localisés de quartier qui ne sont pas encore achevés - voire non élaborés - quand on ne critique pas l'architecture ou la volumétrie ! Ces questions ne sont pas de notre compétence. Dans le cas particulier, on nous demande de déclasser un terrain pour l'aménager. On peut anticiper en disant qu'il s'agit d'un mauvais plan. Mais attendons de voir ! De toute manière, cette compétence de juger de la qualité de l'aménagement - donc du plan localisé de quartier - est le fait du Conseil d'Etat et, auparavant, de la commune, selon le préavis de son conseil municipal.
Je vous suggère de ne pas outrepasser le cadre de nos compétences. On nous demande de déclasser un terrain, bornons-nous à cela !
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Si, selon votre avis, nous outrepassons les compétences de ce Grand Conseil, c'est en partie parce que le travail d'approche d'un tel dossier est mal fait.
Alors que, depuis deux ans, des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent, des commissions consultatives jusqu'à l'université et parmi les citoyens les plus ordinaires, pour réclamer un classement et des gabarits en fonction de ce qu'on entend préserver et planifier à long terme, personne n'en tient compte dans les instances de décision. C'est la raison pour laquelle nous avons ce débat aujourd'hui.
M. Christian Grobet (AdG). Je suis navré de dire que l'on a atteint un stade de confusion qui devient hallucinant. Cela m'étonne de la part de M. Koechlin, architecte urbaniste, qui est non seulement un professionnel en matière d'aménagement du territoire mais encore rapporteur de la commission.
Quelle est la zone actuelle, Monsieur Koechlin ? (Brouhaha.)
Une voix. Tu te crois à l'école ? (M. Koechlin tarde à répondre.) Zéro, Monsieur Koechlin ! (Rires.)
M. Christian Grobet. Dites-le; je le répéterai ! (Brouhaha.) Sommes-nous en zone de développement ? (Exclamations.) Oui, Monsieur ! Alors il ne s'agit pas d'un projet de déclassement... (Exclamations.) Ce n'est pas de la zone villas, je vous demande pardon ! Il s'agit de modifier les normes et non de procéder à un déclassement.
Cette modification est nécessaire pour que cette zone de développement 3 ordinaire devienne une zone affectée plus particulièrement aux organisations internationales. Ce projet de loi avait deux buts : il s'agissait, d'une part, de réaliser la fameuse étude directrice - dont on ne connaît toujours pas les résultats - et, d'autre part, d'instituer un droit de préemption en faveur de l'Etat, dans l'hypothèse où ces terrains serviraient aux organisations internationales.
En zone de développement, le droit de préemption de l'Etat ne s'exerce que sur la construction de logements. Or le but de la loi, qui était d'instituer principalement ce droit de préemption, disparaît à partir du moment où l'on retire ce droit qu'on voulait concéder !
Pour des raisons diplomatiques, le Département des affaires étrangères, ne souhaite évidemment pas ce droit de préemption. Mais pour des raisons purement juridiques de droit public, l'Etat est parfaitement en droit de fixer les règles qu'il entend appliquer dans une zone à bâtir, et plus particulièrement dans une zone de développement. Indiscutablement, le canton de Genève est en droit politiquement de prévoir la clause relative au droit de préemption.
J'affirme qu'il est totalement faux de prétendre le contraire. Ne mélangeons pas, Monsieur, l'opportunité politique et le droit d'un canton souverain de prévoir une règle, telle que celle d'instituer le droit de préemption !
D'autre part - et je ne vous prends pas pour plus bête que vous n'êtes, Monsieur Koechlin - en évoquant un «mouchoir de poche», je faisais expressément allusion au périmètre par rapport à celui mis à l'enquête publique en 1993. Il est vrai que 20 000 m2 représentent une surface non négligeable, mais c'est un «mouchoir de poche» par rapport au périmètre allant des voies CFF, en bas de la campagne Rigot, jusqu'au Grand-Saconnex, débordant même sur cette commune et celle de Pregny-Chambésy. Il s'agissait de centaines de milliers de m2, initialement.
C'est ce périmètre initial qui doit faire l'objet d'une étude directrice, mais il a été totalement évacué par ce mini-projet de loi. C'était l'autre aspect du problème, Monsieur Koechlin, et cela prouve que vous n'avez aucune connaissance du projet de loi initial qui ne prévoyait pas de déclassement mais un reclassement !
Cela signifiait la suppression des normes de la zone de développement sur les périmètres sensibles - de La Pastorale - où étaient envisagées des normes de zone de développement pour éviter des constructions de trop forte densité à l'intérieur de petits sous-périmètres méritant d'être protégés.
Or le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui va absolument à l'encontre des mesures de préservation envisagées il y a quatre ans, mais totalement bafouées. On procède à une adoption d'un plan de zone qui n'était même pas nécessaire, la zone de développement permettant d'adopter un plan localisé de quartier. Dans une telle zone, on peut construire des bureaux, mais, malheureusement, les mesures préconisées tardivement sont tout simplement «passées à la trappe», alors qu'elles auraient dû être étudiées prioritairement sur la parcelle en cause.
M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Je ne vous prends pas non plus pour plus bête que vous n'êtes, Monsieur Grobet, rassurez-vous ! Vous avez mal interprété mes propos. Je ne conteste pas le droit que confère la loi à l'Etat ou à la commune d'exercer un droit de préemption en zone de développement. J'ai simplement dit - et vous l'avez relevé - qu'il était, en ce cas particulier, tout à fait inopportun.
Il s'agit bien ici d'un changement d'affectation, puisque l'on entend que cette zone de développement soit affectée à des organisations internationales.
Dans le cas d'Obirama vous étiez le premier à réclamer un déclassement, alors qu'il s'agissait d'une zone industrielle dont on changeait simplement l'affectation sans changer le titre. Dès lors, nous étions obligés de passer par un projet de déclassement qui a été soumis à ce Grand Conseil. Le projet a donné lieu à un débat; et - comme cela vous arrangeait - vous ne contestiez pas qu'il s'agissait d'un déclassement.
Quant à l'image directrice que nous appelons tous de nos voeux, elle est peut-être tardive, nous en convenons, mais mieux vaut tard que jamais. Il n'est en tout cas pas trop tard pour améliorer aussi le périmètre que nous déclassons ce soir.
Bornons-nous aux compétences qui nous sont dévolues, et procédons au déclassement de la zone, tout en demandant au Conseil d'Etat d'être très attentif à l'élaboration du plan localisé de quartier !
M. Bernard Lescaze (R). Le sujet de ce soir est effectivement un sujet délicat : il met en jeu, d'une part, l'image d'une Genève internationale ouverte; d'autre part, il doit prendre en compte des impératifs de sauvegarde du patrimoine.
A ces deux impératifs parfaitement légitimes s'opposent effectivement des propositions d'une nature beaucoup plus politique. Sur tous les bancs, on regrette l'absence d'une image directrice. Mais force est de constater que le domaine de La Pastorale n'a pas été dépecé voilà un siècle. M. Christian Grobet connaît admirablement le droit, et son interprétation juridique est juste. Mais il sait fort bien que le droit n'est qu'un moyen pour atteindre un certain nombre d'objectifs, qui, en ce moment, ne sont précisément pas ceux que nous voulons.
Lorsque La Pastorale a été dépecée pour la première fois, voilà quelques années, pour créer l'avenue Appia et la construction de l'ambassade du Koweït, vous n'aviez pas la même opinion qu'aujourd'hui... (Brouhaha.) ...contraire à celle de la Société d'Art Public qui souhaite conserver non seulement les communs mais, dans son environnement, la maison du XIXe qui - sans être exceptionnelle - est peut-être plus intéressante que ce que d'aucuns prétendent. La SAP reconnaît être arrivée trop tard.
Le projet de loi doit être voté. La mission de Hong Kong est pratiquement achevée, et les locaux vont être inaugurés avant le 1er juillet, date du retour de Hong Kong à la Chine.
Quel est le véritable enjeu de votre combat ? Vous essayez d'empêcher la construction de la mission de la Corée du Sud, parce que le gabarit ne vous plaît pas et que vous supposez, à l'instar de ces doctes professeurs d'histoire de l'art qui mêlent le vrai et le faux... (Exclamations.) ...des informations exactes et des suspicions nettement diffamatoires. (Remarque de M. Hiler.) Vérifiez la définition exacte de «diffamatoire» dans le code pénal ! (Brouhaha.) Je ne vais pas me fatiguer, j'attends le silence !
La présidente. Moi aussi !
Des voix. Vas-y, Bernard, attaque !
M. Bernard Lescaze. Si l'on veut empêcher la construction de la mission de Corée, on peut le faire en le disant clairement et non en s'opposant à ce projet de loi. Les opposants savent très bien qu'en réalité la Société d'Art Public a déjà obtenu le déplacement de la mission de Corée en direction du Grand-Saconnex, de façon à sauver certains arbres. Malheureusement, elle n'a pas prévu que ce déplacement allait entraîner l'abattage d'autres beaux arbres. Plus d'un quart de million d'indemnités pour reboisement devra être versé. C'est une politique de gribouille !
Nous espérons pouvoir maintenir d'autres domaines genevois dans leur environnement. En réponse à ceux qui vantent le charme ou le manque de charme des organisations internationales, soulignons que, même diminuée, La Pastorale servira d'écrin à trois missions diplomatiques. Contrairement à ce qui a été affirmé sur certains bancs, la commission des monuments et des sites, dans son ensemble, a expressément préavisé à l'intention du département des travaux publics le maintien du mur et d'une certaine végétation le long de la route de Ferney, de façon à protéger cet aspect de chemin creux à l'entrée de Genève, qui ressemble à celui de la route de Frontenex.
Contrairement à certaines insinuations, nous avons tenté de protéger ce qui devait l'être, étant entendu que le dépècement de La Pastorale s'est accompli de longues années auparavant.
Vu le nombre de dossiers, je m'inscris en faux contre l'insinuation que le travail a été mal fait. Il l'a été rapidement, les propriétaires ayant trouvé tout à coup des acquéreurs, alors qu'ils souhaitaient vendre depuis plusieurs années.
En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de ne pas vous arrêter à certaines objections de nature purement politicienne et d'accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. J'aimerais tout d'abord vous communiquer un détail d'ordre familial. J'ai le plaisir d'être le mari de Mme Muriel Joye, née Patry, qui a deux cents cousins, petits-cousins et arrière-petits-cousins, dont François Dugerdil, l'un des membres de cette sympathique tribu !
En ce qui concerne la vision «économique», le «marketing» et le «fric», je laisse à M. Hiler la responsabilité de ses déclarations. Je ne sais pas si elles sont diffamatoires, mais elles ne tiennent pas compte de nos efforts pour donner une image de Genève qui soit sympathique et d'une qualité architecturale reconnue au-delà des frontières dans la plupart des milieux d'architecture, d'aménagement du territoire et même d'histoire de l'art.
Cela m'amène à parler des professeurs d'université et à féliciter les personnes qui les ont aidés à rédiger cette lettre ! Je suis touché de la façon dont ils ont écrit ce texte, et je les félicite d'avoir respecté un des principes élémentaires lors d'une intervention universitaire : ils ont vérifié leurs sources et ont donné l'occasion à la partie adversaire - qu'ils critiquent sans savoir de quoi ils parlent - de s'exprimer. Lorsque je connaîtrai le contenu exact de cette lettre, je me réjouis de prendre contact avec eux, afin de leur expliquer mon point de vue, évidemment aussi critiquable que celui des autres.
Il s'agit ici d'un centre d'accueil pour des indépendants et de procéder, comme le dit M. Grobet, à une mise à l'enquête d'un plan de modification de zone, visant la création d'une zone de développement 3 pour l'ensemble de la zone internationale.
Dans ce quartier allant jusqu'au Grand-Saconnex, on construit depuis quarante ans des immeubles. Mes prédécesseurs ont jugé utile de faire la première mise à l'enquête le 3 août 1992 ! Comme par hasard, le 18 septembre 1992, l'enquête était terminée, aucune opposition de la Société d'Art Public, et, depuis, silence radio ! Que s'est-il passé du 18 septembre 1992 à nos jours ?
Mon département a engagé une nouvelle étude, d'une importance capitale pour le canton, et j'approuve la motion 1107. Nous allons élaborer cette vision, comme cela aurait dû être fait voilà trente ou quarante ans ! Mesdames et Messieurs les députés, ceux qui pensent pouvoir sauver beaucoup de choses dans ce plan me diront que faire du «bahut» du BIT, de l'OMS, de l'OMPI, de l'UIT. Ces bâtiments ont tous été réalisés dans un savant désordre par des gens au pouvoir depuis plus longtemps que nous.
Nous allons tenter quelque chose, mais les espaces interstitiels sur le plan urbanistique sont difficiles à sauvegarder, vu les implantations extrêmement importantes déjà réalisées, et dans des dimensions auxquelles nous n'oserions même pas songer actuellement !
Le Centre d'accueil des internationaux a acquis 20 000 m2 de terrain; l'Etat de Genève, 9 000 m2 avec une maison que vous trouvez superbe, pour le prix de 3 millions. Calculez comme vous voulez : si l'on admet que la maison vaut 1,5 million, cela signifie que le terrain vaut 1,5 million; si l'on divise par 9 000, on constate que l'on se trouve à des années-lumière d'une spéculation quelconque !
J'ai admis le point de vue de la Société d'Art Public pour la conservation du bâtiment. Je me suis rangé à l'avis des historiens d'art qui pensaient qu'il était faux de vouloir surcharger la toiture en y mettant des bureaux. On parle de la manière «effarante» dont est géré le dossier, mais je pourrais vous parler aussi de la manière «effarante» dont les associations interviennent dans le processus de planification.
Savez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, qu'à plusieurs reprises une association a demandé le classement d'un immeuble le dernier jour avant la délivrance d'un permis de construire ? Pensez-vous que ces personnes ne connaissaient pas cet immeuble ? Et qu'elles demandaient le classement - toujours avec une plume très élégante et un style élevé présentant certaines similitudes - pour défendre les mêmes intérêts que les professeurs ou pour nuire à des constructions raisonnables ? Je vous laisse le soin d'apprécier ! (Applaudissements.)
