Séance du jeudi 12 décembre 1996 à 17h
53e législature - 4e année - 1re session - 51e séance

PL 7544
22. Projet de loi de Mme et MM. Daniel Ducommun, Michèle Wavre, Bernard Lescaze et John Dupraz modifiant : a) la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 1) b) la loi instituant un Conseil supérieur de la magistrature (E 4 1) c) la loi sur l'organisation judiciaire (E 2 1). ( )PL7544

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982 (A 5 1), est modifiée comme suit:

Art. 119 A (nouveau)

1 Pour toutes les élections auxquelles procède le Grand Conseil, celui-ci se prononce après avoir reçu un préavis de la commission judiciaire de préavis.

2 La commission judiciaire de préavis est composée d'un représentant de chaque parti représenté au Grand Conseil. Ses membres sont nommés par le Grand Conseil, sur proposition des partis politiques concernés, pour trois ans et sont immédiatement rééligibles. La commission désigne son président, son vice-président et son secrétaire. Elle se réunit selon le besoin. Elle reçoit copie des décisions et des rapports du Conseil supérieur de la magistrature.

3 La commission entend les candidats à une première élection, les magistrats à une réélection si elle le juge nécessaire, de même que toute autre personne susceptible de lui fournir des renseignements utiles.

4 Lorsque l'élection a lieu par le Conseil général, la commission peut communiquer à des tiers le résultat de ses constatations.

Art. 2

La loi instituant un Conseil supérieur de la magistrature, du 27 juin 1942 (E 4 1), est modifiée comme suit:

Article 1, dernière phase (nouvelle teneur)

exercent leur charge avec dignité, assiduité, diligence et attention. Il veille à la formation continue des magistrats.

Art. 2 (nouvelle teneur)

1 Le Conseil est composé:

a) du procureur général;

b) du président de la Cour de justice;

c) de deux magistrats choisis par leurs pairs;

. .

e) du président de la commission judiciaire de préavis, avec voix consultative.

2 Le magistrat ayant fait l'objet d'une sanction ne peut siéger au Conseil supérieur dans un délai de 5 ans dès le prononcé de la sanction. Cette interdiction peut être levée par le Conseil supérieur si la faute ayant conduit à la sanction n'était que bénigne.

Art. 3, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Il délibère valablement lorsque trois au moins de ses membres ayant voix délibérative sont présents et prend ses décisions à la majorité des voix.

Art. 8, al. 3 (nouveau)

3 Une copie de toute décision est remise à la commission judiciaire de préavis.

Art. 11, lettre d (nouvelle)

d) le président de la commission judiciaire de préavis par le vice-président.

Art. 3

La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 (E 2 1), est modifiée comme suit:

Art. 2 A, al. 1 et 2 (nouvelle teneur)

1 Les présidents et vice-présidents de la Cour de cassation, de la Cour de justice, du Tribunal de première instance, du collège des juges d'instruction et du Tribunal tutélaire et de la Justice de paix sont élus par le Grand Conseil, parmi les juges de chacune de ces juridictions, et sur proposition de celles-ci. Un magistrat ne pouvant siéger au Conseil supérieur de la magistrature (art. 2, al. 2, loi sur le Conseil supérieur de la magistrature) ne peut présider sa juridiction.

2 Chaque président et vice-président est élu pour 3 ans et est immédiatement rééligible une seule fois pour la même durée.

Art. 76, dernière phrase (nouvelle)

Ils signalent tout manquement au Conseil supérieur de la magistrature.

Art. 4

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Les dernières élections judiciaires ont démontré que le système en vigueur présentait des défauts, en particulier lorsque l'élection est ouverte comme c'était le cas pour l'élection des juges d'instruction.

Si le principe de l'élection populaire, c'est-à-dire par le Conseil général, pour reprendre le terme de la constitution, ne doit pas être mis en cause, toutes les parties concernées, y compris le peuple souverain, souhaitent que ces élections aient lieu tacitement, ce qui est le cas lorsque les partis politiques parviennent à un consensus et qu'il n'y a finalement pas plus de candidats que de postes à repourvoir.

Dans cette optique, la tâche assumée jusqu'à ce jour par la commission interpartis est essentielle puisqu'elle fonctionne comme relais entre les électeurs, via les partis politiques, et le monde judiciaire.

Les dernières élections judiciaires ont également mis en lumière les limites de l'efficacité du Conseil supérieur de la magistrature comme autorité de surveillance des magistrats de l'ordre judiciaire.

Il convient dès lors d'apporter quelques retouches au système existant pour le rendre plus efficace et plus simple.

2. S'agissant de la commission interpartis, il est souhaitable de l'insérer dans un cadre légal, celui de la loi sur l'exercice des droits politiques paraissant idéal à cet égard, permettant de définir plus exactement ses compétences et surtout de lui donner un accès direct aux décisions prises par le Conseil supérieur de la magistrature. Sa mission consiste à formuler un préavis au Grand Conseil sur la candidature de nouveaux magistrats de même que sur la réélection d'anciens magistrats lors des élections générales. Cette commission, dont la dénomination deviendrait commission judiciaire de préavis, serait nommée par le Grand Conseil sur proposition des partis politiques qui désigneraient leur représentant, la durée du mandat étant de trois ans - soit la même durée que celle proposée pour les présidences de juridictions - immédiatement renouvelable. La commission doit pouvoir s'organiser de manière autonome et avoir le pouvoir d'entendre toutes les personnes susceptibles de l'éclairer. Elle doit notamment recevoir systématiquement les décisions du Conseil supérieur de la magistrature qui constituent un élément important dans la formation des préavis qu'elle doit fournir. Cette solution satisfait le souhait généralement exprimé d'une plus grande publicité des décisions du Conseil supérieur de la magistrature, sans être aussi radicale que la publication des décisions dans un organe officiel. Avant de formuler son préavis, la commission doit pouvoir s'entretenir avec les candidats à une élection ainsi qu'avec toute autre personne qu'elle souhaite entendre.

