Séance du vendredi 8 novembre 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 12e session - 45e séance

P 1090-A
11. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier la pétition concernant la gestion de la Banque cantonale de Genève. ( -)P1090
Rapport de Mme Claire Torracinta-Pache (S), commission des finances

Transmise à la commission des finances par la commission des pétitions, la pétition 1090 a été étudiée lors de nos séances des 20 mars, 17 avril, 22 mai et 11 septembre 1996, présidées par M. Claude Blanc.

Rappel

La Banque hypothécaire du canton de Genève et la Caisse d'épargne de la République et canton de Genève ont fusionné en 1993 pour donner naissance à la Banque cantonale de Genève (loi D 2 4), ci-après BCG.

La loi indique à son article 4, alinéa 1, que «le canton de Genève garantit le remboursement en capital et intérêts des dépôts d'épargne et de prévoyance auprès de la banque». Et à son article 5, alinéa 1, que «la Banque cantonale de Genève est soumise à la surveillance bancaire de la commission fédérale des banques conformément aux dispositions de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne, du 8 novembre 1934».

Première discussion

La pétition que vous trouverez en annexe comprend deux volets et traite de deux affaires différentes. La première met en cause l'ancienne Banque hypothécaire du canton de Genève et concerne directement le pétitionnaire, M. Chazaud. Son traitement exigeait la levée du secret bancaire, ce qu'a fait M. Chazaud par écrit. La deuxième affaire concerne l'actuelle BCG mais le pétitionnaire n'est pas lui-même impliqué. Le secret bancaire n'a donc pu être levé et la commission des finances a décidé de ne pas la traiter.

La surveillance de la gestion de la BCG n'est pas du ressort du Grand Conseil. Néanmoins, et après discussion, la commission des finances a estimé que le pétitionnaire ayant fait usage d'un droit démocratique, sa pétition devait être traitée comme n'importe quelle autre et qu'il devait être entendu.

Audition du pétitionnaire

M. Chazaud a été reçu par la commission des finances le 20 mars 1996, séance au cours de laquelle il a fourni de nombreuses informations et documents complémentaires concernant ses griefs à l'encontre de la Banque hypothécaire. Précisons que toutes les allégations de M. Chazaud sont corroborées par des pièces écrites. L'affaire, assez complexe, peut se résumer de la manière suivante:

 Le 7 avril 1988, la société Belfinco Finance S.A. signe devant notaire une convention d'achat des actions de la société immobilière «La Proue», propriétaire d'un immeuble sis 81-83, avenue de Champel. A cette date, la banque n'a pas confirmé par écrit le crédit, mais le notaire assure les administrateurs de Belfinco Finance S.A. que tout est en ordre et qu'il a l'accord oral de la banque.

 Le 16 avril 1988, une expertise est produite par la banque. Elle indique que l'objet date vraisemblablement de la fin du XIXe siècle, qu'il a été entièrement rénové et qu'il risque d'être classé. La valeur de gage est estimée à 11 450 000 F.

 Le 21 avril 1988, soit 14 jours après la signature de l'acte, la banque confirme à Belfinco Finance S.A. l'octroi du prêt; avec comme codébiteurs solidaires, MM. Chazaud et Strebel. (Ce dernier est aujourd'hui à l'étranger et a donné toute procuration à M. Chazaud pour défendre ses intérêts.)

 Après analyse du document, une nouvelle expertise est demandée par les débiteurs. Confiée par la banque à un autre expert, elle conclut, le 16 mai 1988, soit un mois après la première, que l'immeuble date de 1979 et que sa valeur de gage est de 4 750 000 F.

 Curieusement, le 26 mai 1988, la banque se contente de demander au premier expert de modifier le paragraphe concernant la date de construction.

 La seconde expertise disparaît ensuite du dossier (en tout cas momentanément). Elle sera réclamée aux débiteurs par la nouvelle direction de la banque, le 22 mai 1992.

 Le 21 juillet 1988, après discussions et interventions, la banque est contrainte de reporter le prêt, accordé à Belfinco Finance S.A. Mais elle maintient la société engagée pendant 5 ans et demi, ce qui cause de graves préjudices à cette dernière: ruptures de contrats pour cause de renseignements bancaires négatifs, impossibilité de rendre les bilans aux différents services fiscaux, mise en liquidation en décembre 1993.

 Le 23 décembre 1993, suite à l'intervention d'un avocat, la banque confirme avoir libéré, avec «effet rétroactif», la société Belfinco Finance S.A. depuis le 21 juillet 1988.

M. Chazaud explique encore qu'il a dénoncé ces faits à la commission fédérale des banques. Cette dernière lui a répondu que «tout tiers ou client qui dénonce une banque à la CFB demeure étranger à la procédure que celle-ci pourrait être amenée à ouvrir». Il n'est donc pas autorisé à connaître l'issue de sa plainte. Par ailleurs, il a déposé une plainte pénale contre la BCG.