Les procédures d'aménagement se sont poursuivies. La procédure d'opposition au projet de modification de zone qui a eu lieu du 21 août au 19 septembre 1996 n'a provoqué ni remarque ni opposition. Mon département a maintenu le dialogue avec la Société d'Art Public sur le projet de plan localisé de quartier jusqu'à l'aboutissement d'un accord écrit de cette société, communiqué dans une lettre du 19 avril 1996, dont voici quelques passages sur l'aménagement du domaine :
«Nous avons accepté l'implantation de la future mission de Corée telle que vous l'avez fait figurer sur votre nouveau plan d'aménagement.
»En ce qui concerne les missions de Hong Kong et du Canada, leurs gabarits nous paraissent conciliables avec nos objectifs, encore que les volumes nous semblent compliqués. Nous nous en remettons pour cette question à la commission d'architecture de votre département.»
Pour le projet de plan localisé de quartier, je cite à nouveau : «Nous avons constaté que la nouvelle légende du plan tenait compte des demandes que nous avons formulées. Cependant, en ce qui concerne les barrières architecturales mentionnées au dernier alinéa, il faudrait indiquer qu'aucune clôture en dur ne sera possible dans la propriété, comme vous le mentionnez d'ailleurs dans le procès-verbal.
»Nous souhaitons que les remarques ci-dessus vous permettent d'établir le protocole d'accord dans le meilleur délai, tel que vous le proposez dans votre procès-verbal.»
Fort de cet accord, j'ai mis, du 21 août au 19 septembre, le projet de plan localisé de quartier à l'enquête publique; cela a fait l'objet d'une lettre de la Société d'Art Public manifestant son opposition. C'est ce qu'on appelle un revirement à 180 degrés !
J'ai saisi de ce projet le Conseil municipal de la Ville de Genève, afin qu'il émette son préavis, conformément à la loi. A la suite de ce préavis et de la procédure d'opposition, le PLQ sera soumis au Conseil d'Etat pour décision. Voilà ce qu'il en est des projets de construction : le chantier de la mission de Hong Kong est en cours, et l'autorisation est prête à être délivrée à la mission de Corée. On attend encore la décision de votre Grand Conseil pour la zone, et celle du Conseil d'Etat pour le plan localisé de quartier. L'autorisation attendue par la mission du Canada est en cours d'instruction et devra être mise en suspens pour les mêmes motifs.
Enfin, la procédure de classement a bien avancé, puisque, à ce jour, la commission des monuments et des sites, qui compte vingt-quatre membres dont huit architectes, a émis le préavis suivant : «Demande de classement de la Société d'Art Public du 17 novembre 1995. L'instruction de la proposition étant terminée, la commission communique au département le préavis suivant : à l'unanimité, la commission est défavorable à la proposition de classement telle que présentée par la SAP, contenant l'ensemble des parcelles numérotées ainsi que les anciens bâtiments qu'elles contiennent.
»La commission considère néanmoins que certains éléments de l'ancien domaine de La Pastorale seraient effectivement susceptibles de faire l'objet d'une mesure de protection; elle décide alors de se prononcer pour le classement en examinant chacune des parcelles. Classement de la parcelle de Hong Kong : 0 oui, 13 non, 0 abstention. Classement de la parcelle du Canada : 0 oui, 13 non, 0 abstention. Classement de la parcelle de la Corée : 2 oui, 9 non, 2 abstentions. Classement de la parcelle de l'Etat : 11 oui, 1 non, 1 abstention.»
A cette lecture, on se rend compte que la commission est favorable au classement du domaine de La Pastorale selon le périmètre englobant les parcelles n° 4568 et 4570, comprenant les bâtiments ainsi que les éléments caractéristiques bordant la route de Ferney.
La commission annule le préavis de la sous-commission nature et monuments du 13 novembre 1996. Je ne me prononcerai pas sur la manière dont cette sous-commission a travaillé, c'est un détail d'intendance.
En ce qui concerne le droit de préemption, entre opportunité et droit - comme l'a souligné M. Koechlin, qui l'a rappelé à M. Grobet, qui l'a aussi admis - le point 4, à la page 11, de la communication de M. Pauli est tout à fait clair. Ce n'est pas notre rôle de négocier ces choses mais celui de l'Etat suisse qui le fait avec les Etats concernés. Je passe sur la description d'un tel travail qui prend des mois, voire des années.
Je connais peu de projets dans lesquels l'Etat a pu sauver une maison et 9 000 m2 en sauvegardant la vue sur tout ce qui mérite d'être vu depuis La Pastorale, sans porter préjudice aux autres bâtiments.
Je vous prie de voter ce projet pour le bien de Genève et des organisations internationales. (Applaudissements.)
PL 7491-A
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7491)
LOI
modifiant les limites de zones sur le territoire de la Ville de Genève,section Petit-Saconnex (création d'une zone de développement 3 destinéeà des organisations de type international)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
1 Le plan n° 28801-309, dressé par le département des travaux publics et de l'énergie le 6 novembre 1995 (extrait du plan n° 28481, du 22 avril 1992), modifiant les limites de zones sur le territoire de la Ville de Genève, section Petit-Saconnex (création d'une zone de développement 3 destinée à des organisations de type international au lieu-dit «La Pastorale»), est approuvé.
2 Les plans de zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone créée par le plan visé à l'article 1.
Art. 3
Un exemplaire du plan n° 28801-309 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
M 1107
M. Pierre Meyll (AdG). J'ai peut-être la hantise des titres, mais j'aimerais qu'on complète l'intitulé de cette motion de la manière suivante :
«...aménagement du secteur compris entre la route de Ferney, l'avenue Appia, l'avenue de la Paix et la route des Morillons»
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
pour l'aménagement du secteur compris entre la route de Ferney, l'avenue Appia, l'avenue de la Paix et la route des Morillons
LE GRAND CONSEIL
considérant:
- le projet de loi 7491 modifiant les limites de zones sur le territoire de la Ville de Genève, section Petit-Saconnex (création d'une zone de développement 3 destinée à des organisations de type international);
- les considérations évoquées notamment lors de son audition devant la commission d'aménagement du Grand Conseil le 9 octobre 1996 par la société d'Art Public à propos de l'aménagement du secteur cité en titre;
- la qualité et la situation privilégiée du secteur en cause;
- les besoins d'implantation - prioritaires pour l'avenir de Genève - des organisations internationales et des diverses représentations d'Etats auprès de l'ONU;
- l'absence d'un plan ou pour le moins d'une image directrice d'aménagement du secteur concerné,
invite le Conseil d'Etat:
à entreprendre immédiatement, d'entente avec les communes concernées, les études d'aménagement visant à doter le secteur cité en titre d'un plan directeur, cas échéant du ou des plans localisés de quartier - voire d'un plan de site - valorisant le lieu et ses abords.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. La parcelle de La Pastorale et les autres nous concernant sont situées en cinquième zone villas. Il s'agit bel et bien de la création d'une zone de développement mise à l'enquête publique en 1992 par M. Grobet, qui a, suite au préavis du Conseil municipal de la Ville de Genève, mis le projet en veilleuse.
(IN 109)
LANCEMENT D'UNE INITIATIVE
Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a lancé l'initiative populaire suivante intitulée «Genève, République de paix», qui a abouti.
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
23 octobre 1996
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
23 janvier 1997
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le
23 juillet 1997
4.
Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contreprojet, au plus tard le
23 avril 1998
5.
En cas d'opposition d'un contreprojet, adoption par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard le
23 avril 1999
INITIATIVE POPULAIRE
«Genève, République de paix»
Les soussignés, électrices et électeurs dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la présente initiative constitutionnelle formulée, qui propose le projet de loi suivant, modifiant la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847.
La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit:
Article unique
Art. 127 (abrogé)
TITRE X E
POLITIQUE DE PAIX
(nouveau, comprenant l'art. 160D)
Art. 160D (nouveau)
1 Dans la limite du droit fédéral, le canton développe et applique une politique de sécurité fondée sur la mise en oeuvre de moyens pacifiques, aptes à résoudre tout conflit au niveau local et international. Il encourage activement la recherche et la promotion de mesures de prévention des conflits à travers le développement d'une véritable culture de paix. Cette politique est réalisée par les autorités cantonales et communales, l'administration et les institutions publiques dans le cadre de leurs attributions.
2 Dans ce but, le canton soutient toute démarche visant le désarmement global, la coopération et la solidarité entre les peuples et le respect des droits de l'homme et de la femme. Il intervient dans ce sens auprès des institutions nationales et internationales compétentes. En particulier, le canton encourage:
a) la réduction des dépenses militaires;
b) la restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton en intervenant auprès de la Confédération;
c) la conversion civile des activités économiques, financières et institutionnelles en relation avec le domaine militaire.
3 Le canton oeuvre pour la prévention des conflits et le développement d'une culture de la paix, notamment par:
a) l'encouragement de la recherche pour la paix et le soutien des actions de la société civile pour la solution non violente des conflits;
b) la participation à la création et au financement des activités d'un institut de recherche pour la paix;
c) le développement d'un programme d'éducation à la paix dans le cadre de l'instruction publique aux niveaux primaire et secondaire;
d) l'accueil des victimes de la violence, dans la mesure des moyens du canton;
e) la promotion du service civil, à travers la diffusion de toute information utile et le développement de projets et d'activités permettant la réalisation de ce service. L'accès volontaire à ceux-ci est ouvert à toute personne établie dans le canton;
f) le renoncement à toute manifestation de promotion de l'institution et des activités militaires dépassant le cadre strict des obligations cantonales et commu-nales en la matière.
4 Le canton met en oeuvre et développe des moyens non militaires pour garantir la sécurité de la population:
a) il encourage la prise en charge de toutes les tâches concernant la sécurité dans le canton par des organismes civils;
b) il renonce à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre;
c) il dispose, dans le domaine des conférences internationales, d'un délai de 5 ans dès l'entrée en vigueur du présent article pour garantir la sécurité des conférences internationales par des moyens non militaires.
La loi règle tout ce qui concerne l'exécution du présent article.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Genève, République de paix, c'est ...
Un article pacifiste dans la constitution genevoise
Avec cet article constitutionnel Genève ne va pas instaurer la paix dans le monde ni même abolir l'armée suisse. Par contre, nous pouvons renforcer l'idée qu'il vaut mieux prévenir les causes économiques et sociales des conflits plutôt que de déléguer leur solution aux militaires. L'adoption de ce principe, assorti de quelques mesures concrètes au niveau cantonal qui permettraient d'avancer dans cette direction, constituerait un message d'ouverture, d'innovation et de courage qui pourra être entendu aussi au-delà des frontières cantonales et nationales.
Pour sortir du militaire...
Grâce à une initiative populaire, Genève possède déjà un article dans sa constitution qui affirme le principe du «sortir du nucléaire».
Nous voudrions en faire de même face aux dangers militaires! Il s'agit aussi d'orienter de manière contraignante l'action des responsables politiques dans la direction indiquée par des majorités de la population genevoise lors de chaque votation populaire des vingt dernières années touchant de près ou de loin à l'armée.
Des mesures concrètes pour développer une culture de la paix
La compétition et la rivalité de plus en plus acharnées touchent toutes les sociétés ainsi que les individus qui en font partie: des valeurs comme la solidarité, la justice sociale et le renoncement à la violence mériteraient d'être soutenues plus concrètement, par exemple dans l'instruction publique, dans l'attitude face aux plus démunis ou dans la recherche.
Pas d'armée contre les civils!
Actuellement, en cas de «menaces graves contre la sécurité intérieure», les autorités fédérales et les cantons peuvent engager de troupes de l'armée contre la population. En renonçant à cette faculté, le canton serait obligé de développer des moyens civils et non-violents pour résoudre les conflits internes.
Lors des grandes rencontres internationales l'armée n'est employée que pour des tâches subsidiaires (circulation routière, garde de bâtiments), puisque seule la police est entraînée à la protection rapprochée et à la lutte antiterroriste. Par conséquent, la mise en oeuvre de moyens civils ne devrait pas poser de problèmes majeurs.
(IN 109-A)
Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 16 octobre 1996, publié dans la Feuille d'avis officielle du 23 octobre 1996. De cette date court une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.
Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation qui doit, de par la loi, intervenir à la séance du Grand Conseil du 23 janvier 1997. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.
A. Validité de l'initiative
Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative «Genève, République de paix» pose un problème de recevabilité dans la mesure où certaines de ses parties doivent être considérées comme non conformes au droit supérieur et, en conséquence, être invalidées afin d'être soustraites au vote populaire.
I. Recevabilité formelle
1. Unité de la forme
L'exigence de l'unité de la forme est prévue par l'article 66, alinéa 1, de la constitution genevoise. Cette condition requiert que l'initiative soit présentée sous la forme d'un mandat général ou d'un projet entièrement rédigé. Les auteurs d'une initiative doivent obligatoirement choisir l'une ou l'autre de ces formes et ne peuvent les combiner dans un même projet (voir Auer, Problèmes et perspectives du droit d'initiative à Genève, Lausanne, 1987, page 29). Dans la mesure où l'initiative nécessite un travail d'élaboration de la part de l'autorité législative, elle est en principe traitée comme une initiative non formulée (ATF 115 Ia 148, ATF 114 Ia 413; Odermatt, Ungültigerklärung von Volksinitiativen, PJA 6/1996, pages 710 et suivantes et les références citées). En l'occurrence, force est de constater que les auteurs de l'initiative populaire cantonale «Genève, République de paix» ont rédigé leur texte comme un projet législatif formulé. Partant, l'exigence de l'unité de la forme est remplie.
2. L'unité de la matière
A teneur de l'article 66, alinéa 1, de la constitution genevoise, une initiative doit également respecter le principe de l'unité de la matière. Ce principe, dont le contenu relève du droit fédéral, signifie que les différents éléments d'un projet doivent être liés par un rapport intrinsèque étroit et doivent poursuivre le même but (Auer, Les droits politiques dans les cantons suisses, Genève, 1978, page 126).
