Séance du vendredi 8 novembre 1996 à 17h
53e législature - 3e année - 12e session - 44e séance

PL 7498
9. Projet de loi de MM. Michel Halpérin et Nicolas Brunschwig relatif à la diminution de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. ( )PL7498

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

L'impôt direct sur le revenu des personnes physiques est diminué de 15%.

Art. 2

Cette diminution prend effet à compter du 1er janvier 1998 pour les personnes dont le revenu annuel imposable est inférieur à 80 000 F, le1er janvier 1999 pour les personnes dont le revenu imposable est compris entre 80 001 F et 250 000 F et le 1er janvier 2000 pour les personnes dont le revenu imposable est supérieur.

EXPOSÉ DES MOTIFS

I

Les contributions exigées de chacun au titre de la couverture des dépenses de l'Etat ont atteint un niveau déraisonnable.

La combinaison des impôts directs, fédéral, cantonal et communal, atteint 35% du revenu dès lors qu'il atteint 200 000 F et peut même avoisiner 45% dans les tranches plus élevées, et ceci sans qu'il soit tenu compte de l'impôt sur la fortune auquel sont astreints de nombreux contribuables.

Globalement, c'est-à-dire en prenant en considération l'addition des charges à caractère fiscal direct que constituent l'impôt proprement dit et les cotisations à des contributions à caractère social obligatoire, telles que l'AVS, l'AI, l'assurance-chômage et les allocations familiales, la ponction étatique peut atteindre pour certains contribuables, les indépendants en particulier, 60% de leurs revenus.

On croit trop souvent que seuls les revenus les plus importants sont soumis à un tel effort. C'est inexact. La progressivité de l'impôt sur le revenu est si rapide que doivent être considérés comme revenus élevés ceux qui dépassent 100 000 F par an déjà, puisque, pour un couple marié sans enfant, ils sont taxés à 23%.

Dès lors, la plupart des contribuables subissent une ponction fiscale extrêmement significative.

On objectera en vain que d'autres pays en connaissent de plus lourdes. Les expériences faites dans ce domaine, notamment dans des démocraties dites avancées, par exemple dans les pays scandinaves, ont montré leurs limites puisque l'Etat, après avoir tenté des prélèvements quasi confiscatoires, a dû revenir à une conception plus équitable du partage entre la puissance publique et les individus au service desquels elle est supposée se trouver.

Que cette fiscalité soit trop lourde est donc indiscutable. Il suffit pour s'en convaincre d'observer que dans notre pays, et particulièrement dans notre canton de Genève, toutes les tentatives faites dans ces dernières années d'alourdir d'une manière ou d'une autre la fiscalité se sont heurtées à des fins de non recevoir particulièrement sèches du Conseil Général.

II

Cette situation a largement contribué à l'exode des «actifs» qui, depuis des années, fuient Genève et sa fiscalité au profit de la région voisine qui se révèle fiscalement, bien plus accueillante. La recette fiscale «perdue» par Genève est de l'ordre de 400 millions de francs par an.

C'est que Genève est le canton le plus lourdement fiscalisé de Suisse. Selon les statistiques de l'Administration fédérale des contributions, la charge fiscale d'une personne mariée avec deux enfants, sur le revenu brut de son travail, s'élève à:

Zoug

Zurich

Lausanne

Genève

revenu brut

 00F           %

 00F           %

 00F           %

 00F             %

100 000.-

05 275.-005,28

08 204.-008,20

11 767.-011,77

013 208.-013,21

150 000.-

11 037.-007,36

17 544.-011,70

21 287.-014,19

026 202.-017,47

400 000.-

45 894.-011,47

84 376.-021,09

87 875.-021,97

105 159.-026,29

(Ces chiffres publiés par l'Administration fédérale des contributions en 1995, sont ceux de l'imposition cantonale et communale au chef-lieu des cantons, en 1994. L'impôt fédéral direct s'y ajoute.)

Cette disparité est un facteur de concurrence entre cantons (comme elle l'est, à un niveau international, entre Etats). Bien des contribuables, et naturellement ceux dont les ressources sont les plus substantielles, sont enclins à fixer leur choix de résidence en fonction de critères économiques. Quels que soient par ailleurs ses avantages, Genève, sur ce plan-là, ne soutient nullement la comparaison puisque s'y installer ou s'y maintenir constitue en moyenne une charge fiscale supérieure d'au moins 15% à celle qui serait payée dans le canton le plus voisin.

Il s'impose en conséquence de placer Genève dans une situation fiscalement comparable à celle des cantons voisins, géographiquement ou par la nature de leurs activités.

En bornant l'ambition du présent projet à une réduction de 15% d'impôts, les auteurs du projet souhaitent que Genève soit au niveau de Lausanne dans les toutes prochaines années; à plus long terme, le critère de comparaison le plus adéquat, notamment en raison du rôle que jouent ces deux villes comme places économiques, devrait être un alignement sur la situation zurichoise, ce qui supposera une réduction d'impôts supplémentaire de l'ordre de 10%. Il faudrait même, à plus long terme, tenter de se rapprocher du modèle zougois. Il est en effet remarquable que le canton le plus économique de Suisse soit aussi celui dont les finances publiques soient parmi les plus saines. Rappelons qu'en moyenne l'impôt à Zoug est d'un tiers de ce qu'il est à Genève.

III

Si le présent projet a donc pour premier objet de modifier, durablement, l'image non compétitive du canton, il tend aussi à réduire l'emprise économique que l'Etat exerce sur les contribuables. Il est opportun, non seulement parce qu'il est la conséquence des manifestations de volonté du souverain qui a rejeté toutes les hausses d'impôt proposées récemment, mais aussi parce que nombre de citoyens pensent que les dépenses de l'Etat sont objectivement excessives.

Ils constatent, ainsi, que le budget de fonctionnement de la République et Canton de Genève pour 1996 est au total de 5 milliards de francs environ. Par comparaison, les mêmes dépenses étaient en 1986 de l'ordre de3 milliards de francs seulement (si l'on ose dire !). Aux yeux des citoyens, les prestations de l'Etat au cours de cette décennie ne se sont pas améliorées au point de justifier une augmentation de l'ordre de 65%.

L'inflation de cette période (au total 35%) est loin de suffire à l'expliquer et même l'accroissement des ressources rendues nécessaires par la récession et ses conséquences, dont l'aggravation du chômage, ne saurait rendre compte d'un tel phénomène.

D'autre part, la politique de rigueur et d'austérité mise en place par le Conseil d'Etat tout au long de la législature a commencé à donner ses fruits. La réduction des dépenses est encore modeste. Au moins ont-elles cessé de croître.

Si les objectifs du Gouvernement et du Grand Conseil sont atteints, le déficit avant amortissement de l'Etat aura été comblé dès 1997 et le budget devrait être rééquilibré dès l'an 2000.

Certains pourraient être tentés de se satisfaire de ce résultat. Ce serait une erreur.

L'effort de rigueur entrepris par l'actuel Conseil d'Etat a mis en évidence que, sans renoncer en rien à ses obligations sociales, sans menacer la fonction publique, sans revoir sa politique d'investissement, il était possible d'organiser des économies substantielles.

Le moment paraît donc venu de prolonger cet effort, dailleurs lié au résultat prévisible de l'audit en cours, en s'astreignant à faire aussi bien, ou mieux, quauparavant avec des ressources un peu diminuées.

IV

A cet égard, la conséquence du présent projet de loi sur les finances publiques, si elle n'est pas négligeable, n'est cependant pas de nature à les mettre en péril. La recette globale de l'impôt sur le revenu est de l'ordre de2 milliards de francs; la diminution de recette engendrée par ce projet s'éléverait à 300 millions de francs en chiffres ronds.

Soit une réduction des recettes totales de l'Etat (4,7 milliards de francs) de 6,4%.