M. Chazaud reconnaît avoir spéculé sur une plus-value ultérieure de l'immeuble ainsi que sur un développement du quartier... et avoir perdu. Mais il ajoute que la banque aussi a perdu des millions dans cette affaire et qu'une telle gestion met en péril les fonds déposés par ses clients. L'Etat qui accorde sa garantie sur les dépôts est donc concerné.

Audition de la BCG

Lors d'une première audition, les représentants de la BCG, MM. Ducret, président du Conseil d'administration, et Fues, directeur général, se montrent très réticents à répondre aux questions des commissaires.

Ils rappellent que c'est le Grand Conseil lui-même qui a transféré la surveillance de la BCG à la CFB, et que cette dernière a été saisie de cette affaire par M. Chazaud. La démarche du pétitionnaire les met dans l'embarras. Ils craignent que cela crée un précédent, que le Grand Conseil soit alors submergé de doléances de clients mécontents et que cela cause une certaine inquiétude dans l'opinion publique, ce qui nuirait à la BCG et n'est dans l'intérêt de personne dans ce canton. Ils estiment que la commission ne devrait pas entrer en matière sur cette pétition.

Suite à ces déclarations, la commission décide de suspendre l'audition afin de décider de la suite à donner à ses travaux.

La commission est partagée. Certains députés estiment que le parlement n'a pas à entrer en matière sur des relations de type privé, que la commission des finances n'en a pas les compétences légales et que, de surcroît, les faits remontant à 1988, ils sont antérieurs à la fusion et à la nouvelle loi.

D'autres commissaires précisent qu'il ne s'agit pas de se substituer à l'organe de surveillance des banques mais bien de poursuivre le travail parlementaire sur une pétition et d'y répondre par un rapport. Par ailleurs, les dysfonctionnements révélés par le pétitionnaire sont suffisamment graves pour que des explications soient données aux députés par les représentants de la BCG.

Finalement, la commission décide d'entendre à nouveau MM. Ducret et Fues, lors de la séance du 22 mai 1996.

Conscients que le parlement doit faire son travail et que des réticences à parler pourraient laisser penser qu'on veut cacher quelque chose, ces derniers se déclarent alors prêts à donner les renseignements en leur possession sur les accusations de M. Chazaud et sur les procédures suivies actuellement dans les dossiers délicats. De leurs explications, on retiendra les éléments suivants :

 M. Chazaud, qui se pose en victime, est un professionnel de l'immobilier ayant signé un acte d'achat sans être en possession de l'expertise.

 Ce dossier est malheureusement révélateur d'une certaine période. D'après les représentants de la banque, le premier expert a probablement tablé sur une densification du quartier. Sans même parler des autres erreurs. Suite à leur précédente audition, ils ont fait procéder à une nouvelle analyse qui évalue la valeur intrinsèque et de rendement de l'immeuble à 5 890 000 F. Lors de la fusion des deux banques, une provision de 7 millions de francs a été établie, ce qui est correct.

 M. Fues précise que la deuxième expertise - qui avait été réclamée par la banque à M. Chazaud en 1992 - était à nouveau dans le dossier quand lui-même en a pris connaissance.

 M. Ducret reconnaît que plusieurs dossiers sur lesquels a travaillé le premier expert ont posé des problèmes et que l'on s'est aperçu bien tardivement qu'il était trop «généreux».

 Les responsables de la banque de l'époque ont fait procéder à une deuxième expertise sur demande des débiteurs, sans qu'on en connaisse la raison. S'ils se sont contentés de la garder dans leurs tiroirs, la banque ne pouvait pas agir. Il est précisé que les deux personnes en question ont quitté l'établissement.

 Si la banque n'a pas dénoncé immédiatement le crédit, c'est peut-être parce que M. Chazaud a payé les intérêts jusqu'à ce que ses affaires périclitent. Ce qui a calmé les choses.

 Aujourd'hui, les procédures d'expertise ont changé. Toutes les estimations sont révisées par le collège des experts, désignés par la banque et soumis à des règles de conduite. Les services de contrôle reçoivent copie de tous les formulaires remplis par les experts. Des affaires telles que celle décrite par M. Chazaud ne sont plus possibles.

 Les demandes de crédit «couvert» de plus de 15 millions de francs et de crédit «en blanc» de plus de 5 millions de francs passent au Conseil d'administration. De plus, tous les crédits octroyés sont passés en revue une fois par mois par le contrôle du comité de banque. La BCG est largement au-delà des normes appliquées par d'autres établissements bancaires.

 La BCG est également en avance sur l'inventaire des dossiers nécessitant des provisions. Elle est en tête des banques cantonales en ce qui concerne le rapport crédits au bilan et provisions.

Suite de la discussion

Une discussion animée sur les différents éléments de la pétition et les compétences des uns et des autres dans cette affaire suit l'audition des représentants de la BCG. Des députés expriment leur satisfaction que ces derniers aient accepté de répondre avec franchise à leurs questions. D'autres font état de leur malaise par rapport à l'incroyable légèreté des responsables de l'époque. On se rejoint sur les appréciations suivantes. Le pétitionnaire est un spéculateur immobilier qui a joué et perdu ! De plus, en tant que professionnel de l'immobilier, il porte une part de responsabilité dans cette affaire. Aujourd'hui, après avoir tenté de négocier, il utilise le biais de la pétition pour régler ses comptes (si on peut dire !) avec la BCG. Il n'en demeure pas moins que les informations données à la commission des finances démontrent que des fautes ont été commises par les anciens responsables de la Banque hypothécaire, fautes dont M. Chazaud, ses associés et la banque elle-même ont fait les frais.