En d'autres termes, selon le Tribunal fédéral, les éléments doivent être rattachés les uns aux autres par un lien commun suffisant (ATF 99 Ia 638, 646; ZBl 1995, pages 470 et suivantes, Arrêt du Tribunal fédéral du 18 décembre 1984 non publié, considérant 5). Le but de cette exigence est d'assurer aux citoyens de pouvoir exprimer leur volonté de manière authentique, d'abord en signant l'initiative, puis en votant sur celle-ci (Grisel, L'initiative populaire «contre la vie chère et l'inflation et le principe de l'unité de la matière en droit fédéral», in Mélanges Hans Huber, Berne 1981, pages 171 et suivantes, 181; Odermatt, op. cit., page 711 et les nombreuses références citées). L'unité de la matière n'est ainsi pas respectée lorsqu'une initiative regroupe des éléments divers sans justification objective.
En principe, l'exigence de l'unité de la matière est plus souple s'agissant d'un projet rédigé en termes généraux dans la mesure où il doit ensuite être concrétisé par le législateur (ATF 99 Ia 638 et Grisel, Initiatives et référendum populaire, Lausanne 1987, page 204).
Il est important de relever que la jurisprudence en la matière est relativement libérale. Dans le précédent relatif à l'initiative populaire genevoise «Energie notre affaire», le Tribunal fédéral a été confronté à un texte visant l'adoption par les autorités genevoises d'une politique énergétique dont la réalisation impliquait toute une série de moyens. En raison de la variété de ces derniers, les recourants avaient soulevé devant le Tribunal fédéral le fait qu'un citoyen pouvait être favorable aux transports publics ou à la circulation en vélo tout en refusant les mesures à l'encontre du chauffage «tout électrique». Le Tribunal fédéral a estimé qu'un tel argument ne pouvait être retenu dans la mesure où «une initiative qui préconise des économies d'énergie peut fort bien préciser ainsi son programme et délimiter l'intervention de l'Etat et des collectivités publiques. La nature et l'ampleur de l'objectif poursuivi expliquent et justifient ici la complexité des mesures prévues. Celles-ci sont néanmoins toutes liées au but visé et sont suffisamment cohérentes pour échapper au reproche d'une juxtaposition artificielle, destinée à rassembler un maximum de suffrages» (Arrêt du Tribunal fédéral du 18 décembre 1984 non publié, considérant 7a).
L'objectif commun assurait ainsi, selon le Tribunal fédéral, un lien de connexité suffisant entre des moyens différents, car les citoyens étaient plus appelés à se prononcer sur une politique déterminée que sur les différents moyens de la réaliser. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a relevé que «ces propositions constituent un tout suffisamment cohérent et logique. Même si l'électeur peut ne pas les approuver toutes indistinctement, il doit être à même d'apprécier la politique ainsi proposée dans son ensemble et d'exprimer par son vote un jugement global» (Arrêt cité, considérant 7c).
L'élément déterminant est donc l'existence d'une politique générale poursuivie par l'initiative. Cette politique peut avoir des volets divers pour autant qu'ils forment un ensemble cohérent. Elle peut également devoir être mise en oeuvre par de nombreuses mesures variées tant que ces mesures sont liées à cette politique. Cette analyse est confirmée par un arrêt récent du 18 août 1994 dans lequel le Tribunal fédéral s'est exprimé comme suit: «Zu beachten ist überdies, dass Vorlagen, die von den politischen Behörden ausgehen, bereits einen politischen Prozess durchlaufen haben und dadurch eher eine gewisse Formung im Sinn einer Synthese erfahren haben, während Volksinitiativen eher Thesencharakter haben. Bei aus dem parlamentarischen Prozess hervorgegangenen Vorlagen rechtfertigt sich auch aus diesem Grund, das Prinzip der Einheit der Materie etwas zurückhaltender zu handhalben» (voir Odermatt, op. cit., page 712 et les références citées).
En l'occurrence, le but de l'initiative est défini par l'article 160 D, alinéa 1: le canton «développe et applique une politique de sécurité fondée sur la mise en oeuvre de moyens pacifiques, aptes à résoudre tout conflit au niveau local et international et encourage activement la recherche et la promotion de mesures de prévention des conflits à travers le développement d'une véritable culture de la paix».
Les moyens proposés par les initiants sont définis aux alinéas 2 à 4 de l'article 106, lettre D. Ces moyens ont trait successivement à la réduction des dépenses militaires et à la reconversion d'installations et d'activités militaires (alinéa 2, lettres a à c), au développement d'une culture de la paix (alinéa 3, lettres a à f) et au développement d'une politique de sécurité par des moyens civils (alinéa 4, lettres a à c).
A l'aune de la jurisprudence libérale du Tribunal fédéral rappelée ci-dessus, l'on peut admettre que ces divers moyens poursuivent un but commun qui les réunit étroitement par un lien objectif.
Le seul doute que l'on pourrait avoir a priori concerne l'alinéa 3, lettre d, qui postule l'accueil des victimes de la violence dans la mesure des moyens du canton. L'on peut en effet se demander si un tel accueil est un moyen situé dans une relation de connexité matérielle suffisante avec le but de l'initiative et avec le développement d'une culture de la paix visée au début de l'alinéa 3.
Néanmoins, l'on peut admettre qu'objectivement il existe un lien raisonnable. On peut en effet considérer que l'accueil de victimes de pays connaissant des situations de violence généralisées peut contribuer à éviter la dégradation des conflits. De même, l'accueil des réfractaires ou de déserteurs, sur le modèle de ce qui s'est fait pendant le conflit bosniaque sur décision du Conseil fédéral, est une forme de solution que la communauté internationale est logiquement tenue d'apporter, sous peine d'incohérence avec les règles du droit international (droit humanitaire et droit de la guerre) relatives à l'interdiction des agressions armées.
En conclusion, il n'y a pas en l'espèce une juxtaposition artificielle de mesures, en dépit de leur diversité. Le dénominateur commun consiste dans le développement d'une politique déterminée telle que souhaitée par les initiants et décrite à l'alinéa 1 de l'article 160 D. L'ampleur de l'objectif poursuivi justifie la gamme des moyens proposés.
Il découle de ce qui précède que le principe de l'unité de la matière est respecté par l'initiative populaire cantonale «Genève, République de paix».
3. Unité du genre
L'unité du genre ou l'unité normative (art. 66, al. 1, de la constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux, ce principe est respecté en l'espèce, le choix des initiants s'étant porté sur la rédaction d'une modification de la constitution.
II. Recevabilité matérielle
1. Conformité au droit supérieur
Conformément au principe de la force dérogatoire du droit fédéral, inscrit à l'article 2 des dispositions transitoires de la constitution fédérale, les initiatives cantonales doivent respecter l'ensemble du droit fédéral (voir par exemple ATF 117 Ia 147).
Dans la règle, pour qu'une initiative doive être annulée en raison de ce principe, il ne suffit pas que son objectif soit contraire au droit supérieur; il faut également que les moyens proposés pour atteindre cet objectif y soient contraires (Auer, Problèmes et perspectives, op. cit., pages 35 et suivantes).
En particulier, s'agissant d'une initiative rédigée en termes généraux, il faut prendre en considération la latitude d'appréciation dont dispose le législateur lors de la concrétisation du texte. Ce dernier peut choisir, parmi les solutions possibles pour atteindre les objectifs fixés par les initiants, ceux qui sont conformes au droit fédéral. Cette possibilité existe notamment lorsque les initiants ont indiqué que la concrétisation doit avoir lieu dans «les limites du droit fédéral» (Semaine Judiciaire, 1988, pages 626 et 630).
De plus, en toute hypothèse, l'initiative doit être interprétée de manière conforme à la constitution. Selon la jurisprudence relative au contrôle abstrait de la constitutionnalité de prescriptions légales ou réglementaires cantonales, il faut essayer, selon les principes d'interprétation reconnus, de donner au texte litigieux une portée qui le fasse apparaître comme conforme à la constitution. L'initiative ne peut être déclarée contraire au droit supérieur que si elle ne se prête pas à une telle interprétation (ATF 109 Ia 61).
L'initiative doit donc être interprétée à la fois dans un sens qui correspond le mieux à son sens et à son but et de manière à rester compatible avec les exigences du droit fédéral (Knapp, Précis de droit administratif, Bâle, 1993, page 59; Auer, Les droits politiques dans les cantons suisses, op. cit., page 134; Kölz, Die kantonale Volksinitiative in der Rechtsprechung des Bundesgerichts, ZBl 1982, page 44 et les nombreuses références citées).
Cette approche est confirmée par la jurisprudence la plus récente du Tribunal fédéral: «Für die Beurteilung der materiellen Rechtmässigkeit einer Initiative ist deren Text nach den anerkannten Interpretationsgrundsätzen auszulegen. Grundsätzlich ist vom Wortlaut der Initiative auszugehen und nicht auf den subjektiven Willen der Initianten abzustellen. Eine allfällige Begründung des Volksbegehrens und Meinungsäusserungen der Initianten dürfen allerdings mitberücksichtigt werden. Es ist von verschiedenen Auslegungsmöglichkeiten diejenige zu wählen, welche einerseits dem Sinn und Zweck der Initiative am besten entspricht und zu einem vernünftigen Ergebnis führt und welche andererseits mit dem übergeordneten Recht als vereinbar erscheint. Kann der Initiative ein Sinn beigemessen werden, der sie nicht klarerweise als unzulässig erscheinen lässt, ist sie als gültig zu erklären und der Volksabstimmung zu unterstellen (BGE 111 Ia 303 Erw. 4 S. 305 f.; 111 Ia 292 Erw. 2 S. 294 f.). (Arrêt du 18 octobre 1994, ZBl 1995, pages 470 et suivantes, voir également ATF 112 Ia 240 et Odermatt, op. cit., pages 715 et suivantes et les nombreuses références citées.)
A ce stade de l'analyse, l'examen de l'initiative populaire cantonale «Genève, République de paix» nécessite les remarques suivantes:
a) L'article 160, lettre D, à son alinéa 1 prend le soin de préciser que la politique de paix proposée doit intervenir «dans les limites du droit fédéral». Parallèlement, ce même alinéa se termine en précisant que la politique est réalisée par les autorités cantonales et communales «dans le cadre de leurs attributions».
Il sied de relever toutefois que la réserve du droit fédéral figurant dans une initiative ne saurait constituer en toute circonstance un mode permettant de maintenir le texte d'une initiative dont l'objet peut être de nature à heurter le droit supérieur. A supposer en effet qu'une disposition, en raison de sa contrariété avec le droit fédéral, perde de sa substance, son maintien, respectivement sa soumission au vote populaire, serait contraire aux droits politiques.
Il reviendrait en effet à tromper le corps électoral en lui faisant miroiter une possibilité d'action de l'Etat dans un domaine qui n'existe pas en raison des contraintes découlant du droit fédéral.
b) La mise en oeuvre de moyens pacifiques aptes à résoudre les conflits touche nécessairement aux relations internationales. Dans cette mesure, il est indispensable de rappeler à titre liminaire les compétences respectives des cantons et de la Confédération en la matière.
c) Dans la mesure où par ailleurs, de par son contenu, l'initiative touche au domaine militaire (voir notamment l'alinéa 2, lettres a à c, l'alinéa 3, lettre f, et l'alinéa 4, notamment lettres b et c), il est également indispensable de rappeler la répartition de compétences applicable en la matière.
A. Rappel de l'ordre constitutionnel en matière de politique étrangère
L'article 8 de la constitution fédérale stipule que les affaires internationales sont en général du ressort de la Confédération. Dans ce domaine particulier, comme l'indique Wildhaber (Kompetenzordnung und Willensbildung in der schweizerischen Aussenpolitik, in Handbuch der schweizerischen Aussenpolitik, Stuttgart 1975, page 238; voir également Jean-François Aubert, Traité de droit constitutionnel suisse, nos 672 et suivants), le principe de la compétence résiduelle des cantons stipulée par l'article 3 de la constitution fédérale n'est pas applicable. Bien au contraire, pour les affaires étrangères, c'est la présomption contraire qui s'applique.
Ainsi, la Confédération exerce tous les droits qui ne sont pas explicitement réservés par la constitution fédérale aux cantons. Cette conclusion découlant de l'article 8 est confirmée par les articles 85 et 102 de la constitution fédérale (voir Monnier, Les principes et les règles constitutionnels de la politique étrangère suisse, rapport à la Société suisse des juristes, 1986, fascicule 2, page 150 et les références citées).
Il découle des dispositions de l'article 102, chiffre 8, de la constitution que la conduite de la politique étrangère est ainsi l'une des tâches du Conseil fédéral. C'est lui qui représente la Suisse dans les relations de droit international. Le Conseil fédéral représente également les cantons dans la mesure où ceux-ci n'ont pas expressément le droit d'entretenir des relations avec les Etats étrangers. Comme le relève Schindler (Commentaire de la constitution fédérale, ad article 102, paragraphes 100 et suivants, notamment 104), c'est en particulier le Conseil fédéral qui décide seul de l'envoi et des instructions des représentants auprès des organisations internationales ainsi que de la participation à des conférences internationales et à des procédures de règlement des différends.
C'est toujours au Conseil fédéral qu'il incombe d'offrir ses bons offices aux Etats étrangers et aux organisations internationales et assumer les obligations qui en découlent, notamment en matière d'action de maintien de la paix et d'organisation de conférences.
Il convient dans cette perspective de rappeler que la compétence fédérale en matière d'affaires internationales ne se limite pas à des activités de nature matériellement législative (conclusion de traités).
La politique étrangère est, de par sa nature, multiforme (Wildhaber, op. cit., page 239). Jean-François Aubert la décrit «comme un ensemble de comportements qui créent, modifient, suppriment ou constatent des rapports entre les autorités suisses et des autorités étrangères supranationales ou internationales» (Traité de droit constitutionnel suisse, volume I, n° 671; voir également Kälin, Verfassungsgrundsätze der schweizerischen Aussenpolitik, Rapport à la Société suisse des juristes, fascicule 3, 1986, pages 257 et suivantes et les références citées).
La compétence des cantons sur le plan extérieur est, quant à elle, régie par les articles 9 et 10 de la constitution fédérale. L'article 9 réserve tout d'abord la compétence des cantons de conclure des traités sur des objets concernant l'économie publique et les rapports de voisinage et de police.
L'article 10, alinéa 2, de la constitution permet aux cantons, dans cette limite, de correspondre directement avec les autorités inférieures d'un Etat étranger. L'article 10, alinéa 1, rappelle le principe selon lequel les rapports officiels entre les cantons et les gouvernements étrangers ou leurs représentants ont lieu par l'intermédiaire du seul Conseil fédéral.
