Séance du jeudi 5 décembre 1996 à 17h
53e législature - 4e année - 1re session - 47e séance

IN 106
8. a) Initiative populaire «Pour le maintien et le développement des formations professionnelles supérieures à Genève». ( )IN106
IN 106-A
La validité et la prise en considération de l'initiative 106 «Pour le maintien et le développement des formations professionnelles supérieures à Genève». ( -)IN106
M 931-A
La motion de Mmes et MM. Pierre-François Unger, Claude Howald, Yvonne Humbert, Pierre Vanek, Roger Beer, Elisabeth Reusse-Decrey et Gabrielle Maulini-Dreyfus concernant l'avenir de l'école d'ingénieurs de Genève. ( -) M931
 Mémorial 1994 : Développée, 2992. Motion, 2998.

 b) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur :

LANCEMENT D'UNE INITIATIVE

Le Comité d'initiative «Pour le maintien et le développement des formations professionnelles supérieures à Genève» a lancé l'initiative populaire suivante intitulée «Pour le maintien et le développement des formations professionnelles supérieures à Genève», qui a abouti.

1.

Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le  

6 septembre 1996

2.

Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le  

6 décembre 1996

3.

Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le  

6 juin 1997

4.

Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contreprojet, au plus tard le  

6 mars 1998

5.

En cas d'approbation de cette initiative non formulée ou en cas d'opposition d'un contreprojet, adoption par le Grand Conseil respectivement d'une loi concrétisant l'initiative ou d'un contreprojet, au plus tard le  

6 mars 1999

INITIATIVE POPULAIRE

«Pour le maintien et le développement des formations professionnelles supérieures à Genève»

Les soussignés, électrices et électeurs dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la présente initiative non formulée, qui demande au Grand Conseil d'adopter une loi qui crée, conformément à l'article 161 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, une ou plusieurs hautes écoles spécialisées du canton de Genève faisant partie de l'enseignement supérieur et universitaire répondant aux objectifs et critères définis ci-après.

La Suisse romande a besoin et a droit à plusieurs hautes écoles spécialisées

1. La haute école spécialisée du canton de Genève comprend les unités d'enseignement suivantes:

 ingénierie et architecture;

 commercial, administration et services;

 agriculture, horticulture et paysagisme;

 arts appliqués et arts visuels;

 social et de la santé;

 de la musique et arts dramatiques.

La loi fixe les conditions de reconnaissance des filières du niveau des hautes écoles spécialisées relevant de la compétence du canton.

Pour tenir compte de la revalorisation de filières de formation existantes ou futures, d'autres hautes écoles spécialisées cantonales comprenant une ou plusieurs unités d'enseignement peuvent, sur décision du Grand Conseil, être créées.

D'autres unités peuvent être incluses, le cas échéant, sur décision du Grand Conseil.

2. La haute école spécialisée du canton de Genève est ouverte à toutes les filières de formation de niveau haute école spécialisée. Toutefois, une filière de formation peut collaborer avec ou, sur décision du Grand Conseil, être intégrée dans une haute école spécialisée intercantonale. Dans ce cas le Grand Conseil s'assurera:

 du maintien et de la création dans le canton de Genève des filières de formation, jusqu'au diplôme, répondant aux besoins de formation de la population et renforçant le développement ainsi que la diversification de l'économie locale et régionale;

 de la préservation de la voie scolaire intégrée propre au canton de Genève;

 de la préservation des contrôles démocratiques cantonaux.

3. Les principes de la démocratisation des études sont appliqués, conformément à l'article 4 de la loi sur l'instruction publique, du 6 novembre 1940.

4. La haute école spécialisée du canton de Genève collabore avec les autres écoles spécialisées de Suisse et de la région en s'assurant que cette collaboration s'inscrit dans les mêmes conditions que celles retenues sous chiffre 2.

5. La haute école spécialisée du canton de Genève dispense un enseignement théorique et pratique, préparant à l'exercice d'activités professionnelles qui requièrent l'application et le développement de connaissances et de méthodes scientifiques ou appellent une capacité de création artistique. Elle transmet aux étudiant des connaissances générales, fondamentales et spécialisées qui les rendent notamment aptes à:

 développer et appliquer dans leur vie professionnelle, et de manière autonome ou en groupe, des méthodes leur permettant de résoudre les problèmes qu'ils doivent affronter;

 exercer leur activité professionnelle en tenant compte des connaissances scientifiques, techniques et économiques les plus récentes;

 assumer les fonctions dirigeantes, à faire preuve de responsabilité sur le plan social et à communiquer;

 raisonner et agir globalement et dans une perspective pluridisciplinaire;

 faire preuve de responsabilité en matière de défense de l'environnement et de gestion des ressources naturelles.

La haute école spécialisée du canton de Genève offre à la population des programmes de formation continue permettant d'approfondir les connaissances dans un domaine d'études particulier ou d'acquérir des connaissances spécifiques dans de nouveaux domaines. Elle se charge également de travaux de recherche appliquée et de développement. Dans la mesure compatible avec sa mission de formation, elle fournit des services à des tiers.

La haute école spécialisée du canton de Genève favorise la réalisation de l'égalité entre femmes et hommes.

6. La haute école spécialisée du canton de Genève est un établissement de droit public autonome doté de la personnalité juridique dont les ressources sont assurées par le budget de l'Etat, les subventions fédérales et les autres recettes provenant d'activité de service. Son personnel est régi par le statut de la fonction publique.

La gestion de la haute école spécialisée du canton de Genève est confiée à des conseils comprenant des représentants de l'Etat, de la direction des écoles, des différentes catégories de personnel, des étudiants ainsi que des milieux professionnels.

7. Pour les filières de la haute école spécialisée du canton de Genève relevant de la compétence de la Confédération ou subventionnées par celle-ci, le canton veille à obtenir la reconnaissance et le financement prévus aux articles 14 à 21 de la loi sur les hautes écoles spécialisées, du 6 octobre 1995.

8. La loi concrétisant la présente initiative s'inspirera du projet de loi sur la ou les hautes écoles spécialisées de la République et canton de Genève, du 21 septembre 1995 (PL 7296).

9. Dans le texte qui précède «la haute école spécialisée» s'entend comme la ou les hautes écoles spécialisées.

(IN 106-A et M 931-A)

RAPPORT du conseil d'État

au Grand Conseil

a) sur la validité et la prise en considération de l'initiative 106 «Pour le maintien et le développement des formations professionnelles supérieures à Genève»

b) sur la motion concernant l'avenir de l'école d'ingénieurs de Genève

Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 22 août 1996, publié dans la Feuille d'avis officielle du 6 septembre 1996. De cette date court une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.

Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation qui doit, de par la loi, intervenir à la séance du Grand Conseil du 6 décembre 1996. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.

A. La validité de l'initiative

1. Recevabilité formelle

1.1. Unité de la matière

Le principe de l'unité de la matière, qui découle de la liberté de vote garantie par le droit constitutionnel fédéral, implique que des objets différents, en ce sens qu'ils ne sont pas réunis entre eux par un lien réel et objectif, ne doivent pas faire l'objet d'une seule question soumise au vote populaire. Ce principe a trouvé une concrétisation expresse dans la constitution genevoise, dont l'article 66 prévoit que le Grand Conseil doit scinder ou déclarer partiellement nulle l'initiative qui ne respecte pas l'unité de la matière, selon que ses différentes parties sont en elles-mêmes valides ou non. A défaut, il déclare l'initiative nulle.

Les exigences de l'unité de la matière sont plus élevées sur le plan constitutionnel qu'au niveau législatif; elles sont également plus strictes pour les initiatives rédigées de toutes pièces que pour les initiatives non formulées. Le principe de l'unité de la matière veut ainsi, dans sa formulation souple, que la loi en question règle une matière déterminée et que les différentes propositions établies dans ce but aient un certain lien matériel entre elles. Dans son application plus stricte, il exige qu'il existe entre les différentes propositions - en cas de propositions nouvelles avant tout quant à leur but, en cas de modification également quant à la réglementation précédente - un rapport de connexité qui fasse apparaître comme objectivement justifiée leur réunion en une seule initiative et en une seule question soumise au vote.

En l'espèce, le but de l'initiative 106 est l'établissement d'une ou plusieurs hautes écoles spécialisées dans le canton. Les différents éléments de l'initiative ont à l'évidence un rapport de connexité étroit avec ce but, dès lors qu'ils se rapportent au champ d'activité, aux principes de fonctionnement, aux objectifs pédagogiques, à l'organisation et aux statuts de la haute école spécialisée dont la création est exigée. Il ne fait donc guère de doute que, même en appliquant le plus strict des critères définis ci-avant, le principe de l'unité de la matière est respecté.

1.2. Unité de la forme

Les articles 65, 65 A et 65 B de la constitution genevoise distinguent, d'une part, l'initiative non formulée, et, d'autre part, l'initiative constitutionnelle ou législative rédigée de toutes pièces. En vertu de l'article 66, alinéa 1, de la constitution, le Grand Conseil déclare nulle l'initiative qui ne respecte pas l'unité de la forme ou du genre. Les initiants doivent donc choisir la voie de l'initiative non formulée ou de l'initiative rédigée de toutes pièces, mais ne peuvent mélanger, sous peine de nullité, ces deux types d'initiatives.

En l'espèce, les initiants ont expressément indiqué dans leur texte qu'il s'agissait d'une initiative non formulée. Il convient donc d'examiner si tel est bien le cas.

S'agissant de la distinction entre initiatives rédigées de toutes pièces et initiatives non formulées, le Tribunal fédéral, dans une jurisprudence déjà ancienne, avait indiqué que l'on devait considérer comme initiatives formulées non seulement celles qui se présentaient expressément sous la forme de dispositions législatives, mais également les demandes qui étaient exprimées d'une manière telle que le parlement avait les mains matériellement liées et ne pouvait plus s'écarter du texte de l'initiative que sur un plan strictement formel . Plus récemment, le Tribunal fédéral a cependant indiqué qu'une initiative populaire, expressément qualifiée de non formulée, ne pouvait pas être réinterprétée, en tout cas par ses auteurs, comme un projet rédigé de toutes pièces, même si elle remplissait les conditions pour être considérée comme tel .

L'ancien droit genevois de l'initiative populaire prévoyait que 10 000 électeurs pouvaient soit proposer un projet de loi, soit «demander au Grand Conseil de légiférer sur un objet déterminé» (art. 64, al. 2, aCst. gen.) ou, en d'autres termes, «demander au Grand Conseil l'élaboration, l'abrogation ou la modification d'une loi» (art. 67, al. 1, aCst. gen.). Sous l'empire de cette réglementation, le Tribunal fédéral avait relevé que le droit genevois ne posait aucune exigence particulière quant au contenu possible d'une initiative non formulée et qu'il était donc en principe loisible aux initiants d'exprimer leurs postulats d'une manière relativement précise, plutôt que sous la forme de voeux conçus en termes généraux. Dans la mesure où l'initiative nécessitait un travail d'élaboration de la part de l'autorité législative, elle devait être traitée comme une initiative non formulée au sens du droit constitutionnel cantonal.

L'institution de l'initiative formulée détaillée, telle qu'elle avait réussi à s'implanter dans la pratique constitutionnelle genevoise, a été vivement critiquée, dans le cadre de la révision du droit d'initiative à Genève, par le professeur Andreas Auer. S'appuyant sur l'avis du professeur Auer, le Conseil d'Etat, dans son exposé des motifs à l'appui de son projet de révision du droit d'initiative, a relevé notamment:

«Il importe que ceux qui ont une vue précise de ce qu'ils entendent proposer choisissent la voie de l'initiative formulée, alors que l'initiative non formulée doit rester l'apanage des non-juristes, de ceux qui entendent avant tout introduire dans le débat politique une idée ou une proposition nouvelle dont la concrétisation ne soit pas source de querelles ou de difficultés».