Si cure d'amaigrissement prolongée il devrait y avoir pour l'Etat, elle ne serait donc pas de nature à mettre en péril l'essentiel de son action.

a

Au demeurant, cette réduction de l'impôt sur le revenu des personnes physiques est d'autant plus opportune qu'elle s'effectuerait à un moment où, la crise économique aidant, la récession prend des allures déflationnistes, ce qui devrait, d'une part, permettre à l'Etat de mieux juguler ses propres dépenses, d'autre part et surtout, favoriserait d'une manière utilement anticyclique la reprise de la consommation

Il tombe en effet sous le sens que la plus grande partie de l'économie ainsi réalisée par les contribuables devrait être affectée à la consommation. Ainsi, une part non négligeable des 300 millions de francs que n'encaisserait pas l'Etat se retrouverait dans la consommation courante, celle qui en particulier fait vivre les activités de distribution. Rappelons que ces dernières sont particulièrement touchées par la crise et qu'elles n'ont pas, elles, bénéficié des mesures anticycliques prises par l'Etat surtout destinées au secteur secondaire et plus particulièrement aux entreprises liées au bâtiment et à la construction.

Cette opération contribuera à la relance et devrait donc produire des ressources fiscales qui, peut-être sans atteindre le niveau de la réduction de recette souhaitée, la compenserait de manière notable. Il est permis d'estimer que, dans les deux ans qui suivraient l'entrée en vigueur de ce projet de loi, les ressources supplémentaires qui seraient dégagées pour l'Etat au titre des emplois créés et du profit des entreprises directement bénéficiaires de ce facteur de relance atteindraient 150 millions de francs.

b

Une fois cette nouvelle politique fiscale annoncée et comprise, la stabilisation des «actifs» à Genève devrait être largement favorisée et se traduire par une diminution des départs et même progressivement par un retour d'une partie au moins de ceux qui avaient jugé nécessaire de s'éloigner. Le maintien des uns, le retour de certains autres, devraient engendrer des recettes fiscales importantes, puisque celles qui ont été perdues ces dernières années, par ce seul déplacement, sont supérieures à celles qu'engendreront le présent projet.

c

Ses auteurs souhaitent d'ailleurs que le Conseil d'Etat et le Grand Conseil, en préparation des budgets, continuent à examiner attentivement les postes sur lesquels des économies pourraient être faites qui soient susceptibles de compenser, pour le surplus s'il en reste, la baisse des recettes. Sans anticiper sur ce débat à venir, ne peut-on imaginer que, tout au moins dans certains secteurs, des réductions du temps de travail et de salaire soient proposées à la fonction publique ? Une diminution de ce genre, à un niveau de 5% seulement, suffirait déjà à économiser une somme de l'ordre de130 millions de francs sur les salaires versés par l'Etat directement (sans même tenir compte de ceux qui sont couverts par des subventions).

d

Soucieux cependant de ne pas placer l'Administration, et spécialement le département des finances et contributions, devant une situation trop abrupte, les auteurs du projet ont imaginé que la présente loi entre en vigueur «par tranches», l'Etat faisant bénéficier de la réduction fiscale les contribuables les moins favorisés d'abord. Elle s'effectuerait, à peu près de manière égale, sur les trois prochains exercices plutôt qu'en une seule fois. Compte tenu de la part respective des trois catégories de contribuables considérées (jusqu'à 80 000 F, de 80 000 F à 250 000 F, 250 000 F et au-delà), la diminution de recette pour l'Etat sera évidemment porogressive. En 1998, elle devrait s'élever à environ 100 millions de francs, à 120 millions de francs de plus en 1999 et encore à 80 millions de francs de plus en l'an 2000.

Cette «progressivité» dans la réduction facilitera l'effort de discipline que l'Etat pourrait devoir s'imposer.

V

Enfin, ce projet d'allégement de la fiscalité est aux yeux de ses auteurs un remède adéquat aux tentations de l'économie souterraine. Nul n'ignore que la fiscalité, lorsqu'elle est perçue comme excessive, en est une des causes majeures. La soustraction fiscale est souvent liée au désir des citoyens, qu'il s'agisse de personnes d'un revenu important ou modeste, effectuant des travaux à domicile, des tâches complémentaires à leurs emplois principaux, etc., d'alléger la moyenne de leurs charges fiscales. Une réduction de l'impôt aura donc un effet incitatif à des déclarations d'impôt plus transparentes et plus honnêtes et sans doute dans une mesure plus efficace que la multiplication des contrôles ou une répression plus sévère.

*

*M*

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver au présent projet de loi un bon accueil.

Préconsultation

M. Michel Halpérin (L). Ce projet de loi n'était ni déposé ni même signé qu'il suscitait déjà la polémique ! Certains le trouvaient populiste, d'autres démagogique, d'autres encore ultralibéral.

Deux mois et demi se sont écoulés depuis ce dépôt, car nos travaux sont relativement difficiles à conduire à leur terme à un rythme soutenu. Ce délai a permis au temps des invectives de faire place à celui de la sagesse, et un certain nombre d'autres projets, dont nous aurons à parler sous les rubriques suivantes, vont finalement contribuer à notre réflexion d'une manière relativement convergente.

En effet, s'il y a bien entendu des différences entre le projet présenté aujourd'hui par M. Brunschwig et moi et ceux qui seront ensuite examinés - différences car certains parlent de l'impôt sur les personnes physiques, les autres de l'impôt sur les personnes morales - l'ampleur de l'effort demandé à l'Etat n'est pas la même dans chacun de ces projets. Globalement, chacun - au moins sur les bancs de l'Entente - s'entend désormais à considérer qu'il est d'urgente nécessité de diminuer la fiscalité à Genève. En ce sens cette unanimité retrouvée au sein de l'Entente, au moins sur les principes sinon encore sur les moyens d'y parvenir, ne peut bien entendu que nous réjouir. Et je salue le courage de ceux qui après avoir eu l'intelligence de critiquer ont eu celle de se rallier, sans craindre d'être injustement traités de plagiaires.

Nous voilà, maintenant, en face d'une entreprise redoutable : comment revoir les recettes de l'Etat sans mettre en péril ce qui nous paraît essentiel de son fonctionnement ?

Je voudrais dire, d'abord et d'une manière très claire, que, pour le groupe libéral, la recherche de l'équilibre du budget puis celle de la réduction de la dette étaient, sont et resteront des objectifs prioritaires, parce que la crédibilité de Genève ne peut se maintenir qu'au prix de l'équilibre de sa situation financière. En ce sens-là, nous continuerons bien entendu à soutenir les efforts du Conseil d'Etat. Par conséquent, il faut que je précise que ce que ce projet demande aujourd'hui n'est pas de revoir ces objectifs d'équilibre, mais de les aménager, de telle manière qu'ils laissent place aussi à un effort de relance.

Mesdames et Messieurs les députés, ce projet est très simple : il prévoit une diminution de l'impôt sur les personnes physiques d'un taux de 15%, échelonnée en trois paliers, de 1998 à 2000. Cette réforme, une fois aboutie, mettra la fiscalité genevoise au niveau de celle de Lausanne. Pourquoi cet objectif ? Eh bien, pour des raisons simples !

Il s'agit pour nous d'engager sérieusement le combat contre la crise économique et, surtout, contre le chômage. Et nous avons pensé que ce moyen était le plus adéquat pour y parvenir. En effet, Genève est le canton fiscalement le plus cher de toute la Suisse, et il a perdu tout attrait pour les revenus et les fortunes les plus élevées, avec pour conséquence un exode accru des actifs non résidants, au point que ce phénomène - que nous connaissons bien sûr depuis longtemps - a atteint des dimensions qui sont pour le moins préoccupantes. Il y avait 8% d'actifs non résidants en 1975; il y en a 27%, en 1995, et, si nous ne faisons rien et que les choses restent ce qu'elles sont, il y en aura à peu près 35% dans dix ans !