Cette règle constitutionnelle qui interdit aux cantons d'entretenir des rapports officiels avec des gouvernements étrangers s'applique également aux organisations internationales (voir Monnier, op. cit., pages 177 et suivantes).
La doctrine dominante considère que la compétence cantonale réservée par l'article 10, alinéa 2, de la constitution couvre, d'une part, des objets de portée purement locale, et, d'autre part, des matières dans lesquelles les cantons disposent d'une compétence propre, la matière n'étant pas réglée par le droit fédéral (voir Aubert, op. cit., n° 676).
A contrario, comme le relève Burkhardt (Kommentar der Schweizerischen Bundesverfassung vom 29. Mai 1874, page 93), les articles 9 et 10 de la constitution fédérale interdisent aux cantons de correspondre, respectivement de prendre des engagements avec des autorités étrangères sur des questions qui intéressent la Suisse tout entière.
B. Répartition des compétences en matière militaire
La répartition des tâches dans le domaine militaire est visée aux articles 13 à 22 de la constitution fédérale. L'article 22 bis traite, quant à lui, de la législation sur la protection civile. Comme le relève Macheret (Commentaire de la constitution fédérale, ad articles 13 et 22), s'agissant de la défense armée, la Confédération dispose d'une compétence générale consacrée par la législation d'application.
Les cantons disposent de tâches complémentaires dans la mesure où le droit fédéral le prévoit. Le fédéralisme militaire qui inspirait historiquement les textes constitutionnels s'est effacé aujourd'hui en faveur d'une conception consacrée par la législation aux termes de laquelle la Confédération est investie d'une compétence générale, sinon exclusive, en la matière.
A teneur de l'article 19, alinéa 2, de la constitution, le droit de disposer de l'armée ainsi que du matériel de guerre prévu par la loi appartient à la Confédération. L'article 20, alinéa 1, de la constitution dispose que les lois sur l'organisation de l'armée émanent de la Confédération. Il en va de même pour l'instruction militaire et l'armement.
Le mandat constitutionnel en matière d'instruction (article 20, alinéa 2) donne le droit à la Confédération de louer ou d'acheter aux cantons les places d'armes et les bâtiments militaires leur appartenant.
L'article 22, alinéa 1, confère également à la Confédération le droit de se servir et de devenir propriétaire des places d'armes et des bâtiments ayant une destination militaire.
L'article 19, alinéa 4, de la constitution stipule, certes, que les cantons disposent des forces militaires de leur territoire en tant que ce droit n'est pas limité par la constitution ou les lois fédérales. Toutefois, cette prérogative est strictement limitée par les compétences précitées de la Confédération.
Or, la Confédération est titulaire exclusive de la compétence en matière d'instruction militaire, comme nous l'avons vu. Elle dispose donc seule de la troupe dans ce but (Macheret, op. cit., ad article 19, chiffres 6 et suivants).
De plus, les articles 85, chiffre 7, et 102, chiffre 10, de la constitution confèrent à l'Assemblée fédérale et au Conseil fédéral une compétence propre chargeant la Confédération de veiller à la sûreté intérieure. Cette compétence inclut le maintien et le rétablissement de l'ordre et la sécurité publique de l'Etat dans son ensemble.
Enfin et surtout, la Confédération est seule chargée de la sécurité extérieure. De ce point de vue, l'article 19 de la constitution doit être mis en relation avec l'article 8 de la constitution qui attribue à la Confédération seule le droit de déclarer la guerre et de conclure la paix. Elle dispose seule du droit de donner des ordres à l'armée à l'effet d'assurer la sécurité extérieure du pays.
La tâche complémentaire des cantons est consacrée par l'article 20, alinéa 2, de la constitution qui stipule qu'à l'exception de l'armement, la fourniture et l'entretien de l'habillement et de l'équipement des troupes restent dans la compétence cantonale. De même, l'article 21, alinéa 2, réserve la compétence du canton pour la nomination et la promotion des officiers et corps cantonaux sous réserve des prescriptions fédérales. Les dispositions de la loi sur l'organisation militaire définissent les limites de cette compétence.
A ce stade de l'analyse, il est important de relever que la défense nationale ne constitue pas simplement un domaine de compétence législative de la Confédération, mais bien une tâche constitutionnelle fédérale, comme le Tribunal fédéral a eu l'occasion de l'indiquer à plusieurs reprises (voir notamment ATF 118 Ib 569; 101 Ia 314 et les références citées).
C. Analyse de la conformité des moyens proposés avec le droit fédéral
Les développements qui précèdent ont permis de rappeler que la conformité d'une initiative cantonale au droit fédéral s'analyse non pas exclusivement à l'égard de ses buts, mais essentiellement à l'égard des moyens mis en oeuvre. C'est dans cet esprit que vont être consacrés les développements ci-après.
1. Article 160 D, alinéa 2 ab initio
L'alinéa 2 de l'article 160 D préconisé par l'initiative vise à confier la mission au canton de soutenir toute démarche visant le désarmement global, la coopération et la solidarité entre les peuples et le respect des droits de l'homme et de la femme. Le canton doit, dans cette perspective, intervenir auprès des «institutions nationales et internationales compétentes».
Dans la mesure où ce texte vise à permettre aux cantons de faire des démarches auprès d'institutions nationales étrangères et d'organisations internationales, il viole l'ordre constitutionnel. La prévention des conflits et les démarches qui en résultent hors du cadre national relèvent de la politique étrangère.
A l'exception des affaires purement locales et transfrontalières, les cantons n'ont pas compétence pour correspondre directement avec les Etats étrangers et les organisations internationales.
Une intervention dans la politique fédérale étrangère en matière de prévention et de résolution des conflits échappe au domaine réservé aux cantons. Commentant l'article 8 de la constitution fédérale, Schindler indique explicitement qu'appartiennent au domaine traditionnel de la politique extérieure réservée à la Confédération «les relations avec les organisations internationales; la réglementation de la situation de ces dernières en Suisse; la représentation de la Suisse au sein des organes internationaux et devant les instances judiciaires internationales; les mesures dans le cadre de la politique de neutralité, en particulier l'offre de bons offices au sens large (tel que l'encouragement du règlement pacifique des conflits internationaux, la prise en charge de mandats protectoraux, les activités humanitaires en période de guerre et de paix)» (Commentaire de la constitution fédérale, ad article 8, paragraphe 37).
Appartiennent également à cette compétence fédérale exclusive les mesures de solidarité internationale auxquelles appartiennent les bons offices déjà évoqués, les prestations d'aide humanitaire et d'assistance en cas de guerre, ainsi que l'octroi de l'asile aux réfugiés politiques.
C'est également dans ce cadre que la Confédération contribue aux opérations de maintien de paix de l'ONU (Schindler, op. cit., paragraphe 39). Ce même auteur indique que les cantons ne sont pas admis à adopter des mesures de droit interne qui sont contraires aux intérêts de la Confédération en matière de politique étrangère (voir également ATF 65 I 120): «sont en particulier inadmissibles toutes les mesures qui peuvent influencer de façon gênante les relations de la Suisse avec les Etats étrangers, telles les résolutions de parlements cantonaux à propos d'événements survenus à l'étranger».
Aubert (Traité de droit constitutionnel suisse, tome I, n° 640) indique que toutes les dispositions qu'un canton pourrait prendre dans le domaine de la politique étrangère seraient nulles, même en l'absence de mesures fédérales. Le seul tempérament que celui-ci apporte concerne la possibilité pour les cantons d'intervenir en parallèle avec la Confédération dans le domaine de la coopération au développement (Aubert, op. cit., tome III, ad nos 640 et 672 et les références citées).
Encore faut-il préciser que la politique cantonale en la matière ne peut se mouvoir que dans les limites de la politique fédérale qu'elle ne saurait contrecarrer. Analysant ce domaine plus en détail, Monnier (op. cit., page 169) commente la loi sur la coopération au développement et l'aide humanitaire internationale en indiquant la faculté pour le Conseil fédéral de collaborer avec les cantons et les communes et les institutions publiques à des activités de coopération au développement et d'aide humanitaire. Cela étant, cet auteur spécifie également que les cantons ne peuvent conclure aucun accord avec des pays étrangers en la matière et que l'action y relative nécessite une coordination étroite de toutes les actions entreprises, coordination qui incombe à la Confédération, sauf à risquer de voir les politiques cantonales contrecarrer la politique fédérale.
Dans cette mesure, et à la lumière de ce qui précède, il nous apparaît extrêmement difficile de donner à la partie de l'initiative ici analysée une interprétation à la fois conforme à la constitution et conservant un sens réel au texte proposé. La seule interprétation possible consiste à restreindre le pouvoir d'intervention du canton en un mandat d'intervenir auprès des institutions fédérales pour soutenir la politique de la Confédération. Dès lors, ce passage de l'article 160 D, alinéa 2, se réduit à un mandat au canton d'intervenir auprès des «institutions nationales compétentes», étant entendu que seules les instances nationales suisses sont visées.
2. Article 160 D, alinéa 2, lettre a
L'alinéa 2, lettre a, de l'article 160, lettre D, proposé par les initiants mandate le canton d'encourager la réduction des dépenses militaires.
Sous réserve des dépenses nécessaires à la mise à disposition de la Confédération, notamment des infrastructures et de l'équipement que le canton est tenu de lui prêter (voir infra, ch. 3 et 4), il n'apparaît pas que ce moyen soit contraire au droit fédéral. Le canton peut intervenir licitement au plan fédéral par les institutions parlementaires à sa disposition, en particulier par le biais de l'initiative cantonale. Il n'y a pas sur ce point de violation du droit fédéral.
3. Article 160 D, alinéa 2, lettre b
L'initiative postule ensuite comme moyen «la restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton en intervenant auprès de la Confédération» (alinéa 2, lettre b, de l'article 160, lettre D).
L'article 20, alinéa 1, de la constitution fédérale déjà commenté ci-dessus indique que l'exécution des lois militaires dans les cantons a lieu par les autorités cantonales dans les limites qui seront fixées par la législation fédérale et sous la surveillance de la Confédération.
Les terrains affectés à l'armée sont clairement des infrastructures destinées à l'accomplissement des tâches d'instruction de l'armée exclusivement conférées à la Confédération par l'article 20, alinéa 2, de la constitution. Cette tâche implique en effet la compétence de se procurer et de gérer des places d'armes en recourant si nécessaire au moyen de l'expropriation prévue à l' article 22 de la constitution.
En pratique, la Confédération opère par des arrangements conventionnels avec les cantons, comme le relève Macheret (op. cit., ad article 22 constitution n° 2). L'article 124 de la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire, du 3 février 1995, (ci-après: «LAAM») indique explicitement, à son alinéa 2, qu'il appartient au Conseil fédéral de désigner les quarante places d'armes exploitées par la Confédération et les cantons. Il lui appartient de régler l'utilisation et l'administration des places d'armes, des places de tir et des places d'exercice.
L'article 126, alinéa 2, de la même loi excepte ces installations de la défense nationale de toute application de la législation cantonale, y compris d'une autorisation cantonale.
L'immunité conférée par le législateur à la Confédération en la matière a été régulièrement sanctionnée par la jurisprudence du Tribunal fédéral (voir notamment ATF 118 Ib 569; ATF 110 Ib 261 concernant les travaux préparatoires de la place d'armes de Rothenthurm; ATF 101 Ia 315).
Le canton de Genève est lié avec la Confédération par une convention concernant la mise à disposition et l'utilisation de la partie de la place d'armes de Genève et de ses dépendances, propriété de l'Etat de Genève, ratifiée le 23 octobre 1985 et le 6 février 1986. Cette convention garantit certains droits de libre disposition du canton sur les biens remis en bail à la Confédération (article 7).
L'exercice du droit de disposition du canton est toutefois subordonné à la mise à disposition préalable, aux frais du canton et avec l'accord de la Confédération, d'autres terrains d'une surface au moins égale, dotés de bâtiments et installations équivalentes, répondant aux besoins de la troupe. Le canton n'est pas habilité à dénoncer ladite convention avant le 31 décembre 2025 (article 16, alinéa 1).
Juridiquement, le canton ne peut valablement prendre prétexte de l'adoption de l'article 160 D, alinéa 2, lettre b, de la constitution genevoise pour se délier de son engagement conventionnel au titre de la modification d'une règle de rang supérieur.
Qui plus est, il apparaît qu'un mandat donné au canton visant à la désaffectation d'installations de l'armée existant dans le canton et leur restitution à des usages civils heurte le droit fédéral sous plusieurs angles:
a) Comme nous l'avons vu ci-dessus, la compétence pour désigner les places d'armes incombe au Conseil fédéral. Celui-ci peut exploiter une telle place d'armes sans être assujetti à une autorisation de droit cantonal. L'immunité qui résulte en faveur de la Confédération traduit la volonté du législateur fédéral de soustraire l'administration fédérale au droit cantonal parce qu'il tient les intérêts de la Confédération pour prioritaires par rapport à ceux du canton (voir à ce sujet Grisel, Traité de droit administratif, page 309 et les références citées).
Ainsi donc, en tout état de cause, les autorités cantonales ne pourraient pas invoquer la disposition constitutionnelle préconisée par l'initiative, si elle était adoptée, pour s'opposer au maintien de terrains affectés à l'armée dans le canton.
b) Les cantons sont liés entre eux et à l'égard de la Confédération par le concept de la fidélité confédérale déduit de l'article 3 de la constitution (voir Saladin, Commentaire de la constitution fédérale, ad article 3, paragraphes 34 et suivants).
Cette fidélité confédérale implique un devoir positif de collaboration à l'exécution des tâches fédérales. Il implique également l'interdiction de contrecarrer le droit fédéral. Le canton ne peut pas prétexterde l'application du droit cantonal pour rendre l'exécution d'une tâche de droit fédéral impossible ou difficile à l'excès (à ce sujet, voir Moor, Droit administratif, volume I, page 326 et les références citées; Grisel, op. cit., page 310).
Dans le cas d'espèce, la situation doit être soigneusement distinguée de la problématique développée dans l'arrêt du Tribunal fédéral du 23 mars 1977 dans la cause Conseil d'Etat du canton de Genève contre Confédération suisse (ATF 103 Ia 329). Le canton a pu s'opposer, pour des motifs d'aménagement du territoire, à l'installation d'une centrale nucléaire sur son territoire dès lors que, comme l'a indiqué le Tribunal fédéral, le législateur a renoncé à faire de la construction et de l'exploitation d'installations atomiques une tâche fédérale. Tel n'est pas le cas in casu.
