Séance du
jeudi 23 janvier 1997 à
17h
53e
législature -
4e
année -
2e
session -
1re
séance
R 330
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'attitude extrêmement ferme du directeur du CERA, qui malgré l'intervention de personnalités politiques et de nombreux journalistes, a refusé de laisser entrer quatre demandeurs d'asile dans la journée du vendredi 3 janvier nous incite à déposer cette proposition de résolution, afin de dire clairement au Conseil fédéral à quel point nous sommes choqués par cette attitude inhumaine.
La décision de fermer les portes du centre d'enregistrement des requérants d'asile durant la période des fêtes (seule une permanence était organisée le matin du 24 décembre et la journée du 30 décembre) était connue des oeuvres d'entraide quelques jours avant Noël et celles-ci ont tenté maintes interventions auprès des autorités politiques, avant les fêtes, pour remédier à cette situation. Elles ont clairement annoncé le danger encouru par des personnes arrivant de pays au climat différent, sans vêtements et sans moyens d'existence et au grave risque d'atteinte à leur santé. Pour toute réponse, on a fait savoir aux responsables des oeuvres d'entraide que les cas de rigueur seraient admis (à savoir les familles avec enfant de moins de cinq ans, les femmes enceintes d'au moins six mois, les mineurs non accompagnés, les invalides et les malades). Les autres ne pourraient se présenter que durant les deux maigres permanences et qu'aucune autre structure ne serait prévue pour les accueillir.
Cette situation, Mesdames et Messieurs les députés est tout simplement inadmissible et nous ne pouvons pas imaginer qu'elle puisse se reproduire.
En effet, sans la mise en place de réseaux de solidarité, 44 requérants d'asile dont des enfants et des malades (!), auraient passé une semaine à la rue avec les conséquences dramatiques que l'on peut imaginer.
Par ailleurs, cette habitude de laisser les gens à la rue est le fait du CERA tout au long de l'année pour les personnes arrivant en dehors des heures administratives (après 17 h et durant le week-end). Ainsi que pour les personnes déjà hébergées au CERA, mais arrivant en retard (17 h 01 !)
Enfin, dernier point, il convient de remarquer que la moyenne des séjours avoués par l'ODR dans les CERA est de 13 ou 14 jours, voire plus. L'équipement et l'encadrement ne sont pas fait pour des séjours d'une telle durée.
Au moment où la population genevoise s'est montrée si solidaire des plus démunis de notre canton, (les différentes collectes et les lieux d'accueil transformés en lieux de fête le démontrent), nous nous devons d'attirer l'attention du Conseil fédéral sur la politique inhumaine menée par l'Office fédéral des réfugiés.
C'est le sens de cette résolution et nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés de lui réserver un bon accueil.
Débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je remercie ce Grand Conseil d'avoir accepté de mettre ce point à l'ordre du jour de ce soir. On peut considérer qu'il y a un caractère d'urgence étant donné que cette résolution ne concerne pas uniquement la fermeture qui a eu lieu pendant la période des vacances de Noël mais également les procédures qui sont habituellement utilisées par le CERA pendant les week-ends.
Je développerai donc très brièvement cette résolution. J'ai constaté, avec une grande satisfaction, que le Conseil d'Etat est intervenu lui-même hier auprès du Conseil fédéral, en reprenant à peu près les même mots que le texte de la résolution.
Durant les périodes du 24 décembre au 30 décembre 1996, puis à nouveau du 31 décembre 1996 au 6 janvier 1997, le centre de requérants d'asile de Genève était fermé. Il n'acceptait ni l'enregistrement des requérants ni, tout simplement, leur accueil. Cela signifie que des personnes pouvaient se présenter à la porte du centre, même avec des enfants, sans être acceptées. Cette façon de faire est totalement inacceptable ! Si des réseaux de solidarité n'avaient pas été mis en place par des églises et des associations, quarante-quatre personnes se seraient retrouvées à la rue; quarante-quatre personnes qui n'avaient pas de moyens de survivre; quarante-quatre personnes qui n'avaient pas de vêtements chauds pour supporter le froid qui sévissait à cette période.