Conclusions

 Au vu du dossier et des informations apportées lors des auditions, il apparaît que des fautes ont été commises par des responsables de l'ancienne Banque hypothécaire ayant ensuite quitté l'établissement;

 qu'elles ont causé des préjudices à des privés ainsi qu'à la banque elle-même;

 que la nouvelle BCG a mis en place des procédures devant empêcher de tels faits de se reproduire;

 que l'Etat - qui apporte sa garantie sur les dépôts - n'est pas l'autorité de surveillance de la BCG;

 que la CFB a été saisie du dossier;

 qu'une plainte pénale a été déposée.

C'est pourquoi la commission des finances vous recommande à l'unanimité, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignements.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Dépôt: 26 octobre 1995

P 1090

PÉTITION

concernant la gestion de la Banque cantonale de Genève

Mesdames etMessieurs les députés,

J'ai constaté que la gestion de l'ex-Banque hypothécaire du canton de Genève et celle de la Banque cantonale de Genève laissaient à désirer et mettaient en péril les fonds déposés par ses clients. Mes allégations sont basées sur deux affaires précises et toutes justifiées par pièces.

1. Immeuble sis 81-83, avenue de Champel

Sachant

 que le 16 avril 1988 un expert de la Banque hypothécaire du canton de Genève a établi, sur les instructions de la banque, une expertise de la propriété dont la valeur de gage s'élevait à 11 450 000 F;

 qu'après analyse de ce document par des débiteurs de la banque, il s'est avéré que cette expertise contenait plusieurs erreurs inadmissibles de la part d'un expert, architecte membre de la SIA;

 que devant l'évidence de ces erreurs, une contre-expertise fut exigée par les débiteurs et terminée le 16 mai 1988, soit un mois après la première, et que cette seconde expertise incontestable admet comme valeur de gage 4 750 000 F, soit 6 700 000 F de moins que la première expertise;

 que la banque, en pleine connaissance de cause, fit disparaître du dossier des débiteurs la seconde expertise afin de cacher la valeur réelle de ce gage immobilier à ses organes de contrôle internes et externes;

 que la banque a maintenu les débiteurs engagés à tort depuis 1988 et que ceux-ci ont déposé une plainte pénale, actuellement en cours;

2. Immeuble sis 7, rue Chaponnière

Sachant

 que le 7 juin 1994, la Banque cantonale de Genève a proposé par écrit le financement de cet immeuble, qu'elle avait au contentieux, aux conditions suivantes:

 100% du prix de vente, soit 5 050 000 F, alors que les arrêtés fédéraux urgents sur la spéculation immobilière étaient encore en vigueur;

 taux d'intérêt extraordinaire de 1,50% (taux fixe pendant 10 ans);

 que ce financement a été proposé à un client domicilié en Valais.

Attendu que ces faits ont été dénoncés et justifiés par pièces,

 à la Direction générale de la banque;

 aux deux organes de contrôle de la Banque hypothécaire du canton de Genève et de la Banque cantonale de Genève, soit respectivement les fiduciaires Société de Révision Bancaire (SRB) et Atag Ernst & Young (à noter que, curieusement, la SRB a aussi fusionné et fait maintenant partie du groupe Atag Ernst & Young);

 à M. Dominique Ducret, président du conseil d'administration des deux banques;

 que ceux-ci n'y ont donné aucune suite;

 que la preuve est faite que les bilans de la banque, présentés et approuvés depuis 1989, ne reflètent pas la réalité, puisque ses actifs sont largement surestimés

j'invite donc le Grand Conseil de la République et canton de Genève

à intervenir, compte tenu des faits allégués qui constituent, à mes yeux, la preuve que tant l'ex-Banque hypothécaire du canton de Genève que, actuellement, la Banque cantonale de Genève, a géré et gère dangereusement les fonds déposés par ses clients et, de ce fait, a mis et met en péril les intérêts de l'Etat de Genève, compte tenu de son statut de banque cantonale et de la garantie donnée par l'Etat sur les dépôts d'épargne dont elle bénéficie.

Patrick Chazaud

Rue des Bugnons 16

1217 Meyrin

Débat

Mme Claire Torracinta-Pache (S), rapporteuse. Les faits que j'ai rapportés parlent d'eux-mêmes. Ils illustrent bien les caractéristiques des années folles du marché immobilier où les vendeurs, les acheteurs, les notaires, les experts et, bien sûr, les banquiers, rivalisaient d'audace et d'imprudence. Certains ont gagné, d'autres ont perdu ! Mais tous ont contribué à faire grimper les prix des biens immobiliers de façon exagérée et artificielle, et les répercussions sur les loyers ont été importantes.