 ...

«Enfin, il importe de clarifier le contenu de l'initiative non formulée en la ramenant à sa substance, l'énoncé d'un voeu, dont la concrétisation ne doit pas être démesurée (formulation en un seul acte du Grand Conseil, même s'il est évident que celui-ci peut, par exemple, modifier simultanément plusieurs articles de la constitution ou plusieurs lois) ni enfermer le Grand Conseil dans un carcan» .

Dans cette optique, le Conseil d'Etat a proposé un nouvel article 65 de la constitution prévoyant que l'initiative non formulée pouvait «être présentée sous la forme d'une proposition conçue en termes généraux et susceptible de formulation par une révision de la constitution ou par une loi, ce choix appartenant au Grand Conseil». Le Conseil d'Etat précisait qu'il s'agissait «de rendre à l'initiative non formulée sa caractéristique de voeu simple» .

Le Grand Conseil n'a pas modifié la formulation de l'article 65 telle qu'elle figurait dans le projet du Conseil d'Etat. La commission du Grand Conseil chargée d'examiner le projet de révision du droit d'initiative a cependant commenté les articles 65 et 66, alinéa 1, proposés de la manière suivante:

«L'initiative non formulée doit être conçue ";en termes généraux". Elle doit laisser au Grand Conseil qui est chargé de la concrétiser un large pouvoir d'appréciation. S'ils souhaitent entrer dans tous les détails, les auteurs doivent choisir la voie de l'initiative formulée. Une ";initiative bateau", qui serait prétendument non formulée mais qui entrerait jusque dans les moindres détails et qui comprendrait un important catalogue, devrait être déclarée irrecevable, l'unité de la forme n'étant alors pas respectée».

Il semble ainsi qu'en insistant sur l'obligation de laisser un large pouvoir d'appréciation au Grand Conseil et de ne pas entrer dans tous les détails, plutôt que sur l'exigence de s'en tenir à un «voeu simple», le Grand Conseil ait eu en vue une interprétation un peu plus large que celle du Conseil d'Etat de la notion d'initiative non formulée définie à l'article 65 de la constitution.

La pratique appliquée depuis l'entrée en vigueur du nouveau droit tend d'ailleurs à confirmer que le critère déterminant pour le respect de l'unité de la forme par une initiative non formulée est celui de la marge de manoeuvre laissée au parlement. C'est ainsi que l'initiative 104, dite «La Suisse, pour la pluralité de la presse et le soutien de l'emploi», a été déclarée conforme au principe de l'unité de la forme sans discussion. Quant à l'initiative 105 «Pour l'emploi, contre l'exclusion», elle a certes fait l'objet de débats portant sur sa conformité au principe de l'unité de la forme, mais ceux-ci ont précisément porté sur la marge d'appréciation que certaines des dispositions de l'initiative laissaient ou non au Grand Conseil.

Il convient encore de relever que les exigences relatives au respect de l'article 65 de la constitution ne devraient pas aboutir à ôter quasiment toute densité normative aux initiatives admissibles sous l'angle de cette disposition, sous peine de violer la liberté de vote des électeurs en leur soumettant des propositions tellement générales que ceux-ci ne pourraient se faire aucune idée de la portée de leur vote.

Il résulte en définitive de la jurisprudence, des travaux préparatoires, ainsi que de la pratique évoquée ci-avant, que trois hypothèses peuvent être envisagées quant au respect de l'unité de la forme par une initiative désignée comme non formulée.

Si une initiative est formulée en termes tellement généraux qu'ils ne sauraient être repris tels quels dans un quelconque texte législatif, il est manifeste que les exigences de l'article 65 de la constitution sont remplies et que l'unité de la forme est respectée.

Si l'initiative est totalement ou partiellement rédigée de façon si détaillée que le Grand Conseil n'a matériellement plus aucune marge de manoeuvre sur l'ensemble ou une partie significative de l'initiative, le principe de l'unité de la forme est violé et l'initiative devra être déclarée nulle, conformément à l'article 66, alinéa 1, de la constitution.

Reste enfin le cas des initiatives qui laissent une marge de manoeuvre importante au parlement mais dont le contenu aurait très bien pu être inséré tel quel dans un projet de loi rédigé de toutes pièces. Cette hypothèse est d'autant plus plausible que la législation moderne comporte de plus en plus, à côté des dispositions conditionnelles traditionnelles, des dispositions-cadres, des normes-programmes et des principes, qui laissent une très large marge d'appréciation au gouvernement et aux organes d'exécution de la loi. Dans un tel cas, il n'y a pas de raison de ne pas déférer à la volonté des initiants de voir concrétiser par le parlement les propositions à densité normative limitée contenues dans leur initiative, quand bien même ils auraient aussi pu choisir la voie de l'initiative formulée.

L'initiative 106 nous paraît appartenir à cette troisième catégorie.

De larges passages de l'initiative 106 sont repris quasiment textuellement, soit du projet de loi 7296 qui avait été déposé le 21 septembre 1995 devant le Grand Conseil, avait été rejeté par le parlement en novembre 1995, mais avait été redéposé, légèrement modifié, sous la référence projet de loi 7459, le 7 mai 1996. Le texte de l'initiative reprend aussi certaines dispositions de la loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées (LHES), du 6 octobre 1995. Cette constatation suffit à démontrer que les différents éléments de l'initiative 106 auraient pu être intégrés dans un projet de loi rédigé de toutes pièces. Ces éléments restent toutefois à un niveau de généralité suffisant et laissent assez de marge de manoeuvre au Grand Conseil pour que l'on puisse considérer que les exigences de l'article 65 de la constitution sont remplies.

Le chiffre 1 de l'initiative comporte une liste des unités d'enseignement qui doivent nécessairement être comprises au sein de la haute école spécialisée du canton de Genève. Le Grand Conseil n'a donc pas la possibilité de renoncer à certaines de ces unités d'enseignement. Il convient cependant de relever que la définition desdites unités est faite en termes relativement généraux. De plus, l'énumération des unités d'enseignement de la haute école spécialisée du canton de Genève constitue le coeur même de l'initiative, sans lequel celle-ci perdrait l'essentiel de sa substance normative. Quant aux trois derniers paragraphes du chiffre 1 de l'initiative, ils confèrent des compétences au Grand Conseil et ne réduisent donc en rien sa marge de manoeuvre.

Le chiffre 2 de l'initiative 106 confère également une compétence au Grand Conseil en l'assortissant de conditions formulées en termes incontestablement généraux.

Le chiffre 3 renvoie à une disposition de type téléologique, comportant des objectifs très généraux. On ne saurait y voir un excès de réglementation de détail.

Le chiffre 4 pose un principe d'action à la densité normative relativement faible.

Quant au chiffre 5, il reprend, parfois sous une forme légèrement résumée, les principes énoncés aux articles 4, 8, 9 et 10 LHES. Dans cette mesure, il n'a pas de portée juridique qui ne découlerait pas déjà du droit fédéral. Au surplus, cette disposition de l'initiative impose l'objectif de la réalisation de l'égalité entre femmes et hommes, sans aucune précision sur les moyens à mettre en oeuvre à cette fin.

Le chiffre 6 pose trois principes clairs relatifs au statut de la haute école spécialisée du canton de Genève, à savoir un établissement de droit public autonome doté de la personnalité juridique, au statut du personnel, qui doit être celui de la fonction publique, et à la gestion de la haute école, qui doit être de type pluraliste et participatif. A l'évidence, la réalisation de ces trois principes peut se faire selon des modalités extrêmement diverses qu'il appartiendra au Grand Conseil de préciser.

Le chiffre 7 découle directement du droit fédéral.

Le chiffre 8 de l'initiative ne pose pas le problème d'une réglementation trop détaillée dès lors qu'il prévoit que la concrétisation de l'initiative doit seulement «s'inspirer» du projet de loi 7296.

Enfin, le chiffre 9 de l'initiative ne pose pas de problème, puisqu'il s'agit d'une simple disposition interprétative.

Il nous apparaît donc que l'initiative 106 reste dans les limites de précision admissibles pour être considérée comme une initiative non formulée et traitée comme telle.

1.3. Unité du genre

Le principe de l'unité du genre, dite aussi unité normative, qui exige qu'une initiative soit de niveau législatif ou de niveau constitutionnel, sans mélange des deux, ne peut s'appliquer qu'aux initiatives rédigées de toutes pièces, puisque, dans le cas des initiatives non formulées, c'est le Grand Conseil qui est compétent pour décider à quel niveau normatif l'initiative sera concrétisée (art. 65 in fine Cst.) et que, par ailleurs, le droit genevois ne connaît pas de définition matérielle permettant de distinguer entre la loi et la constitution.

Il convient cependant de relever que le préambule de l'initiative 106 indique que l'initiative demande au Grand Conseil «d'adopter une loi qui crée, conformément à l'article 161 de la Constitution de la République et du canton de Genève» une ou plusieurs haute(s) école(s) spécialisée(s) du canton de Genève. A l'évidence, dans l'esprit des initiants, la concrétisation de leur initiative doit se faire au niveau législatif. Matériellement, ce point de vue est sans doute exact. Formellement, les termes du préambule de l'initiative 106 se heurtent à l'article 65 in fine de la constitution.

Cette contradiction ne saurait, sauf à violer grossièrement le principe de proportionnalité, entraîner une invalidation de l'initiative 106. Il suffit de constater que, nonobstant le texte de son préambule, le Grand Conseil resterait libre de concrétiser cette initiative au niveau constitutionnel s'il le jugeait justifié.

1.4. La référence au projet de loi 7296

Le droit de vote garanti par la constitution fédérale reconnaît à tout citoyen la faculté d'exiger qu'aucun résultat de votation ou d'élection ne soit reconnu s'il ne traduit pas d'une manière fidèle et sûre la volonté librement exprimée du corps électoral. La garantie que la constitution fédérale donne au droit de vote n'est pas substantiellement différente selon que le citoyen s'exprime dans une votation ou à l'occasion d'une initiative ou d'une demande de référendum. Elle englobe au même titre les activités et campagnes qui précèdent ou accompagnent l'exercice de ces trois droits, nonobstant leurs différences. Lorsqu'il vote, qu'il adhère à une initiative ou qu'il signe une demande de référendum, le citoyen accomplit des actes certes distincts. Mais dans tous ces cas, il exprime sa volonté politique en tant que citoyen; l'expression de cette volonté doit être également libre et c'est pour les mêmes motifs et selon les mêmes critères qu'il doit être assuré que le résultat de la volonté ainsi exprimée par l'ensemble des citoyens qui ont fait usage de leur droit ne sera pas faussé .

Or, le chiffre 8 de l'initiative 106 renvoie, en indiquant que la loi concrétisant ladite initiative s'en inspirera, à un projet de loi qui avait été déposé devant le Grand Conseil en septembre 1995 et avait été refusé par celui-ci quelques semaines plus tard (PL 7296). Le texte du projet de loi n'est pas reproduit dans les formules de récolte de signatures. Aucune indication sur le contenu dudit projet de loi ne figure d'ailleurs sur lesdites formules.

Le seul moyen pour les électeurs de connaître le contenu du projet de loi 7296 était de se référer au Mémorial du Grand Conseil dans lequel celui-ci avait été publié à l'occasion du débat qui avait donné lieu à son rejet. S'agissant d'un simple projet de loi, qui plus est rejeté par le parlement, il est évident que le principe que nul ne saurait ignorer la loi n'est pas applicable.