Cette résolution invite donc le Conseil fédéral à intervenir, puisque nous n'avons pas de prise sur le centre d'enregistrement au niveau du canton. Deux conseillères nationales se sont pourtant déplacées avec un certain nombre de journalistes et ont elles-mêmes essayé de faire entrer des requérants. Cela a été refusé, et le directeur du centre n'a pas du tout voulu entrer en matière ni ouvrir sa porte.
Le seul moyen qu'il nous reste est donc d'intervenir directement à Berne et de demander au Conseil fédéral d'intervenir auprès de l'Office fédéral des réfugiés. Cette résolution explique ce qui s'est passé pendant la période de Noël et demande que, désormais, les personnes qui se présentent au CERA soient accueillies et hébergées, et cela indépendamment des heures d'ouverture administratives; elle demande également - puisque le problème résultait des vacances des employés et du manque d'employés pour assumer l'accueil de nouvelles personnes - que le personnel du CERA puisse, bien entendu, prendre légalement ses congés, mais que, durant cette période, des remplaçants compétents soient engagés pour assurer l'accueil et l'hébergement; elle demande encore, dans un cadre plus général, de réorienter la politique et la pratique d'accueil du CERA. En effet, de nouveaux cas, qui se sont passés durant le mois de janvier, démontrent à quel point cet accueil se fait d'une manière qui n'a pas grand-chose à voir avec les qualités humaines qui devraient être requises pour assurer cette fonction.
La résolution demande enfin que le séjour du CERA soit limité à la seule procédure d'enregistrement comme cela était prévu, car on s'aperçoit que les procédures durent actuellement beaucoup plus que les quatre ou cinq jours prévus initialement. Le centre d'enregistrement des requérants d'asile n'est pas équipé pour accueillir des gens pendant une semaine, deux, voire trois, comme c'est le cas.
Je vous demande donc d'accepter de renvoyer cette résolution au Conseil fédéral, pour qu'il puisse transmettre nos demandes à l'Office fédéral des réfugiés.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. S'agissant d'une invite au Conseil fédéral, le Conseil d'Etat prend acte du dépôt de cette résolution.
A ce sujet, je tiens à faire savoir que mon département avait donné des instructions à la police pour éviter que des candidats à l'asile, dans l'impossibilité d'accéder au CERA et se retrouvant à la rue, ne soient inquiétés. Mon département a manifesté son étonnement auprès de l'autorité fédérale au sujet de cette pratique. Le Conseil d'Etat tient à confirmer qu'il s'agit d'une affaire regrettable, strictement du ressort fédéral, et ne s'oppose pas, bien entendu, au vote de cette résolution.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil fédéral.
Elle est ainsi conçue :
rÉsolution
concernant la fermeture du centre d'enregistrement des requérantsd'asile (CERA)
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- la fermeture du CERA du 24 décembre au 30 décembre 1996, puis du 31 décembre 1996 au 6 janvier 1997;
- qu'une quarantaine de requérants d'asile ont trouvé porte close durant ces périodes;
- le danger de laisser ces personnes à la rue, sans moyen d'existence et dans un froid intense;
- que sans la mise en place de réseaux de solidarité pour prendre en charge ces personnes, un drame aurait pu se produire,
invite le Conseil fédéral
à réaffirmer clairement le rôle de terre d'accueil que notre pays doit garantir à tous ceux qui y cherchent refuge:
en intervenant auprès de l'Office fédéral des réfugiés pour:
1. que cette situation ne se reproduise plus et que les personnes se présentant au CERA y soient accueillies et hébergées indépendamment des heures administratives;
2. accorder au personnel du CERA les congés légaux, tout en s'assurant les services de remplaçants compétents pour l'accueil et l'hébergement durant ces périodes;
3. réorienter d'urgence la politique et la pratique d'accueil au CERA, en faisant preuve de plus d'humanité à l'égard de ceux qui y sont accueillis et y séjournent;
4. veiller à ce que le séjour au CERA soit limité à la seule procédure d'enregistrement afin d'éviter que des séjours ne dépassent les 4 ou 5 jours prévus initialement.