Quels que soient leurs statuts, toutes les banques ont participé à ce phénomène : les grandes banques, les banques privées, les banques cantonales et l'ancienne Banque hypothécaire également. Mais l'affaire qui nous occupe révèle en plus de graves fautes professionnelles imputables à deux anciens dirigeants de la banque; des fautes qui ont porté préjudice à des privés et à la banque elle-même.

Après avoir reçu un nombre de documents considérable, établi les faits et auditionné les parties, que pouvait faire la commission des finances ? Rien, et c'est frustrant ! Aussi nous bornerons-nous à déposer ce rapport à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil, puisque la surveillance de l'actuelle banque cantonale n'est pas du ressort de l'autorité politique, mais de la Commission fédérale des banques. Il serait d'ailleurs bon que le public en soit informé, afin que nous ne soyons plus saisis d'affaires qui ne sont pas de notre ressort.

Certains craignaient qu'en traitant cette pétition nous jetions le discrédit sur la BCG. Or nous avons simplement essayé de remplir honnêtement notre devoir de députés ! Accepter de faire toute la lumière sur cette affaire et reconnaître les fautes passées ne peuvent que renforcer la confiance et le crédit accordés aux dirigeants actuels.

La BCG est une émanation de la volonté de l'ensemble de la classe politique, elle est en quelque sorte notre enfant à tous ! A ce titre, nos exigences à son égard sont justifiées, d'autant plus qu'elle bénéficie d'une garantie du canton.

En conclusion, je me contenterai d'émettre deux voeux. D'abord que de tels faits ne se reproduisent plus. Les nouvelles procédures devraient exclure les erreurs d'expertise, et, sur ce point, je crois que nous pouvons être rassurés. Et ensuite, après l'euphorie des années 80, que la Banque cantonale ne devienne pas trop timorée; qu'elle ne néglige pas le rôle anticyclique qui devrait être le sien dans la conjoncture actuelle !

M. Bernard Clerc (AdG). La pétition que nous devons traiter aujourd'hui est particulièrement intéressante : elle met le doigt sur les pratiques qui ont causé tellement de dégâts à l'économie de notre canton !

Et ce cas spécifique n'est qu'un exemple parmi tant d'autres ! Mais nous n'en parlerions pas si l'auteur de la pétition n'avait pas décidé de rendre public ce que d'autres s'évertuent à garder confidentiel. Qu'il en soit remercié !

Cette affaire est exemplaire : la Banque hypothécaire du canton de Genève, jouissant de garanties publiques, s'était adjoint les services d'un expert dont on reconnaît aujourd'hui la «générosité» en expertises foncières. Les responsables de l'époque n'hésitaient pas à lui demander de modifier son rapport pour établir, à l'évidence, une expertise de complaisance. Or cela s'appelle un faux !

Sans refaire tout l'historique de cette affaire, relatée dans le rapport de Mme Torracinta-Pache, il est intéressant de mettre en évidence à quel point les banques - et non seulement celles jouissant de garanties de l'Etat - ont alimenté ces phénomènes spéculatifs. En effet, sans crédits bancaires, la vague spéculative des années 80 n'aurait pas pu se développer aussi démesurément.

Les provisions de plusieurs milliards constituées par les établissements bancaires sont révélatrices de l'ampleur du phénomène. Et c'est d'autant plus choquant que ces mêmes établissements rechignent aujourd'hui à accorder des crédits aux petites et moyennes entreprises en difficulté, ou à celles qui cherchent à innover.

Ainsi, l'héritière de la Banque hypothécaire, la Banque cantonale de Genève, a estimé trop risqué l'octroi d'un crédit de l'ordre de 10 millions pour sauver le journal «La Suisse» et les emplois qui s'y rattachaient, alors qu'elle a perdu près de 7 millions dans la seule affaire traitée par la pétition !

Mais les phénomènes spéculatifs ne sont pas dommageables pour tout le monde : si les derniers acquéreurs avant l'effondrement du marché sont les dindons de la farce, tous ceux qui ont acheté et revendu précédemment ont empoché leurs plus-values en n'ayant rien apporté en termes de création de richesses. C'est sans doute à ce niveau-là que le copinage et les liens d'intérêts jouent pleinement leur rôle.

Actuellement, ces pratiques scandaleuses continuent. La BCG, pour éviter de dévaluer certains de ses actifs, vend des immeubles à leur valeur de gage et manifestement au-dessus des prix du marché. Pour favoriser et financer de telles transactions, elle accorde des prêts hypothécaires correspondant au 100% des prix de vente, mais à des taux dérisoires au regard des taux hypothécaires. Dans le texte de la pétition figure un exemple qui n'a pas pu être traité par la commission : il s'agit d'un immeuble pour lequel une telle offre a été faite.

La BCG a déclaré à la commission que toutes ces pratiques appartenaient au passé grâce à de meilleurs contrôles - exercés en nombre suffisant - et au départ des responsables. Malheureusement, Mesdames et Messieurs les députés, elles sont encore d'actualité, et je vous citerai deux exemples.