Cela provoquera, naturellement, une diminution de recettes inévitable, d'abord parce qu'elle s'est déjà produite, et parce qu'elle continuera à se produire. Aujourd'hui, notre choix se résume donc à constater, impuissants, que les recettes diminuent en raison de l'exode de contribuables ou, comme nous vous le proposons aujourd'hui, à provoquer nous-mêmes certaines diminutions de recettes - dans l'idée que l'on peut provoquer et gérer cette diminution de recettes plutôt que de la subir passivement ou plaintivement, dans l'hypothèse la plus heureuse.

Sinon, Mesdames et Messieurs, il n'y aura plus, à Genève, de place pour l'Etat social. Ai-je besoin de vous rappeler que notre pyramide fiscale - et c'est le deuxième élément de notre analyse fondamentale - est de toute la Suisse celle qui est la plus favorable aux citoyens les plus modestes - nous nous en réjouissons - mais, du même coup évidemment, celle qui est la plus défavorable aux revenus les plus élevés ?

C'est ainsi, et je pense que nul d'entre vous ne l'ignore, que cinq à six cents contribuables genevois, c'est-à-dire 0,25% des contribuables genevois, contribuent à eux seuls à 15% de la recette fiscale des personnes physiques. Vous voyez vous-mêmes quel est l'impact que le départ de quelques-uns d'entre eux - et il en part plusieurs sinon des dizaines chaque année - peut avoir sur l'ensemble de nos ressources.

Si vous préférez des critères d'appréciation plus larges, 30% des plus favorisés de nos concitoyens payent 73% des impôts tandis que 30% des plus défavorisés en payent 1,5%. Comme ce sont naturellement les plus favorisés qui ont les moyens de réfléchir à des solutions alternatives et de répondre à des publicités comme celle que j'ai vue dans les journaux : «Installez-vous à Mies, c'est 40% moins cher fiscalement !», nous nous retrouvons devant une situation où l'écart se creuse entre les contribuables aisés qui nous quittent et les non-contribuables qui ont besoin d'assistance et qui, proportionnellement, deviennent une partie plus importante de la population, avec les conséquences que vous connaissez.

Et ceux qui s'en vont, Mesdames et Messieurs les députés, ce sont les entrepreneurs; ce sont les chefs d'entreprises; ce sont les cadres supérieurs, avec leurs hauts salaires, ou leurs hauts revenus. Ils traînent derrière eux progressivement les entreprises auxquelles ils appartiennent, parce qu'après quelques années de séjour à Mies, à Nyon ou ailleurs ils s'aperçoivent que plutôt que de faire la navette tous les jours il est peut-être plus facile de ramener l'entreprise, qui bénéficie également d'avantages fiscaux, sur place.

Voilà à quoi nous sommes exposés, de sorte que, si nous voulons conserver les moyens d'une politique sociale, nous devons commencer par nous en donner les ressources. L'esprit même de ce projet de loi est de vous dire d'abord que, si nous voulons garder des contribuables aisés à Genève, il faut peut-être les traiter avec les égards que leur générosité contributive leur permet d'exiger de nous.

Bien sûr, on peut nous objecter que ce projet entraîne des diminutions de recettes. C'est vrai. Vous observerez que nous vous avons proposé des paliers : trois paliers; ce qui devrait signifier qu'en 1998 nous aurons des recettes diminuées de 100 millions, en 1999 de 200 millions et en 2000 de 300 millions.

On va inévitablement me demander comment financer cette diminution de recettes. La première réponse - nous l'avions déjà esquissée dans notre exposé des motifs - se trouve dans les résultats de l'audit qui préconise des économies, apparemment pas trop difficiles à faire - mais nous le verrons bien après examen - de 180 millions par an. Si ce chiffre était exact, la première année ne nous coûterait rien, la deuxième ne nous coûterait que 20 millions et, après la troisième année, nous aurions perdu 600 millions de recettes au total, mais nous aurions pu économiser - à en croire l'audit - 560 millions de dépenses.

J'ajoute à cela que, si ce projet de réduction des dépenses par le moyen proposé par l'audit se révélait insuffisant, d'autres sources d'économies sont possibles. Nous avons tracé quelques pistes dans notre exposé des motifs, comme, par exemple, un aménagement ou une réduction du temps de travail, dans certaines catégories de la fonction publique, qui pourraient permettre des économies dans le poste des dépenses.

A l'évidence, ce projet doit avoir des effets positifs sur nos recettes, et c'est bien le but poursuivi. En effet, cet argent que nous ne prendrons pas aux contribuables servira soit à l'épargne, et donc à un maintien bas des taux d'intérêts, ce qui est favorable aux entreprises, soit à la consommation, ce qui aura naturellement des effets favorables pour l'avenir.

Mais n'oubliez pas, surtout, qu'en ne faisant pas ce que nous vous recommandons aujourd'hui d'envisager, nous allons laisser s'accroître ce flux qui s'éloigne de Genève et qui coûte actuellement, selon des estimations qui ont été faites par des gens sérieux, 400 millions de recettes par an à notre Etat. C'est le prix des actifs non résidants.

Bien entendu, à lui seul, ce projet ne suffira pas : d'autres trains de mesures seront nécessaires; ils porteront sur l'aménagement du territoire, sur l'économie proprement dite et sur l'emploi. Mais il faut commencer par la fiscalité pour une raison très simple : la fiscalité est inversement proportionnelle à la croissance. Plus la pression fiscale s'accroît plus la croissance a tendance à se raréfier. L'exemple beaucoup décrié des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne nous permet de constater que le chômage y a été réduit dans des proportions extrêmement importantes : de 15%, il y a cinq ans, à 6 ou 7%, cette année. Pour moi, c'est un objectif enviable.

Comme la fiscalité est aussi le seul levier sur lequel l'Etat peut directement avoir prise, il faut commencer par lui.

Mesdames et Messieurs les députés, j'en arrive à ma conclusion.

Nous sommes aujourd'hui, tous ici, les représentants d'une génération qui doit avoir le courage d'admettre qu'elle a scandaleusement gaspillé le produit du travail de celles qui l'ont précédée. Nous avons vécu dans une richesse, dans un faste et dans un esprit de dilapidation qui se sont encore aggravés par la dette que nous avons constituée et qui va peser sur les générations futures.

Je pense que nous avons le devoir, élus que nous sommes, d'empoigner sérieusement les problèmes auxquels nous sommes confrontés, si nous voulons restituer à nos héritiers une Genève qui ne soit pas devenue une province affadie et médiocre, mais qui ait gardé quelques-uns des traits auxquels nous sommes attachés. Ça n'est ni plus ni moins que ce défi qu'il s'agit de relever. En vous proposant, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale, nous vous demandons de prendre en main, avec courage, avec détermination, l'avenir que nous devons créer pour nous-mêmes et pour les autres ! (Applaudissements.)

Mme Vesca Olsommer (Ve). Pour nous, ce projet de loi est antipathique et dangereux !

Il est antipathique parce qu'au fond, malgré les longs développements sur lesquels il se fonde, il envoie un message implicite très clair à la population genevoise : «Laissez tomber la solidarité via l'Etat redistributeur, parce que l'Etat, lui, est gaspilleur; il jette l'argent par la fenêtre; de toute façon, il n'est pas suffisant de lui serrer la vis, il faut encore lui tordre le cou !».

Il est dangereux car, en raison de la crise sociale, les gens n'ont que trop tendance à se replier davantage sur eux-mêmes. Il est dangereux pour l'Etat social et écologique que, nous, nous voulons, parce que, avec vos 300 millions, plus les 100 millions des radicaux, plus les dizaines de millions du projet du Conseil d'Etat sur l'imposition des personnes physiques, on arrive à 5 ou 600 millions de francs de pertes de recettes fiscales dans un laps de temps relativement court. Je me demande bien comment on va pouvoir faire ces économies, alors que la commission des finances a toutes les peines à trouver quelques dizaines de millions de francs d'économies.