Le procédé consistant, dans un texte d'initiative populaire, à faire référence à un autre texte, non reproduit sur les formules de récolte de signatures, et ne faisant pas partie de la législation en vigueur dûment publiée, est difficilement compatible avec la garantie de la liberté de vote. En effet, le risque est grand qu'au moment d'apposer leur signature ou, respectivement, de voter, les électeurs soient induits en erreur sur le contenu du texte auquel il est fait référence.

En ce qui concerne les opérations de vote elles-mêmes, ce vice pourrait éventuellement être réparé en faisant figurer le texte en cause dans la brochure explicative envoyée à tous les électeurs. En revanche, s'agissant de la récolte des signatures, plus aucun remède n'est disponible.

En l'espèce, il y a toutefois lieu de relever la faible densité normative du chiffre 8 de l'initiative 106. En effet, cette disposition prévoit simplement que la loi concrétisant l'initiative «s'inspirera» du projet de loi 7296. Cette formulation laisse la plus grande marge de manoeuvre au parlement. De plus, les points essentiels du projet de loi 7296 ont d'ores et déjà été repris aux chiffres 1 à 7 de l'initiative 106.

On pourrait donc considérer que par le simple fait de respecter les chiffres 1 à 7 de l'initiative, les lois concrétisant celle-ci s'inspireront inévitablement du projet de loi 7296. Dans cette mesure, le chiffre 8 de l'initiative 106 constitue une disposition largement redondante. Il est très peu vraisemblable que la présence de cette disposition ait incité des citoyens à signer l'initiative alors qu'ils auraient renoncé à le faire en son absence.

En définitive, bien qu'il soit en principe éminemment critiquable, le procédé, consistant à renvoyer à un texte ne figurant pas sur les listes de signatures ne nous semble pas, en l'espèce, de nature à avoir faussé la volonté des signataires de l'initiative 106. Ce défaut de l'initiative ne nous paraît donc pas mettre en cause sa validité globale.

Cela étant, on peut se demander si au stade de la votation populaire la liberté de vote des électeurs ne serait pas mieux garantie par l'annulation du chiffre 8 de l'initiative que par la publication du projet de loi 7296 dans la brochure explicative.

En effet, une telle publication, si elle aurait le mérite de porter à la connaissance des électeurs un texte cité, mais non reproduit, dans le libellé de l'initiative 106, contribuerait aussi, paradoxalement, à semer la confusion dans les esprits. Il deviendrait difficile de déterminer si l'objet du vote est l'initiative 106, non formulée, ou le projet de loi 7296, rédigé de toutes pièces, mais simple «source d'inspiration».

De plus, nous verrons ci-après que l'initiative 106 ne peut être considérée comme compatible avec le droit fédéral que moyennant une interprétation conforme faisant appel à toute la souplesse de l'initiative non formulée. Il est à craindre que les indications que la brochure explicative devra donner concernant l'interprétation conforme de l'initiative ne soient contredites par les dispositions rédigées du projet de loi 7296.

Enfin, il convient de relever que, vu la faible portée normative du chiffre 8 de l'initiative 106, son annulation ne constituerait qu'une intervention très marginale sur la substance de l'initiative. Compte tenu de l'intérêt public très important à garantir un scrutin conforme à la volonté réelle des électeurs, une telle manière de faire respecterait sans aucun doute le principe de la proportionnalité.

Les considérations qui viennent d'être émises s'appliqueraient également au chiffre 9 de l'initiative, qui vise à interpréter «dans le texte qui précède», l'expression «la haute école spécialisée» comme «la ou les haute(s) écoles spécialisée(s)», dans la mesure où «le texte qui précède» est compris comme étant le projet de loi 7296 auquel il est fait référence au chiffre précédent de l'initiative. Cependant, il nous paraît plutôt que la formule «le texte qui précède» se réfère aux chiffres 2 à 7 de l'initiative elle-même.

En effet, le chiffre 1 de l'initiative, après avoir énuméré la liste des unités d'enseignement de la haute école spécialisée du canton de Genève, prévoit que d'autres hautes écoles spécialisées cantonales peuvent être créées sur décision du Grand Conseil. Les chiffres 2 à 7 de l'initiative apparaissent à l'évidence applicables à l'ensemble des hautes écoles spécialisées cantonales qui seraient créées à Genève, interprétation rendue explicite par le chiffre 9 de l'initiative. Interprété de cette manière, cette dernière disposition ne pose pas de problème de recevabilité.

2. Recevabilité matérielle

2.1. Conformité au droit fédéral

a) Le système prévu par la LHES et l'OHES

Selon l'article 1er, alinéa 1, LHES, la Confédération encourage la création et le développement de hautes écoles spécialisées dans les domaines de l'industrie, des arts et métiers, des services ainsi que de l'agriculture et de l'économie forestière (hautes écoles spécialisées), en réglementant notamment leurs tâches, en reconnaissant leurs diplômes et en les soutenant financièrement. La Confédération peut également encourager des établissements proposant des filières d'études du niveau des hautes écoles spécialisées dans d'autres domaines (art. 1, al. 3, LHES).

En application de ce principe, les articles 2 et suivants LHES réglementent le statut, les tâches, les critères d'admission et la structure générale des études dans le cadre des hautes écoles spécialisées.

L'article 14, alinéa 1, LHES prévoit que la création et la gestion d'une haute école spécialisée sont soumises à l'autorisation du Conseil fédéral. Toute école à qui l'autorisation a été accordée a droit à l'appellation de haute école spécialisée (art. 14, al. 3, LHES). Par ailleurs, sera puni des arrêts ou de l'amende quiconque, sans autorisation, dirige une école sous le nom de haute école spécialisée ou lui confère une telle appellation au sens de la LHES (art. 22, al. 2, LHES).

Les articles 18 et 19 LHES règlent le versement d'indemnités par la Confédération aux hautes écoles spécialisées.

Quant à l'article 20 LHES, il prévoit la possibilité pour la Confédération d'accorder des aides financières à d'autres établissements comprenant des filières d'études du niveau des hautes écoles spécialisées relevant de la compétence des cantons.

Quant à l'article 1er de l'ordonnance relative à la création et à la gestion des hautes écoles spécialisées, du 11 septembre 1996 (OHES), qui entrera en vigueur le 1er octobre 1996, il prévoit que les hautes écoles spécialisées peuvent proposer des études dans les domaines suivants:

a) sciences de l'ingénieur, architecture et aménagement du territoire, chimie, agriculture et économie forestière;

b) économie et services;

c) arts appliqués.

Le département fédéral de l'économie publique peut, toutefois, à titre d'essai, autoriser la création, pour une durée limitée, de nouvelles filières d'études (art. 1er, al. 4, OHES).

Il découle de la réglementation fédérale qui vient d'être esquissée que seules peuvent porter l'appellation de haute école spécialisée les institutions ayant reçu l'autorisation du Conseil fédéral au sens de l'article 14 LHES. Sont susceptibles de recevoir une telle autorisation les écoles proposant des études dans les domaines définis à l'article 1er, alinéa 1, OHES, sous réserve d'une autorisation à titre d'essai au sens de l'article 1er, alinéa 4, OHES, étant précisé qu'à notre sens l'autorisation à titre d'essai ne peut concerner qu'une filière comprise dans la définition de l'article 1er, alinéa 1, LHES.

Par ailleurs, peuvent recevoir une aide financière de la Confédération, mais non pas porter l'appellation de haute école spécialisée, les établissements proposant des filières d'études du niveau des hautes écoles spécialisées relevant de la compétence des cantons, dans la mesure où ces établissements remplissent les conditions légales (art. 20, al. 2, LHES).

Il convient de relever que, suite à l'avant-projet de LHES qui avait été mis en consultation par le Conseil fédéral, une proposition avait été émise de remplacer la procédure d'autorisation pour la création d'une haute école spécialisée par une simple reconnaissance. Cette proposition n'a pas été retenue et le système de l'autorisation a été maintenu à l'article 14 LHES .

b) L'interprétation littérale prima facie de l'initiative 106

Le chiffre 1 de l'initiative 106 énumère six unités d'enseignement que doit comprendre la haute école spécialisée du canton de Genève, à savoir:

- ingénierie et architecture;

- commercial, administration et services;

- agriculture, horticulture et paysagisme;

- arts appliqués et arts visuels;

- social et de la santé;

- de la musique et arts dramatiques.

L'alinéa 2 du même chiffre prévoit également que «la loi fixe les conditions de reconnaissance des filières du niveau des hautes écoles spécialisées relevant de la compétence des cantons».

Enfin, le troisième alinéa de cette disposition prévoit que d'autres hautes écoles spécialisées cantonales, comprenant une ou plusieurs unité(s) d'enseignement, peuvent, sur décision du Grand Conseil, être créées.

Quant au chiffre 7 de l'initiative 106, il prévoit que «pour les filières de la haute école spécialisée du Canton de Genève relevant de la compétence de la Confédération ou subventionnées par celle-ci», le canton «veille à obtenir» la reconnaissance et le financement prévus aux articles 14 à 21 LHES.

Il semble donc que, dans l'esprit des initiants, toutes les unités d'enseignement énumérées au chiffre 1 de l'initiative peuvent être intégrées dans un établissement portant l'appellation de haute école spécialisée. Ladite haute école spécialisée comporterait ainsi trois types de filières:

a) les filières reconnues par la Confédération;

b) les filières simplement financées par la Confédération;

c) les filières ne relevant pas de la compétence de la Confédération et n'étant pas subventionnées par celle-ci.

Si l'on s'en tient à la lettre de l'initiative, toutes ces filières pourraient être intégrées dans un établissement portant l'appellation de haute école spécialisée.

Un tel système serait à l'évidence incompatible avec le droit fédéral tel qu'il a été exposé ci-avant.

En effet, il est manifestement contraire à l'article 14 LHES qu'un canton puisse créer une haute école spécialisée dans tous les domaines où il le juge opportun, en se contentant de «faire reconnaître» les filières relevant de la compétence de la Confédération et en demandant des subventions pour certaines autres de ces filières.

Il appartient au contraire aux cantons d'obtenir l'autorisation du Conseil fédéral pour tous les établissements ou subdivisions d'établissements auxquels il entend conférer l'appellation de haute école spécialisée.

S'agissant des filières que l'initiative prévoit d'intégrer dans une haute école spécialisée, il apparaît que celles relatives aux arts visuels, au social et à la santé, ainsi qu'à la musique et aux arts dramatiques (sic), ne rentrent pas dans le champ défini à l'article 1er, alinéa 1, OHES. Il en découle que lesdites filières ne pourraient pas, en l'état actuel du droit fédéral, bénéficier de l'appellation de haute école spécialisée. Cette constatation ne préjuge évidemment pas des possibilités qu'aurait le canton de mettre en valeur ces formations, soit en demandant une autorisation, à titre d'essai, pour une haute école spécialisée, au sens de l'article 1er, alinéa 4, LHES, option sur laquelle il convient de ne pas fonder d'espoir exagéré, soit en agissant au niveau politique pour un élargissement du nombre des filières pouvant prétendre à l'appellation de haute école spécialisée dans la perspective d'une future révision de l'OHES, soit enfin, ce qui serait réalisable immédiatement, en traitant ces domaines comme des filières d'étude du niveau des hautes écoles spécialisées au sens de l'article 1er, alinéa 3, LHES.

c) L'interprétation conforme de l'initiative 106

De jurisprudence constante, la validité matérielle d'une initiative populaire cantonale, eu égard en particulier à sa conformité au droit fédéral et au droit cantonal supérieur, doit être appréciée en interprétant son texte dans un sens favorable aux initiants. Une initiative ne saurait être annulée s'il est possible d'en donner une interprétation conforme au droit supérieur. Cette interprétation conforme ne peut cependant aboutir à modifier le sens littéral d'une proposition formulée de manière claire et non équivoque.