Le premier concerne un prêt de 1,3 million accordé en 1989 pour l'achat d'un immeuble. En 1995, pour le même immeuble, on accorde un crédit de 1,6 million, soit 300 000 F supplémentaires. Et la même année, au mois de septembre, une expertise de cet immeuble en fixe la valeur à 846 000 F ! Toutes ces opérations sont effectuées par la BCG, qui a accordé un prêt hypothécaire représentant le double de la valeur réelle !

Dans le journal «La Gruyère» du jeudi 31 octobre 1996, un journaliste relate avec stupéfaction une vente aux enchères à Bulle : un immeuble estimé à 3 millions - avec un état des charges de 10 millions - a été rapidement acquis pour 7,1 millions par Finalsa SA, à Lausanne. Imaginez les réactions des acheteurs potentiels ! Un immeuble voisin, estimé à 1,2 million - avec un état des charges de 6 millions - a été adjugé pour 4,2 millions à la même société.

Or la BCG est créancière de ces deux immeubles, et, selon les informations du journaliste, Finalsa SA lui est étroitement liée. Il s'agit sans doute de l'une de ces sociétés de portage qui permettent de racheter les immeubles pour éviter une trop grande dévaluation des actifs de la banque. Qu'on ne nous dise pas, dans ces conditions, qu'il s'agit de pratiques anciennes et que les contrôles actuels sont excellents !

M. Claude Blanc (PDC). La commission des finances a accompli un travail délicat lors de l'examen de cette pétition : il s'agissait d'effectuer la synthèse entre les propos, les documents et ce qui se passait réellement dans notre établissement cantonal.

Mme Torracinta-Pache a relevé des faits étranges que nous regrettons, et je voudrais la remercier, au nom de la commission, de s'être acquittée de cette tâche avec autant de précision et de diplomatie.

Il est évidemment facile de faire un procès englobant tout le monde en citant des chiffres et des faits, mais pas de noms, de telle sorte que nous ne puissions pas vérifier ! (M. Clerc montre des documents.) M. Chazaud nous a présenté des faits le concernant, et le secret bancaire a été levé avec son accord. Mais il nous a également présenté des faits concernant des tiers, pour lesquels on ne pouvait pas obtenir la levée du secret bancaire. On peut, dès lors, tout dire et tout supposer !

La commission n'aurait pas dû accepter ce dossier, compte tenu d'une loi votée par le Parlement après la constitution de la Banque cantonale de Genève, dont nous avons expressément confié le contrôle à la Commission fédérale des banques. Cette commission n'est formée ni de plaisantins ni de gens complaisants, et je suis convaincu que nous pouvons leur accorder notre confiance pour vérifier convenablement les activités actuelles de la BCG. Nous, nous n'avons pas accès aux pièces essentielles du dossier.

M. Pierre Kunz (R). Au préalable, je souhaiterais faire remarquer à M. Clerc qu'il aurait dû fournir ces exemples sensationnels en commission; cela nous aurait aidés ! Mais manifestement il ne connaît qu'une partie des affaires relatées, et certains éléments de la pratique bancaire lui font défaut...

La Banque hypothécaire - comme d'autres, pendant les années folles - a donc commis des erreurs en accordant à tort des crédits immobiliers. Mais les mesures adéquates prises au sein de la BCG et des autres banques dès le début des années 90 devraient empêcher la répétition de telles erreurs.

Il n'y a donc pas lieu de discréditer particulièrement la BCG sous le mauvais prétexte que l'Etat en est l'actionnaire et le garant. En acceptant cela, le Grand Conseil acceptait simultanément les risques inhérents aux activités de crédit et les pertes sur les débiteurs.

La commission des finances a pu s'assurer que les crédits au sein de la BCG étaient gérés de manière adéquate et conformément aux exigences de la Commission fédérale des banques. De l'avis des radicaux, il convient de suivre les conclusions du rapport de la commission et de clore ce dossier.

M. David Hiler (Ve). Il faut être relativement prudents dans ce genre d'affaires : par bribes, nous apprenons ce qui s'est passé dans des établissements à caractère public, mais il nous est évidemment beaucoup plus difficile d'intervenir dans les grandes banques suisses. Nous pouvons donner l'impression que les choses s'y passaient normalement, alors qu'un total désordre régnait dans les banques publiques. Aussi faudrait-il tenter de rappeler les responsabilités respectives.

En premier lieu, il convient de rappeler la lenteur des autorités fédérales à réagir à la vague spéculative, et cela a joué un rôle dans la catastrophe finale. Les fameuses mesures «antisurchauffe» prises de manière assez précoce dans les années 60 avaient limité les dégâts. Les arrêtés fédéraux urgents sont arrivés beaucoup trop tard, au moment où ils en devenaient même contreproductifs. Cinq ans auparavant, ils auraient permis d'éviter certaines pratiques relativement scandaleuses, à Genève notamment.