Jusqu'à maintenant, les libéraux avaient au moins la crédibilité d'être les gardiens de l'équilibre budgétaire : ils ont depuis creusé de fameuses chausse-trappes sous les pieds de leur conseiller d'Etat, M. Vodoz, proposant de réduire son budget de plusieurs centaines de millions de francs ! Je m'amuse encore en me rappelant ce que disait M. Basset dans son rapport de majorité, lorsque nous avons voté le budget 1996 : «Oui, nous pouvons être tranquilles, notre grand timonier tient la barre et nous devons l'aider à redresser les finances publiques !».

Ce projet de loi est dans la droite ligne de votre position continuelle à la commission fiscale : vous faites de la sous-enchère fiscale ! Vous proposez continuellement des baisses d'impôts, des baisses d'émoluments, sans jamais analyser ce qu'est une collectivité, quels sont ses besoins, ses spécificités. Vous, vous regardez les impôts des voisins et vous voulez baisser les nôtres par rapport à ceux des voisins. Eh bien moi je vous «fiche mon billet»... (Rires.) ...que, pour les prochaines élections cantonales vaudoises, il y aura bien quelques libéraux qui proposeront à leur tour de baisser les impôts pour garder les contribuables genevois ! Que fera-t-on à ce moment-là ? Faudra-t-il à nouveau baisser l'imposition des personnes physiques dans notre canton ?

Pour diminuer les charges, vous proposez, entre autres choses, la réduction du temps partiel. Nous ne voulons absolument pas que l'aménagement du temps de travail à l'Etat, temps partiel ou partage du travail, serve à autre chose qu'à embaucher.

Encore deux choses. Vous voulez relancer la consommation par une baisse d'impôts sans même examiner si les hauts revenus en ont besoin pour consommer. Eh bien, pour relancer la consommation, il faut commencer par ne pas baisser les salaires; il faut cesser de parler de flexibilisation du travail; il faut arrêter de licencier - pour le bénéfice des actionnaires - car cela fait peur à la population. Pour que les gens n'aient plus peur, il faut tout simplement qu'ils puissent compter sur un salaire adéquat. C'est de cette manière que la consommation peut être relancée !

Pour finir, et en dernier lieu, on peut se demander s'il n'y a pas une incohérence entre vos projets de lois et ceux des radicaux. En effet, vous dites que vous voulez relancer l'économie par la consommation; les radicaux, eux disent - M. Kunz l'a dit à plusieurs reprises - que la politique de relance par la consommation est un échec, et qu'il faut aider les entreprises. Etes-vous réellement incohérents ou, plutôt, avez-vous conclu un accord tout à fait machiavélique selon lequel vous voulez priver l'Etat de ses moyens en prenant des mesures à court terme - les vôtres, Messieurs les libéraux ! - avec des mesures à plus long terme - celles des radicaux ? Tout cela sans examiner ce que cela va coûter concrètement, mais aussi en termes de détresse humaine, aux institutions sociales et à la santé.

En tout cas, nous ne voulons pas de ce projet de loi ! (Applaudissements.)

M. Daniel Ducommun (R). Malgré l'habilité verbale et les arguments d'éloquence de Michel Halpérin, nous n'avons pas à cacher - et confirmons en cela nos propos antérieurs - que ce projet de loi, relatif à une baisse de 15% de l'impôt sur les personnes physiques, est déraisonnable !

Oui, Madame Olsommer, c'est vrai, nos cousins libéraux nous ont habitués à plus de cohérence dans leur démarche ! Déclarer haut et fort que la mission incontournable et prioritaire est le redressement des finances publiques - mission que nous avons partagée - entendre le conseiller d'Etat, Olivier Vodoz, déclarer que faute de moyens ce redressement est reporté de deux, voire trois ans et, parallèlement, vouloir enlever 300 à 350 millions de substance supplémentaire : oui, cela nous laisse songeurs ! Sachant que c'est dans la différence que souvent les forces se rassemblent, ce malheureux épisode ne devrait pas affecter l'unité de vue que nous entretenons, en général, sur les grands axes de préoccupations de notre société.

Pour revenir au projet, deux éléments de référence ne peuvent pas avoir notre agrément.

D'une part, nous ne croyons pas à une relance de la consommation par la fiscalité dans le cadre d'une économie locale. Evitons de comparer Genève au Japon, aux Etats-Unis, ou encore à la France. Notre masse critique est insuffisante, et le climat de morosité et d'incertitude devant un marché globalisé ne peut qu'entraîner une augmentation de l'épargne, échappant ainsi aux circuits économiques de relance.

D'autre part, et par souci d'équité, une absence nouvelle de recettes de l'ordre de 300 à 350 millions doit impérativement être liée à une proposition de réduction de dépenses équivalente. Sur ce point, l'exposé des motifs reste discret. Quelles références à l'audit faites-vous, Monsieur Halpérin ? Devons-nous supporter la baisse des salaires de la fonction publique, l'abandon de prestations sociales ou le retrait de subventionnement ? La piste du partage du travail lié à une baisse de rémunération est un coup d'épée dans l'eau, car la baisse de fiscalité s'annule par une baisse du pouvoir d'achat.

Bref, il nous faut déterminer, Mesdames et Messieurs, la suite à donner. A cet effet, je ne peux pas vous offrir - à regret - l'enthousiasme du groupe radical. Je suis personnellement un fervent défenseur du dialogue. Le fait de ne pas renvoyer ce projet à la commission fiscale, alors que nous avons renvoyé à cette même commission un projet de loi socialiste doublant l'impôt de certaines sociétés, me paraît choquant.

C'est la raison pour laquelle je vous invite à soutenir le renvoi à la commission fiscale de ce projet, qui rejoindra trois ou quatre autres projets, notamment le projet qui suit : celui du groupe radical.

M. Bénédict Fontanet (PDC). A mon grand regret, je vais devoir contrarier mon excellent collègue Michel Halpérin. Nous voulons tous payer moins d'impôts - je ne connais personne dans cette salle qui apprécie de devoir régler sa facture mensuelle, s'agissant de l'impôt cantonal... (Remarques.) Il y a des masochistes parmi nous; je suis content d'apprendre que certains sont heureux de le faire ! Malgré tout cela reste parfois douloureux.

Mais l'idéal, Monsieur Halpérin, serait de ne plus du tout payer d'impôts sur le revenu. Nous serions tranquilles et tout irait bien. 15% : pourquoi pas ? 20% : c'est mieux ! 30% : pourquoi pas non plus ? Et, tant qu'on y est, autant y aller gaiement et joyeusement ! (Rires.)

Où trouver les 300 millions, Monsieur Halpérin, que votre projet de loi nous propose d'économiser. Vous nous avez donné quelques pistes, dont certaines résultent de l'audit d'Arthur Andersen, qui souligne des points intéressants. Il est vrai aussi - je suis d'accord avec vous - que notre canton est aujourd'hui trop cher et que cela décourage parfois des personnes à s'y installer. Je le reconnais d'autant plus volontiers que cela fait partie de mes activités. Mais, d'un autre côté, prétendre que cette baisse de la fiscalité sera compensée par une relance de la consommation et que cela permettra de récupérer la manne fiscale qui nous échappe par un autre biais ne m'apparaît tout simplement pas réaliste.

M. Reagan, voici quelques années, s'y était essayé : il avait baissé massivement les impôts et il avait dramatiquement creusé les déficits.

Une voix. Ça a réussi !

M. Bénédict Fontanet. Cela n'a absolument pas réussi ! Si vous relisez les articles concernant la politique américaine de l'époque, vous pourrez le constater.