La défense nationale, comme nous l'avons démontré, constitue bel et bien une tâche fédérale (au sujet de la distinction entre compétence fédérale et tâche fédérale, voir Moor, op. cit., page 326).
L'exposé des motifs préparé par les initiants repose sur ce point précisément sur la comparaison avec l'article constitutionnel genevois qui affirme le principe du «sortir du nucléaire».
Les initiants déclarent: «Nous voudrions en faire de même face au danger militaire.» Or, juridiquement, pour les motifs qui viennent d'être expliqués, l'objectif de «démilitariser» le canton viole la fidélité confédérale dans la mesure où il entre en contradiction avec la politique du Conseil fédéral en matière d'instruction et de gestion des places d'armes (voir à ce sujet également Häfelin/Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, troisième édition, page 101).
D'ailleurs, cette situation a été explicitement évoquée par la doctrine: Kölz (Bundestreue als Verfassungprinzip, in ZBl 1980, pages 173 à 174) déclare ce qui suit: «Yvo Hangartner hat als Beispiel dafür den Fall angeführt, da ein Kanton etwa aufgrund einer Volksinitiative verpflichtet wird, im Rahmen aller seiner Kompetenzen generell die Errichtung von Waffenplätzen der Armee zu verhindern. Ein solches kantonales Gesetz würde - wenigstens soweit es sich nicht um einen reinen Stadtkanton handelt - zweifellos einen ";bundesstaatlichen Rechtmissbrauch" darstellen, denn der Bund benötigt zur Erfüllung seiner verfassungsmässigen Aufgabe der Landesverteidigung eine bestimmte Anzahl von Waffenplätzen. Einen solchen ";bundesstaatlichen Rechtsmissbrauch" dürfte man aber nun annehmen, wenn der Kanton generell auf eine solche Haltung verpflichtet würde. Es steht ihm im Einzelfall aus besonderen lokalen öffentlichen Interessen zweifellos ohne Verletzung der bundesstaatlichen Treuepflicht offen, sich gegen die Errichtung eines Waffenplatzes zu wenden.»
Les réserves formulées par cet auteur, relatives à la prise en compte de motifs d'intérêt public locaux, ne sont, à nos yeux, pas applicables in casu et ce pour deux motifs:
- l'article 160, lettre D, de la constitution proposé par les initiants ne vise pas à s'opposer à des terrains affectés à l'armée dans le canton pour des motifs spécifiques liés par exemple à l'aménagement du territoire. Il s'agit, au contraire, d'une politique générale visant à exclure la présence de l'armée du canton.
- Le fait que Genève soit un canton-ville, situation évoquée par l'auteur précité, peut certes concerner le cas dans lequel la Confédération désirerait créer une nouvelle place d'armes sur le territoire cantonal exigu. Encore une fois, il ne s'agit pas de la situation analysée ici. Les initiants visent en effet la désaffectation d'installations existantes dans une perspective d'une politique générale de «démilitarisation».
En conséquence, un tel mandat systématique donné au canton apparaît, à nos yeux, clairement contraire au droit fédéral.
4. Article 160 D, alinéa 2, lettre c
L'article 160, lettre D, alinéa 2, lettre c, «vise à obliger le canton à encourager la conversion civile des activités économiques, financières et institutionnelles en relation avec le domaine militaire». Ce but d'encouragement à la reconversion civile d'activités économiques dans le domaine militaire ne pose pas de problème constitutionnel. Il y a lieu néanmoins de relever que cette reconversion trouve nécessairement une limite dans les obligations incombant aux cantons en matière de fournitures militaires.
A teneur de l'article 20, alinéa 3,106, alinéa 2, et 11, alinéa 2, LAAM, les cantons sont chargés de fournir à la Confédération les effets personnels de la troupe. Les militaires autres que les recrues sont donc équipés par les cantons.
Le législateur a ainsi donné aux cantons le mandat d'administrer et d'entretenir l'équipement de corps des unités et corps de troupes cantonaux (voir Macheret, Commentaire de la constitution fédérale, op. cit., ad article 20, paragraphes 13 et 14).
La disposition visée par l'initiative ne peut pas avoir pour effet de libérer le canton de son obligation de fournir un stock minimal de matériel militaire. Certes, l'article 106, alinéa 2, LAAM stipule que les cantons peuvent faire les achats des équipements pour les livrer à l'armée. Il est vrai que l'on peut théoriquement imaginer que le gouvernement genevois se passe à l'avenir du concours d'entreprises sises dans le canton et achète auprès de producteurs situés ailleurs en Suisse. L'on peut sérieusement se demander toutefois si un tel cas de figure rentre dans le but réellement voulu par les initiants.
5. Article 160 D, alinéa 3
L'alinéa 3 de l'article 160 D institue un certain nombre de moyens destinés au développement d'une culture de la paix. Pour l'essentiel, ces moyens n'apparaissent pas contraires au droit fédéral.
Les remarques et précisions suivantes doivent être néanmoins formulées s'agissant de ses lettres d et e:
a) L'alinéa 3, lettre d, préconise que le canton favorise «l'accueil des victimes de la violence, dans la mesure des moyens du canton». Juridiquement, l'accueil des victimes de la violence en provenance de pays étrangers est constitutionnellement du ressort de la Confédération dans le cadre de l'article 69ter. Toutefois, l'article 69ter, alinéa 2, laisse aux cantons le soin d'appliquer la législation fédérale, sous réserve du droit de la Confédération de statuer en dernier ressort sur le refus d'accord de l'asile (lettre d).
La compétence de décider de l'octroi de l'asile a été attribuée à la Confédération. Les cantons n'ont pas pour autant perdu tout pouvoir de décision dans le domaine. Ainsi et en particulier, l'article 14a, alinéa 1, de la loi sur l'asile laisse aux cantons le soin de convenir d'une répartition des requérants d'asile, bien qu'il prévoie ensuite que le Conseil fédéral fixe les critères de répartition dans une ordonnance si les cantons ne parviennent pas à s'entendre. De fait, le Conseil fédéral a déjà adopté une clé de répartition à l'article 9 de l'ordonnance sur l'asile, suite aux difficultés rencontrées dans les négociations cantonales en la matière. Cette clé de répartition est par ailleurs appliquée pour les personnes admises provisoirement individuellement (article 15, alinéa 4, LSEE; ATF 122 II 203) ou en tant que groupe de «réfugiés de la violence» dans le cadre des décisions du Conseil fédéral.
Cela étant, vu le système instauré par l'article 14a, alinéa 1, de la loi sur l'asile, il est parfaitement imaginable qu'un canton se porte volontaire pour accueillir plus de requérants d'asile sans se heurter à une réglementation impérative de droit fédéral.
b) L'alinéa 3, lettre e, de l'article 160 D oblige le canton à oeuvrer pour «la promotion du service civil, à travers la diffusion de toute information utile et le développement de projets et d'activités permettant la réalisation de ce service. L'accès volontaire à ceux-ci est ouvert à toute personne établie dans le canton».
S'agissant de la diffusion d'informations sur le service civil, il faut tout d'abord noter que dans la mesure où cette information n'incite pas directement au refus de servir, elle n'est pas illicite (comparer avec les articles 22 et 81 du code pénal militaire, du 13 juin 1927 - RS 321.0).
Ensuite, l'article 30 de l'ordonnance sur le service civil, du 11 septembre 1996, (RO 1996, pages 2685 et suivantes; ci-après OSC) prévoit des journées d'information sur le service civil. Néanmoins, cette information ne semble concerner que les personnes précédemment admises au service civil dès lors qu'elle est destinée à la préparation des périodes d'affectation.
Dans ce contexte, il paraît difficile de considérer que soit exclue toute autre information sur le service civil au motif d'un caractère exclusif du droit fédéral régissant l'organisation du service civil (voir R. Schweizer, Commentaire de la constitution fédérale, ad article 18, n° 51).
Faut-il considérer qu'un soutien cantonal à l'information sur le service civil contreviendrait au régime constitutionnel de l'obligation de servir?
Une réponse négative s'impose pour les motifs suivants:
i) Accomplir un service civil ne contrevient pas à l'obligation de servir: d'une part le service civil n'est aujourd'hui plus qu'une modalité de l'obligation de servir (par substitution, voir article 2, alinéa 1, de la loi sur le service civil, du 6 octobre 1995 - RO 1996, pages 1445 et suivantes; ci-après LSC), comme en témoigne également le fait que l'accomplissement du service civil libère du paiement de la taxe d'exemption (voir article 15 LSC; Schweizer, op. cit., n° 73).
ii) D'autre part et surtout, l'admission au service civil ne dépend pas d'un libre choix: elle est fonction de l'appréciation des autorités fédérales eu égard à la condition posée par l'article 1 de la loi.
L'on constate donc que «l'encouragement» au service civil par la fourniture d'informations sur les modalités des procédures d'admission y relatives ne viole aucune prescription fédérale expresse.
Reste que le service militaire constitue la forme de principe de l'obligation de servir et que la défense armée est une des tâches essentielles de la Confédération (article 2 de la constitution fédérale).
Partant, l'on peut encore s'interroger sur la question de savoir si l'encouragement du service civil revient à prétériter l'un des buts primaires de la Confédération et, partant, porterait atteinte à la fidélité confédérale déjà évoquée ci-dessus.
La réponse dépend en définitive de la question de savoir si le service civil n'est pas lui aussi au service de buts essentiels de la Confédération, ce que peut laisser penser sa fonction d'intérêt public consacrée par l'article 3 de la loi sur le service civil.
Mais en dernière analyse, la réponse tient surtout à la nature de l'activité informative préconisée. Les principes constitutionnels généraux en la matière obligent les autorités qui s'engagent dans des campagnes d'information à ne promouvoir que les solutions retenues par le législateur (voir Knapp, Information et persuasion, in Les instruments d'action de l'Etat, 1991, pages 45 et suivantes, notamment 77).
Les autorités doivent respecter le principe de l'égalité de traitement en ce sens que les lois doivent bénéficier d'un même degré d'information, même si le critère de la proportionnalité peut mener à privilégier l'information sur certaines lois en fonction de critères objectifs. Il est évident, dans cette perspective, que tout est question de mesure et de moyens. A l'extrême, une campagne publicitaire propagandiste unilatérale visant à donner au service civil une portée autre que celle prévue par le droit fédéral serait certainement contraire à ces principes constitutionnels.
A l'inverse, l'information sur le service civil dans le cadre de campagnes d'information portant sur toutes les modalités du devoir de servir est parfaitement admissible.
En raison des principes régissant l'interprétation des initiatives populaires, il y a lieu de présumer que l'interprétation à donner au texte de l'initiative sur ce point doit rester dans le cadre de ce qui est possible en vertu du droit fédéral.
Le développement de projets et d'activités permettant la réalisation du service civil, de même que l'admission volontaire à ces activités ne semblent pas contraires au droit fédéral. La LSC a prévu une très large association des particuliers et des cantons pour la mise à disposition de possibilités d'engagement en la matière. Selon l'article 3 de la loi, le travail d'intérêt public exigé par l'article 2, alinéa 3, peut s'effectuer dans une institution aussi bien publique que privée. Il suffit que le travail considéré corresponde aux domaines énumérés à l'article 4, alinéa 1, de la loi.
La très large place que réserve la loi pour la mise sur pied d'activités d'utilité publique dans le cadre des cantons ou d'institutions privées devrait donc rendre licite l'encouragement souhaité par l'article 160 D, alinéa 3, lettre e, de l'initiative.
Il est par ailleurs évident que l'accès volontaire aux projets et activités de service civil ouverts à toute personne établie dans le canton ne peut être assuré dans le cadre des structures mises sur pied en exécution de la loi sur le service civil et de son ordonnance d'exécution. Cependant, la reconnaissance par le droit fédéral d'institutions intéressées à employer des personnes engagées dans le service civil en tant qu'établissements d'affectation au sens de l'article 41 de la LSC ne s'oppose pas à ce que ces institutions soient chargées par le droit cantonal de tâches de promotion de la paix ou de prévention des conflits au sens de l'initiative.
Par conséquent, il n'est pas exclu qu'une même institution d'utilité publique emploie à la fois des personnes astreintes au service civil et des volontaires.
6. Article 160 D, alinéa 4
L'alinéa 4 de l'article 160 D invite le canton à mettre en oeuvre et à développer des moyens non militaires pour garantir la sécurité de la population. Il est encouragé à conférer toutes les tâches concernant la sécurité dans le canton à des organismes civils.
La lettre b de ce même alinéa 4 stipule qu'«il renonce à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre». Il y a lieu de déterminer si ce renoncement est conforme au droit fédéral.
Le maintien de l'ordre public cantonal constitue une tâche élémentaire du canton. L'article 19, alinéa 4, de la constitution fédérale donne le droit aux cantons de disposer à cet effet des forces militaires basées sur leur territoire pour le maintien du service d'ordre (voir Macheret, op. cit., ad article 19 constitution, nos 18 à 21; Vez, Le pouvoir de disposer des moyens stratégiques dans la défense générale, 1985, pages 40 et suivantes; Rasi, Die Kantonale Militärhöheit als Problem des Verhältnisses von Bund und Kantonen, 1974, pages 173 et suivantes).
La Confédération est en pareil cas étrangère à l'engagement de l'armée qui dépend entièrement de la responsabilité du canton (Macheret, op. cit., n° 2, lettre a, ad article 18).
Le service d'ordre destiné à soutenir les autorités civiles en cas de menace grave contre la sécurité intérieure constitue une forme de service actif au sens de l'article 76, alinéa 1, lettre b, de la LAAM. L'article 83, alinéa 2, lettre b, de la même loi confirme que ce service d'ordre peut être ordonné par les cantons pour l'engagement de leurs troupes sur leur propre territoire.
L'alinéa 4 de l'article 83 de la LAAM précise que le canton prend en charge les coûts de l'engagement de l'armée lorsqu'elle est mise sur pied suite à sa requête.