En l'espèce, une interprétation conforme de l'initiative devrait être facilitée par le fait qu'elle est non formulée et qu'elle vise non pas l'adoption de normes de comportement particulières mais la mise en place d'un établissement public offrant un certain nombre de prestations.

Dans cette perspective, il faut relever que si le chiffre 1 de l'initiative énumère les unités d'enseignement qui devraient faire partie de «la haute école spécialisée du canton de Genève» et que si le reste de l'initiative se réfère toujours à ladite haute école spécialisée du canton de Genève, le chiffre 1 de l'initiative fait également référence aux filières du niveau des hautes écoles spécialisées relevant de la compétence du canton, en précisant que la loi en fixe les conditions de reconnaissance.

Quant au chiffre 7 de l'initiative, s'il parle, à tort, de «reconnaissance» au lieu d'«autorisation», il se réfère néanmoins expressément aux articles 14 à 21 LHES.

Cette référence expresse permet, à notre sens, de conclure que, si l'initiative prévoit bel et bien que le canton mette sur pied une école supérieure dans tous les domaines d'enseignement qu'elle vise, elle n'exclut nullement que «l'appellation contrôlée» «haute école spécialisée» soit réservée aux filières pour lesquelles une autorisation aurait été accordée au sens de l'article 14 LHES.

En définitive, l'initiative peut raisonnablement être interprétée comme invitant le canton à mettre sur pied un ou des établissements d'enseignement supérieur comportant les unités d'enseignement énumérées à son chiffre 1 et régies selon les principes définis aux chiffres 2 à 7, le canton devant, en outre, pour toutes les filières qui en remplissent les conditions, demander l'autorisation au Conseil fédéral de conférer à l'établissement à créer l'appellation de haute école spécialisée, respectivement demander à l'autorité fédérale compétente un subventionnement.

Le chiffre 9 de l'initiative permet d'admettre que celle-ci ne vise pas forcément à la création d'un seul établissement public en vue de la réalisation de ses postulats. Le droit fédéral ne nous paraît pas exclure qu'un même établissement public cantonal comporte, d'une part, des filières pour lesquelles il bénéficierait de l'appellation haute école spécialisée et, d'autre part, des filières pour lesquelles il ne pourrait pas utiliser une telle dénomination, quand bien même une telle structure poserait sans doute d'importants problèmes pratiques, pour éviter des confusions qui tomberaient sous le coup de l'article 22, alinéa 2, LHES. Mais, du moment que l'initiative n'exclut pas l'existence de plusieurs établissements publics cantonaux, ces difficultés pratiques pourraient être évitées en ne mélangeant pas, au sein d'un même établissement, les unités d'enseignement pouvant recevoir une autorisation au sens de l'article 14 LHES et celles qui n'en rempliraient pas les conditions.

L'interprétation de l'initiative 106 proposée ici revient à privilégier, pour son chiffre 7, la référence aux articles 14 à 21 LHES et, pour le chiffre 1, à donner une portée concrète à la mention des filières du niveau des hautes écoles spécialisées relevant de la compétence du canton. Elle oblige toutefois à s'éloigner de la lettre de l'initiative, dans la mesure où celle-ci, à l'exception du deuxième alinéa de son chiffre 1, emploie systématiquement l'expression haute école spécialisée comme si celle-ci pouvait être utilisée pour toutes les filières d'enseignement visées par l'initiative.

L'interprétation que nous proposons de l'initiative 106 nous paraît cependant en respecter l'esprit et ne pas aboutir à une modification du sens littéral d'une de ses propositions qui aurait été formulée de manière claire et non équivoque.

En conclusion, il nous paraît qu'il est possible de donner à l'initiative une interprétation conforme au droit fédéral et, le cas échéant, de la porter à la connaissance des électeurs dans la brochure explicative. Dans ces conditions, l'initiative devrait pouvoir être déclarée recevable quant à sa conformité avec le droit fédéral.

2.2. Conformité au droit constitutionnel cantonal

S'agissant de la conformité de l'initiative 106 aux dispositions de la constitution cantonale relatives aux droits populaires, elle a déjà été traitée sous le chapitre de la recevabilité formelle.

Quant à la question de la compatibilité de l'initiative avec les autres dispositions matérielles de la constitution genevoise, elle ne se pose en réalité pas, dès lors qu'on est en présence d'une initiative non formulée. En effet, à supposer que l'initiative déroge à la constitution cantonale, il appartiendra alors au Grand Conseil de la concrétiser à ce niveau. A cet égard, il convient de souligner que le droit genevois ne connaît pas d'obligation de n'insérer dans la constitution que des dispositions matériellement constitutionnelles.

Les considérations qui précèdent sont en tout état de cause sans conséquence en l'espèce, car la concrétisation de l'initiative 106 peut manifestement s'opérer entièrement au niveau législatif.

L'initiative 106 n'implique en particulier aucune révision de l'article 161 de la constitution, sa concrétisation pouvant s'insérer sans problème dans le cadre défini par l'alinéa 2, lettre c, de cette disposition.

On pourrait en outre se demander si les solutions préconisées par l'initiative 106 respectent les principes d'organisation administrative fixés par l'article 174 A de la constitution. La réponse à cette question est toutefois de nature plus politique que juridique. En tout état de cause, l'application de l'article 174 A au cas de l'initiative 106 ne pourrait consister que dans le déclenchement du mécanisme prévu à l'alinéa 2 de cette disposition au moment de la concrétisation de l'initiative.

2.3. Exécutabilité

Comprise dans le sens conforme au droit fédéral évoqué plus haut, l'initiative 106 peut poser deux problèmes de réalisation.

Elle peut, d'une part, susciter des problèmes pratiques d'organisation, de moyens et de financement. A l'évidence, un tel risque, présent pour toute initiative exigeant la mise en place de prestations de l'Etat, ne constitue pas l'indice d'une inexécutabilité manifeste et patente de l'initiative 106.

La réalisation de l'initiative peut se heurter, d'autre part, à l'attitude des autorités fédérales, dont on ne peut prévoir la décision quant à l'autorisation de créer des hautes écoles spécialisées pour certaines filières et quant au subventionnement d'autres filières. Mais, dans la mesure où l'initiative est comprise, au vu de sa référence aux articles 14 à 21 LHES, comme une invite à faire usage des possibilités offertes par ces dispositions, le fait qu'une réponse favorable des autorités fédérales ne soit pas d'emblée acquise ne la rend nullement inexécutable.

Il n'existe donc, en l'espèce, pas de motif de mettre en cause la validité de l'initiative 106 en ce qui concerne son exécutabilité.

3. Conclusion

L'initiative 106 présente d'importants défauts de conception juridique, en particulier une rédaction peu adéquate pour une initiative non formulée, le renvoi à un texte non reproduit sur les listes de récoltes de signatures et, surtout, une définition peu claire du statut des filières d'études envisagées au regard du droit fédéral.

Cependant, l'analyse fait apparaître que l'initiative 106 laisse suffisamment de marge de manoeuvre au parlement pour être considérée comme une initiative non formulée, sans violation de l'unité du genre, et qu'il est possible de lui donner, au prix d'un certain effort, une interprétation conforme au droit fédéral.

Quant à la référence au projet de loi 7296, elle justifie l'annulation du chiffre 8 de l'initiative, mais n'affecte pas la validité de celle-ci dans son ensemble.

L'initiative 106 nous paraît donc recevable, à l'exception de son chiffre 8.

B. prise en considération de l'initiative

1. Hautes écoles spécialisées: une nouvelle conception de la formation professionnelle au niveau universitaire

La création des hautes écoles spécialisées (HES) s'inscrit dans une politique globale de revalorisation de la formation professionnelle. L'objectif est d'assurer des étapes de formation qui soient équivalentes, dans le domaine professionnel, à celles offertes dans le domaine gymnasial et académique.

Ainsi, Genève, comme l'ensemble des cantons suisses, a-t-il précédemment introduit, au niveau secondaire, des maturités professionnelles qui viennent compléter le certificat fédéral de capacité (CFC). Ces nouveaux diplômes exigent, en complément du CFC, un renforcement important de la culture générale. Les maturités professionnelles portent sur les domaines technique, artisanal, commercial et artistique.

L'obtention d'une maturité professionnelle permettra, en principe, un accès, sans examen, à une école de formation professionnelle supérieure de niveau universitaire qui dispensera désormais des formations et des titres HES.

Formation HES ou formation académique, il s'agira de prévoir des passerelles entre ces deux voies, en veillant toutefois à ce que les équivalences respectent les exigences propres à chacune.

1.1. Objectifs des HES

Dans son message au Parlement fédéral présentant la loi fédérale sur la création de hautes écoles spécialisées, le Conseil fédéral définissait ainsi les buts de sa démarche (message du Conseil fédéral du 30 mai 1994):

• assurer et élargir le niveau de qualification élevé des professionnels suisses;

• reconsidérer la politique de l'éducation dans le domaine des hautes écoles (répartition des tâches entre universités et écoles supérieures au niveau tertiaire);

• créer des filières de formation eurocompatibles (afin de faciliter l'accès au marché du travail dans les pays de l'Union européenne);

• offrir des possibilités de formation appropriées et orientées vers la pratique;

• faciliter la diffusion du savoir et des résultats de la recherche entre les centres de formation et les milieux professionnels et encourager la recherche appliquée dans les PME notamment.

Le Conseil fédéral précisait déjà, s'agissant de la mise en place des HES:

«La mise en place des futures hautes écoles spécialisées vise, entre autres, l'instauration d'un équilibre régional qui réponde aux exigences fédéralistes. Il s'agit d'une mission d'envergure nationale qui ne doit pas s'arrêter aux frontières cantonales. Les hautes écoles spécialisées devront, au contraire, être gérées par des organes intercantonaux.»

Quant à la loi adoptée par les Chambres fédérales le 6 octobre1995 (LHES), elle précise les éléments suivants:

Statut des HES

«Les hautes écoles spécialisées sont des établissements de formation de niveau universitaire; elles s'inscrivent en principe dans le prolongement d'une formation professionnelle de base.» (Art. 2 LHES)

Tâches assumées par les HES

«Les hautes écoles spécialisées dispensent un enseignement axé sur la pratique, sanctionné par un diplôme et préparant à l'exercice d'activités professionnelles qui requièrent l'application de connaissances et de méthodes scientifiques.» (Art. 3, al.1, LHES)

Définition des études sanctionnées par un diplôme

«Les hautes écoles spécialisées transmettent aux étudiants une formation générale et des connaissances fondamentales qui les rendent notamment aptes à:

• développer et appliquer dans leur vie professionnelle, et de manière autonome ou en groupe, des méthodes leur permettant de résoudre les problèmes qu'ils doivent affronter;

• exercer leur activité professionnelle en tenant compte des connaissances scientifiques, techniques et économiques les plus récentes;

• assumer des fonctions dirigeantes, à faire preuve de responsabilité sur le plan social et à communiquer;

• raisonner et agir globalement et dans une perspective pluridisciplinaire;

• faire preuve de responsabilité en matière de défense de l'environnement et de gestion des ressources naturelles.» (Art. 4 LHES)

1.2. Conditions d'admission (selon art. 5 LHES et ordonnance concernant l'admission)

• Les titulaires d'une maturité professionnelle sont admis sans examen d'entrée ; des conditions supplémentaires peuvent être prévues dans certains domaines d'études;

• les diplômés d'autres filières de formation peuvent être admis pour autant qu'ils justifient de connaissances scolaires et professionnelles équivalentes (voie scolaire de l'école d'ingénieurs de Genève); cette admission est automatique si le diplôme est équivalent à une maturité professionnelle;

• les titulaires d'une maturité gymnasiale doivent disposer d'une expérience professionnelle d'un an minimum dans le domaine correspondant aux études choisies.