Les pistes relatives à la relance par la consommation ne m'apparaissent donc pas raisonnables ni réalistes. Il faudra donc nous dire dans quel domaine il convient de faire des coupes, car c'est bien de cela dont il s'agit en réalité. A ce sujet, nos amis libéraux ne sont pas très diserts parce que la seule solution pour faire des économies rapidement, compte tenu de la structure du budget de l'Etat, et être efficaces - je n'imagine pas un seul instant que vous vouliez creuser les déficits, compte tenu de la vigilance de notre grand argentier, Olivier Vodoz - c'est de faire des coupes dans les budgets sociaux. Pour nous, démocrates-chrétiens, cela n'est pas admissible !

Nous sommes d'accord pour que notre Etat dépense mieux et moins. Nous sommes également d'accord, bien sûr, pour considérer que nous payons malheureusement trop d'impôts, mais nous ne sommes pas d'accord de priver brutalement l'Etat de recettes au détriment, en fin de compte, des plus démunis d'entre nous. Nous ne sommes pas d'accord non plus de baisser brutalement les impôts avant que le déficit... (L'orateur est gêné par M. Vaucher.) Permettez, Monsieur Vaucher, que je termine mon intervention ! Acceptez-le, ne serait-ce que deux minutes encore ! Il ne nous apparaît pas admissible que les impôts soient baissés brusquement avant que les déficits ne soient résorbés, dans le respect du plan quadriennal, du plan de redressement des finances cantonales, dont l'échéance a malheureusement été repoussée, plan voulu par la majorité de ce Grand Conseil, ainsi que par le Conseil d'Etat.

Toute autre attitude sur le plan politique ne serait pas responsable. Cela étant, nous ne nous opposerons pas non plus, comme le groupe radical, au renvoi de ce projet de loi à la commission fiscale. En effet, il sera intéressant d'examiner certains problèmes comme celui du départ ou du non-départ des plus aisés des contribuables. On entend au sujet du départ d'un certain nombre de citoyens fortunés de notre canton beaucoup de chiffres contradictoires. D'aucuns nous disent que l'exode est dramatique; d'autres que tel n'est pas le cas. Il serait intéressant de savoir ce qu'il en est réellement.

S'agissant de la proportion de résidents/non-résidents, en ce qui me concerne, je ne la lierai pas à la problématique de la fiscalité. Elle est très largement due à une politique d'aménagement du territoire qui n'était pas - me semble-t-il - tout à fait adéquate dans les années 80, plus qu'à une question stricte de fiscalité.

Cela dit, ces problèmes méritent d'être examinés, mais je ne crois pas qu'ils puissent trouver leur réponse dans le projet qui nous est soumis ce soir.

Mme Micheline Calmy-Rey (S). Il y a longtemps que les analyses économiques effectuées par les libéraux sont très ponctuellement et très généralement à côté de la plaque !

Aussi, vous ne vous étonnerez pas des deux remarques critiques que je me propose de faire. (Brouhaha.)

La présidente. Je vous demande un peu de silence, s'il vous plaît !

Mme Micheline Calmy-Rey. D'entrée de cause, je ferai un sort à votre principal argument : je veux parler de l'exode des contribuables aisés.

Vous dites que les contribuables aisés sont partis ou vont partir, et que nous allons nous retrouver dans une situation difficile. Or, Mesdames et Messieurs les libéraux, les hauts revenus sont de plus en plus nombreux à Genève. Ce qui pose problème, aujourd'hui, ce n'est pas tant le haut de la pyramide que le bas. La pyramide des revenus s'élargit à sa base, ce qui est significatif d'une croissance des inégalités, d'une extension du chômage et des situations de pauvreté.

Vos propositions ont l'immense désavantage, de ce point de vue, d'aggraver encore les inégalités, puisqu'elles favorisent, en termes d'économies d'impôts, les revenus les plus élevés. Ainsi, pour chacun des six cent soixante-quatre contribuables déclarant plus de 500 000 F de revenu par année, elles représenteront une économie d'impôts de 70 000 F par an.

La doctrine libérale affirme l'utilité de la concentration de la richesse, ce que vous venez de faire avec une grande orthodoxie : s'il y a davantage de riches - selon le dogme - on épargne et on investit davantage.

C'est une assertion correcte - je le reconnais volontiers - mais le problème est qu'aujourd'hui, à Genève et en Suisse, ce n'est pas tellement d'épargne dont nous avons besoin. L'épargne interne est suffisante, le flux de capitaux étrangers aussi, mais ce qui pose problème - de l'avis général et, parmi eux, d'économistes distingués - c'est la consommation des ménages. Or vous nous dites, dans votre exposé des motifs, qu'il va de soi que la plus grande partie de l'économie réalisée par les contribuables, si votre projet de loi entrait en vigueur, serait affectée à la consommation. Eh bien, précisément cela ne tombe pas sous le sens ! Le taux de consommation des revenus élevés se situe aux environs de 50%, alors que le taux de consommation des revenus beaucoup plus modestes atteint 100%, voire les dépasse.

Alors, si votre objectif était réellement de relancer l'économie par la consommation, vous auriez dû cibler vos économies d'impôts, vos avantages fiscaux, vos 15% sur les revenus modestes, sur les salariés, sur les retraités, sur les petits revenus !

Je comprends que vous favorisiez vos électeurs et vos contribuables aisés, mais ne venez pas nous dire, la main sur le coeur, qu'il s'agit là de relance économique !

Deuxième remarque : votre projet aggravera à terme le déficit de l'Etat de quelque 300 millions de francs, et, comme plusieurs personnes l'ont dit avant moi, il est clair que vous ne proposez pas de solution pour boucher ces trous. Comment ? Qui ? On ne sait rien !

M. Halpérin nous a fait tout à l'heure une déclaration selon laquelle, il conviendrait d'appliquer les propositions de l'audit, et on économiserait ainsi 180 millions de francs. Monsieur Halpérin, c'est tout de même un peu irréfléchi, parce que les mesures proposées dans l'audit ne sont pas opérationnelles immédiatement, et, de plus, on ne sait pas si elles seront applicables politiquement !

C'est tellement léger que vous vous montrez très discrets, complètement silencieux, dans votre exposé des motifs, sur la façon dont on rétablira l'équilibre des finances publiques. Deux hypothèses peuvent être avancées pour explication :

La première : il s'agit d'une incroyable légèreté de la part d'un parti gouvernemental qui, de plus, a un conseiller d'Etat en charge du département des finances publiques ayant affirmé que sa priorité était le rétablissement des finances publiques. Cette interprétation pourrait trouver quelque crédibilité dans ce qu'on a entendu dire des divergences au sein du parti libéral à l'égard de ce projet de loi. Je vous avouerai franchement que je n'y crois guère. Je suis présidente de parti et je sais comment se prennent les décisions à l'intérieur des partis, et il ne me paraît absolument pas vraisemblable qu'un projet de loi en arrive au stade de la conférence de presse alors que la moitié du parti et la totalité des conseillers d'Etat le représentant y sont opposées.

Je privilégie donc une deuxième hypothèse : vous êtes d'accord pour le déposer, mais vous n'osez pas dire vos objectifs ! En effet, ce projet de loi, qui diminue très fortement les recettes de l'Etat, comporte un avantage incommensurable, d'après vous : il fait une forte pression sur le Conseil d'Etat et sur le parlement, dans le sens d'une diminution des dépenses, mais, plus encore, dans le sens de la modification de la structure des dépenses de l'Etat. De ce point de vue, ce projet de loi sert toute la droite, y compris les partis de l'Entente qui ont affirmé tout à l'heure, la bouche en coeur, qu'ils ne sont pas d'accord avec vous, mais qui présentent, par ailleurs, des projets de lois diminuant également très sensiblement les recettes fiscales ! (M. Dupraz interpelle l'oratrice.)

Ce projet, Monsieur Dupraz, est un coup de pub ! On a eu droit au bonus/loyer; aujourd'hui on a droit au bonus/impôt ! Mais il y a plus grave que cette plaisanterie : vous jouez à faire peur avec le déficit de l'Etat; vous vous réjouissez de l'incertitude financière dans laquelle vous plongez les contribuables et les habitants du canton de Genève. Vous vous réjouissez que plus aucun projet d'amélioration sociale ne puisse voir le jour et que plus aucun projet novateur n'ait droit de cité dans cette République !

Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste n'adhère ni à votre manière de faire de la politique ni à votre idéologie financière.

M. Bernard Clerc (AdG). Il nous faut remercier le parti libéral d'exposer le fond de sa vision politique au travers de ce projet de loi. Celles et ceux, parmi les autres composantes de la majorité, qui feignent sur cette question de se démarquer de la politique libérale, n'ont tout simplement pas le courage d'affirmer tout haut ce qu'ils souhaitent en privé !

Nous ne pensons pas que l'essentiel de la proposition libérale se résume à une manoeuvre préélectorale s'appuyant sur une démagogie anti-impôts. Ce projet est d'une tout autre nature que le fameux bonus/loyer présenté il y a huit ans et resté dans les oubliettes. Ce projet participe d'une volonté politique clairement affirmée de réduction du rôle de l'Etat, et est en parfaite harmonie avec la logique néolibérale défendue par les milieux patronaux de notre pays. Il est - si j'ose dire - dans la droite ligne des propositions visant la suppression de l'impôt fédéral direct que, Mesdames et Messieurs les libéraux, vous soutenez par ailleurs !

Merci pour votre clarté et votre franchise ! (Exclamations.) Vous nous démontrez que votre préoccupation première n'est pas la réduction du déficit de l'Etat, comme vous le proclamez depuis plusieurs années et comme semblait le dire votre programme gouvernemental.

Avec votre projet, vous faites d'une pierre trois coups :

1) La réduction d'impôts que vous proposez est évidemment un cadeau magnifique aux contribuables les plus aisés du canton. En effet, vous n'ignorez pas que la progressivité de la courbe fiscale fait qu'une réduction linéaire de 15% profiterait à ceux qui sont davantage imposés. Un contribuable payant 100 000 F d'impôt cantonal sur le revenu économiserait 15 000 F. Celui qui paye 10 000 F économiserait 1 500 F.

Mais vous ne dites rien des vingt-six mille contribuables qui ne sont pas imposables, parce que leurs revenus sont inférieurs au seuil d'imposition - c'est-à-dire qui vivent, pour la plus grande majorité d'entre eux, dans la pauvreté - et qui ne bénéficieraient pas de vos largesses !

2) En aggravant le déficit cantonal de plus de 300 millions, vous apportez de l'eau au moulin à votre discours sur les privatisations et la nécessité de réduire les prestations de l'Etat. Vous avez fort bien compris qu'il est plus facile de limiter le rôle de l'Etat en le privant de recettes que d'agir seulement au niveau des dépenses. De fait, revenir à un équilibre des comptes ne vous arrangerait pas ! Pour avoir une idée de ce que représente cette réduction d'impôts, on peut la comparer au coût de l'enseignement primaire : 325 millions, ou encore à celui de l'aide aux personnes âgées et invalides : 350 millions.

A noter que vos calculs ne tiennent pas compte des diminutions de recettes fiscales pour les communes que l'on peut évaluer à 100 millions et qui, elles aussi, devraient supprimer des emplois et réduire leurs prestations.

3) En proposant de diminuer les salaires à l'Etat de 5% pour compenser une partie de la baisse des rentrées fiscales, vous prolongez votre offensive sur les salariés de la fonction publique et, surtout, vous participez au mouvement général de baisse des salaires dans le privé.

Voilà pour l'essentiel de vos objectifs. Mais nous ne pouvons laisser passer sans autre un certain nombre d'arguments que vous évoquez dans l'exposé des motifs. Votre leitmotiv selon lequel la charge fiscale en Suisse, et à Genève en particulier, est trop élevée ne résiste pas à l'analyse. Si vos arguments étaient fondés, nous pourrions dire, en caricaturant, que Genève ne devrait plus compter de contribuables aisés : tous seraient allés s'établir là où les impôts sont les plus faibles !

Et pourtant, les contribuables déclarant un million et plus de fortune n'ont pas cessé d'augmenter ces dernières années. La part de la masse imposable déclarée par les contribuables qui se trouvent en haut de l'échelle d'imposition est, elle aussi, en progression.

De manière plus globale, il faut rappeler que, rapportée au produit intérieur brut, la charge fiscale en Suisse s'élevait à 33,2% en 1993, alors que la moyenne des pays de l'OCDE était supérieure à 38%. Ainsi la Suisse se situe au quatorzième rang sur les dix-huit pays de l'OCDE.

Quant au poids de l'Etat, dont vous ne cessez, en compagnie de votre ami Kunz, de nous rebattre les oreilles, il faut savoir que les dépenses courantes de l'ensemble des administrations publiques en Suisse représentaient 37,9% du produit intérieur brut entre 1990 et 1994, soit 7,5% de moins que la moyenne de l'OCDE pour la même période.

Cela ne vous empêche pas d'annoncer que votre projet de réduction d'impôts est une étape et que vous souhaitez réduire la charge fiscale à hauteur de celle de Zurich, puis de Zug.

Un autre de vos arguments consiste à affirmer que la réduction d'impôts serait un facteur de relance. Vous en êtes tellement convaincus que vous parvenez même à chiffrer à 150 millions les recettes supplémentaires ! Comment faites-vous pour arriver à ce montant ? Là, c'est le mystère le plus absolu !

La baisse de la consommation, que nous constatons depuis le début de la crise, est essentiellement liée à l'insécurité ressentie par les ménages en raison du marché de l'emploi. C'est le facteur fondamental. Je peux vous garantir que, pour les petits et moyens revenus, la plus grande partie des montants économisés sur le plan fiscal alimentera l'épargne par crainte de l'avenir. Par contre, pour les autres, cet argent s'investira dans des produits financiers à fort rendement et non directement productifs. Voilà les effets de votre soi-disant relance !

L'absence de lien entre le niveau de la fiscalité et la croissance a été démontrée. Ainsi la Suisse et la Suède ont des taux de croissance plutôt faibles sur la période 1970/1994, alors que la Suède a une charge fiscale largement supérieure à la nôtre.

Autre exemple, l'Allemagne dont la fiscalité est plus élevée que celle des Etats-Unis enregistre pour la même période une croissance plus forte. Quant au Japon, qui a la même charge fiscale que les Etats-Unis, il enregistre une croissance de moitié plus élevée. Comment pouvez-vous, dès lors, affirmer l'existence d'un lien entre la fiscalité et la croissance ?

La présidente. Je vous rappelle que nous sommes en préconsultation, Monsieur Clerc ! J'aimerais que vous concluiez.

M. Bernard Clerc. Oui, je termine ! Je remarque simplement que M. Halpérin a également dépassé les 6 minutes.

La présidente. Vous aussi, Monsieur ! Cela fait 7 minutes 22 que vous parlez ! Chacun aura eu 7,5 minutes.

M. Bernard Clerc. Je termine, Madame la présidente !

Mesdames et Messieurs les députés, le projet libéral n'a pas d'autre but que d'accélérer le processus de démantèlement des services publics. Le rôle des parlementaires devrait être de défendre et de développer ces services publics en fonction des besoins manifestés par la population.

Nous n'avons pas pour habitude de rejeter d'emblée un projet sans le renvoyer en commission. Cependant, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui est à tel point inacceptable dans son orientation que nous demandons la discussion immédiate sous la forme d'un appel nominal. (Appuyé.)

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Me voilà une fois de plus devant vous pour un débat difficile. En toute objectivité, je vous dirai ce que le Conseil d'Etat et par conséquent moi-même en pensons, ma probité m'obligeant, Madame Calmy-Rey, une fois de plus à vous démentir.