L'article 83, alinéa 1, de la LAAM consacre le principe de la subsidiarité de l'intervention de l'armée au titre du service d'ordre. Cette disposition stipule en effet que «des troupes peuvent être engagées pour le service d'ordre lorsque les moyens des autorités civiles ne suffisent plus pour faire face à des menaces graves contre la sécurité intérieure». Cette subsidiarité découle elle-même du principe de la proportionnalité qui plaide en faveur de l'engagement des forces de police en lieu et place de l'armée (voir Aubert, Traité de droit constitutionnel suisse, op. cit., tome III, n° 816; Macheret, op. cit., ad article l6, paragraphe 10; Eichenberger, Die Sorge für inneren Frieden als Primäre Staatsaufgabe, ZBl, 1977, page 447).
Le texte de l'initiative analysé ici ne se limite pas à postuler cette subsidiarité, mais prévoit un renoncement pur et simple à l'engagement des troupes en la matière. Ce renoncement est de nature à se heurter au texte de l'article 16, alinéa 1, de la constitution fédérale. Cette disposition stipule en effet qu'en cas de troubles à l'intérieur, le gouvernement du canton menacé doit en aviser immédiatement le Conseil fédéral afin qu'il puisse prendre les mesures nécessaires, dans les limites de sa compétence, ou convoquer l'Assemblée fédérale.
Le devoir d'aviser la Confédération, inscrit à l'article 16, alinéa 1, de la constitution, a ainsi pour but de permettre au Conseil fédéral, respectivement à l'Assemblée fédérale, de décider au besoin de l'engagement des forces armées sous la forme nécessaire et adéquate.
Or, selon le principe de la subsidiarité, c'est en premier lieu un service d'ordre fédéral à la demande et sous le commandement du canton, au sens de l'article 83, alinéa 5, de la LAAM (et de l'article 6, alinéa 1, de l'ordonnance sur le recours à la troupe pour assurer le service d'ordre, du 17 janvier 1979 - OSO), que la Confédération doit mettre sur pied en levant des troupes.
En effet, ce n'est que dans l'hypothèse où le gouvernement cantonal est hors d'état d'invoquer le secours de la Confédération que les autorités fédérales peuvent intervenir sans réquisition, à rigueur de l'article 16, alinéa 2, de la constitution. Il s'agit alors d'une véritable intervention fédérale, que le Conseil fédéral est tenu de déclencher lorsque les troubles compromettent la sûreté de la Suisse (voir Macheret, op. cit., n° 13, ad article 16; Vez, op. cit., pages 48 et suivantes; Feuille fédérale 1993 IV, page 89 et les références citées).
Le maintien de l'ordre intérieur est en effet un but primaire de la Confédération (article 2 de la constitution) auquel les cantons sont associés pour leur bénéfice mutuel (voir Aubert, Commentaire de la constitution, ad article 2; Vez, op. cit., page 35).
Ainsi, à teneur du texte de l'article 16, alinéa 1, de la constitution fédérale, en cas de troubles intérieurs, un canton ne peut pas renoncer à aviser immédiatement le Conseil fédéral et à requérir l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre. En cas de menace pour son ordre constitutionnel, chaque canton est tenu, de par l'obligation de fidélité confédérale, d'avertir et de faire appel à la Confédération, laquelle d'ailleurs, comme nous l'avons vu, dispose d'un droit d'intervention autonome.
Les cantons doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir, y compris en réclamant l'intervention de l'armée si nécessaire, pour éviter que leur ordre public ne soit troublé ou mis en danger et pour le rétablir lorsqu'il a été perturbé (voir Macheret, op. cit., ad article 16, paragraphe 7 et les références citées).
On voit mal qu'un canton confronté à des troubles intérieurs puisse ne pas avertir la Confédération (laquelle d'ailleurs interviendrait d'office). Encore moins pourrait-il se contenter d'avertir la Confédération tout en laissant la situation se dégrader sans recourir à ses forces armées, ni requérir la mise à disposition de l'armée par la Confédération sous prétexte qu'il serait maître de la gestion de son ordre intérieur et qu'une disposition constitutionnelle cantonale lui interdirait l'engagement des troupes pour assurer le service d'ordre.
Dans un tel cas, certes extrême, l'attitude cantonale serait constitutive d'une violation de la fidélité confédérale. A la lumière de ce qui précède, il découle que, s'il est licite pour un canton de faire tout le possible pour garantir la sécurité de la population par des moyens non militaires, comme le préconise d'ailleurs l'alinéa 4 de l'article 160 D, il n'est juridiquement pas admissible qu'un canton s'impose un renoncement pur et simple à l'engagement de la troupe.
Sur ce point, l'initiative est donc contraire au droit fédéral.
7. Article 160 D, alinéa 4
L'article 160 D, alinéa 4, lettre c, de l'initiative donne mandat au canton de garantir la sécurité des conférences internationales par des moyens non militaires dans les cinq ans dès l'entrée en vigueur du texte proposé.
Juridiquement, l'intervention de l'armée constitue un service d'appui au sens de l'article 67, alinéa 1, lettre b, de la LAAM. Le message du Conseil fédéral est parfaitement explicite sur ce point: «La lettre b serait applicable si les troupes devaient être mises sur pied pour assurer la protection de conférences internationales (protection de personnes; cf. par exemple l'engagement de troupes lors de la conférence au sommet des Présidents Reagan et Gorbatchev, à Genève, en 1985, ainsi qu'à l'occasion de la conférence sur la Palestine, à Genève, en 1988» (FF 1993 IV, page 77).
Ce service d'appui est décidé en principe par le Conseil fédéral (article 70, alinéa 1, lettre a, LAAM). Cela étant, juridiquement, le service d'appui est fourni à l'autorité civile cantonale qui fixe la mission de l'armée après entente avec le Département militaire fédéral (article 71, alinéa 1, LAAM).
Au même titre que pour le maintien de l'ordre, le service d'appui de l'armée a un caractère subsidiaire par rapport aux moyens civils à mettre en oeuvre. Cette subsidiarité, dans la mesure où elle est postulée par l'initiative, est conforme au droit fédéral.
Il reste maintenant à déterminer si le canton peut seul décider des moyens à mettre en oeuvre pour garantir la sécurité des conférences internationales.
Comme le relève Monnier (op. cit., pages 126 et suivantes), l'accueil sur le territoire suisse de conférences et d'organisations internationales fait partie de la pratique des bons offices au sens large qui est elle-même une facette de la neutralité active de la Suisse. Elle s'intègre dans les maximes de la politique étrangère (voir Schindler, Commentaire de la constitution fédérale, ad article 8, paragraphe 41).
Ainsi, l'accueil de ces conférences internationales fait partie intégrante de la politique extérieure de la Suisse dont nous avons déjà souligné qu'elle relève de la compétence fédérale.
C'est le Conseil fédéral qui assume la responsabilité de l'organisation de conférences internationales sur territoire suisse, et ce conformément à l'article 102, chiffre 8, de la constitution (Schindler, Commentaire de la constitution fédérale, ad article 102, chiffre 8, paragraphe 107) à l'égard tant des organisations internationales que des Etats étrangers. En conséquence, la Confédération est responsable de la sécurité de ces conférences internationales qui se tiennent sur territoire suisse. Il ne s'agit en aucune façon d'une responsabilité exclusive du canton sur le territoire duquel a lieu la conférence internationale.
C'est d'ailleurs la Confédération qui répond, juridiquement et diplomatiquement, à l'égard des autres Etats étrangers, du niveau de sécurité accordé à ces conférences.
Juridiquement, cantons et Confédération sont alors tenus de collaborer. Ce devoir de collaboration découle de la fidélité confédérale déjà analysée plus haut.
En la matière, les cantons sont donc tenus d'apporter leur contribution afin de permettre à la Confédération d'exercer ses tâches dans le domaine de la politique étrangère.
Dans la perspective qui nous préoccupe, le fait pour le canton de s'abstenir de requérir le service d'appui de l'armée pour assurer la sécurité d'une conférence internationale mise sur pied à Genève ne constitue pas en tant que tel une violation du droit, dans la mesure où, par ailleurs, il serait établi que la mise à disposition de moyens de sécurité civils est suffisante.
Ce n'est que dans l'hypothèse où tel ne serait pas le cas et que parallèlement, en vertu du droit cantonal, le canton se refuserait systématiquement à faire appel à l'armée que la question de la violation de l'obligation de coopération du canton pourrait théoriquement se poser. La réponse est donc avant tout une question de fait.
Il va de soi, cela étant, qu'un canton ne peut pas, par une attitude systématique et alors que le soutien de l'armée serait objectivement nécessaire, s'opposer à celle-ci et rendre par là difficile à l'excès l'exercice de la tâche fédérale que constitue l'organisation de la conférence diplomatique.
On peut d'ailleurs se demander si, en pareil cas, le Conseil fédéral, fort de ses compétences, ne pourrait pas lui-même commander un service d'appui.
L'examen ci-dessus démontre qu'en dernière analyse l'admissibilité de l'article 160 D, alinéa 4, lettre c, dépend de la question de savoir si la mise à disposition de moyens de sécurité civils suffisants est ou non réalisable.
La réponse à cette question est claire. C'est une vue de l'esprit que de croire que le canton serait à même, à ses frais, de créer, d'instruire, d'entretenir en permanence et d'équiper un corps civil de plusieurs milliers d'hommes et de femmes prêts en tout temps à être mis sur pied pour garantir la protection de conférences internationales, en lieu et place du service d'appui de l'armée.
Il sied en particulier de relever ici qu'au cours des quarante dernières années et plus particulièrement depuis 1983, la République et canton de Genève a fait appel à l'aide confédérale à 8 reprises dont 7 avec le concours de l'armée:
- 1954, conférence dite «asiatique» sur la question de l'Indochine, réunissant MM. Bidault, Dulles, Eden et Molotov;
- 1955, conférence des chefs d'Etat dite «des quatre Grands», soit MM. Faure, Eisenhower, Eden et Boulganine;
- 1961-1962, pourparlers sur la question algérienne;
- 1983, conférence de l'ONU sur la question palestinienne;
- 1984, pourparlers relatifs à la paix au Liban (appui de policiers confédérés seulement);
- 1985, rencontre au sommet entre MM. Reagan et Gorbatchev;
- 1988, venue de M. Arafat à l'occasion d'une session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies;
- 1994, rencontre au sommet entre MM. Clinton et Assad.
Concrètement, il convient également de prendre en considération que depuis 1985 la population genevoise a augmenté de 14% alors que l'effectif policier a, quant à lui, diminué de 2% durant la même période.
La mise en place de grandes conférences ou rencontres internationales implique des missions de protection et garde d'ouvrages dans de vastes périmètres cloisonnés, nécessitant l'engagement d'effectifs importants. Ces tâches de surveillance et d'alarme peuvent sans autre être confiées à la troupe et ne nécessitent pas du personnel ayant une formation de policier. Cette doctrine appliquée aux dispositifs mis en place jusqu'ici a permis d'affecter le gros des forces de police à des tâches considérées comme relevant typiquement de la mission de la police. Mais même dans ce cas de figure, la police cantonale a dû être renforcée à plusieurs reprises par des effectifs importants de policiers confédérés.
Il faut préciser également que la question devient encore plus délicate si l'engagement doit avoir lieu sur une longue durée. L'armée disposant d'effectifs importants, elle est à même d'assurer les missions secondaires de longues durées avec un rythme de relèves adéquat.
Il est enfin important d'ajouter qu'avec le concept «Armée 95», la troupe dispose d'une meilleure formation dans les missions générales du service d'appui, spécialement dans les missions de garde et de surveillance, et que la disponibilité des formations a été notablement améliorée.
Les renforts mis à disposition par les corps de police des cantons ne s'inscrivent pas dans le même contexte. Tout d'abord, les cantons confédérés peuvent eux-mêmes se trouver dans des situations de crise empêchant la mise à disposition de moyens au profit de l'autorité cantonale requérante et de plus, comme indiqué plus haut, les missions confiées aux policiers cantonaux ne sauraient être identiques à celles dévolues à la troupe.
En conséquence, l'article 160 D, alinéa 4, lettre c, doit également être invalidé et, partant, supprimé du texte soumis en votation.
2. Exécutabilité
Ce principe veut qu'en cas d'acceptation par le peuple, l'initiative puisse être réalisée, c'est-à-dire traduite concrètement dans les faits et dans un délai raisonnable.
Les parties invalidées étant retranchées du texte, l'initiative 109 apparaît réalisable, dès lors qu'il n'existe aucun obstacle manifeste et patent à sa concrétisation.
III. Conclusions générales
Les développements qui précèdent ont permis de mettre en évidence quatre problèmes qui ne concernent pas l'initiative dans son ensemble, mais des dispositions particulières.
L'analyse effectuée nous conduit, sur ces points, aux conclusions suivantes:
1. L'article 160 D, alinéa 2, est contraire au droit fédéral dans la mesure où il entend charger le canton de faire des démarches auprès des instances étrangères et des organisations internationales compétentes.
Les mots «intervient dans ce sens auprès des institutions nationales» peuvent subsister dans le texte dans la mesure où ils sont interprétés comme se rapportant aux institutions de la Confédération qui ont la responsabilité principale de la politique étrangère.
En revanche, le solde de la phrase - soit les mots: «et internationales compétentes» - doivent être supprimés du texte soumis en votation.
2. La disposition de l'article 160 D, alinéa 2, lettre b, qui vise à mandater le canton en vue d'une restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton est contraire au droit fédéral. Il ne nous paraît pas possible de donner à cette disposition une interprétation conforme au droit supérieur.
Les mots «dans la limite du droit fédéral» figurant en tête de l'article 160 D, alinéa 1, ne sont d'aucun secours en la matière.
3. Le renoncement du canton à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre postulé par l'article 160 D, alinéa 4, lettre b, de l'initiative est contraire aux dispositions de la constitution fédérale, dans la mesure où il postule un renoncement sans réserve. La protection de la sécurité intérieure, respectivement de l'ordre constitutionnel cantonal, peut nécessiter, à teneur du droit fédéral, le recours aux troupes de l'armée. Le canton ne dispose pas du droit de renoncer unilatéralement à cette prérogative, même si elle a un caractère subsidiaire par rapport aux moyens non militaires.
Dans ces conditions, l'article 160 D, alinéa 4, lettre b, doit être également soustrait du texte soumis en votation populaire.