Les dispositions relatives aux diplômes d'autres filières de formation s'appliquent directement à la voie scolaire de l'EIG. Pour que cette voie réponde aux exigences d'entrée aux HES, elle devra être expressément reconnue par l'OFIAMT et, pour ce faire, adaptée en conséquence:

• durée des études de 3 ans au lieu de 2;

• renforcement de l'enseignement des langues et de la culture générale (histoire, économie, droit notamment);

• stage pratique d'un an.

Cet aménagement de la voie scolaire devrait permettre de remettre aux élèves qui l'auront suivie avec succès un diplôme équivalent à celui d'une maturité professionnelle. D'autre part, il était devenu indispensable, indépendamment des exigences HES, de prolonger d'un an la formation pré-HES, condition nécessaire à une reconnaissance des diplômes EIG par la FEANI (Fédération européenne des associations nationales d'ingénieurs).

Tous les établissements qui peuvent prétendre à une reconnaissance HES devront être capables d'assurer:

• une formation professionnelle de qualité, de niveau universitaire, à la fois scientifique et pratique;

• une collaboration renforcée entre école et entreprises grâce aux activités de recherche appliquée, de développement et aux prestations sous forme de conseils, d'études, d'expertise;

• une offre étendue de perfectionnement professionnel et de formation continue sous forme d'études et de cours postgrades.

1.3. Domaines d'études concernés par les HES relevant de la Confédération

L'ordonnance OHES (ordonnance relative à la création et à la gestion des hautes écoles spécialisées) vise les établissements dispensant les formations ci-après:

• domaine des sciences de l'ingénieur, de l'architecture et de l'aménagement du territoire, de la chimie, de l'agriculture et de l'économie forestière avec les titres protégés suivants: ingénieur HES, architecte HES, chimiste HES;

• domaine de l'économie et des services avec les titres protégés suivants: économiste d'entreprise HES, spécialiste HES en information et en documentation;

• domaine des arts appliqués avec le titre protégé suivant: designer HES.

Pour Genève, les établissements et filières de formation suivants sont concernés:

• école d'ingénieurs de Genève (EIG) (622 étudiants; 193 diplômes);

• école d'ingénieurs horticoles et du paysage du centre de Lullier (63 étudiants; 15 diplômes);

• école supérieure de cadres pour l'économie et l'administration de Genève (37 étudiants; 6 diplômes);

• école supérieure d'arts appliqués de l'école des arts décoratifs (154 étudiants; 30 diplômes);

• école supérieure d'information documentaire de l'institut d'études sociales (ESID) (70 étudiants; 25 diplômes).

Toutes les formations dispensées dans ces écoles sont soumises à une réglementation fédérale .

1.4. Domaines d'études relevant de la compétence des cantons

La loi fédérale et l'ordonnance d'application ne régissent pas les formations professionnelles dans le domaine social, de la santé, de l'éducation spécialisée et des arts. Celles-ci sont placées sous la responsabilité des cantons. C'est à ces derniers qu'il revient de définir les cursus de formation et les diplômes qui pourront devenir équivalents au niveau HES en vue d'une reconnaissance commune au niveau suisse.

Des travaux sont d'ores et déjà en cours - sur le plan suisse et sur le plan romand - qui devront permettre ensuite d'établir les conditions de reconnaissance au niveau intercantonal. Il s'agit, sur le plan suisse:

* chiffres 1994, 1995 pour l'ESID

• de définir les profils de formation de niveau HES dans ces différents domaines;

• d'établir des règles communes d'accès à ces formations : formation antérieure reconnue et diplômes exigés;

• de définir les titres auxquels devront donner droit les différentes formations de niveau HES.

Les écoles genevoises concernées par une reconnaissance intercantonale de certaines filières de formation devraient être les suivantes:

• école supérieure de travail social de l'institut d'études sociales;

• centre d'enseignement de professions de la santé et de la petite enfance;

• école romande de psychomotricité de l'institut d'études sociales;

• école de soins infirmiers et de sages-femmes, Le Bon Secours;

• conservatoire de musique de Genève et institut Jaques-Dalcroze.

Les conférences romandes réunissant les représentants d'exécutifs chargés de ces formations ont d'ores et déjà mandaté un groupe de travail représentatif pour faire des propositions concernant la ou les meilleures structures à mettre en place afin de tirer le meilleur parti des compétences des écoles concernées en Suisse romande. Il s'agira en outre d'harmoniser les diverses filières de formation.

Tout comme pour les HES régies au niveau fédéral, la démarche visera un niveau élevé de formation professionnelle - alliant la qualité scientifique et la maîtrise professionnelle -, un développement de la recherche appliquée ainsi que le renforcement des formations postgrades.

1.5. Objectifs fixés par la Confédération pour la phase de création des HES (1996-2003)

Nous reproduisons in extenso le document élaboré par le Conseil fédéral qui met en perspective les conditions de création des HES:

«Les objectifs fixés par le Conseil fédéral serviront à définir le développement, à l'échelle nationale, des hautes écoles spécialisées, au sens de l'article premier, 1er alinéa, LHES, en ce qui concerne leur mandat, les domaines de spécialisation de l'enseignement et de la recherche ainsi que la politique régionale et de la recherche.

1. Environ une dizaine de hautes écoles spécialisées seront créées en Suisse. Elles proposeront des filières d'études dans les domaines des sciences de l'ingénieur, de l'architecture et de l'aménagement du territoire, de la chimie, de l'agriculture, des services, de l'administration et des arts appliqués.

2. La création de ces hautes écoles spécialisées passe essentiellement par l'adaptation aux nouvelles exigences des actuelles écoles supérieures reconnues.

3. L'offre actuelle en matière de formation doit être regroupée à l'échelle régionale et suprarégionale.

4. Lors de la détermination des domaines de spécialisation de l'enseignement et de la recherche, il y a notamment lieu de veiller à une répartition équitable de l'offre en matière de formation entre toutes les parties du pays et toutes les régions linguistiques.

5. Les organes responsables concluront des accords relatifs à la répartition des tâches et à la collaboration entre les hautes écoles spécialisées et les hautes écoles universitaires.

6. D'ici l'an 2003, l'offre en matière de formation et de recherche sera notamment élargie ou proposée pour la première fois notamment dans les domaines suivants:

a) sciences de l'ingénieur et chimie, notamment microélectronique, technique des microsystèmes, biotechnologie, matériaux, technique des procédés, y compris procédés de construction et reverse engineering, et informatique des machines-outils;

b) économie et services en général et, en tant que sous-domaines, notamment administration publique/service public, finance ainsi que concepts de gestion et de production (y compris production écologique, procédés de construction et conditions générales);

c) arts appliqués en général et, en tant que sous-domaine, notamment design industriel;

d) communication.

7. La suppression des places d'études excédentaires dans certains domaines permettra de créer les places dans les domaines de formation mentionnés au point 6.

8. La création des domaines de spécialisation devra se faire en tenant compte des objectifs de la Confédération en matière de politique des hautes écoles et de la recherche établis pour la période de planification allant de 2000 à 2003.

9. L'offre de mesures de perfectionnement professionnel (cours postgrades et études postgrades) continuera d'être élargie.

10. Les hautes écoles spécialisées créeront des centres de transfert qui dispenseront des conseils et proposeront des services aux milieux économiques. Les organes responsables veilleront à offrir des conditions générales avantageuses en vue de la négociation de contrats.

11. Les hautes écoles spécialisées prendront des mesures visant à promouvoir l'égalité de traitement des deux sexes et à augmenter la proportion de femmes.»

Les exigences fédérales portent notamment sur la nécessité de regrouper, à l'échelon régional et suprarégional, l'actuelle offre de formation.

2. Les HES à Genève

2.1. Travaux préparatoires

De nombreuses séances de réflexion ont d'ores et déjà eu lieu dans les différentes écoles concernées, aussi bien pour ce qui concerne les formations relevant de la compétence des cantons que pour celles régies par l'OFIAMT. Au-delà des réflexions, le département de l'instruction publique (DIP) a mis sur pied des structures de pilotage et de coordination afin d'assurer un déroulement optimal des travaux.

Formations HES OFIAMT

En novembre dernier, mandat a été donné à un groupe de pilotage présidé par M. Jacques Thiébaut, directeur général de l'office d'orientation et de formation professionnelle, de réaliser les objectifs suivants:

l élaborer un concept de formation professionnelle en tenant compte des filières de la scolarité avec pratique intégrée et de la maturité professionnelle comme voies d'accès à la formation HES;

l définir les prestations de formation HES en matière de perfectionnement professionnel;

l étudier les conditions d'une collaboration efficace des établissements de formation HES avec d'autres institutions et avec les milieux économiques dans les domaines de la recherche et des prestations à des tiers;

l identifier les filières fortes qu'il convient de maintenir, de développer ou de renforcer à Genève;

l poser les principes généraux d'organisation en matière de gestion administrative et financière;

l examiner les modifications à apporter aux lois et règlements.

Participent à ce comité de pilotage les représentants patronaux et syndicaux des secteurs économiques concernés (construction, industrie, services, agriculture) ainsi que des représentants de l'université. Les représentants des enseignants n'ont pas souhaité participer à cette structure mais sont régulièrement tenus informés des travaux.

De plus, deux groupes de travail spécifiques à l'EIG travaillent sur un nouveau concept de la voie scolaire ainsi que sur le rôle de l'EIG en matière de recherche et développement, les conditions et modalités d'une collaboration avec les milieux scientifiques et économiques et la mise en oeuvre d'opérations de perfectionnement professionnel. Dans ces groupes de travail participent très activement les enseignants concernés par ces dossiers.

Formations de niveau HES relevant des cantons

Un groupe de pilotage, présidé par Mme Marie-Laure François, secrétaire générale du DIP, a commencé ses travaux dans le domaine des formations de niveau HES relevant des cantons. Il vise à définir:

l le contenu et la cohérence des formations assurées par les institutions concernées et leur relation avec les institutions assurant des formations postgrades ou des formations proches;

l le niveau permettant à ces formations de satisfaire aux exigences fixées par la loi fédérale;

l l'adéquation de ces formations avec les besoins définis par les principaux employeurs;

l les collaborations existantes ou souhaitables avec d'autres milieux et institutions en matière de recherche et de développement.

Ce comité de pilotage est formé de représentants des employeurs et des salariés des domaines du social et de la santé, des directions et des enseignants des écoles concernées et de l'université.

Tous ces travaux se déroulent bien entendu en étroite collaboration avec ceux menés sur le plan suisse et romand en matière de reconnaissance des cursus de formation et des diplômes de niveau HES.

Enfin, il reste à mettre en place la coordination relative aux formations du domaine artistique. Il convient aussi préalablement de définir de façon précise, sur les plans suisse et romand, les cursus de formation et les diplômes y relatifs.

2.2. Collaboration avec le Grand Conseil

A plusieurs reprises déjà, le Grand Conseil en séance plénière, mais surtout les commissions de l'enseignement et de l'université ont eu l'occasion de prendre connaissance de la progression du dossier sur les HES et de la politique suivie en ce domaine par le Conseil d'Etat genevois.