Mesdames et Messieurs les députés, les quelques considérations que j'entends faire sont valables pour l'ensemble des projets de lois sur la fiscalité qui sont à votre ordre du jour aujourd'hui, y compris celui du Conseil d'Etat consacré à l'importante réforme de l'imposition des personnes physiques. Et nous avons dit très clairement, dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, que poser le dilemme entre augmentation et baisse de la fiscalité revient à définir les limites de l'exercice proposé dans un contexte dans lequel la situation des finances publiques empêche une décrue des recettes fiscales et la situation économique générale entraîne une opposition à toute hausse de l'impôt.

Mesdames et Messieurs les députés, la fiscalité des personnes physiques à Genève était considérée comme supportable, lorsque tout allait bien pour chacun, que notre économie générait emplois et profits et que la concurrence n'était pas aussi vive et acharnée qu'aujourd'hui, tant sur le plan national qu'international. Elle est considérée aujourd'hui, en termes de comparaison, sur le plan national, comme lourde ou trop lourde pour les revenus moyens et élevés, alors qu'elle est - et ce n'est que justice - la plus sociale de Suisse, s'agissant des bas revenus.

Il faut cependant toujours mettre en regard de la charge fiscale les prestations offertes et, de ce point de vue-là, Genève est championne toutes catégories. C'est la raison pour laquelle sur le plan national, en termes de comparaison internationale avec des pays offrant de semblables prestations, la fiscalité suisse se situe dans la bonne moitié des pays de l'OCDE.

Aujourd'hui cependant - et c'est là ma plus grande inquiétude - dans notre pays, le financement des prestations, notamment sociales, nationales et locales, et d'une manière générale les tâches de l'Etat, devient de plus en plus problématique. Nous devons donc rechercher de nouvelles formes de financements qui n'alourdissent pas les charges qui pèsent sur les actifs ou sur les entreprises. L'imposition du travail, sur lequel est fondé toute la fiscalité depuis près d'un siècle, a atteint ses limites. Et la compétitivité interdit l'accroissement de celle des entreprises.

Comment, dès lors, financer les tâches de l'Etat au-delà des gains que l'on pourrait peut-être encore réaliser par une meilleure gestion de l'Etat ? Les projets qui nous sont soumis aujourd'hui sont fondés, Mesdames et Messieurs les députés, sur un pari. Ô certes pas le pari de Pascal ! Ce pari est le suivant : baisser la fiscalité des personnes physiques et/ou des personnes morales, et notre activité s'accroîtra et permettra de dégager ainsi de nouvelles recettes. Ce débat a lieu en France et en Allemagne, et, en l'état, il démontre qu'entre l'idée et la réalité les objectifs contradictoires des gouvernements, notamment pour ceux qui doivent atteindre les critères de Maastrich, la solution - c'est le moins que l'on puisse dire - n'est pas encore trouvée et que les arbitrages sont difficiles à faire.

La difficulté complémentaire réside dans le fait que ces mesures sont totalement contradictoires si l'on tient compte du court et moyen terme - jusqu'à cinq ans - ou du long terme. Les objectifs sont, en effet, à court et moyen terme - je le dis et le répète ici très clairement, et j'aimerais que Mme Calmy-Rey l'entende une fois encore, car elle n'a toujours pas compris ! - incompatibles avec le redressement des finances qui reste, pour le Conseil d'Etat - et pour moi qui ai la charge des finances - la priorité numéro un dans ce canton.

Vu l'ampleur de nos déficits de fonctionnement, il nous paraît impossible de réduire substantiellement la fiscalité en l'état. La première des priorités c'est donc le redressement de nos finances, non pas comme une fin en soi mais au motif - vous le savez bien - que notre dette de fonctionnement alourdit très considérablement notre dette globale. Les déficits de fonctionnement de 1989 à 1995 représentent un montant total de 2,6 milliards et dépasseront les 3 milliards à la fin de la législature. En outre, il ne faut pas que l'accroissement annuel des intérêts de la dette soit supérieur à l'accroissement des recettes, car, alors, on se retrouverait dans la spirale du surendettement qui est absolument diabolique pour les collectivités publiques et qui appauvrissent l'Etat, année après année - lorsqu'on se trouve dans cette spirale - et l'oblige à réduire les prestations qu'il doit servir.

Il est déjà difficile d'assurer le redressement de nos finances cantonales sans augmenter la fiscalité, au-delà de la non-indexation des barèmes fiscaux. Ne compromettez pas à court et moyen terme nos efforts avant que le retour à l'équilibre n'ait été retrouvé, ce d'autant qu'il nous faudra, si l'on veut toujours un Etat fort, amortir les lourdes dettes de fonctionnement que nous aurons accumulées pendant toutes ces années de déficit !

Si, après discussion et analyse devant les commissions, vous deviez considérer que le pari vaut la peine d'être pris, alors, Mesdames et Messieurs les députés, il faudra que, simultanément, vous disiez clairement les tâches qu'il faudra réduire ou supprimer - outre ce que nous faisons déjà - et ce quels que soient les gains encore à réaliser sur la gestion de l'Etat.

D'ailleurs - et vous le savez bien - 80% de nos dépenses du compte de fonctionnement sont des dépenses dites «liées», c'est-à-dire dépendantes des lois que vous avez votées. Il faudra donc modifier les lois si l'on veut aboutir à maintenir notre effort pour rééquilibrer nos finances, au-delà des gains éventuels à réaliser.

L'expérience nous enseigne que l'on trouvera facilement, dans la population, une majorité favorable à la baisse des impôts, mais on trouvera tout aussi facilement une majorité pour s'opposer à la modification des prestations. Dans ce cadre, et avec le résultat que nous avons déjà connu d'ailleurs à plusieurs reprises, lors de la précédente législature et cette législature, nous nous retrouverions alors dans une impasse que, pour sa part, le Conseil d'Etat refusera.

Ce débat, enfin, est rendu encore plus difficile lorsque, au-delà des positions strictement politiques, il s'agit de l'aborder concrètement, tout particulièrement à une époque où l'avenir n'est pas encore parfaitement discernable.

C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat ne saurait s'opposer à ce que vous ayez effectivement un débat important sur ces thèmes en commission, portant tant sur les projets d'allégement de la fiscalité des personnes physiques que celle des personnes morales. Mais le Conseil d'Etat vous dit clairement qu'il entend poursuivre ses efforts pour redresser les finances malgré les difficultés auxquelles une telle politique l'expose. (Applaudissements.)

La présidente. Nous allons donc voter, par appel nominal, sur la discussion immédiate de ce projet.

M. Pierre-Alain Champod (S). Le parti socialiste est généralement opposé aux discussions immédiates, car nous estimons que tout projet mérite d'être étudié en commission.

Toutefois, dans le cas qui nous intéresse ce soir, nous soutiendrons la discussion immédiate. Il nous semble effectivement que ce projet est suffisamment éloigné de ce qui peut être considéré comme étant un projet raisonnable, pour ne pas le renvoyer en commission. Il n'est en effet vraiment pas raisonnable de proposer une baisse d'impôts, alors que le revenu minimum pour les chômeurs est bloqué et les prestations de l'OCPA aussi !

C'est pour ces raisons qu'à titre tout à fait exceptionnel le groupe socialiste soutiendra la discussion immédiate.

M. Bernard Clerc (AdG). Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le vote sur la discussion immédiate permettra à chacune et à chacun de donner son orientation de fond.

J'ai été particulièrement surpris d'entendre les représentants du parti démocrate-chrétien et du parti radical dire de ce projet qu'il était totalement déraisonnable, dangereux pour les finances publiques et, tout à coup, décider de le renvoyer en commission. Pour quoi faire ? Pour continuer à le trouver déraisonnable ? Pour dire qu'il est dangereux pour les finances publiques ? Pourquoi ?

Je considère, comme mon groupe, que le vote sur la discussion immédiate représentera une option politique précise visant à soutenir un démantèlement de l'Etat à travers une réduction de la fiscalité. Le parti radical et le parti démocrate-chrétien doivent prendre leurs responsabilités !