4. La validité du mandat donné aux cantons de veiller à la sécurité des conférences internationales exclusivement par des moyens non militaires pose avant tout une question de faisabilité. Une telle protection par des moyens non militaires s'avérant totalement irréaliste et, par voie de conséquence, le canton pouvant se voir reprocher de ne pas collaborer à la tenue de ces conférences internationales organisées sous l'égide de la Confédération, l'article 160 D, alinéa 4, lettre c, doit être supprimé du texte soumis en votation en tant qu'il contrevient au droit fédéral.
5. Juridiquement, la sanction qui découle de la non-conformité au droit fédéral de dispositions d'une initiative populaire cantonale doit être examinée à l'aune du principe de la proportionnalité. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que la sanction de l'irrecevabilité doit rester proportionnée à la gravité de la violation des règles légales et qu'en conséquence une annulation totale d'une initiative peut, suivant les circonstances, être une sanction excessive (voir ATF 105 Ia 362).
A l'inverse, l'annulation partielle d'une initiative n'est cependant pas possible, si, considérée dans son ensemble, elle viole le droit fédéral (ATF 117 Ia 147).
Le texte de l'article 66, alinéa 3, de la constitution genevoise confirme ce qui précède. Il indique en effet que le Grand Conseil ne déclare que partiellement nulle l'initiative dont une partie est manifestement non conforme au droit, si la où les parties qui subsistent sont elles-mêmes valides. Ce n'est qu'à défaut qu'il déclare l'initiative nulle dans son ensemble.
Les développements qui précèdent permettent au Conseil d'Etat de conclure que seule la sanction d'une nullité partielle est concevable in casu, l'initiative dans son principe ne violant pas le droit fédéral.
6. Pour le surplus, l'initiative respecte à la fois l'unité de la forme, l'unité de la matière et l'unité du genre. Elle peut, par ailleurs, être considérée comme exécutable par rapport aux dispositions qui subsistent.
B. Prise en considération de l'initiative
I. L'initiative a pour titre «Genève, République de paix». Elle vise, si on se réfère à l'énoncé de son principe, à promouvoir une politique de sécurité fondée sur l'engagement de moyens pacifiques et à encourager le développement d'une culture de la paix. Elle s'en prend cependant, essentiellement, à l'armée si on analyse les moyens qu'elle préconise pour en restreindre le rôle sur le territoire de la République et canton de Genève.
II. Il est peu de villes au monde qui soient autant que Genève un lieu auquel la promotion très concrète de la paix soit aussi intimement liée. Depuis des décennies, Genève a pour vocation de servir la cause de la paix, une cause qui ne saurait être le monopole de quelques-uns, et qui est de notre responsabilité à tous. Les autorités de ce canton n'ont pas attendu d'y être invitées pour oeuvrer dans ce sens. En étroite collaboration avec la Confédération, elles travaillent depuis longtemps et très concrètement pour promouvoir tant la prévention des conflits que leur gestion et leur règlement, sans oublier le soulagement et la protection de ceux qui en sont les victimes.
L'histoire de Genève est jalonnée de combien d'événements qui tous marquent une contribution de notre cité à la paix dans le monde. Est-il nécessaire ici d'évoquer l'arbitrage de l'Alabama, ou plus récemment la rencontre, en novembre 1985, entre Ronald Reagan et Michael Gorbatchev, ou encore cette occasion qui fut donnée à Yasser Arafat, à qui les Etats-Unis refusaient un visa d'entrée, de s'adresser dans notre ville à l'assemblée générale des Nations Unies? Déjà l'histoire retient que ces deux derniers événements constituent des étapes décisives des processus qui ont permis à la guerre froide de s'achever et à la paix d'être signée entre Israéliens et Palestiniens.
Le Conseil d'Etat entend que Genève, à l'avenir, continue d'être ce lieu privilégié où ceux qui s'affrontent sur les champs de bataille puissent négocier et trouver des solutions aux conflits qui les divisent; un lieu aussi qui soit toujours plus le principal centre de l'action humanitaire, de la défense des droits de l'homme et des efforts de reconstruction des sociétés ravagées par la guerre. Enfin, est-il nécessaire de rappeler que c'est à Genève en particulier que s'est négocié depuis bien longtemps le désarmement.
III. Depuis de très nombreuses années, la paix, le désarmement, les questions de sécurité et l'ensemble des instruments susceptibles de résoudre les conflits sont au coeur des activités de beaucoup d'institutions genevoises, internationales, nationales ou cantonales, universitaires et non universitaires que souvent le canton ou la ville soutiennent. Formation, recherche et dialogues portant sur la paix et la sécurité, la prévention et la gestion des conflits constituent tout ou partie du champ d'activités de maintes facultés à l'université, de l'Institut universitaire de hautes études internationales, de l'Institut universitaire d'études du développement, du Centre d'études pratiques de la négociation internationale, de l'Institut des Nations Unies pour la recherche et le désarmement, sans oublier le Centre de politique de sécurité de Genève, nouvellement créé et dont un des objectifs est justement de servir la promotion de la paix. Il est d'autres institutions encore, telles le GIPRI ou Pugwash, prix Nobel de la paix en 1995, qui méritent d'être mentionnées ici. Genève n'a donc rien d'un désert et une série d'initiatives devraient enrichir encore la palette offerte en matière de prévention et de résolution de conflits et de développement d'une culture de paix dans les années à venir.
IV. Les initiants entendent promouvoir une culture de paix. Leur intention première est cependant, comme ils le disent eux-mêmes, de «sortir du militaire» en introduisant un «article pacifiste» dans la constitution. Et c'est à cet effet qu'ils préconisent toute une série de mesures qui visent à diminuer le rôle de l'armée sur le territoire du canton. Certaines de ces mesures, on l'a dit, posent des problèmes de recevabilité. D'autres ne sont guère applicables. Il s'agit de replacer ces mesures dans leur contexte et en particulier dans la perspective de la relation entre Genève et l'armée, de la place et du rôle de celle-ci.
Tout d'abord, les terrains affectés à l'armée sont avant tout destinés à l'instruction des troupes de sauvetage, c'est-à-dire de troupes dont la mission prioritaire est d'être au service des populations en cas de catastrophes en Suisse ou à l'étranger. De toutes les troupes de l'armée, ce sont certainement celles dont la mission est par essence civile et dont on voudrait empêcher l'instruction,
Une lecture rapide de l'initiative peut donner l'impression que c'est à l'armée en tout premier que le canton et les autorités doivent faire appel pour garantir la sécurité de la population. Ce n'est nullement le cas. C'est prioritairement à des moyens non militaires que les autorités cantonales recourent chaque fois que la sécurité dans la population peut être menacée ou qu'il s'agit de faire en sorte que nos hôtes étrangers puissent poursuivre leur mission de paix en toute sécurité. C'est à quoi sert au premier chef le corps de police, le corps des sapeurs-pompiers, le service de sécurité de l'aéroport ou encore l'ensemble du service de santé. Mais il se peut que ces moyens civils ne suffisent pas, qu'une catastrophe oblige à boucler un grand espace de terrain ou à régler la circulation; ou encore, comme lors de la rencontre Reagan-Gorbatchev, d'assurer la garde de certains lieux et installations.
Le canton peut alors faire appel à des moyens non militaires d'autres cantons. Mais ces moyens ne sont pas toujours disponibles. D'où la nécessité de pouvoir recourir à l'armée dans certains cas, pour des tâches bien précises de garde et de contrôle, dont une des fonctions doit être de décharger les moyens non militaires de certaines tâches.
Comme développé plus haut à propos de la conformité de l'article 160 D, alinéa 4, au droit supérieur, au cours des quarante dernières années et plus particulièrement depuis 1983, la République et canton de Genève a fait appel à l'aide confédérale à 8 reprises dont 7 avec le concours de l'armée.
Les initiants voudraient que le canton assure toutes ces tâches, pour lesquelles l'armée pourrait être appelée à la rescousse, par des moyens civils. Cela signifierait alors la création d'un corps de police auxiliaire de plusieurs milliers d'hommes et de femmes qu'il s'agirait d'instruire, d'équiper et d'entraîner aux frais du seul canton.
V. Le canton de Genève, enfin, appartient à la Confédération. Ce qui implique des devoirs envers l'Etat fédéral qui est le garant de son existence. Genève ne saurait décemment s'affranchir de tout ou partie de ses obligations à l'endroit de la Confédération et des autres cantons suisses. De plus, la République et canton de Genève joue un rôle particulier au sein de l'alliance confédérale, dès lors que la présence des organisations internationales sur son sol permet à la Suisse d'y promouvoir une politique étrangère active, sans commune mesure avec ses dimensions et le chiffre de sa population. Si Genève n'était plus autorisée à requérir l'aide que seule l'armée peut lui fournir - notamment avec ses matériels et systèmes d'armes - pour permettre à sa police de se consacrer entièrement à sa mission première, elle ne serait plus à même de garantir la sécurité indispensable à la tenue de certaines conférences internationales sur son territoire. Elle faillirait ainsi à sa mission et sa place en tant que cité internationale et cité de paix pourrait dès lors être mise en péril.
Vl. Enfin, les initiants semblent totalement ignorer le fait que l'armée a mis en place, pour tout le territoire de la Confédération, des régiments d'aide en cas de catastrophe, lesquels ont pour mission d'apporter les secours utiles aux cantons sinistrés lorsque les moyens propres du canton se révèlent insuffisants. Ces régiments et bataillons, qui font partie des formations d'alarme, sont disponibles en l'espace de quelques heures et à même d'agir avec des moyens du génie, d'extinction de feu, sanitaires, etc.
En l'état, c'est même à la caserne de Genève que sont instruites, pour une partie, ces formations tout au long de l'année. Cette circonstance permettrait, le cas échéant, également un engagement de l'école de recrues située sur le canton. Dans ce contexte, il ne semble pas nécessaire de préciser davantage en quoi consistent les risques potentiels auxquels notre canton est confronté, qu'il s'agisse des risques naturels ou d'origine technologique.
Conclusions
L'initiative fait fi de la solidarité de Genève et de la Confédération, ainsi que des obligations très particulières du canton à l'égard de l'Etat fédéral.
En s'en prenant à l'armée et en particulier à celles-là mêmes de ses missions qui, précisément, la mettent au service de la population civile - tâches de sauvetage ou de garde - l'initiative entre en fait en contradiction flagrante avec ce qu'elle entend promouvoir, à savoir une Genève accueillante au service de la paix.
C'est bien au développement de cette Genève-là que le Conseil d'Etat travaille. Cela ne nécessite en aucune manière de restreindre le rôle de l'armée sur le territoire de notre République et canton.
Le Conseil d'Etat vous propose en conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, de déclarer l'initiative 109 partiellement recevable et d'en recommander le rejet au corps électoral.
ANNEXE
INITIATIVE POPULAIRE
«Genève, République de paix»
Les soussignés, électrices et électeurs dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65A de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la présente initiative constitutionnelle formulée, qui propose le projet de loi suivant, modifiant la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847.
La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit:
Article unique
Art. 127 (abrogé)
TITRE X E
POLITIQUE DE PAIX
(nouveau, comprenant l'art. 160D)
Art. 160D (nouveau)
1 Dans la limite du droit fédéral, le canton développe et applique une politique de sécurité fondée sur la mise en oeuvre de moyens pacifiques, aptes à résoudre tout conflit au niveau local et international. Il encourage activement la recherche et la promotion de mesures de prévention des conflits à travers le développement d'une véritable culture de paix. Cette politique est réalisée par les autorités cantonales et communales, l'administration et les institutions publiques dans le cadre de leurs attributions.
2 Dans ce but, le canton soutient toute démarche visant le désarmement global, la coopération et la solidarité entre les peuples et le respect des droits de l'homme et de la femme. Il intervient dans ce sens auprès des institutions nationales et internationales compétentes. En particulier, le canton encourage:
a) la réduction des dépenses militaires;
b) la restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton en intervenant auprès de la Confédération;
c) la conversion civile des activités économiques, financières et institutionnelles en relation avec le domaine militaire.
3 Le canton oeuvre pour la prévention des conflits et le développement d'une culture de la paix, notamment par:
a) l'encouragement de la recherche pour la paix et le soutien des actions de la société civile pour la solution non violente des conflits;
b) la participation à la création et au financement des activités d'un institut de recherche pour la paix;
c) le développement d'un programme d'éducation à la paix dans le cadre de l'instruction publique aux niveaux primaire et secondaire;
d) l'accueil des victimes de la violence, dans la mesure des moyens du canton;
e) la promotion du service civil, à travers la diffusion de toute information utile et le développement de projets et d'activités permettant la réalisation de ce service. L'accès volontaire à ceux-ci est ouvert à toute personne établie dans le canton;
f) le renoncement à toute manifestation de promotion de l'institution et des activités militaires dépassant le cadre strict des obligations cantonales et commu-nales en la matière.
4 Le canton met en oeuvre et développe des moyens non militaires pour garantir la sécurité de la population:
a) il encourage la prise en charge de toutes les tâches concernant la sécurité dans le canton par des organismes civils;
b) il renonce à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre;
c) il dispose, dans le domaine des conférences internationales, d'un délai de 5 ans dès l'entrée en vigueur du présent article pour garantir la sécurité des conférences internationales par des moyens non militaires.
La loi règle tout ce qui concerne l'exécution du présent article.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Genève, République de paix, c'est ...
Un article pacifiste dans la constitution genevoise
Avec cet article constitutionnel Genève ne va pas instaurer la paix dans le monde ni même abolir l'armée suisse. Par contre, nous pouvons renforcer l'idée qu'il vaut mieux prévenir les causes économiques et sociales des conflits plutôt que de déléguer leur solution aux militaires. L'adoption de ce principe, assorti de quelques mesures concrètes au niveau cantonal qui permettraient d'avancer dans cette direction, constituerait un message d'ouverture, d'innovation et de courage qui pourra être entendu aussi au-delà des frontières cantonales et nationales.
Pour sortir du militaire...
Grâce à une initiative populaire, Genève possède déjà un article dans sa constitution qui affirme le principe du «sortir du nucléaire».