Ainsi, suite à la pétition 1028 «Genève doit défendre son école d'ingénieurs», les députés ont été informés, en mai et juin 1994, de l'évolution du dossier sur le plan fédéral. Ils ont pu s'informer et exprimer leurs questions et remarques, par le biais de la commission de l'enseignement dans un premier temps (7 décembre 1994 et 26 avril 1995), puis, de façon plus intensive par celui de la commission de l'université (du 29 septembre 1995 au 10 octobre 1996, lors de 18 séances de commission). Ils ont ainsi suivi les différentes étapes des travaux entrepris tant sur le plan genevois - groupe de pilotage HES pour l'ensemble des filières genevoises concernées - qu'intercantonal au sein de la conférence réunissant les 6 conseillers d'Etat de Suisse romande en charge du dossier HES, auxquels s'est joint, dès le début, le conseiller d'Etat bernois concerné.

Les députés de la commission de l'université ont en outre pris connaissance du projet de concordat HES-SO tel que soumis une première fois aux exécutifs cantonaux le 12 juin dernier. Les députés ont ainsi pu faire état de leurs observations et présenter des suggestions qui ont été prises en compte dans les travaux de mise au point du concordat qui se poursuivent.

Le calendrier joint en annexe montre comment les travaux de commission se sont déroulés au gré des différentes étapes préparatoires à la mise en place des HES.

3. Collaboration intercantonale plutôt qu'«Alleingang» ?

3.1. rechercher la voie la plus favorable pour les étudiants et l'économie genevoise

Pour le Conseil d'Etat genevois, il a toujours paru important, dès le début du processus, de rechercher la solution qui permette à notre canton d'obtenir de la Confédération les reconnaissances nécessaires et les moyens financiers adéquats. Il s'est en outre agi de définir la meilleure stratégie pour que l'attribution des centres de compétences et la reconnaissances des domaines de spécialisation - décisions relevant de l'instance fédérale - nous soient bénéfiques et profitent aux étudiants et au tissu économique genevois.

Compte tenu des exigences fédérales en matière de régionalisation, compte tenu aussi de la volonté des autres cantons romands - exprimée clairement lors de la séance du 2 décembre 1994 - de constituer ensemble une structure HES commune, notre canton aurait pris une position politique très périlleuse en choisissant la voie de l'«Alleingang». Nous serions en effet systématiquement en concurrence, dans l'attribution des centres de compétences et des domaines de spécialisation, avec une entité très organisée sur le plan régional, présentant un poids et une taille critique notablement plus importants que l'offre genevoise.

3.2. L'union fait la force

Le Conseil d'Etat a considéré, dès le début, que nos intérêts seraient mieux défendus s'ils étaient pris en compte par l'ensemble des cantons romands que si nous avions à les défendre seuls contre l'ensemble des cantons romands ! Cette position politique est venue renforcer une appréciation démontrant l'intérêt des étudiants et celui des entreprises de notre canton à se retrouver dans un espace de formation régional de la taille de la Suisse occidentale. Cette conviction est d'autant plus forte que la structure HES-SO qui se met en place permet de conclure des accords avec des établissements de formation transfrontaliers, mais aussi avec les institutions de formation du canton de Berne. S'agissant de ce dernier point, un tel accord permettrait aux étudiants genevois qui le souhaitent d'effectuer une partie de leurs études en allemand.

Le seul élément qui aurait pu faire pencher notre Conseil pour la voie solitaire aurait été le danger qu'auraient encouru des écoles genevoises trop faibles par rapport à leurs homologues des autres cantons romands. Dans un tel cas, la participation à un réseau régional aurait conduit à un déséquilibre préjudiciable à nos écoles. Mais tel n'est heureusement pas le cas. Les écoles genevoises font preuve d'un haut niveau de qualité et sont reconnues comme telles sur le plan régional. Elles n'ont dès lors rien à craindre d'une participation à un réseau intercantonal.

En outre, la mise en place des HES prévoit aussi une collaboration avec les institutions universitaires. Un objectif est de pouvoir conclure des accords de collaborations, particulièrement dans le domaine de la recherche et de la formation postgrade avec l'EPFL. Là aussi, la participation à une structure HES-SO offre davantage de possibilités qu'une politique isolée.

La Suisse romande aurait-elle dû créer plusieurs structures HES ? La question aurait été pertinente si la Confédération avait octroyé davantage de soutien financier à deux structures plutôt qu'une. Or il n'en est rien. Le financement fédéral prendra en compte les dépenses d'exploitation. Qu'elles soient réparties dans une ou plusieurs structures ne change rien à l'affaire. En revanche, on peut estimer qu'une cohésion des cantons romands à défendre un dossier commun sur le plan fédéral est de nature à renforcer la position de l'ensemble de la région dans les décisions fédérales. L'union fait la force est un slogan connu. Il s'est toujours avéré payant dans les dossiers de politique fédérale.

Le choix des 6 cantons de mettre sur pied une seule structure est avant tout l'expression d'une volonté de cohérence. Une vingtaine de scénarios ont été examinés. Chacun présentait avantages et désavantages. Le scénario choisi a été celui qui respectait le mieux les équilibres régionaux et donnait à chaque canton un maximum de chances de pouvoir profiter de la mise en place des HES.

4. Analyse critique de l'initiative 106

L'initiative 106 exige la création d'une haute école spécialisée genevoise regroupant la totalité des filières de formation concernées par la formation supérieure et universitaire, des sciences de l'ingénieur à la formation artistique. Il s'agirait - si l'on en juge par le projet de loi déposé en septembre 1995 par l'Alliance de gauche et les socialistes, projet censé inspirer la loi d'application de cette HES - d'une structure totalement hétérogène et fortement centralisée. Les filières de formation actuellement régies par la totalité des écoles concernées par un niveau de formation HES devraient être restructurées au sein d'un établissement commun.

L'initiative populaire mandate le Grand Conseil pour maintenir et développer les filières de formation HES. On peut lire derrière cet objectif la crainte de voir se modifier l'offre de formation à Genève.

Il convient donc de souligner deux points. La Confédération, organe de reconnaissance et de financement fédéral, sera seule responsable de la prise en compte des offres de formation. Pour chacune d'entre elles, le besoin devra être démontré, de même qu'il s'agira de prouver que toutes les possibilités de collaboration régionale auront été étudiées. Aucun canton n'a donc la liberté de décerner le titre de HES de son propre chef à telle ou telle filière.

En outre, la mise en place des HES déterminera, de la part de la Confédération, un financement qui devrait passer de quelque 12% à 30% des frais d'exploitation. Mais, simultanément, cette mise en place entraînera, dans les différentes filières de formation, des frais complémentaires dus notamment à l'encouragement de la recherche appliquée (réduction - pour certains enseignants - du nombre d'heures d'enseignement au profit d'heures consacrées à la recherche; renforcement de l'encadrement des étudiants, adaptation des équipements aux exigences technologiques; etc.). Les difficultés budgétaires fédérales et celles des différents cantons conduisent la Confédération à exiger de la part des cantons une rationalisation de l'offre de formation.

La formation de base continuera d'être assurée dans les divers établissements. Mais il est possible que dans des domaines très pointus, où le nombre d'étudiants est très restreint, une offre de formation soit assurée sur le plan régional plutôt que cantonal. Il sera nécessaire en outre que la formation postgrade et certains projets de recherche ambitieux soient organisés par l'un ou l'autre site pour l'ensemble de la région.

L'initiative 106 ignore ces contraintes. Elle prétend ainsi mieux défendre les intérêts du canton. En réalité, elle conduit à laisser la Confédération trancher.

5. Les raisons de s'opposer à l'initiative 106

5.1. Objectif n° 1 : une formation professionnelle supérieure de qualité, adaptée à l'évolution de la science et de la technique

Les objectifs de formation étant posés par la loi et l'ordonnance fédérale, il convient de choisir la meilleure stratégie pour les réaliser.

Un premier constat s'impose: la mise sur pied des filières HES, des domaines de spécialisation et des centres de compétences exige une stratégie de formation à l'échelon régional. Aucun canton ne peut, à lui seul, prétendre offrir l'ensemble des filières de formation, des domaines de spécialisation et des centres de compétences qui pourraient s'avérer nécessaires aujourd'hui et surtout demain, compte tenu de l'évolution de la science et de la technique et de la transformation des structures économiques.

Les étudiants, quant à eux, doivent pouvoir disposer du choix le plus large et le mieux adapté à leurs attentes et à celles de la société.

C'est la raison pour laquelle, les conseillers d'Etat chargés du dossier HES des 6 cantons romands ont examiné, en automne 1994 déjà, les possibilités de collaboration et de synergies qui permettaient d'offrir l'espace de formation optimal tant au niveau de la formation de base que de la recherche appliquée et du perfectionnement professionnel.

Un examen approfondi des écoles concernées sur l'ensemble du territoire de la Suisse occidentale a montré le potentiel très riche de ces écoles. Il a démontré aussi que leur répartition géographique et leurs différents domaines de spécialisation nécessitaient une stratégie qui s'applique à l'ensemble de la région et qu'une scission de la région de Suisse occidentale en une ou plusieurs «sous-régions» conduirait à l'affaiblissement de l'offre de formation globale.

5.2. Objectif no 2: une formation qui encourage l'insertion professionnelle

La plupart des étudiants qui suivent une formation professionnelle supérieure souhaitent ensuite trouver un emploi au sein d'une entreprise ou d'une institution publique ou privée. Il s'agit donc, pour notre système de formation, de favoriser cette insertion professionnelle dans la mesure du possible.

En outre, le système HES exige une forte collaboration entre les écoles et les milieux professionnels, particulièrement grâce à la recherche appliquée, au développement et à la possibilité, pour les établissements de formation, de fournir des prestations sous forme de conseils, etc.

L'intérêt des étudiants HES est de pouvoir se former dans une région économique aussi diversifiée que possible. Effectuer des stages, conduire des projets de recherche appliquée, fournir des prestations aux entreprises, tous ces liens étroits qui doivent être établis et entretenus avec l'économie constituent, pour les étudiants, autant de possibilités d'insertion professionnelle ultérieure. Les transformations rapides qui se succèdent au sein de l'économie ne permettent pas de dessiner de façon précise les emplois de demain. Compte tenu de cette incertitude, il est donc particulièrement important que l'offre de formation soit à la fois souple et diversifiée. Seule une région suffisamment importante en taille permet de répondre à cette exigence.

5.3. Objectif no 3: garantir les 4 éléments essentiels de la formation genevoise

Le Conseil d'Etat a tenu à poser, dès le début de la mise sur pied du système HES, et quelle que soit la formule choisie, 4 principes qui devaient être respectés:

· Garantie de la gratuité des études pour tous les étudiants qui en bénéficient aujourd'hui au titre de la loi sur l'encouragement aux études. Ce principe de gratuité est garanti par la loi genevoise; dans l'hypothèse où les établissements genevois participent à un réseau HES de Suisse occidentale dans lequel d'autres établissements prélèvent une taxe auprès des étudiants, le canton de Genève assurera l'accès gratuit en prenant à sa charge les contributions demandées aux étudiants. Il s'agit donc d'une condition qui peut être garantie quelle que soit la structure choisie.