Une autre responsabilité non négligeable est celle des nombreux architectes acceptant de signer des expertises de pure complaisance. Je m'étonne qu'aucun d'entre eux ne se soit retrouvé devant les tribunaux ! Lorsqu'en se parant d'un titre on induit volontairement son client en erreur, il conviendrait d'être poursuivi. Ce ne sont pas tant les affaires qui m'inquiètent - il y en aura toujours - que le laxisme envers ces actes «problématiques» du point de vue de l'honnêteté, et inadmissibles si l'on se réfère aux règles déontologiques.

Ces pratiques concernaient l'ensemble des banques cantonales de l'époque. Connaissant un boum important, la Banque hypothécaire n'avait pas les structures adéquates pour gérer correctement ses crédits. Les importantes pressions qui la poussaient à accorder toujours plus de crédits, à se moderniser et à se montrer dynamique, ont provoqué ces faits extraordinaires. Lors de la fusion, le chef de cette banque a démissionné, mais sommes-nous sûrs que tous les responsables politiques siégeant dans l'ancien conseil d'administration aient jugé bon de se retirer pour laisser à d'autres le soin de mener à bien la nouvelle entreprise, compte tenu de ce qu'ils avaient laissé faire pendant les années 80 ? Je vous laisse comparer les listes pour constater qu'on pardonne facilement à Genève !

Que cela vienne d'un radical ou d'un socialiste, il est définitivement faux de prétendre qu'il existe des moyens d'éviter de tels faits dans les établissements bancaires. Des mesures peuvent être prises au niveau du pouvoir politique seulement. Les spéculations existent depuis le début du capitalisme commercial. La première - et l'une des plus célèbres - fut celle des oignons de tulipes de Hollande, qui a ruiné des centaines de milliers de gens, et cela réapparaît de façon périodique. Seuls les pouvoirs publics peuvent juguler une spéculation, et non des établissements soumis aux nécessités du marché.

En 1961, le Conseil fédéral avait d'abord demandé des mesures volontaires aux entreprises et aux établissements de crédit, mais, en 1964, il prenait les mesures autoritaires qui s'imposaient. Telle est la leçon à retenir !

Mme Claire Chalut (AdG). M. Kunz a relevé nos lacunes dans le domaine bancaire.

A propos d'une affaire qui a fait beaucoup de bruit, est-il vrai que des personnes, voire des personnalités, aient bénéficié de taux d'emprunt préférentiels, de l'ordre de 1 à 1,5% ? Dans l'affirmative, cela signifierait qu'il y a deux poids deux mesures !

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). J'aimerais revenir sur la question de la confiance indispensable envers une institution bancaire et sur vos propos, Monsieur Blanc. Selon vous, la Commission fédérale des banques est compétente pour juger de la correction des procédures bancaires; elle accomplit son travail, et il ne s'agit pas de notre problème.

Vous devriez vous rendre à la Comédie pour voir «Un ennemi du peuple», une pièce d'Ibsen vieille de près de cent ans. Elle pose exactement le même problème : dans une communauté, semblable à la nôtre, dans une ville balnéaire, surgit un grave problème de pollution des eaux d'une ville balnéaire. En dénonçant ce fait, le médecin des thermes finit dans la peau d'un ennemi du peuple. Il met tout le monde en péril. On ne veut pas voir le problème, on l'accuse de mentir et on continue de faire confiance aux autorités.

Il m'a fallu un certain courage pour vous affronter voilà quelques années au sujet de spéculations dont j'avais eu connaissance, comme chacun de vous, encouragée par la Banque cantonale. Je vous ai soumis des dossiers - j'en ai même confié un à M. Vodoz lors de la fusion des deux banques publiques - transmis par un courtier grugé. Cette affaire ressemblait étrangement à celle qui nous est soumise ce soir.

A l'époque, je vous demandais ce que nous pouvions entreprendre ensemble pour mettre fin à cette folie : surévaluation des biens découlant de rapport mensonger des architectes et mise en péril des banques accordant trop de crédits.

Cette situation n'est pas propre à Genève ou à la Suisse : le Japon a actuellement une économie quasiment paralysée par l'endettement de ses banques. Il lui reste le choix de faire marcher la planche à billets ou de restreindre le crédit en provoquant l'asphyxie des petites et moyennes entreprises.

Nous sommes donc responsables, car nous nous sommes tus, alors que nous savions parfaitement que cette spéculation des années 80 était mensongère et ressortissait de l'escroquerie. Or, aujourd'hui, on nous demande de regarder ce que nous avons couvert.

Il est vrai qu'il ne nous appartient pas de faire le travail de la Commission fédérale des banques. Cependant, j'approuve pleinement les propos de M. Hiler : notre devoir est d'orienter la politique économique et financière du canton. Nous en avons assez de nous laisser piloter dans tous les choix économiques. Nous avons galvaudé nos possibilités; il est temps de prendre la responsabilité politique de ce galvaudage.

M. Hervé Dessimoz (R). Nous vivons un psychodrame, et je me demande quand Genève décidera de regarder son futur. Pour répondre aux affirmations de M. Clerc faites avec une certaine circonspection et «obscurité», j'aimerais rappeler qu'en 1993 une grande majorité du Parlement et du peuple a eu le courage de créer la Banque cantonale avec la volonté d'en faire un instrument au service de chacun, et non de la politique du gouvernement.