Nous voudrions en faire de même face aux dangers militaires! Il s'agit aussi d'orienter de manière contraignante l'action des responsables politiques dans la direction indiquée par des majorités de la population genevoise lors de chaque votation populaire des vingt dernières années touchant de près ou de loin à l'armée.
Des mesures concrètes pour développer une culture de la paix
La compétition et la rivalité de plus en plus acharnées touchent toutes les sociétés ainsi que les individus qui en font partie: des valeurs comme la solidarité, la justice sociale et le renoncement à la violence mériteraient d'être soutenues plus concrètement, par exemple dans l'instruction publique, dans l'attitude face aux plus démunis ou dans la recherche.
Pas d'armée contre les civils!
Actuellement, en cas de «menaces graves contre la sécurité intérieure», les autorités fédérales et les cantons peuvent engager de troupes de l'armée contre la population. En renonçant à cette faculté, le canton serait obligé de développer des moyens civils et non-violents pour résoudre les conflits internes.
Lors des grandes rencontres internationales l'armée n'est employée que pour des tâches subsidiaires (circulation routière, garde de bâtiments), puisque seule la police est entraînée à la protection rapprochée et à la lutte antiterroriste. Par conséquent, la mise en oeuvre de moyens civils ne devrait pas poser de problèmes majeurs.
Préconsultation
M. Luc Gilly (AdG). D'emblée, j'adresse un sévère blâme politique à la majorité de ce gouvernement, qui refuse un débat d'importance nationale et cantonale sur trois ordonnances fédérales préconisant des corps armés spécialisés pour assurer le service d'ordre.
Il est regrettable que sa seule solution soit le recours à un outil répressif, alors qu'il est urgent de trouver d'autres moyens, lors de confrontations, pour éviter des accidents irréparables.
Ce parlement ferait déjà un pas en direction de l'initiative «Genève, République de paix» s'il prenait, dès ce soir, une position courageuse à l'égard de ces ordonnances.
J'en viens au rapport du Conseil d'Etat sur l'initiative «Genève, République de paix». Les arguments avancés pour l'invalider partiellement sont inconsistants et parfois fallacieux. En voici trois exemples :
1. L'initiative ne demande pas au canton de faire de la politique étrangère au niveau des Etats, mais simplement de pratiquer une politique active en faveur de la paix auprès des diverses organisations internationales, notamment dans les domaines de la coopération au développement, ou en soutenant des actions similaires à celles menées avec le CICR.
2. Si l'article constitutionnel genevois «sortir du nucléaire» contraint le canton à s'opposer, à l'aide des moyens juridiques et politiques mis à sa disposition, à l'installation de centrales nucléaires sur son territoire, l'initiative «Genève, République de paix», elle, lui demande simplement d'encourager «...la restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton en intervenant auprès de la Confédération.» Monsieur Vodoz, cet article ne contrevient nullement aux conventions sur les terrains militaires entre le canton et le DMF... (L'orateur est interrompu par M. Olivier Vaucher.) Non, Monsieur Vaucher ! L'initiative ne demande pas au gouvernement genevois de se soustraire à l'obligation d'aviser les autorités fédérales, en cas de troubles graves dans le canton. Cette exigence n'apparaît nulle part dans le texte ! L'initiative lui demande simplement de renoncer, de sa propre initiative, à faire appel à l'armée pour assurer le service d'ordre.
3. Le coût financier d'une sécurité assurée par des organismes civils, lors de la tenue de conférences, est jugé insupportable par le Conseil d'Etat. Il ne s'agit que d'une simple supposition de sa part. En effet, cette estimation n'est pas basée sur une étude de faisabilité, et nous en contestons formellement les aboutissants. Elle sera matière à débat dans le cadre de la campagne politique précédant la votation populaire, mais ne pourra, en aucun cas, constituer un motif juridique pour invalider le point y relatif de l'initiative.
En tout état de cause, le rapport du Conseil d'Etat semble relever davantage de l'«intox» politique et d'une interprétation tendancieuse visant à discréditer l'initiative par avance que d'une analyse juridique rigoureuse tenant réellement compte du potentiel des propositions formulées.
Il appartiendra donc à la commission législative du Grand Conseil de se pencher, avec le sérieux requis, sur l'initiative «Genève, République de paix».
L'inconsistance et les arguments trompeurs du rapport du Conseil d'Etat font que celui-ci n'est pas acceptable sur plusieurs points, en plus de ceux précédemment cités. Il fait preuve d'un mépris manifeste des droits populaires et des citoyens les exerçant. Il révèle aussi que le Conseil d'Etat n'a pas compris la dimension positive et novatrice de l'initiative en matière de prévention des conflits.
Comme celui qui ne regarde pas la lune, mais le doigt qui la désigne, le Conseil d'Etat interprète «Genève, République de paix» uniquement comme une initiative anti-armée au niveau genevois.
Or «Genève, République de paix» ne cite l'armée qu'en relation avec les compétences spécifiques du canton en la matière, c'est-à-dire à propos des interventions des services d'ordre appelés par le canton. Le reste, c'est-à-dire la partie prédominante de l'initiative, est largement consacré à des mesures de politique de paix, de prévention des conflits violents. Par rapport au nouveau service civil, ce texte permettrait à notre canton d'ouvrir des pistes novatrices en matière de solidarité, de coopération et d'éducation à la paix dans nos écoles. Il constituerait une référence pour ceux qui s'engagent dans le règlement non violent des conflits.
Il est dommage que le Conseil d'Etat n'ait pas voulu voir tous ces aspects positifs et n'ait pas profité de l'occasion pour stimuler cette fameuse Genève de paix, dont la constitution ne contient encore aucun article en faveur d'une politique active de paix.
Nous voulons insuffler une dynamique cantonale pour que les choses changent, et cela vous choque ! C'est tout simplement écoeurant !
La présidente. Monsieur le député, vous ne pouvez pas intervenir sur un rapport du Conseil d'Etat.
M. Christian Ferrazino (AdG). (M. Michel Halpérin intervient.) Désolé de vous faire souffrir, Monsieur Halpérin ! Rassurez-vous, je serai bref !
Je reprends la phrase de M. Lescaze, qui illustre à merveille le dossier qui nous occupe : «Le droit n'est qu'un moyen pour poursuivre des objectifs.» Vous avez eu raison de nous le rappeler juste avant que nous n'abordions ce point de l'ordre du jour, puisque le Conseil d'Etat tente d'utiliser le droit pour dénaturer totalement l'initiative populaire du GSsA.
Les arguments développés dans ce rapport de trente pages s'apparentent, Monsieur Vodoz, à de la rhétorique de corps de garde. Je regrette de devoir vous le dire ! (M. Olivier Vodoz interrompt l'orateur.). Avant que vous nous indiquiez la source de cette rhétorique, je me permettrai, exemples à l'appui, de démontrer que vos arguments sont des arguties qui dénaturent totalement cette initiative.
Vous oubliez, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'il s'agit d'une initiative-programme, à l'instar de «L'énergie notre affaire» que nous avons votée. Elle lance une dynamique qui permettra une interprétation différente de celle d'aujourd'hui. C'est d'ailleurs l'intérêt de ce type d'initiative.
Vous nous dites tout le mal que vous pensez de cette initiative, en prenant, il est vrai, quelques précautions oratoires du genre «Selon nous...»; «On peut s'interroger sur...»; «A nos yeux...». Aussi userons-nous de la même prudence pour vous répondre, Monsieur Vodoz, mais en ayant la lucidité de prévoir que la vision du Conseil d'Etat de demain ne sera pas celle du Conseil d'Etat d'aujourd'hui.
Relevons quelques sophismes utilisés dans ce rapport. Dans son premier alinéa, l'initiative demande que le canton encourage une véritable culture de paix. Sur ce point déjà, le conseiller d'Etat se gratte la tête pour nous annoncer à la page 9, je cite : «...la Confédération est investie d'une compétence générale - suit une incise prudente - sinon exclusive, en la matière.» Cela pour nous laisser croire qu'on ne peut rien faire au niveau cantonal genevois pour encourager la paix ! C'est le premier exemple de la manière dont le Conseil d'Etat traite cette initiative.
Monsieur Vodoz, je vous mets au défi de démontrer, articles de loi à l'appui, que l'encouragement, par le canton, d'une culture de paix viole une quelconque prescription fédérale existante.
Autre exemple de votre mauvaise rhétorique : d'après vous, le canton ne pourrait pas encourager la restitution, à des usages civils, des terrains affectés à l'armée, en intervenant auprès de la Confédération, comme le demande l'initiative dans son alinéa 2, lettre b). Pourquoi cela ? Parce que le canton est lié à la Confédération par une convention de 1985 qui l'empêche d'agir dans ce sens, et l'on précise que cette convention ne pourra pas être dénoncée... avant 2025 ! Le Conseil d'Etat le prétend, alors que tout le monde sait que les conventions sont assorties de clauses de dénonciation avant terme !
Si vous avez dissimulé vos sources et pris soin de ne pas annexer cette convention à votre rapport, je me dis, Monsieur Vodoz, que ce n'est peut-être pas pour rien.
Par conséquent, je vous prie de nous affirmer que vous transmettrez votre rapport à la commission, en y joignant la convention à laquelle vous faites allusion. Je vous assure que nous l'examinerons très attentivement pour vous démontrer qu'il sera possible de la résilier avant terme. Et même si nous ne pouvions le faire, je vous rappelle, Monsieur Vodoz, qu'une constitution n'est pas faite pour cinq ou dix ans, mais pour bien plus longtemps.
Pourquoi ne pourrions-nous pas préparer aujourd'hui la Genève de demain, comme le propose l'initiative du GSsA ?
Le Conseil d'Etat semble être beaucoup plus attaché, Monsieur Vodoz, à respecter les conventions le liant à la Confédération que celles le liant à la fonction publique.
Je donne encore un exemple de vos arguties juridiques pour tenter de dénaturer l'initiative. Vous dites que le canton ne pourrait pas renoncer à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre, comme le prévoit l'alinéa 4, lettre b) de l'initiative. Et pourquoi ne le pourrait-il pas ? Vous répondez, à la page 20 du rapport...
La présidente. Je vous rappelle que le temps de parole est de cinq minutes en débat de préconsultation.
M. Christian Ferrazino. ...«Ce renoncement est de nature à se heurter au texte de l'article 16, alinéa 1, de la Constitution fédérale. Cette disposition stipule en effet qu'en cas de troubles à l'intérieur, le gouvernement du canton menacé doit en aviser immédiatement le Conseil fédéral...». En l'occurrence, vous confondez sciemment l'obligation d'informer le Conseil fédéral et la possibilité du canton de mobiliser la troupe armée. Le GSsA n'entend pas vous empêcher d'aviser le Conseil fédéral si vous le jugez utile. Il veut que Genève n'utilise pas la troupe militaire sur son territoire. Cela, nous pouvons et devons le faire, Monsieur Vodoz ! J'ai d'autres exemples à donner...
La présidente. Je vous interromps ici, Monsieur le député, et je prie M. Michel Halpérin de m'excuser. En effet, selon l'article 119 A de notre règlement, nous sommes en débat de préconsultation où le temps de parole est limité à cinq minutes, ainsi qu'à une intervention par groupe. Deux députés du même groupe se sont exprimés. Il nous faut conclure avec un renvoi en commission législative, laquelle est un passage obligé.
M. Christian Ferrazino. Je conclus, Madame la présidente, en disant que ces quelques exemples démontrent que le Conseil d'Etat n'est manifestement pas favorable à la Genève, République de paix, que l'initiative souhaite promouvoir.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Bien que cette initiative doive être renvoyée à une commission, conformément à la loi portant règlement du Grand Conseil et à la constitution, vous comprendrez que je ne saurais laisser les propos de M. Ferrazino sans réponse.
Nonobstant votre ton et votre vocabulaire, Monsieur le député, le Conseil d'Etat considère, à teneur des articles 119 et 119 A de la loi portant règlement du Grand Conseil, qu'il avait à vous fournir dans le délai de trois mois un rapport sur la recevabilité de l'initiative, d'une part, et sur son opportunité - c'est-à-dire sur le fond - d'autre part.
Les sujets étant généralement délicats en matière de recevabilité, le Conseil d'Etat a l'habitude depuis des décennies, via le département de justice et police, de solliciter des avis de droit et d'étudier les sujets concernés, afin d'éviter de toucher, dans la mesure du possible, à l'exercice des droits populaires.
Le département de justice et police a donc demandé un avis de droit sur la recevabilité de l'initiative 109, avis amplement cité dans le rapport du Conseil d'Etat. En commission législative, vous recevrez cet avis de droit de la part de M. Ramseyer, dont j'excuse l'absence ce soir.
Comme la loi nous y oblige, nous avons réfléchi à ces questions, et c'est la moindre des choses ! D'ailleurs, lorsque vous avez voulu modifier la loi, vous avez insisté pour que nous abordions, en priorité, les problèmes de recevabilité, pour que nous n'ayons pas à les traiter en même temps que le fond.
Nous avons donc sollicité des avis, et nous vous les transmettons. Vous avez vos convictions, nous avons les nôtres. La différence, Monsieur le député Ferrazino, c'est que nous respectons les vôtres, alors que vous ne donnez pas l'impression de respecter les points de vue que nous pouvons émettre ou recueillir sur des questions délicates.
Quant à la problématique de l'opportunité, le rapport du Conseil d'Etat est tout à fait clair en ce qui concerne Genève, ville de paix et de promotion de la paix. Nous savons tous que cette République et canton agit depuis très longtemps dans ce domaine.
Nous voulons tous la paix. Comme l'ont fait nos prédécesseurs et comme le feront nos successeurs, nous y travaillons pour l'intérêt de notre pays et celui du monde. Cette initiative n'ajoutera aucune pierre à cet édifice, et c'est pourquoi le Conseil d'Etat vous recommande dans son rapport - et c'est son droit le plus strict - de la rejeter sur le fond.
Cela étant, l'initiative sera renvoyée à la commission législative qui l'examinera dans les délais prévus par la loi. Vous ferez un rapport et vous aborderez le fond ensuite. Nous sommes à votre disposition.
Nous avons répondu au plus près de notre conscience au sujet de la problématique qui nous est imposée par la loi.
IN 109
Cette initiative est renvoyée à la commission législative.
IN 109-A
Ce rapport est renvoyé à la commission législative.
La séance est levée à 23 h 25.