· Maintien d'une formation de qualité. La mise en place des HES exige, de par la loi fédérale (art. 14, 2e al., lettre f, LHES), un contrôle de qualité interne et externe. Chaque école devra donc se livrer à une évaluation interne, et se soumettre à une évaluation externe pour obtenir et maintenir la reconnaissance HES assurée par la Confédération. La qualité de la formation est bien sûr le fait d'enseignants de qualité. Dans le cas de la formation professionnelle, cette qualité dépend aussi de la capacité de chaque école à s'adapter aux exigences technologiques et à l'évolution du tissu économique. Pour les écoles genevoises, participer à un réseau de Suisse occidentale et pouvoir assurer, pour l'ensemble du réseau, des prestations de très haut niveau - centres de compétences et domaines de spécialisation - est un atout très précieux et un facteur de dynamisation indéniable.

· Statut de droit public pour les enseignants des établissements publics genevois. Ce statut peut être maintenu quelle que soit la structure choisie dès lors que les établissements restent soumis au droit cantonal.

· Maintien de la voie scolaire de l'école d'ingénieurs de Genève; les dispositions de la loi et de l'ordonnance fédérale prévoient expressément l'accès aux HES par le biais d'une voie de ce type ; en outre, la voie scolaire de l'EIG, aménagée selon les exigences de l'OFIAMT, sera reconnue par les instances fédérales et bénéficiera d'une certification équivalente à la maturité professionnelle. Cette reconnaissance de la voie scolaire n'est liée en aucune façon à la structure HES dans laquelle s'intégrera l'EIG. En revanche, la participation de l'EIG à un réseau de Suisse occidentale facilitera l'accès, pour tout étudiant au bénéfice d'une certification à l'issue de la voie scolaire, à toute école technique HES de l'ensemble du réseau.

Les travaux actuellement menés dans le cadre de la mise au point du concordat HES-SO démontrent que ces 4 principes sont respectés et que Genève, en participant à une telle structure, est pleinement en mesure de tenir ses engagements.

5.4. Objectif no 4: revitaliser l'économie locale et régionale

Une formation de qualité, acquise dans des hautes écoles présentant à la fois un caractère scientifique et pratique est un atout certain pour la revitalisation du tissu économique local et régional. En outre, le système HES encourage une étroite collaboration entre les écoles et les entreprises de l'industrie et des services en matière de recherche appliquée et de développement, ainsi que de prestations de services (centres d'information et de conseils, transferts de connaissances et de technologies). Enfin, le perfectionnement professionnel sous forme d'études et de cours postgrades permettront d'assurer une offre de formation adaptée aux exigences les plus pointues des entreprises de la région.

Aucun canton ne peut prétendre répondre seul aux exigences actuelles - et surtout futures - en matière de formation et de recherche de pointe. Ses moyens financiers n'y suffiraient pas. Pour les entreprises genevoises de l'industrie et des services, il importe de pouvoir compter sur du personnel bien formé, dans les domaines les plus diversifiés. C'est donc une chance, pour l'économie genevoise, que de pouvoir bénéficier d'un bassin de formation élargi et riche en filières de différentes natures. Cela est encore plus valable, s'agissant des possibilités de projets de recherche et d'offres de prestations diverses.

En outre, chaque établissement du réseau a su développer, au niveau local, des domaines plus spécifiques dans lesquels il a investi en moyens humains et financiers. C'est la raison pour laquelle une répartition harmonieuse des centres de compétences et des domaines de spécialisation sur l'ensemble du territoire de la Suisse occidentale - répartition déterminée en fonction des synergies à développer avec les entreprises locales - est indispensable.

5.5. respect des droits démocratiques

Chaque concordat qui met en place des structures intercantonales impliquant deux ou plusieurs cantons pose désormais la question du contrôle démocratique que peuvent être en mesure d'exercer des parlements cantonaux.

Si la question s'est montrée relativement simple à régler dans le cas du concordat Vaud-Genève sur le réseau hospitalo-universitaires, celles et ceux qui ont oeuvré pour sa solution ont admis que le dispositif devenait quasi impossible à réaliser dès lors que 6 cantons pouvaient être impliqués. C'est la raison pour laquelle la conférence des gouvernements cantonaux de Suisse occidentale a mis sur pied un groupe de travail qui étudie des solutions qui pourraient permettre aux parlements d'une part d'être associés avant d'être consultés sur un texte de concordat «à prendre ou à laisser» et, d'autre part, d'assumer le contrôle parlementaire adéquat a posteriori sur les structures mises en place. Cette démarche des gouvernements cantonaux ne vise pas à imposer des solutions toutes faites mais à mettre à disposition des parlements des propositions dont ceux-ci seront, en dernier ressort, libres de décider de l'usage qu'ils entendront en faire. Elle vient ainsi à la rencontre des préoccupations notamment soulevées par le FIR (forum inter parlementaire romand).

La collaboration intercantonale qui s'intensifie, s'attachera à trouver les réponses adéquates aux nouveaux défis qui sont posés. Il s'agit, en l'occurrence, de trouver des solutions durables qui reposent sur un lien de confiance entre exécutif et parlement, chacun devant être en mesure d'assumer les tâches qui lui reviennent.

Pour ce qui touche la structure HES-SO, la législation genevoise devra prévoir - le cas échéant - les dispositions d'application qui permettront au parlement d'exercer ses droits, cela en sus de toute législation plus générale applicable à tout concordat.

6. Il est urgent de trancher

La Confédération est bien décidée à se déterminer au printemps 1997 sur les diverses candidatures adressées par les cantons en matière de HES. Tout ne sera certes pas opérationnel en 1997 mais la mise en place des structures débutera, dans les différents cantons, dès l'automne prochain.

Bien que les délais, en matière d'initiative populaire non formulée laissent latitude, s'agissant de l'initiative 106, de la soumettre au vote d'ici mars 1999 (!), le Conseil d'Etat estime nécessaire d'encourager le Grand Conseil à faire diligence. Il est en effet hautement souhaitable que le scrutin populaire puisse avoir lieu d'ici fin juin 1997 afin de sauvegarder les intérêts genevois, quelle que soit la solution choisie par les citoyens.

Pour notre part, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, le rejet de l'initiative 106 et l'adoption d'un contreprojet non formulé qui pourrait avoir la teneur de celui que nous vous proposons.

L'initiative populaire 106 demande à la population de se prononcer en faveur d'une HES genevoise, englobant l'ensemble des filières de formation du canton susceptibles d'être reconnues au niveau HES. La collaboration intercantonale n'est prévue que par exception. La politique adoptée jusqu'ici par le Conseil d'Etat implique que tout soit fait, sur le plan cantonal, pour faire reconnaître les filières qui peuvent prétendre au statut HES et pour assurer ainsi une offre de formation adéquate à la population genevoise. Le Conseil d'Etat souhaite aussi insérer cette offre de formation dans un réseau régional portant sur l'ensemble de la Suisse occidentale afin d'ouvrir à la population et à l'économie genevoise un espace de formation plus complet, capable de s'adapter aux exigences les plus pointues.

Le gouvernement souhaite que les citoyens puissent choisir entre ces deux options. C'est la raison pour laquelle il propose au Grand Conseil un contreprojet non formulé qui devrait être soumis au peuple en même temps que l'initiative 106. Ce contreprojet définit les grands principes de la politique de formation HES, la stratégie que le canton devrait suivre pour l'ensemble des formations concernées. Il contient aussi les garanties déjà données par le Conseil d'Etat et évoquées dans cet exposé des motifs.

7. Texte du contreprojet non formulé

Le Conseil d'Etat propose aux députés, un contreprojet non formulé qui aurait la teneur suivante:

«Offrir aux jeunes les meilleures chances de formations et d'emploi»

(Contreprojet non formulé à l'initiative 106 «Pour le maintien et le développement des formations professionnelles supérieures à Genève»

En vue d'assurer une offre de formation professionnelle supérieure de qualité, qui favorise l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, renforce le tissu économique local et régional et garantisse une reconnaissance des diplômes au niveau européen, il sera soumis au Grand Conseil une législation qui respectera notamment les principes suivants :

I. Objectifs des hautes écoles spécialisées à Genève

1. Les écoles et filières de formation genevoises répondant aux exigences de la loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées, du 6 octobre 1995 (LHES) et bénéficiant de l'autorisation fédérale prévue à l'article 14 de ladite loi devront, en tant que haute école spécialisée (HES), transmettre aux étudiantes et aux étudiants une formation générale et des connaissances fondamentales qui les rendent notamment aptes à :

a) développer et appliquer dans leur vie professionnelle, et de manière autonome ou en groupe, des méthodes leur permettant de résoudre les problèmes qu'ils doivent affronter;

b) exercer leur activité professionnelle et tenant compte des connaissances scientifiques, techniques et économiques les plus récentes;

c) assumer des fonctions dirigeantes, faire preuve de responsabilité sur le plan social et à communiquer;

d) raisonner et agir globalement dans une perspective pluridisciplinaire;

e) faire preuve de responsabilité en matière de défense de l'environnement et de gestion des ressources naturelles.

II. Offrir de meilleures chances de formation et d'emploi pour les jeunes

2. L'offre de formation du canton de Genève devra assurer aux étudiantes et étudiants, en fonction des filières qu'ils choisiront:

a) les meilleures possibilités de formation de base et de formation postgrade;

b) les meilleures chances de stages et de collaboration avec les milieux professionnels (recherche appliquée, développement, prestations sous forme de conseils, etc.);

c) les meilleures chances d'insertion professionnelle.

3. A cet effet, le canton de Genève intégrera son offre de formation dans une structure HES en réseau créée par un concordat des six cantons de Suisse occidentale.

4. Ce concordat poursuivra notamment les objectifs suivants:

a) organiser de façon optimale et pratique l'offre de formation actuelle et élargir cette offre dans les domaines les plus porteurs pour l'avenir de la région;

b) permettre à chaque école du réseau de développer ses meilleurs atouts et de profiter des atouts des autres écoles de l'espace de formation;

c) assurer la coopération en matière de recherche et d'enseignement avec l'école polytechnique fédérale et les universités suisses et étrangères.

III. Garanties de la qualité de la formation et de la démocratisationdes études

5. La participation du canton de Genève à une structure HES de Suisse occidentale devra respecter les principes suivants:

a) maintien et développement d'une formation de qualité dans les établissements de formation;

b) statut de droit public pour le personnel des établissements HES genevois;

c) garantie de la gratuité ou du remboursement des études pour tous les étudiantes et étudiants qui en bénéficient aujourd'hui conformément à la loi sur l'encouragement aux études du 4 octobre 1989;

d) maintien d'un accès à l'école d'ingénieurs par une voie renforcée et complétée par un diplôme équivalant à la maturité professionnelle;

e) libre passage assuré et accès, pour les étudiantes et étudiants genevois, à tous les établissements de formation du réseau;

f) encouragement à la réalisation de l'égalité entre femmes et hommes.

IV. Encouragement et soutien à l'économie locale

6. La participation des établissements genevois à une structure HES de Suisse occidentale visera au maintien et au développement du tissu économique local grâce aux activités de recherche appliquée, de développement et de prestations diverses (conseils, expertises notamment) assurées par des étudiantes et étudiants en relation avec l'ensemble du réseau.

7. Les instances compétentes veilleront à ce que les entreprises de toutes tailles et notamment les petites et moyennes entreprises bénéficient du savoir-faire, des connaissances et des expériences qui ont pu être acquises au sein du réseau et profitent ainsi de l'évolution la plus récente des techniques et de la science.

V. Mise en place par étapes des structures de formation

8. Dans une première étape, portant sur les formations soumises à la LHES, dans les domaines de l'industrie, des arts et métiers, des services ainsi que de l'agriculture et de l'économie forestière, les établissements et filières de formation genevois suivants pourront participer à une structure HES de Suisse occidentale:

a) école d'ingénieurs de Genève;

b) école d'ingénieurs horticoles et du paysage du centre de Lullier;

c) école supérieure de cadres pour l'économie et l'administration de Genève;

e) école supérieure d'information documentaire de l'institut d'études sociales;

f) école supérieure d'arts appliqués de l'école des arts décoratifs.