Raison pour laquelle il a été demandé que l'organe de surveillance de la banque fût la Commission fédérale des banques, et non le Conseil d'Etat qui l'était légalement à l'époque. Le président actuel de la banque est intervenu au niveau du Conseil national pour faire modifier la constitution, les lois et les règlements qui régissent les agissements et les responsabilités de la Commission fédérale des banques. Heureusement que nous avons eu cette clairvoyance pour nous défendre face à M. Clerc et à tous ceux qui pourfendent la Banque cantonale de Genève !

Mme Chalut demandait de quel droit on prêtait à 3% et si l'on faisait des opérations de portage. Mais cela ne la choque pas que la Fondation Elapsoïdea obtienne un crédit à 3% ! (Applaudissements.) Aucun commerçant ou entrepreneur à Genève ne bénéficie d'un tel taux ! Il faut faire la part des choses, à un moment où la Commission fédérale des banques marque toujours sa confiance à la Banque cantonale de Genève.

Les grandes banques ont décidé de se détourner du risque dans l'immobilier : la SBS va provisionner 3 milliards sur l'immobilier malgré toutes les provisions déjà réalisées sur des opérations à risques, il y a plusieurs années déjà. La BCG, elle, n'a pas d'autres moyens que de conclure des affaires avec les Genevois, car elle n'a pas la possibilité d'obtenir des gains sur les produits dérivés. Mais elle arrive encore à porter l'économie genevoise à bout de bras; elle s'y efforce en tout cas.

Alors que les grandes banques décident de restreindre les crédits, les petites et moyennes entreprises reviennent à la BCG. Mais les gens à bout de souffle s'émeuvent que la BCG ne puisse répondre à leurs sollicitations, et que la banque des Genevois les «lâche» ! Alors que cette banque essaie de faire des efforts, on ressort de vieilles histoires et des arguments qui ont fait l'objet de longs débats dans le passé. Il conviendrait de faire une croix et de s'unir pour l'encourager à poursuivre son action en faveur de l'économie genevoise !

Bien entendu, la Banque cantonale a commis des erreurs, mais les Genevois ne doivent pas oublier le but recherché lors de sa création. L'Etat de Genève l'a dotée d'un capital supplémentaire de 150 millions, et les actionnaires ont accepté de faire un effort substantiel sur la perte de la valeur des actions pour assainir les comptes des deux banques et en faire un instrument au service de Genève.

M. Laurent Moutinot (S). Par souci de transparence, je vous indiquerai au préalable que j'étais administrateur de la Banque hypothécaire du canton de Genève pendant les deux dernières années précédant la fusion, soit bien après les faits relatés dans le rapport. (Rires.)

L'aspect gênant de ce débat, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le lien systématique qui s'établit entre la Banque cantonale et la spéculation immobilière. Vous connaissez mon engagement, depuis près de vingt ans auprès de la défense des locataires, et vous savez que la spéculation immobilière est l'une des choses que je déteste le plus. Je la déteste également lorsqu'elle est pratiquée par la Banque cantonale ou à l'époque par les deux banques.

Il est vrai, Monsieur Clerc, que, malgré tous ses efforts, la Banque cantonale - avec laquelle je n'ai plus aucun lien ni mandat : que M. Lombard se rassure ! - n'est pas à l'abri d'erreurs. Mais il faut lui donner acte de l'importance des mesures qu'elle a prises pour les éviter, et le plus important est de réaffirmer son rôle dans l'économie genevoise.

Sa création est une vieille revendication de la gauche que la droite a fait échouer pendant des décennies, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente ! Nous la saluons, car elle a la capacité à certains égards de mener une politique bancaire différente : alors que les grandes banques se retirent du tissu économique genevois, elle peut apporter une aide aux petites et moyennes entreprises.

Je crois distinguer dans mon propre parti et dans l'Alliance de gauche des critiques envers la Banque cantonale, qui ressemblent à celles que provoque de façon excessive une personne que l'on aime. A gauche, nous souhaiterions que cette banque soit parfaite, qu'elle ne fasse que des investissements irréprochables et qu'elle n'ait qu'une activité de soutien à des entreprises écologiques, sociales et charitables !

Malheureusement, malgré les efforts exigés dans cette direction, elle ne peut pas y parvenir de façon infaillible. Par conséquent, nous devons continuer à être sévères et vigilants à l'égard de toutes les erreurs qu'elle pourrait commettre. Mais, pour éviter le sabotage et le risque d'affaiblir un instrument indispensable au maintien et au développement de l'économie genevoise, ces critiques ne doivent pas être faites sur la place publique.

D'après les derniers comptes que tout le monde a pu voir, la BCG a provisionné 1 milliard pour les risques qu'elle encourt dans ces malheureuses affaires immobilières du passé. Cela représente le coût de la traversée de la rade, et cela doit être suffisant pour nous rassurer, ainsi que les épargnants !