Lorsque l'élection est ouverte, la commission, qui est de par son officialité soumise au secret de fonction, doit pouvoir renseigner les électeurs sur ses constatations.

3. En ce qui concerne le Conseil supérieur de la magistrature, il y a lieu d'examiner les raisons pour lesquelles le système de la surveillance des magistrats n'est pas entièrement satisfaisant. La première tient, semble-t-il, au trop grand nombre de personnes composant ce conseil. Actuellement, neuf personnes y siègent (procureur général, présidents de la Cour de cassation, de la Cour de justice, du Tribunal administratif, du Tribunal de première instance, du Tribunal tutélaire, du Tribunal de la jeunesse, du Collège des juges d'instruction ainsi que le chef du DJPT). L'expérience montre que les organes composés de plus de cinq, voire sept personnes, manquent d'efficacité. La seconde a trait au système de tournus des présidences de juridictions qui a pour conséquence que certains membres du Conseil peuvent ne pas avoir l'autorité nécessaire en raison de leur personnalité ou de leurs propres manquements. La troisième tient à la composition du Conseil formé presque exclusivement de magistrats (8 sur 9 postes), ce qui peut favoriser des tendances corporatistes.

En réalité, il n'est pas indispensable que toutes les juridictions soient représentées au Conseil. Il suffit d'y faire siéger deux magistrats représentant les plus hautes instances cantonales (procureur général et président de la Cour de justice) et deux autres magistrats librement choisis par l'ensemble des magistrats. La place du chef du département de justice et police et des transports (DJPT) doit être maintenue, alors qu'il y aurait lieu de faire entrer, si ce n'est un représentant du monde politique, du moins une personnalité pouvant faire le relais entre les pouvoirs législatif et judiciaire. Cette fonction n'est pas suffisamment assurée par le chef du DJPT qui ne représente que le pouvoir exécutif. Le président en exercice de la commission judiciaire interpartis apparaît tout désigné pour assumer cette tâche, mais n'aurait qu'une voix consultative pour éviter tout conflit de compétence lorsqu'il siège à la commission judiciaire de préavis.

Formé de six membres, dont cinq avec voix délibérative, jouissant de l'autorité nécessaire, le Conseil verra son fonctionnement amélioré. Les présidents de juridictions qui ne seraient plus membres du Conseil pourront toujours être entendus chaque fois que celui-ci traitera le cas d'un magistrat de la juridiction en question.

Pour assurer une meilleure efficacité, il faut également prévoir une durée de fonction plus longue. Exception faite du procureur général et du président du DJPT dont les mandats sont respectivement de six et quatre ans, elle n'est que de deux ans pour les autres magistrats, et en particulier pour le président du Conseil, ce qui est insuffisant pour assurer la continuité de la politique suivie. En conséquence, la durée du mandat devrait être rallongée à trois ans renouvelable immédiatement.

4. Il y a, au surplus, lieu de préciser le domaine d'intervention du Conseil, notamment en donnant à ce dernier la possibilité d'ouvrir d'office des procédures mais également d'intervenir dans les domaines non disciplinaires, en particulier en ce qui concerne la formation continue des magistrats, notamment en relation avec la qualité de leur travail. Comme il n'existe pas d'école de la magistrature, il est nécessaire qu'une autorité ait la responsabilité de la formation continue des magistrats. Ce rôle convient parfaitement au Conseil supérieur de la magistrature.

5. Les modifications proposées ci-dessus nécessitent enfin des ajustements formels d'autres dispositions de la loi qu'il n'est pas nécessaire de commencer (art. 3, al. 3 et 11, al. 1, lettre d).

6. S'agissant des présidents de juridiction, ils doivent constituer une première autorité de surveillance dans leur propre juridiction. Cela implique que les magistrats accédant à cette responsabilité doivent jouir d'une autorité naturelle et du respect de leurs collègues. Cela n'est pas toujours le cas dans un système où la présidence échoit par tournus en principe à tous les membres de la juridiction. Il y aurait donc lieu de prévoir l'élection des présidents de juridiction par le Grand Conseil comme jusqu'à présent, mais sur préavis du plenum de la juridiction concernée. Il faut également, pour les mêmes raisons que celles évoquées pour le Conseil supérieur de la magistrature, allonger la durée des mandats, actuellement de deux ans, à trois ans avec une possibilité de renouvellement immédiat. Le cahier des charges des présidents de juridiction (art. 76 LOJ) devrait également être précisé et comporter l'obligation de signaler au Conseil supérieur de la magistrature les cas survenant dans leur juridiction.

Ce projet est renvoyé à la commission législative sans préconsultation.