La présidente. J'ai annoncé le vote sur la discussion immédiate. Nous reprendrons le débat ensuite, parce qu'il n'y a pas de débat avant la décision. Il y a divergence au Bureau, car il n'est pas prévu dans le règlement que l'on puisse discuter avant.

Nous passons à l'appel nominal sur la discussion immédiate. Je ne donne plus la parole à personne ! En faisant un débat sur le principe de la discussion immédiate, il me semble que l'on entre dans le fond.

Si chacun veut s'exprimer «strictement» sur la discussion immédiate, je veux bien redonner la parole, mais uniquement sur ce point !

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Comme vous le savez, les Verts n'ont jamais demandé ni voté la discussion immédiate sur un projet devant ce Grand Conseil. Nous nous réjouissons aujourd'hui de faire une exception...

Des voix. Ah !

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus. ...en signe de désapprobation de tous les propos qui ont été tenus sur le fond. Puisque je ne peux m'exprimer que sur la discussion immédiate, nous la voterons !

M. Bénédict Fontanet (PDC). M. Clerc est trop intelligent pour ne pas avoir compris la raison pour laquelle nous entendons renvoyer ce projet en commission. Nous nous en sommes expliqués; peut-être ne nous avez-vous pas entendu, Monsieur Clerc, ou mal entendu !

Puisque vous nous avez interpellés, la problématique est extrêmement simple : les problèmes posés par M. Halpérin et les interrogations soulevées par son projet sont, dans un certain sens, légitimes; les solutions qu'il entend y apporter non ! Alors tout cela, Mesdames et Messieurs les députés, nous invite à nous pencher sur la problématique du niveau de la fiscalité à Genève en commission, comme sur celle des inactifs, des actifs, respectivement sur celle des pendulaires et des gens qui, tout en travaillant dans le canton, habitent à l'extérieur.

Monsieur Clerc - ne vous en déplaise - ces sujets sont intéressants et méritent d'être étudiés ! C'est la raison pour laquelle nous voterons le renvoi en commission de ce projet.

Evidemment, vous préférez les choses binaires : ce qui est noir ou blanc - le noir ne me déplaît pas forcément ! Dans ce Grand Conseil, des députés pensent un peu différemment de vous, un peu différemment des libéraux, souffrez-le, même si je conçois que votre conception binaire de la société ne vous permet pas de le comprendre facilement !

Nous vous inviterons donc, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer ce projet de loi en commission et à ne pas calquer votre position sur celle de l'Alliance de gauche, comme semblent vouloir le faire, par dépit, le groupe socialiste, respectivement les Verts !

M. Nicolas Brunschwig (L). Nous assistons aujourd'hui, partout en Europe et dans certains autres pays occidentaux, à ce débat... (Exclamations et vacarme.)

La présidente. Un peu de silence, s'il vous plaît ! Parlez sur le point de la discussion immédiate, Monsieur Brunschwig !

M. Nicolas Brunschwig. Madame la présidente, permettez-moi d'exprimer mon opinion sur la discussion immédiate !

La présidente. Je vous laisse continuer !

M. Nicolas Brunschwig. Certains se prévalent de ne jamais accepter le principe de la discussion immédiate, pourtant, ils l'acceptent ce soir. Sans doute parce que le projet est trop important pour eux... (Manifestations. Exclamations.) ...et qu'ils ne veulent pas aborder ces questions fondamentales !

Mesdames et Messieurs les députés, les entreprises vont mal !

Mesdames et Messieurs, nous avons le niveau de fiscalité le plus élevé de Suisse !

Mesdames et Messieurs, nous avons les dépenses par habitant les plus élevées de Suisse ! (Exclamations. Vacarme.)

La présidente. Laissez le député s'exprimer s'il vous plaît !

M. Nicolas Brunschwig. Voilà trois bonnes raisons qui doivent amener notre parlement à débattre de ce sujet important, à la fois sur le fond et les modalités - ces dernières sont importantes également, même si nous n'avons pas eu beaucoup le temps d'en discuter ce soir.

C'est la raison pour laquelle nous soutenons le renvoi en commission de ce projet de loi.

M. Jean Spielmann (AdG). Dans le cadre de cette discussion immédiate, je rappelle ce qui suit à ce Grand Conseil :

Tout d'abord le parti libéral qui propose une baisse d'impôts va probablement voter dans les semaines qui suivent... (Brouhaha et Remarques.)

La présidente. Monsieur Spielmann, j'aimerais que vous parliez de la discussion immédiate, et rapidement !

M. Jean Spielmann. C'est ce que je fais ! Pourquoi le parti libéral refuse-t-il la discussion immédiate et demande-t-il le renvoi en commission ? Parce qu'il va voter des augmentations d'impôts avec le budget... (L'orateur est interpellé.) C'est vous qui avez voulu la progression à froid ! Le budget prévoit de la rétablir et, par conséquent, d'augmenter les impôts de la population. Mais pour vous dédouaner...

Des voix. Ouh !

M. Jean Spielmann. ...vous votez un projet de loi de baisse des impôts que vous savez inapplicable, avec la complicité de vos amis pour conduire une opération électoraliste de bas étage !

La présidente. L'appel nominal ayant été demandé, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent la proposition de discussion immédiate sur ce projet répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.

Cette proposition est rejetée par 49 non contre 40 oui et 5 abstentions.

Ont voté non (49) :

Bernard Annen (L)

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Claude Basset (L)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Hervé Burdet (L)

Anne Chevalley (L)

Jean-Claude Dessuet (L)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

Jean-Luc Ducret (DC)

Michel Ducret (R)

Henri Duvillard (DC)

Catherine Fatio (L)

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Henri Gougler (L)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Elisabeth Häusermann (R)

Claude Howald (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Pierre Kunz (R)

Claude Lacour (L)

Gérard Laederach (R)

Armand Lombard (L)

Olivier Lorenzini (DC)

Pierre Marti (DC)

Michèle Mascherpa (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Vérène Nicollier (L)

Jean Opériol (DC)

Barbara Polla (L)

David Revaclier (R)

Martine Roset (DC)

Micheline Spoerri (L)

Jean-Philippe de Tolédo (R)

Pierre-François Unger (DC)

Olivier Vaucher (L)

Jean-Claude Vaudroz (DC)

Michèle Wavre (R)

Ont voté oui (40) :

Jacques Boesch (AG)

Fabienne Bugnon (Ve)

Matthias Butikofer (AG)

Micheline Calmy-Rey (S)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Claire Chalut (AG)

Pierre-Alain Champod (S)

Liliane Charrière Urben (S)

Sylvie Châtelain (S)

Bernard Clerc (AG)

Jean-François Courvoisier (S)

Anita Cuénod (AG)

Laurette Dupuis (AG)

René Ecuyer (AG)

Christian Ferrazino (AG)

Luc Gilly (AG)

Alexandra Gobet (S)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Christian Grobet (AG)

Dominique Hausser (S)

David Hiler (Ve)

Liliane Johner (AG)

Sylvia Leuenberger (Ve)

René Longet (S)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve)

Pierre Meyll (AG)

Laurent Moutinot (S)

Chaïm Nissim (Ve)

Vesca Olsommer (Ve)

Danielle Oppliger (AG)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Jean-Pierre Rigotti (AG)

Andreas Saurer (Ve)

Max Schneider (Ve)

Jean Spielmann (AG)

Evelyne Strubin (AG)

Claire Torracinta-Pache (S)

Pierre Vanek (AG)

Yves Zehfus (AG)

Se sont abstenus (5) :

Roger Beer (R)

John Dupraz (R)

Jean-Claude Genecand (DC)

Philippe Schaller (DC)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Etaient excusés à la séance (4) :

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Hervé Dessimoz (R)

Erica Deuber-Pauli (AG)

Marlène Dupraz (AG)

Etait absent au moment du vote (1) :

Bernard Lescaze (R)

Présidence :

Mme Christine Sayegh, présidente.

Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.