M. Claude Blanc (PDC). A la suite de votre intervention, Madame Deuber-Pauli, je voudrais rappeler que le but de la création de la Banque cantonale - contrairement à ce que vous-même ou vos amis auraient souhaité - n'était pas de placer un établissement bancaire sous la tutelle de l'Etat. Il s'agissait de mettre à disposition de la population un établissement bénéficiant de l'appui de l'Etat.

Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil ne sont pas des banquiers ou des réviseurs bancaires. Lorsque nous avons constitué la Banque cantonale, la législation fédérale ne permettait pas encore de la placer sous la surveillance directe de la Commission fédérale des banques. Comme des discussions étaient en cours, nous avions expressément réservé cette possibilité dès que les Chambres fédérales permettraient une telle opération. Nous l'avons fait aussitôt, pour nous décharger d'une responsabilité que nous ne sommes pas en mesure d'assumer.

Certains voudraient en savoir davantage et devenir les véritables tuteurs de cette banque; mais vous feriez fuir les clients, Mesdames et Messieurs les députés ! Avec vos idées sur le monde bancaire, il ne resterait bientôt plus qu'un cadavre sans chair ! Et s'il est vrai que des erreurs ont été commises, toutes les mesures nécessaires ont été prises pour garantir une bonne surveillance. Nous n'avons pas à nous en mêler.

Mme Claire Chalut (AdG). Je souhaite dire à M. Dessimoz que je n'ai pas employé l'expression «de quel droit». Ce n'est en tout cas pas à lui que j'ai posé la question, puisqu'il ne lui appartient pas d'y répondre. Par ailleurs, il est très mal placé pour me donner des leçons !

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Compte tenu de la tournure que prend ce débat, je souhaiterais faire deux remarques.

Comme M. le député Moutinot, vous êtes nombreux à affirmer clairement qu'il y a un avenir pour les banques cantonales de ce pays. Elles devront probablement se regrouper davantage. Mais, au moment précis où les grands établissements bancaires se retirent géographiquement et quantitativement, il est indispensable d'avoir une banque de proximité qui puisse jouer pleinement son rôle dans un environnement économique cantonal et régional.

Nous devrons bientôt réinventer le métier de banquier pour que certains entrepreneurs puissent trouver les personnes prêtes à assurer un certain nombre de risques, comme par le passé. L'activité économique pourrait ainsi se développer. Au sujet du débat que nous venons d'avoir sur l'aide aux entreprises et aux personnes morales de ce canton, je pense que les sociétés qui voudraient se créer ont davantage besoin de crédits que d'allégements fiscaux.

Mais il est difficile de trouver les crédits nécessaires, car il faut donner des garanties immédiates, ce qui ne facilite pas l'éclosion de l'activité économique; nous en débattrons en commission. L'une des voies serait d'affecter une petite partie du produit de l'impôt des personnes morales pour créer un fonds permettant de garantir des crédits, sans réduction substantielle de la fiscalité et des personnes morales.

L'avenir des banques cantonales est donc incontestable. Lors de la fusion, et dans les limites de son pouvoir, le gouvernement a toujours insisté pour mettre en place les procédures les plus sophistiquées et permettre des contrôles et des appréciations des dossiers présentés. L'erreur est humaine, mais j'ai la conviction que les procédures indispensables sont en place.

Lors de mon arrivée au Conseil d'Etat, en décembre 1989, l'une de mes premières décisions fut de renoncer à siéger dans le conseil d'administration de la CEG. Pas tant à cause d'affaires dont j'aurais eu connaissance, mais plutôt parce qu'un mandat d'administrateur est un mandat à plein temps incompatible avec celui de conseiller d'Etat. Et j'ai toujours dénoncé cette erreur, cette incompatibilité, lors d'entretiens avec des collègues, chefs du département des finances d'autres cantons et présidant même souvent les conseils d'administration des banques cantonales.

J'ai fait modifier la loi, et je me suis fait remplacer au conseil d'administration, afin de laisser la place à des personnes pouvant assumer pleinement leurs responsabilités.

Avec votre appui, nous avons été le canton moteur de cette révision de la loi fédérale permettant aux banques cantonales de se soumettre, si elles le désiraient, au contrôle des spécialistes de la Commission fédérale des banques, et non plus au contrôle politique. Cette modification obtenue, nous avons été le premier canton à entreprendre ces démarches importantes, et d'autres ont suivi. Vu la complexité des affaires et du monde économique, je m'en félicite tous les jours. Il est en effet inconcevable d'imaginer qu'un gouvernement cantonal - fût-il composé de gens particulièrement brillants - puisse contrôler les affaires et l'organisation bancaires.

A propos de la pétition de M. Chazaud, j'aimerais rappeler que la Banque hypothécaire de Genève - à l'époque, la banque des communes - ne bénéficiait pas de la garantie de l'Etat. Et, sous réserve des bons de jouissance acquis à l'époque, ce dernier ne participait pas à sa gestion. Ceci n'explique pas cela, mais, pour le bon ordre de l'histoire, j'entendais le rappeler.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des finances (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.