9. Dans une seconde étape, le canton de Genève s'engagera activement dans les travaux intercantonaux qui préparent la reconnaissance au niveau HES des filières de formation professionnelle supérieure dépendant des cantons et portant sur les domaines artistiques, de la santé, du social et de l'éducation spécialisée. Il recherchera avec les autres cantons de Suisse occidentale les structures qui permettront d'assurer une offre de qualité, diversifiée et coordonnée.

VI. Contrôle démocratique

10. La législation cantonale instituera un contrôle parlementaire adéquat des structures de formation mises en place. Elle réglera en outre les modalités de la participation du canton de Genève aux structures de contrôle institutionnelles - parlementaires et gouvernementales - qui devront être mises sur pied sur le plan intercantonal.

ANNEXE

calendrier des différentes étapes sur les plans genevois,fédéral et intercantonal

CH Automne 1990: Groupe de travail «Ecoles supérieures»

 Un groupe de travail interne à l'administration, placé sous la direction de l'OFIAMT, a été chargé en automne 1990 d'examiner, en collaboration avec la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique et avec les offices fédéraux concernés, la question de la réforme du degré tertiaire non universitaire. Il a rédigé un rapport sur la situation des écoles supérieures en Suisse et formulé quelques propositions en vue d'une nouvelle législation en la matière.

CH Février 1991: Groupe de travail «HES» de la CDIP

 Les Conférences des directeurs cantonaux de l'instruction publique et de l'économie publique (CDIP-CDEP) ont abordé la question des hautes écoles spécialisées lors d'une réunion en février 1991. Elles ont décidé de préparer, de concert avec la Confédération, un plan d'extension des écoles supérieures, d'améliorer la formation préliminaire des étudiants et de rehausser le statut de ces écoles.

 Le groupe de travail «Hautes écoles spécialisées», institué par la CDIP pour mener à bien ces projets, a élaboré une série de thèses, qui ont été approuvées en février 1993 par la Conférence commune de directeurs cantonaux de l'instruction publique et de l'économie publique.

CH Printemps 1992: Les 13 thèses du Conseil suisse de la science

 Au printemps 1992, le Conseil suisse de la science a adopté 13 thèses sur les réformes de la formation tertiaire et universitaire. Selon ces thèses, le degré tertiaire doit englober, dans leur diversité, les hautes écoles actuelles (universités et écoles polytechniques), les hautes écoles spécialisées ainsi que des «écoles professionnelles du degré tertiaire».

CH  1992: Création des maturités professionnelles

 Le niveau élevé des futures hautes écoles spécialisées implique que les étudiants de ces écoles possèdent, à leur entrée, une formation générale plus poussée que celle qu'ils acquièrent pendant l'apprentissage en suivant l'enseignement obligatoire des écoles professionnelles. Le certificat fédéral de capacité et le certificat d'études générales complémentaires portant sur les langues, les mathématiques et les sciences, l'histoire et les questions de société, constitueront la maturité professionnelle qui, elle, rend apte à poursuivre des études dans les hautes écoles spécialisées.

 L'introduction des maturités professionnelles a fait l'objet d'une procédure de consultation en 1992; elle a suscité un écho très positif.

RO Mars 1994: Création de la commission CRFP-HES

 La Conférence des offices cantonaux de formation professionnelle de Suisse romande et du Tessin (CRFP) décide de constituer une commission chargée de tenir l'inventaire des projets cantonaux, de garantir l'information des responsables, de favoriser les échanges et la coopération intercantonale et d'assurer la liaison entre les divers partenaires intéressés au domaine des hautes écoles spécialisées. Cette commission est représentative de tous les milieux intéressés, ceux des départements de l'économie et de l'instruction publiques mais aussi ceux des directions de toutes les écoles susceptibles d'acquérir le statut HES.

GE mai-juin 1994: Grand Conseil genevois

 Dépôt au Grand Conseil d'une pétition de l'AGEEIT sur l'avenir de l'école d'ingénieurs. Décision du Grand Conseil, en juin 1994, de déposer cette pétition sur le bureau du GC ; adoption d'une motion 931 demandant au Conseil d'Etat de définir clairement ses objectifs concernant la localisation de HES à Genève et l'avenir de l'EIG.

CH 30 mai 1994: Message du Conseil fédéral relatif à la loi fédérale sur les HES

 Par ce message, le Conseil fédéral propose de créer des hautes écoles spécialisées et présente un projet de loi en la matière.

RO 2 décembre 1994: 1re réunion des conseillers d'Etat concernés

 Première réunion de la Conférence des chefs de département intéressés, soit : Martine Brunschwig Graf (DIP-Genève), Jean Guinand (DIP-Neuchâtel), Jacques Martin (DEP-Vaud), Michel Pittet (DEP-Fribourg), Jean-François Roth (DEP-Jura), Serge Sierro (DIP-Valais).

 Sur la base d'une première étude menée par la commission HES de la CRFP, la décision est prise de privilégier la collaboration intercantonale. On décide également d'associer formellement le canton de Berne au projet pour satisfaire aux besoins particuliers des cantons bilingues ou limitrophes.

 La commission est priée de poursuivre son étude et de proposer plusieurs formules d'organisation pour une ou plusieurs HES de Suisse occidentale.

GE 5 décembre 1994: Grand Conseil genevois

 Information donnée par la présidente du DIP à la commission de l'enseignement concernant les premiers éléments du dossier HES sur le plan intercantonal.

RO 25 avril 1995: 2e réunion des Conseillers d'Etat concernés

 La Conférence, au cours de sa deuxième réunion, confirme les options prises le 2 décembre et prend l'option de ne créer qu'une seule HES pour la Suisse occidentale, HES regroupant les écoles des domaines technique (écoles d'ingénieurs), économique (écoles supérieures de cadres pour l'économie et l'administration) et artistique (écoles d'arts appliqués). Elle prévoit d'intégrer à l'étude l'école suisse d'ingénieurs des industries graphique et de l'emballage (ESIG+), l'école hôtelière de Lausanne (EHL), ainsi que les «technicums verts» (Changins et Lullier).

GE 26 avril 1995: Grand Conseil genevois

 La commission de l'enseignement du Grand Conseil est informée par la présidente du DIP du contenu de la réunion des conseillers d'Etat en charge du dossier HES. A cette occasion, la commission reçoit copie de la lettre adressée le 24 avril au président de l'AGEEIT - Souhail Mouhanna - confirmant l'engagement du Conseil d'Etat à respecter 4 principes dans une collaboration intercantonale (gratuité des études, statut de droit public pour les enseignants genevois, qualité de la formation garantie, maintien de la voie scolaire de l'EIG).

GE 6 et 22 juin 1995: Grand Conseil genevois

 Deux propositions de motions sont déposées au Grand Conseil (M 1007 et M 1011) concernant les hautes écoles spécialisées. La commission de l'université saisie de ces deux motions est informée de l'avancement des travaux de la HES-SO au cours de plus de 12 séances entre 1995 et 1996.

RO 4 juillet 1995: 3e réunion des conseillers d'Etat concernés

 La Conférence nomme un chef de projet. Elle octroie également les moyens financiers nécessaires à l'étude proprement dite pour créer cette HES de Suisse occidentale.

GE 21 septembre 1995: Grand Conseil genevois

 Dépôt du premier projet de loi pour une HES genevoise (PL 7296), le Grand Conseil refuse l'entrée en matière.

GE 28 septembre 1995: Grand Conseil genevois

 Début des travaux de la commission de l'université sur les motions 1007 et 1011. A partir de cette date, la commission de l'université traite régulièrement le dossier HES au cours de 18 séances durant la période du 28 septembre 1995 au 10 octobre 1996.

CH 6 octobre 1995: Confédération

 Adoption de la loi fédérale sur les hautes écoles spécialisées.

RO 28 novembre 1995 et 25 janvier 1996: 4e et 5e réunions des conseillers d'Etat concernés

 La Conférence approuve le profil général de la HES de Suisse occidentale.

RO 19 mars 1996 et 23 avril 1996: 6e et 7e réunions des conseillers d'Etat concernés

 Etude des premiers éléments concernant un projet de concordat.

GE 29 avril 1996

 Dépôt en chancellerie de l'initiative populaire cantonale (non formulée) 106 «Pour le maintien et le développement des formations professionnelles supérieures à Genève».

GE 7 mai 1996: Grand Conseil genevois

 Dépôt du deuxième projet de loi (PL 7459) sur la ou les hautes écoles spécialisées de la République et canton de Genève. Renvoi du projet à la commission de l'université.

RO 31 mai 1996: 8e réunion des conseillers d'Etat concernés

 Etude et adoption du dossier de candidature à adresser au Conseil suisse des HES. Etude du projet de concordat et procédure de consultation.

RO  12 juin 1996: Projet de concordat HES-SO

 Consultation des gouvernements cantonaux sur le projet de concordat HES-SO. La commission de l'université du Grand Conseil genevois reçoit le texte du concordat tel que soumis au Grand Conseil genevois. Elle consacre, le 13 juin, une séance à la présentation du concordat.

RO 19 août 1996: 9e réunion des conseillers d'Etat concernés

 Appréciation des gouvernements cantonaux sur le projet de concordat et modifications à y apporter.

CH 11 septembre 1996: Conseil fédéral

 Adoption par le Conseil fédéral de l'ordonnance relative à la création et à la question des HES (OHES) et décision d'entrée en vigueur de la loi et de son ordonnance au 1er octobre 1996.

GE 29 août - 10 octobre 1996: commission de l'université

 La commission de l'université consacre plusieurs séances au texte du concordat. Les députés émettent quelques propositions et remarques qui peuvent être prises en compte dans les travaux qui se poursuivent sur le plan intercantonal.

RO  28 octobre 1996: 10e réunion des conseillers d'Etat concernés

 Poursuite des discussions sur le concordat (structures, financement notamment).

CH 13 novembre 1996: le Conseil fédéral nomme les 16 membres de la commission fédérale des HES dont Mme Martine Brunschwig Graf.

RO 22 novembre 1996: cette séance devrait voir la mise au point du texte du concordat tel qu'il sera transmis à la Confédération pour le dépôt de la candidature HES-SO

CH 30 novembre 1996: délai pour le dépôt des candidatures HES auprès de la Confédération.

CH = Travaux sur le plan fédéral

RO = Travaux sur le plan romand

GE = Travaux sur le plan genevois

Préconsultation

IN 106

Cette initiative est renvoyée à la commission législative.

IN 106-A

Ce rapport est renvoyé à la commission législative.

M 931-A

Ce rapport est renvoyé à la commission de l'université.

M. Christian Grobet (AdG). Sauf erreur de ma part, nous avons traité l'initiative 106 à la commission législative, il y a une semaine. J'ignore si elle a déjà été formellement renvoyée à cette commission.

La présidente. C'était par anticipation, Monsieur Grobet !

M. Christian Grobet. Par voie de conséquence, Madame la présidente, vous devez préciser que l'initiative est bien renvoyée aux deux commissions.

La présidente. Non, Monsieur le député ! Elle sera renvoyée à la commission de l'université après son passage en plénière.

M. Christian Grobet. Elle doit faire l'objet d'un renvoi formel à la commission législative.

La présidente. C'est précisément ce que je viens de faire, et j'ai renvoyé la motion à la commission de l'université. (Brouhaha.) Comme la procédure est compliquée, j'ai pris soin de la relire avant la séance !